samedi 21 novembre 2009

Pour Thierry et Antoine

Cher Thierry et cher Antoine,

Merci à tous les deux de me lire avec tant de sym-pathie, tant d'attention.

A Thierry, je dirai que je suis tout à fait d'accord avec la distinction qu'il fait entre la foi et la culture. Il y a encore en France des millions de gens qui sont de culture catholique et qui, comme votre motard, ne trouvent pas leur compte dans l'Eglise, soit à cause de la bêtise de certains paroissiens qui aimeraient tant garder le Bon Dieu pour eux (illustration curieuse du ressentiment décrit par Nietzsche et dont Nietzsche était d'ailleurs le premier à souffrir), soit à cause du caractère trop souvent stéréotypé et donc insatisfaisant de l'enseignement d'une Eglise qui a préféré le psittacisme conciliaire à l'intelligence catholique, soit encore parce que l'Eglise, désirant garder ses ouailles dans des communautés froides comme le Groenland, instaure, pour tout, un examen ou une préparation (si votre copain n'est pas trop loin de Paris, il peut toujours venir me voir ou m'appeler 06 15 10 75 82). Ne croyez pas que vous soyez le seul à souffrir de ces étroitesse boutiquières.

Beaucoup d'autres fidèles, des prêtres aussi en grand nombre sont scandalisé de ce petit esprit de propriétaires du bon Dieu, qui se manifeste, de manière différentes dans toutes les tendances catholiques. L'abbé Laguérie, inaugurant l'église Saint Eloi, il y a quelques années déjà, a fait un prêche tonitruant contre toutes ces manières de cacher le Christ à ceux qui le cherchent, cette focalisation des rombières sur les décolletés (on se demande bien pourquoi ça les intéresse ou plutôt non: on ne se le demande pas...), mais aussi cet esprit sectaire qui met"la communauté chrétienne" (ou la communion, c'est souvent la même chose dans ce langage antithéologique qui est devenu langage courant dans l'Eglise) au dessus de la recherche de la vérité. Voyez la parabole du Pharisien et du Publicain et vous saurez que ce ne date pas d'hier. Le Christ lui-même n'aimaient pas forcément "les paroissiens du premier rang" et qui entendent le rester, défendant leurs prérogatives contre leurs frères timides ou... traditionalistes...

Cette culture catholique, que vous avez si profonde, cher Thierry, il n'est pas possible qu'elle ne jaillisse pas un jour de vous comme une foi. Je ne dis pas cela parce que je chercherais à vous récupérer. Je ne sais pas qui vous êtes ni où vous habitez. Mais je sais que lorsque vous aurez trouvé votre langage, votre manière de dire la foi, au delà de "l'écran total" des mots usés, cette foi, on le sent quand on vous lit, elle jaillira en vie éternelle. Juste un conseil : lisez l'Évangile de temps en temps. Saint Luc d'abord peut être... Et saint Matthieu pour le discours sur la Montagne (chap. 5 et suivant). Et vous (chercherez d'instinct et) trouverez les mots pour reprendre à votre compte ce langage universel des Évangiles.

C'est cela la foi : recevoir une parole.

Cher Antoine, je ne pensais pas être si long dans ma réponse à Thierry. Je vous répondrai donc demain, tout en présentant le résumé du cours que j'ai donné ce soir sur la Somme théologique. Il ne faut pas moins qu'une petite promenade dans l'analogie des noms pour vous répondre de manière satisfaisante.

4 commentaires:

  1. Monsieur l'Abbé, vous me voyez infiniment touché que vous ayez pris sur votre temps, pour me répondre si personnellement, avec la profondeur que je vous connais et je suis vraiment heureux que ce texte soit néanmoins public, afin que vos autres lecteurs en profitent également (et pardon à Antoine, d'avoir involontairement accaparé l'attention de Monsieur l'Abbé, pour ce soir).

    Permettez-moi d'ajouter que c'est merveille de pouvoir exprimer à un prêtre et qui-plus-est à un prêtre de "La Tradition" mon Dieu! que l'on n'a plus la Foi, en sachant qu'il a bien compris que le vrai péché consisterait à jouer la comédie d'une croyance usurpée, ah ça oui! comme j'en suis ému et si jamais, un jour, nous approfondissons notre dialogue et que votre programme de lecture, que j'imagine déjà surchargé, pour des mois, vous en laisse le loisir, j'aurais grand plaisir à vous livrer le nom d'un penseur méconnu, disparu il y a une quarantaine d'années, je crois, qui a laissé une dizaine de livres qui porte un coup mortel aux "religions", tout en remontant la longue chaîne de la religiosité humaine: ça c'est quelque chose pour vous, cher Monsieur l'Abbé, si vous le permettez, à votre niveau mais attention la casse! (je parlais de "meule abrasive" hier, en pensant à ça). Il faut être bien accroché pour tenir le choc et moi, je n'ai pas fait un pli! (je précise aux littéraires: non, ce n'est pas Marcel Proust...lol...ce n'est pas dans le registre romanesque mais ça navigue entre Dumézil, Freud et Nietzsche...gros, très gros calibre! d'origine autrichienne, d'ailleurs). Ne connaissant pas le Père de Margerie, que je vénérais, je n'avais pu lui en parler: à la réflexion, d'ailleurs, tant mieux car une question de génération, je crois, l'eût sans doute empêché de se prononcer judicieusement. J'avais tenté une fois, une approche, avec un Haut-Prélat, c'est tombé complètement à plat, comme avec la plupart des Hauts-Fonctionnaires, ce personnage étant avant tout un mondain pur sucre. Je vous dis bonne nuit, Monsieur l'Abbé, ainsi qu'à tous les autres amis lecteurs, Antoine, Peter en particulier et je vous souhaite à tous, un très bon....week-end...et aucun euro, dans ce fichu cochon...lol!

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  2. Thierry, grâce au relatif anonymat d'internet, ou malgré lui, vous nous livrez avec franchise sur vous même des éléments de réflexions profonds et essentiels ; en réalité, vous résumez qq pb contemporains en peu de mots :

    - la nécessité des signes dans une religion faite pour des hommes ayant une composante matérielle... On a trop voulu nous faire croire que nous étions désormais devenus adultes et que nous devions éliminer les éléments de sensiblerie (comme quoi, les mots peuvent être assassins) quand il s'agit effectivement de tous les éléments tangibles qui sont nécessaires pour ancrer la foi, la tuteurer et lui permettre de s'épanouir (la musique, l'architecture, les rites... la culture en un mot, et l'Eglise a toujours pragmatiquement insisté sur la nécessité de l'inculturation de la foi...)

    - Et puis, une fois éliminée la sensibilité, on nous a fait croire que la raison pure pouvait/devait être notre référence et nous permettre de trouver Dieu : la raison n'est qu'une 'meule abrasive' effectivement, car on arrivera toujours, par le raisonnement humain à convaincre ses semblables qu'ils sont leur unique justification : c'est tellement plus raisonnable (et valorisant) ! Et tant de "philosophes" l'ont amplement démontré (au passage, s'ils avaient aimé véritablement LA Sagesse, nous n'en serions pas là...)

    Mais aller à Dieu n'est pas qq chose de purement intellectuel : c'est physique, c'est sensible et la "conversion" exprime un mouvement autonome concret dont seuls sont capables les êtres sensibles ("conversi ad Dominum")... Et j'en viens à me demander si la foi est qq chose d'autre que la sensibilité ? Les grands croyants n'étaient-ils pas tous des grands sensibles ? Car la foi, c'est croire à l'amour de Dieu mais je serais tenté de dire avec Reverdy : "il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour"... ce qui reviendrait à dire que l'amour est fait d'élément sensibles et que l'amour est concret (j'allais dire 'physique' mais au sens scientifique du mot...) puisque par la force de son amour, Dieu nous attire à Lui et nous transforme en Lui (Au fait, comment, M. l'Abbé ? je repose ma question !) et cette transformation a des conséquences qui peuvent être matérielles et même physiologiques dès cette vie et a fortiori dans l'autre...

    Tout ça pour dire que lorsqu'on pense la religion catholique avec sa raison, il y a effectivement des moments où l'on se dit que c'est au choix : puéril, trop complexe pour être vrai dans le sens où l'on trouve toujours des constructions intellectuelles qui paraissent plus satisfaisantes, voire trop beau pour être vrai !... Surtout, de nombreux penseurs ont démontré que la religion faisait "trop" appel aux ressorts de la sensibilité humaine pour ne pas être entachée de suspicion ! C'est habile mais tellement manichéen de vouloir séparer l'esprit et la sensibilité, en voulant réduire le rôle du coeur à une simple pompe (dont la science démontre facilement qu'elle est pourtant influencée par nos émotions !)... Pourtant si l'Eglise nous offre le culte du Sacré Coeur, ce n'est pas seulement le culte d'un simple organe...

    Pourtant, s'il y a de nb penseurs qui ont réussi à galvauder la religion catholique, tant d'autres vrais philosophes en ont scruté brillamment les détails intellectuels en y trouvant au contraire de profondes justifications de leur foi... Bien sûr St Thomas (oui, M. l'Abbé, et aussi Cajétan !) mais la lecture des Pères de l'Eglise ouvre souvent de véritables abîmes de réflexion, sans parler de St Paul, avec souvent une concision de mots étonnante... et plus près de nous Journet, sans parler des textes du magistère de l'Eglise, notamment des encycliques...)

    Alors RATIO, certainement : ET FIDES ! les deux ailes qui permettent d'aller à Dieu...
    Sans oublier que la foi, ce n'est pas une question de l'avoir ou pas, c'est un don dont on pourrait dire, comme Jehanne d'Arc : si je l'ai, que Dieu me la garde, et si je ne l'ai pas, qu'Il me la donne, car tout ne dépend-il de Lui seul en la matière ?...

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  3. Thierry, grâce au relatif anonymat d'internet, ou malgré lui, vous nous livrez avec franchise sur vous même des éléments de réflexions profonds et essentiels ; en réalité, vous résumez qq pb contemporains en peu de mots :

    - la nécessité des signes dans une religion faite pour des hommes ayant une composante matérielle... On a trop voulu nous faire croire que nous étions désormais devenus adultes et que nous devions éliminer les éléments de sensiblerie (comme quoi, les mots peuvent être assassins) quand il s'agit effectivement de tous les éléments tangibles qui sont nécessaires pour ancrer la foi, la tuteurer et lui permettre de s'épanouir (la musique, l'architecture, les rites... la culture en un mot, et l'Eglise a toujours pragmatiquement insisté sur la nécessité de l'inculturation de la foi...)

    - Et puis, une fois éliminée la sensibilité, on nous a fait croire que la raison pure pouvait/devait être notre référence et nous permettre de trouver Dieu : la raison n'est qu'une 'meule abrasive' effectivement, car on arrivera toujours, par le raisonnement humain à convaincre ses semblables qu'ils sont leur unique justification : c'est tellement plus raisonnable (et valorisant) ! Et tant de "philosophes" l'ont amplement démontré (au passage, s'ils avaient aimé véritablement LA Sagesse, nous n'en serions pas là...)

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  4. [SUITE DU COMMENTAIRE D'ANTOINE] Mais aller à Dieu n'est pas qq chose de purement intellectuel : c'est physique, c'est sensible et la "conversion" exprime un mouvement autonome concret dont seuls sont capables les êtres sensibles ("conversi ad Dominum")... Et j'en viens à me demander si la foi est qq chose d'autre que la sensibilité ? Les grands croyants n'étaient-ils pas tous des grands sensibles ? Car la foi, c'est croire à l'amour de Dieu mais je serais tenté de dire avec Reverdy : "il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour"... ce qui reviendrait à dire que l'amour est fait d'élément sensibles et que l'amour est concret (j'allais dire 'physique' mais au sens scientifique du mot...) puisque par la force de son amour, Dieu nous attire à Lui et nous transforme en Lui (Au fait, comment, M. l'Abbé ? je repose ma question !) et cette transformation a des conséquences qui peuvent être matérielles et même physiologiques dès cette vie et a fortiori dans l'autre...

    Tout ça pour dire que lorsqu'on pense la religion catholique avec sa raison, il y a effectivement des moments où l'on se dit que c'est au choix : puéril, trop complexe pour être vrai dans le sens où l'on trouve toujours des constructions intellectuelles qui paraissent plus satisfaisantes, voire trop beau pour être vrai !... Surtout, de nombreux penseurs ont démontré que la religion faisait "trop" appel aux ressorts de la sensibilité humaine pour ne pas être entachée de suspicion ! C'est habile mais tellement manichéen de vouloir séparer l'esprit et la sensibilité, en voulant réduire le rôle du coeur à une simple pompe (dont la science démontre facilement qu'elle est pourtant influencée par nos émotions !)... Pourtant si l'Eglise nous offre le culte du Sacré Coeur, ce n'est pas seulement le culte d'un simple organe...

    Pourtant, s'il y a de nb penseurs qui ont réussi à galvauder la religion catholique, tant d'autres vrais philosophes en ont scruté brillamment les détails intellectuels en y trouvant au contraire de profondes justifications de leur foi... Bien sûr St Thomas (oui, M. l'Abbé, et aussi Cajétan !) mais la lecture des Pères de l'Eglise ouvre souvent de véritables abîmes de réflexion, sans parler de St Paul, avec souvent une concision de mots étonnante... et plus près de nous Journet, sans parler des textes du magistère de l'Eglise, notamment des encycliques...)

    Alors RATIO, certainement : ET FIDES ! les deux ailes qui permettent d'aller à Dieu...
    Sans oublier que la foi, ce n'est pas une question de l'avoir ou pas, c'est un don dont on pourrait dire, comme Jehanne d'Arc : si je l'ai, que Dieu me la garde, et si je ne l'ai pas, qu'Il me la donne, car tout ne dépend-il de Lui seul en la matière ?...

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