jeudi 15 mars 2012

Porteurs de Dieu - Jeudi de la troisième semaine

"Je suis votre victime expiatoire et je m'offre en sacrifice pour votre Eglise, Ephésiens, qui est renommée à travers les siècles. Les charnels ne peuvent faire des oeuvres spirituelles, ni les spirituels des oeuvres charnelles, comme la foi ne peut faire les oeuvres de l'infidélité ni l'infidélité celles de la foi. Et celles-là mêmes que vous faites dans la chair sont spirituelles, car c'est en Jésus-Christ que vous faites tout" Saint Ignace d'Antioche, Lettre aux Ephésiens, 8, 2
Ignace évêque d'Antioche en Syrie est le deuxième successeur de saint Pierre à ce poste. Il écrit au tournant du IIème siècle. Il est le premier à employer dans un écrit qui nous soit parvenu le terme de "catholique" (Lettre aux Smyrniotes), tant il est convaincu que dans le Christ Dieu et homme l'humanité tout entière trouve en Dieu son unité, autant que la liberté de chacun le permet.

Il doit être martyrisé à Rome et la perspective du martyre signifie pour lui l'union au Christ crucifié, dans un sacrifice nouveau, éternel et universel. Toutes les oeuvres offertes dans le Christ participent de cette nouvelle dimension "pneumatique", elles sont, dans l'Esprit saint unies au sacrifice du Christ - qui est, dira Cajétan, "le sacrifice qui complète nécessairement tous les autres".  Ignace explique de manière très imagée comment s'édifie ce sacrifice universel. "Vous êtes les pierres du Temple du Père, élevés jusqu'en haut par la machine de Jésus Christ, qui est la Croix, vous servant comme câble du Saint Esprit" (8, 3).

Qu'est-ce qu'une oeuvre christique ? Qu'est-ce qu'une oeuvre pneumatique ou spirituelle ? C'est une oeuvre accomplie dans le sacrifice du Christ : don de soi, offrande de sa vie, amour oblatif. Voilà le nouveau sacrifice, non pas celui du bouc émissaire, non pas le sacrifice de l'autre, "le pelé, le galeux d'où vient tout le mal", mais le sacrifice de soi. C'est avec ce sacrifice de soi que l'on édifie dans le Christ le Temple véritable... celui à l'ombre duquel on pourra vivre toujours en Dieu.

C'est dans cet esprit de sacrifice que l'on devient les uns et les autres des "théophores" selon le surnom qu'Ignace se décerne à lui-même. Nous ne serons des "porteurs de Dieu" que dans la mesure où concrètement, dans les grandes comme dans les petites choses, nous portons avec nous cet esprit de sacrifice qui est l'esprit du Christ - antidote à toute violence, remède à tout égoïsme, loi nouvelle du monde nouveau.

11 commentaires:

  1. je pensais que le Christ ne voulait pas de sacrifice ,mais de la miséricorde(Matthieu 9.13 ).Le sacrifice est un acte de violence qui produit du sacré et le sacré appartient au monde profane.le Christ veut nous libérer du cercle de la sacralisation par la sanctification.le don d'amour n'est pas un sacrifice ,mais un abandon de soi.

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    1. Patrick, "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toutes tes forces";
      Ce sont les forces vives aussi qui sont engagées dans l'amour, le don et puis le sacrifice qui engage le génie de chacun incarné dans ses talents, dans son corps, dans sa chair.
      Voyez si l'amour de saint Ignace d'Antioche, mort martyr vers 110 et que ses frères tentaient d'arracher à une mort atroce, conduit aux lions, n'est pas un sacrifice : "Je sais moi ce qui m'est préférable. C'est maintenant que je commence à être un vrai disciple. Qu'aucune créature, visible ou invisible, ne cherche à me ravir la possession de Jésus-Christ ! Feu, croix, corps à corps avec les bêtes féroces, lacération, écartèlement, dislocation des os, mutilation des membres, broiement du corps entier : que les plus cruels supplices du diable tombent sur moi, pourvu que je possède enfin Jésus-christ !
      Que me servirait la possession du monde entier ? Qu'ai-je à faire des royaumes d'ici-bas ? Il m'est bien plus glorieux de mourir pour le Christ Jésus, que de régner jusqu'aux extrêmités de la terre. C'est lui que je cherche, ce Jésus qui est mort pour nous ! c'est lui que je veux, lui qui est ressuscité à cause de nous ! Voici le moment où je vais être enfanté. De grâce, frères, épargnez-moi : ne m'empêchez pas de naître à la vie, ne cherchez pas ma mort. C'est à Dieu que je veux appartenir : ne me livrez pas au monde ni aux séductions de la matière. Laissez-moi arriver à la pure lumière : c'est alors que je serai vraiment homme. Permettez-moi d'imiter la passion de mon Dieu".(Lettre aux Romains)
      Voyez comme l'amour-don peut être violent aussi !
      Bonne fête demain, Patrick !

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  2. Je suis assez d’accord aussi pour dire que le sacrifice produit du sacré et que celui-ci appartient au profane. C’est court mais bien résumé.
    Justement, le mot « sacré » ne vient-il pas de « sacrifice » ?
    Et puis on mélange tous les sacrifices. Après, on ne sait plus où on en est.
    De même qu’il n’y a qu’un seul Evénement (qui est aussi Avènement) dans l’histoire, la naissance du Christ, de même, il n’y a qu’un seul Sacrifice, celui du Christ. Sacrifice propitiatoire, complet qui ne demande aucun complément !!
    Le Christ n’emploie pas ce terme pour nous exhorter à le suivre. Il parle autrement :
    Il nous dit de prendre notre croix, de n’avoir pas peur de perdre notre vie pour gagner l’Autre. Il nous dit aussi que Sa Croix est légère et Son joug facile à porter. Si, pour nous, il est difficile de renoncer à nous-mêmes, à notre égo, s’il est difficile de ne pas nous laisser aller aux attachements terrestres, alors on peut parler effectivement de sacrifice. Mais, ce sacrifice là (ou cette souffrance), c’est nous qui le fabriquons.
    Le Christ ne nous dit-il pas qu’en l’aimant Lui, tout cela serait facile ? Cela ne devrait-il pas être même ce que nous avons de plus « naturel » ? En un mot, la souffrance, on se la bichonne et si on ne souffre pas on n’a pas l’impression d’aimer Dieu, tant est dur notre cœur et tant est faible notre chair !
    Bien sûr que notre amour de Dieu pourrait aller jusqu’au Martyre comme l’ont fait beaucoup de Saints, mais en attendant il faut savoir distinguer les genres !
    Bien sûr qu’il faut aussi « s’arracher un œil » ou se « couper une main » si nécessaire, et d’ailleurs souvent c’est la vie qui s’en charge (la providence) car soi-même on en n’est pas capable.
    Le Saint Sacrifice de la messe nous fait participer à la Passion, à la mort et à la Résurrection du Christ. De Son Sacrifice, Il nous donne un Sacrement. De la notion de « sacré », on passe à celle de « saint » (celui qui est associé)…Pas pareil !
    Benoîte

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  3. Parenthèse dans la parenthèse:

    @ Patrick ("bonne fête Patrick"): ne pas rater la Parade en l'honneur de Saint Patrick, en direct sur le net, à partir de 16h., ce samedi:

    http://www.nbcnewyork.com/on-air/st-patricks-day-parade-new-york-city-fifth-avenue-saint-patricks-day-parade-140618723.html?fullSite=y&

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  4. Question de fond :
    Est-ce qu'un sacrifice est forcément désagréable ?
    Offrir à qui on aime et veut servir contient-il forcément une douleur ?

    J'ai appris que la mortification, que l'abandon de sa volonté aux commandes de celle de Dieu est d'accepter tout : accepter les joies, comme cadeaux, en fait partie.
    N'est ce pas l'erreur des cathares donc des jansénistes ou des puritains d'avoir oublié ce volet ?

    Avec mes respects
    Glycéra

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  5. "il n’y a qu’un seul Sacrifice, celui du Christ. Sacrifice propitiatoire, complet qui ne demande aucun complément !!" dites-vous Benoîte.
    Vous dites aussi que nous sommes des associés ; nous recevons, en quelque sorte, le sacrifice du Christ sous forme de sacrement à la Messe.
    Est-ce que cela ne va pas encore plus loin ? je veux dire : notre participation.
    En effet, saint Paul, dans sa lettre aux Colossiens (1, 24-29) écrit "J'achève, dans ma chair, ce qui manque à l'épreuve du Christ pour son corps qui est l'Église."
    Je ne crois donc pas que "nous fabriquions notre sacrifice" mais pas un MYSTÈRE sans pareil, Dieu permet que nos sacrifices deviennent le Sien (comme la goutte d'eau dans le vin du calice) consubstantiel au Sien par conséquence, par prolongement.

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    1. Désolée, faute de frappe, lire : "paR un mysère sans pareil..." et non "pas un mystère..."

      Glycéra, je trouve que vous avez raison, la douleur n'est pas obligatoire, ce n'est même pas ce que Dieu nous demande mais comme vous le dites : de lui faire confiance en disant "que Ta volonté soit faite et non la mienne", donc s'il y a une douleur, effectivement, l'offrir mais ne pas la rechercher pour elle-même.
      Je crois que si les cathares, les jansénistes, les puritains, les "Parfaits" privilégient la douleur, c'est parce qu'ils pensent ainsi dompter, crucifier leur chair. C'est en effet leur chair qu'ils détestent ou dont ils se méfient. C'est en effet le corps qu'ils suspectent et rejettent. Aussi mettent-ils la souffrance en premier et non l'amour, à cause du mépris qu'ils ont pour la chair.
      Et c'est en cela qu'ils sont déviant par rapport au Catholicisme car, ce faisant, ils nient (sans forcément le savoir) l'incarnation à l'instar de toutes les gnoses qui sont en fait des difficultés ou des refus de reconnaître Christ vrai Dieu et VRAI HOMME.

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  6. St Paul dit en effet:..."pour son Corps qui est l'Eglise." C'est pour l'Eglise donc et ça c'est la Communion des Saints. C'est pour nous. Ce n'est pas, à mon très humble avis, la même chose que le Golgotha. Je ne peux pas imaginer un seul instant que St Paul pensait qu'il manquait quelque chose au Sacrifice du Christ. C'est impensable. Par contre, c'est à nous qu'il manque en quelque sorte quelque chose et c'est bien pour cela que le Christ nous a laissé une Eglise et des apôtres. D'ailleurs dans cette même lettre, Paul ajoute: "...achever l'annonce de la Parole de Dieu."Cher anonyme de 04:43, vous avez le droit de considérer la chose comme bon vous semble mais moi personnellement ce qui me gène c'est le mot "consubstantiel" parce que ça voudrait dire que nos sacrifices seraient de même nature que celui du Christ! Et là, il faut, à mon sens faire la part des choses. Chacun à sa place. Le sacrifice du Christ arrête le temps et remet tout l'univers en Dieu et nos sacrifices à nous, nous remettent sur le Chemin du Christ. Et je suis toujours persuadée que les idées sur ce sujet ne sont pas très claires.
    Benoîte

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  7. Merci beaucoup Benoîte de m'avoir répondu ! J'aimerais bien continuer ce dialogue uniquement par plaisir croyez-le bien, ce que je fais, en espérant ne pas vous casser la tête. Ne me répondez pas s.v.p. si cela vous importune.
    Voici; franchement, nos sacrifices ont-ils le moindre impact, la moindre "efficacité" s'ils n'appartiennent qu'à nous ? s'ils ne sont que notre fait ?
    Mais parce qu'ils sont prolongement de celui du Christ, ils revêtent son efficacité à Lui pour notre salut. Ainsi la gloire du Christ nous revêt à sa suite. Il ne nous a pas "laissé une Eglise et des apôtres", c'est nous l'Eglise. "Nous sommes le Corps du Christ. Chacun de nous est un membre de ce Corps" dit un cantique nouveau.
    Y a-t-il une communion des saints s'il n'y a pas le Christ avec eux, au milieu d'eux, le premier d'entre eux, les saints sont son corps, son prolongement, comme un époux avec son épouse. Le Christ et son épouse l'Eglise. Nos sacrifices ne nous remettent pas seulement "sur le chemin du Christ", nos sacrifices nous unissent à Lui intimement. Un peu comme Jeanne et son étendard dont elle dit qu"il a été à la peine, il est juste qu'il soit à la victoire (avec elle). Ici, il est vrai, ce n'est qu'une image servantà illustrer, mais vous savez bien qu'il n'y a pas de Jeanne sans son étendard...
    Chaque baptisé est appelé à être un autre Christ pour ses frères. Chacun doit laisser le Christ s'incarner en son être profond et d'ailleurs dans toute sa personne. La communion eucharistique est faite pour ça. Elle nous conforme au Christ, ainsi nos sacrifices sont-ils carrément nécessaires (la goutte d'eau dans le vin) pour le salut du corps entier.
    Mais il est vrai que si nos petits sacrifices humains s'unissent au Christ, c'est par l'effet de sa grâce qui les transforme, qui les configure à son sacrifice unique.
    Le Christ veut nous diviniser.
    Il fait de nous des fils, ses frères.
    Dans cette histoire, voyez, chacun ne "reste pas à sa place", c'est une histoire d'amour, donc une histoire dynamique : le Christ ne reste pas à sa place en Dieu, il descend CHEZ nous, EN nous, au coeur de nous afin de nous emmener, de nous hisser comme la croix s'élève, se dresse sur le Golgotha et nous, nous sommes invités à nous mettre en marche, à nous déplacer, à construire notre être nouveau avec le Christ, pierres vivantes de l'Eglise. Dieu n'est pas un être statique dans son Olympe, c'est une énergie première, un "moteur" produisant chaleur, amour et vie. Entre le Père, le Fils et l'Esprit, il y a échange constant.
    D'ailleurs chacun des Trois EST DANS la relation à l'Autre.
    Par volonté divine, le Christ entre dans notre monde DANS la relation à chacun de nous et notre réponse est d'entrer dans cette relation. Nos sacrifices entrant dans cette relation, entrent dans une Vie nouvelle qui est dynamique et d'essence divine, nos sacrifices (si nous le voulons)deviennent celui du Christ, Simon de Cyrène a réellement AIDé le Christ à porter sa croix sinon Celui-ci n'aurait pu se relever. A ce moment-là, il n'y avait non pas deux croix mais une seule. non pas deux sacrifices mais deux volontés réunies en un sacrifice, ce portement de croix. D'autant plus donc quand le porteur de croix n'est pas réquisitionné comme le fut Simon de Cyrène !!*
    Bien amicalement, Benoîte.

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  8. Cher anonyme, figurez-vous que je viens de vous répondre mais que j’hésite à poster cette réponse. ( je l’ai enregistrée). Sachez en tous les cas, que je suis bien d’accord avec vous sur ce long développement que vous faites car, comme vous, je suis catholique et non disciple de Socrate ! Comme j’ai dû mal m’exprimer ! C’est peut-être la crainte de ne pas arriver à dire brièvement et exactement ma pensée que j’hésite à vous répondre. C’est tout un art d’être précis en faisant court sur des sujets aussi délicats !
    Donc, je vais réfléchir encore un peu. Si je n’envoie pas ma réponse, je vous envoie par contre une respectueuse pensée d’amitié en Christ.
    Benoîte

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    1. C'est toute la grâce de ce Metablog que de nous faire ainsi..."gamberger" en eaux profondes. C'est pourquoi nous travaillons bien nos petits "posts" afin d'essayer d'être au plus près de cette Vérité que nous aimons tant puisque c'est une Personne et quelle Personne !
      Vous avez bien raison de réfléchir, Benoîte, avant d'envoyer ; ce scrupule vous honore. Moi-même, je n'attends pas assez avant de publier.
      En tout cas MERCI encore au METABLOG.

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