mardi 19 avril 2011

Trente cinquième billet de Carême Mardi saint

"Mon âme est triste à en mourir..." Mc 14, 34

La tristesse du Christ au jardin des Oliviers est un véritable désespoir. Pas un soldat ne l'a touché. il sait que Judas est parti le trahir. Pour trente pièces d'argent (trente deniers : le salaire d'un mois de travail pour un journalier), Judas est allé révéler au Sanhédrin, qui n'ose pas porter la main sur Jésus en plein jour à cause de sa popularité du dimanche des Rameaux, que Jésus passerait la nuit en prière dans ce Jardin. N'est-ce pas le moment d'en profiter ? Ni vu ni connu, on l'arrête, on le condamne et on le remet à l'autorité romaine qui exécutera la sentence. Voilà pourquoi c'est une bande de bras cassés, "armée d'épées et de bâtons", sûrement plus de bâtons que d'épées, et rouillées les épées avec ça, oui voilà la troupe de misérables soiffards que l'on a réunie en catastrophe pour la circonstance. Apparemment on ne les a même pas prévenu de la basse besogne qui les attendait, vu leur surprise devant Jésus et le respect qu'ils ne peuvent pas s'empêcher de lui manifester. Qu'importe après tout ! Arrêter un Rabbin ambigu ou un brigand, ce sont toujours des gens qui transgressent la loi ! Quand le vin est tiré il faut le boire. La troupe remplira son office finalement. L'argent gagné plus facilement qu'ils ne l'avaient appréhendé, pourra couler à flot ce soir dans les buvettes et les tavernes de Jérusalem. Allez un peu de courage : au milieu de la nuit, ils boiront à sa santé, le Rabbi...

Le Christ a vu tout cela, avant que les choses n'arrivent. Il l'attend la petite bande, le pied ferme. Il l'annonce à ses apôtres. C'est lui d'ailleurs qui se constituera prisonnier, passant outre à l'émotion qui saisit cette police improvisée.

Le Christ sait. Il pourrait partir, quitter ce jardin. Il sait que Judas, "celui qui a mis la main au plat en même temps que lui", est sorti dans la nuit pour le livrer. Il pourrait se replier à Béthanie, qui n'est qu'à quelques kilomètres, dans la banlieue de Jérusalem en quelque sorte. Les pauvres brêles, les petites frappes recrutées pour la circonstance ne le suivraient certainement pas jusque là. Mais il attend. Il offre sa passion à venir. Il la veut. "Ma vie, personne ne la prend, mais c'est moi qui la donne" (Jean 10) a-t-il dit aux Juifs dans saint Jean.

Il attend dans la douleur. personne n'a encore mis la main sur lui. Mais, dit l'évangéliste saint Luc, "sa sueur est comme des gouttes de sang qui coulent jusqu'à terre". il ressent une émotion intense : peur ["effroi et angoisse"], tristesse insondable devant sa solitude, mais aussi lutte contre le démon, comme l'a montré le Père Feuillet dans un très beau livre sur cette agonie à Gethsémani, sur ce combat dans le Jardin des Oliviers.

Qu'est-ce donc que le Jardin des Oliviers ? Un autre Jardin de la Tentation. Le Jardin des souffrances, mystique compensation du Jardin d'Eden où toute cette histoire a commencé.

Disons-le clairement : la tristesse du Christ au Jardin des Oliviers n'est pas seulement humaine. Elle a quelque chose de surnaturel, comme est, en quelque sorte surnaturel le sommeil des trois apôtres à ce moment là, qu'il ne faut pas faire pire qu'ils ne sont. Surnaturel ? Disons plus précisément avec la théologie : préternaturel. Cette tristesse du Christ, c'est le diable qui a pénétré en lui aussi profondément qu'il lui a été possible.

Satan, l'adversaire, joue avec le Christ, nouveau Job, Job véritable, qui "de la plante des pieds au sommet de la tête" (Job 2, 7, cf. Is. 1, 6) n'aura bientôt plus une chair saine. Il a joué déjà l'adversaire, avec le Christ au Désert. Il a investi son imagination jusqu'à lui faire croire qu'il se trouvait sur le pinacle du Temple. Il lui a montré "tous les Royaumes de la terre, avec leur puissance et leur gloire". Bref, il a pris pieds et griffes dans son psychisme. Gethsemani représente la même invasion, avec d'autres hallucinations. Mais le Christ est un jouet entre les mains de Satan. Comme il l'a dit à sainte Angèle de Foligno : "Ce n'est pas pour rire que je t'ai aimée".

Dans la tristesse du Christ, on peut apercevoir la vérité de cette parole de saint Paul : "Le Christ s'est fait péché pour nous", lui l'Innocent, lui que personne ne peut convaincre de péché (Jean 7), il s'est fait, il s'est voulu le jouet de l'Adversaire. Et à ce moment, les disciples, malgré leur bonne volonté et leur grandes déclarations, l'ont laissé seul. Ils n'étaient pas encore taillés pour la lutte. Il leur faudra attendre la Pentecôte et l'Esprit saint pour cela.

Bientôt, - et le Christ l'en a d'ailleurs prévenu -, c'est Pierre lui-même qui va trahir son Maître, parce qu'il aura peur de la perspicacité et du sourire moqueur d'une servante, tandis qu'il se chauffait tranquillement au coin du feu, "en attendant - somme toute assez zen - comment tout cela allait finir". Il n'a pas compris, Pierre, que le Maître se soit fait coffrer comme un débutant au Jardin des Olives. il n'a pas compris cette souffrance et ces prières, alors qu'il fallait partir, simplement partir. Peut-on dire qu'il en veut à son Maître ? Sa décontraction semblerait le montrer. Il a la tête près du bonnet. Il est prompt à changer d'humeur. Bientôt il pleurera amèrement. Mais pour l'heure, il a l'air surtout agacé de ce qui se passe. Il ne comprend pas... Et quand il jure : "Je ne connais pas cet homme", gageons qu'il est presque sincère. La tristesse du Christ l'a désorienté, il est dérouté.

Quant à nous, cette tristesse jusqu'à la mort, ayons le courage de la regarder en face, de ne pas détourner les yeux. Il faut que cette semaine nous ayons la force de fixer les yeux sur la Croix.

2 commentaires:

  1. Pourquoi l'abbé et le webmestre ne se différencient ils pas via leur signature?

    Je ne voudrais pas cracher dans la soupe, mais je trouve cette méditation assez inférieure aux précédentes...

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  2. question de 22H44:
    +Pourquoi l'abbé et le webmestre ne se différencient ils pas via leur signature?+

    --> voyez le titre de chaque message - il est suivi juste au-dessous par: le nom de celui qui le poste.

    C'est par exemple:
    "Trente cinquième billet de Carême Mardi saint
    par l'abbé Guillaume de Tanoüarn"

    ou alors:
    Le flop à venir de la loi anti-burqa
    par le webmestre"


    Quant aux annonces (la journée ceci ou le mardi cela) elles sont postées par mes soins, le plus souvent - vous comprendrez bien que la notion d'auteur n'est pas la même.

    Vous avez saisi? oui? non? je reprends. Quand c'est signé "par l'abbe de Tanoüarn", c'est lui. Quand c'est signé "par Marie-Pierre", c'est elle. Quand c'est signé "par le webmestre", c'est moi.

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