Merci Thierry. Mon précédent message sur le psychique et le spirituel n'était pas  tout à fait clair. Trop elliptique comme souvent. Vous écrivez : "Je me  représente plutôt le spirituel, comme un continuum de la Psyché, et  séparer le psychique et le spirituel me semble arbitraire". Vous avez  raison de votre propre point de vue. Et chacun d'entre nous, lorsque  nous prenons des résolutions ou des décisions en matière spirituelle,  nous avons à faire attention et au psychique et au spirituel. Au  spirituel pour l'élan, qui faiut écrire à Pascal "l'homme passe  infiniment l'homme" ; au psychique pour la prudence : il ne faut jamais  casser la machine. Il existe des tentations sous apparence de bien, qui  nous font rêver notre vie au lieu de la vivre.
Ce qui est  dangereux me semble-t-il ce n'est pas d'unir la considération du  psychique (tempérament et caractère de chacun, sexe, âge, position  sociale etc.) et du spirituel (la vérité transformatrice, la vérité  performative qui nous est donnée par le Christ). Bien sûr que lorsque  l'on a des décisions à prendre, il faut envisager les deux aspects de la  question, l'aspect de notre essence individuelle et l'aspect de notre  vocation ou de notre existence spirituelle, de notre exigence  intérieure. Et, dans cette perspective, en même temps que l'on fait des  retraites spirituelles (dont l'archétype reste les Exercices spirituels  de saint Ignace) on peut envisager des sessions de formation  psychologique, selon les diverses méthodes disponibles sur le marché,  parmi lesquelles je ne cache pas ma préférence personnellement pour  l'ennéagramme. Il arrive, d'ailleurs, que notre vision de la psyché  humaine est déformée au point de rendre nécessaire ce genre de session  psy.
Mais il me semble qu'il ne faut pas mélanger les deux dimensions  en s'adressant à des animateurs qui sont à la fois des pros de la Psy et  des Accompagnateurs spirituels patentés. Notre liberté risque bien de  disparaître si nous nous en remettons à quelqu'un qui gèrera à la fois  notre psychique et notre destin surnaturel. Que nous devions, pour  nous-mêmes, avoir égard aux deux dimensions, c'est une évidence. Que  nous recevions un enseignement (ou un coaching) qui porte à la fois sur  les deux domaines... Ca va quand on est vraiment paumé, dans un premier  temps. Mais sinon, notre liberté, la fermeté de nos décision, la joie de  nos choix (forcément profondément personnels et non dictés de  l'extérieur) risquent d'en pâtir.
Et puis nous pourrions bien imaginer que notre comportement est  tout entier réductible au calcul de la raison, ce qui va directement  contre la foi - et indirectement contre le bon sens viscéral dont fait  preuve le langage le plus courant lorsqu'il parle par exemple du "Bien"  comme relevant toujours du dépassement de soi ! Dans la vie, il  a  certaines décisions que nous prenons sans consulter le principe de  précaution. Ce ne sont ni les moins importantes ni les moins méritoires  ni les moins salutaires dans tous les sens du terme.
Descartes  a cru un moment qu'il pourrait élaborer un jour une morale purement  rationnelle et il a proposé, en attendant ce moment, que l'on s'en  tienne à ce qu'il appelait sa "morale provisoire" ["mon roi et ma  nourrice"]. Mais à la fin de sa vie, ce soi-disant rationaliste perçoit  l'échec de la raison raisonnante dans le domaine de l'existence humaine  et il propose un autre critère dans ses lettres à la Palatine : celui de  la magnanimité. Rien de moins rationnel ! Rien de plus proche de la  morale chrétienne, faite de générosité, de confiance et d'amour, bref,  elle aussi, de magnanimité. Pour reprendre les termes que nous utilisons  dans ces deux derniers posts, disons que la morale finale de Descartes  est vraiment spirituelle. Et pas seulement psychique ou rationnelle. Pas fondée sur le calcul.
C'est moi qui vous remercie, Monsieur l'abbé, d'avoir pris la peîne de ce développement très circonstancié, alors que vous êtes, par ailleurs, très occupé.
RépondreSupprimerJ'en profite, quoique ce ne soit pas dans le droit fil de votre sujet quoi que! pour mentionner les témoignages particulièrement bouleversants, de trois jeunes femmes, de confession initiale musulmane pour deux d'entre elles, que j'ai écoutés hier, au Journal de Bernard Antony, sur Radio Courtoisie, interrogées avec un tact parfaît par Cécile Montmirail.
Je dois dire que c'était tellement "fort", que bien des émissions, livres, débats sur l'Islam, pourraient aisément être remplacés par les propos si pénétrants d'intelligence et de Foi désormais chrétienne, tout cela sans un seul mot de ressentîment, de la part de ces personnes très marquantes.
Je confirme. En voiture je suis tombé sur cette émission par hasard. C'était bouleversant. Nous qui sommes chrétiens "de souche" (ou d'habitude) nous n'arrivons pas à la cheville de ces trois jeunes femmes.
RépondreSupprimerCher Monsieur l'abbé,
RépondreSupprimerJe suis content que vous nous gratifiez d'un développement sur ce thème sous l'angle de la résolution, d'autant que c'était l'objet de la méditation spéculative à laquelle je me suis livré spontanément ce matin.
En effet, soit un pécheur, le plus parfait des idolâtres, un "paresseux, un imbécile, un lâche", comme aimait à s'en accuser claudel dans sa prière, soit... claudel ou moi, un infidèle, qui sait où se situe soninfidélité, qui voudrait en finir avec elle, qui le voudrait spirituellement, qui, spirituellement, en aurait le "ferme propos", qui le voudrait de ce "vouloir foncier"; mais que ce pécheur, que claudel ou que moi passions de la volonté spirituelle à la volonté psychique ou, pour reprendre ma classification d'hier, que je crois juste quoiqu'aventureuse, que je passe de "la volonté de mon âme" à celle de mon esprit, voilà que celle-ci ne suit pas, ne veut pas, ne m'abonde pas pour m'amender.
Tout se passe donc comme si nous avions deux volontés: une volonté de l'âme, intacte, et une volonté blessée, défaillante, ébréchée, atteinte au coeur, qui nous rend pusillanimes et incapables de choisir, de nous résoudre, de nous résoudre à mourir à nous-mêmes... Nous n'avons plus de "ferme propos", nous refusons de prendre la décision qui est au fond de nous, mais au-dessus de nos forces, à se demander à la limite si nous avons encore le droit de nous confesser et si un prêtre serait fondé à nous absoudre au Nom de dieu.
Je prends le problème par un autre bout: Isaïe comme saint-Marc nous disent que le christ ou que le serviteur de Dieu parleront de sorte que ceux à qui ils s'adressent écoutent, mais n'entendent pas, de peur que leurs yeux ne s'ouvrent et qu'ils se convertissent. Or cette peur, qui l'a-t-il? Ce n'est pas Dieu, évidemment, c'est l'homme qui a peur de sortir de son aveuglement.
La guérison n'est, certes, qu'un signe du salut. Mais qu'est-ce qui s'oppose à ce que ce signe se réalise et s'accomplisse en nous? Notre peur de guérir. Le seigneur en a pourtant semé, enseveli en nous le désir. Il suffit de le laisser grandir en ne le regardant pas pousser, mais en sachant qu'il est là. Il suffit de l'abonder. Un de mes anciens directeurs spirituels, aujourd'hui décédé, me disait:
"gardez l'angoisse d'être meilleur!"