dimanche 14 octobre 2012

Nouvelle évangélisation, quézaco ?

La nouvelle évangélisation est le grand refrain que nous allons entendre cette année. Il faut aller au monde, il faut partir en eau profonde (duc in altum) : n'ayez pas peur ! On connaît ces invitations libératrices du pape Jean-Paul II. Sont-elles suffisante ?

Je suis frappé de ce que la teneur du discours dominant en ce moment (je viens d'entendre sur le sujet un membre éminent de l'Opus Dei) soit l'idée que la nouvelle évangélisation, c'est uniquement un appel à la sainteté.

Qu'est-ce que la sainteté ? La naissance en nous de l'homme nouveau, vivant de la vie de Dieu, de la divine charité et  non des concupiscences qui forcément agitent l'animal humain. Voilà ce que nous savons de notre sainteté, parce que c'est ce que nous enseigne saint Paul à longueur d'épîtres... Mais, sur notre sainteté, il y a tout ce que nous ne savons pas. Et ce que nous ne savons pas et ne pouvons pas savoir de notre sainteté est plus grand, plus important que ce que nous en savons. La sainteté, c'est la réalisation de soi selon Dieu. La sainteté, c'est la volonté de Dieu sur chacun d'entre nous. Nous en savons quelque chose, nous ne savons pas tout sur elle.

Alors... Chercher à être saint ? Gare aux postures... qui sont toujours des impostures. Chercher à être un saint, c'est croire que nous savons ce que Dieu attend de nous et c'est poser... oui comme on pose pour son portrait en pied, "tel qu'en lui-même enfin l'éternité le change" dit le Poète... C'est devancer l'éternité, et le Jugement... et Dieu. Devancer Dieu ? Aïe...

La sainteté est un fruit et nous ne savons pas quels fruits nous porterons. Nous devons chercher simplement à en porter autant que possible, en toutes saisons, pas comme le figuier que Jésus maudit parce qu'il ne porte des figues qu'à la saison des figues. Nous ne sommes pas des saisonniers de Dieu. Comme dit saint Paul aux Ephésiens (dans l'épître d'aujourd'hui pour peu qu'elle soit bien traduite) : "Il nous faut racheter le temps car les temps sont mauvais". Les temps sont toujours mauvais. Tout a toujours très mal été disait lucidement Bainville. Nous devons non pas adorer le temps mais le racheter : ne pas nous en satisfaire. Ne pas nous dire : "Je suis de mon temps". Chercher mieux.

C'est au fond la définition de la sainteté : pas seulement chercher le bien : les païens n'en font-ils pas autant ? Pas seulement prendre une pose : toutes les poses sont inadéquates à la circonstance. Il nous faut "racheter le temps". Il nous faut (essayer sans cesse de) faire mieux. Mais ce "mieux" ('de notre mieux, mieux mieux oui de notre mieux disent assez joliment les louveteaux), on ne peut pas le définir à l'avance. Le définir, c'est l'arrêter. Le définir, c'est nous satisfaire.

L'indicible sainteté, fruit de la grâce de Dieu en son temps, est quelque chose en nous dont nous n'avons pas conscience. Les saints  ne savent pas pourquoi ils sont saints. Alors, présenter la sainteté statique (hypostasiée, modélisée) comme le fruit de la nouvelle évangélisation ou comme son moteur, c'est faire erreur. C'est me semble-t-il refaire l'erreur (semi-pélagienne) qui avait cours déjà sous Pie XI (avec le peu de succès que l'on sait). A l'époque, le Père Réginald Garrigou-Lagrange présentait la vie spirituelle comme un champ magnétique et Dieu comme un aimant : "Plus on s'en approche, plus on s'en approche vite". Quelle horreur ! On s'approche de Dieu au gré de Dieu, selon sa grâce. Et on ne cherche pas à forcer cette grâce, ni pour vivre un progrès spirituel fantasmé ni pour "devenir un saint" à notre mode.

C'est la beauté du livre du Père Viot sur La Révolution chrétienne (auquel j'ai participé en tant qu'emm... en chef en lui posant les questions jusqu'au bout) que de revenir à la nécessité absolue de la grâce de Dieu, qui précède toujours l'évangélisateur.

La question qui se pose aujourd'hui (celle qu'aborde Benoît XVI lorsqu'il parle du vide de notre époque) c'est : comment parler de Dieu à des gens qui spontanément n'ont plus aucune religiosité naturelle. L'homo religiosus est mort : il faut prêcher une foi qui ait des formes religieuses (liturgiques ou spirituelles), puisque ces formes n'existent plus chez ceux auxquels on prêche. Or ces formes n'existent que dans la Tradition de l'Eglise, c'est là qu'il faut aller les chercher. La nouvelle évangélisation exige un retour de l'Eglise à des formes religieuses qui aident l'homme à retrouver sa verticalité d'enfant de Dieu, de conquérant du Ciel...

13 commentaires:

  1. Peut-être faudrait-il que ceux qui le peuvent prient pour le retour à la SENSATION (conscience profonde, SENTIE, GOUTEE, VECUE) du BEAU, du BIEN, du BON. Que ceux qui le peuvent, cultivent en eux-mêmes la FOI en l'Amour de Dieu pour eux-mêmes et pour leurs prochains. La nouvelle évangélisation serait peut-être : donner la priorité partout et toujours, ABSOLUMENT, à l'Amour de Dieu, incarné en soi-même, au profit de soi et de son prochain. Donc... recours aux sacrements, et mise en pratique, CONCRETE, des vertus négatives et positives. Pratique des sacrements et des vertus, prédication par L'EXEMPLE et non se perdre en paroles... Les paroles n'ont de force que si elles sont incarnées par celui qui les prononce (Cassien) INCARNONS ce à quoi nous CROYONS. Envers et contre tout, jusqu'à la fin.

    RépondreSupprimer
  2. N'y aurait-il pas une histoire de grenouille qui veut se faire aussi grosse que le boeuf? Le fabuliste était vraiment impertinent...
    Bravo, mon Père, de tracer la bonne route.
    Willy

    RépondreSupprimer
  3. Essai de réponse à aux injonctions contradictoires qui ont pour objet, l’année de la Foi, le Concile V.II, la nouvelle Evangélisation.
    L’anniversaire de Vatican II implique une relecture et un approfondissement de celui-ci. Mais ce concile n’est pas un concile dogmatique ! Il n’est qu’œcuménique, tout le monde le sait : « Le projet de ce concile …n’a pas pour thème, la doctrine. Pour cela, il n’y avait pas besoin d’un nouveau concile…Il est nécessaire que cette doctrine véritable et immuable qui doit être fidèlement respectée, soit approfondie et présentée de manière à répondre aux exigences de notre temps… » Jean XXIII
    Et nous connaissons la suite : « répondre aux exigences de notre temps » laissa la porte ouverte à une nouvelle où à des nouvelles théologies (Rahner and Co. !) et à faire rentrer dans l’Eglise, les idées subversives du monde qui petit à petit ont sapé les fondements de la Foi chez les clercs comme chez les laïcs. Les Eglise se sont vidées parce qu’aussi, les prêtres et les évêques ont « relativisé » doctrine et contenu de la Foi. La réforme liturgique n’étant qu’une conséquence de ce renversement doctrinaire, subversif et non prévu dans le concile. ( non prévu, mais dont le langage subliminal était fort permissif !)
    En ce moment, à Rome, les pères synodaux (padri sinodali) sont réunis pour discuter de toutes ces propositions lancées par le Saint Père. Au bout de la première semaine de travail, il ressort un « mea culpa » au sujet de cette Eglise en ruine spirituelle : « ..faute individuelle et collective qui ont contribué à faire disparaître la Foi Chrétienne. » Ils proposent alors, de repartir de l’esprit de Jérusalem, lorsque les premiers chrétiens vivaient leur Foi de manière radicale pour laquelle ils étaient prêts à tout sacrifice, jusqu’au don de leur vie. Après la proposition de sainteté dont parle l’AG2T dans son billet, voilà comme solution au problème de la Foi, la proposition du martyre ! Comme la sainteté, le martyre ne se cherche pas, on l’accepte si tel est le projet de Dieu !! Proposition extravagante qui masque le véritable enjeu de la Foi !
    On tourne autour du pot, me semble t-il. Que propose t-on pour retrouver le vrai contenu de la Foi ? Le Pape nous demande de nous « ..fixer sur la Croix, signe d’amour et de paix, véritable appel à la conversion et à la réconciliation, signe distinctif annonçant l’Evangile. »
    Tout cela donne des directives générales. C’est très bien, mais nous ne sommes pas des protestants. La Foi est ecclésiale et basée sur un contenu commun.
    Ouf ! grâce encore à un anniversaire, celui du nouveau catéchisme, on pense à « l’occasion unique de se le réapproprier, lui qui contient la force et de la beauté de notre Foi »
    Pour résumer, en chœur, tout ce beau monde, conscient de ses erreurs, cherche une nouvelle conversion ! Devenons des Saints, des Martyres, joli programme, mais si on commençait par être vraiment chrétien et à retrouver les racines communes de notre Foi ?
    Pour cela, on nous propose d’aller au tableau noir, de tout effacer et hop, on reprend le Concile V.II et on recommence… (Concile Vatican II, version 2012, le retour !!)
    Comment approfondir alors la doctrine immuable et inviolable de l’Eglise, comme celui-ci devait le faire ? Comment se convertir réellement ? Comment annoncer l’Evangile aux athées que nous côtoyons tous les jours, aux chrétiens déracinés ? Par la prière et le Rosaire, nous propose encore le St Père. Mais encore ?
    Benoîte

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. En faisant le catéchisme dans vos paroisses. On est en demande criante. Profitez-en !

      Supprimer
  4. Cher Monsieur l'abbé,

    Je vais encore devoir vous désobliger, pas autant que la dernière fois, maisil faut ce qu'il faut. Cet article est assez illustratif de l'analyse que je faisais sous le précédent : vous partez d'idées justes, d'idées vraies, et même d'idées belles, pour finir en fanfare sur vos obsessions, rien que vos obsessions et toutes vos obsessions. Mais d'abord vos idées justes, vos idées vraies et vos idées belles :

    1. La nouvelle évangélisation est une scie. Je me souviens de mgr brandt qui, tenant absolument à marquer qu'il était en désaccord avec Jean-Paul II, se fendit d'un article dans "L'alsace" où il expliquait que Jean-Paul II était un partisan de "la nouvelle évangélisation de l'europe" tandis que lui, charles-amarin brandt, était un partisan de "l'évangélisation de la nouvelle europe". Et de fait, l'évangélisation est toujours nouvelle parce que le sol où l'on sème est toujours nouveau. Alors pourquoi se gargariser que l'évangélisation soit nouvelle ? Pour être "de son temps" ? Pour être dans le vent, avoir cette ambition de feuille morte ?

    2. Deuxième idée juste : "la nouvelle évangélisation" repose "uniquement" sur "un appel à la sainteté", et ce n'est pas d'aujourd'hui, ni n'est l'initiative d'un "membre éminent de l'opus dei", ç'a été voulu comme ça par Jean-Paul II et répercuté par ces espèces d'appel à la sainteté de vitrail d'un daniel ange (le bien nommé) à des "jeunesses lumière", dont la beauté des corps et des voix doivent suggérer la beauté des âmes. Et ce alors que (vous rehaussez ici votre idée vraie d'une idée belle) "ce que nous ne savons pas et ne pouvons pas savoir de notre sainteté est plus grand, plus important que ce que nous en savons." Non seulement, comme vous le dites, "les saints ne savent pas pourquoi ils le sont", mais il y a de grandes chances que, s'ils se croient des saints, ce soient des imposteurs. Il circule une blague moyennement drôle de sacristie , à propos d'une sœur fictive, qu'on tenait pour une grande sainte. Un jour, un jeune dévot la rencontre dans un bus et l'accoste :
    "Alors, c'est vous, la sainte ?"
    "Oui oui," répond la sœur sans se démonter.
    Et notre enthousiaste de pâlir devant une sainte qui l'était peut-être, car enfin, la franchise, le bon naturel et la joie de vivre sont très propices à la sainteté.

    RépondreSupprimer
  5. (Suite)

    3. Mais c'est ensuite que ça se gâte, et qu'après vos idées justes, vos idées belles et vos idées vraies, vient le tour de vos obsessions et c'est un festival ! Car le philosophe que vous êtes a appris à démontrer, la démonstration est brillante, elle n'en est que plus redoutablement controuvée :

    " La question qui se pose aujourd'hui (celle qu'aborde Benoît XVI lorsqu'il parle du vide de notre époque) c'est : comment parler de Dieu à des gens qui spontanément n'ont plus aucune religiosité naturelle. L'homo religiosus est mort", assénez-vous, tirant parti du pessimisme de benoît XVI. Comme si l'animal religieux pouvait jamais mourir, comme si vous ne saviez pas qu'il ne mourra qu'avec l'homme ! Votre mort de "l'homo religiosus" me fait penser à "la mort spirituelle" dans laquelle les luthériens prétendent que vivent ceux qui n'ont pas rencontrer le christ, une "mort spirituelle" qui fait froid dans le dos !! Voilà de singuliers hommes que ces luthériens, qui peuvent rencontrer leurs prochains en pensant que ce sont des cadavres. Puisqu'ils aiment leur prochain, ils aiment donc des cadavres, seraient-ils nécrophiles ? Il est vrai que vous abordez "la nouvelle évangélisation" avec un ancien inspecteur éclésiastique luthérien devenu prêtre catholique. Et comme votre interlocuteur est conséquent et fidèle à lui-même, il n'a pas renié tout Luther. Il a donc pu reprendre à son compte et vous rendre contagieux à l'idée que vous viviez à côté de "morts spirituels" que vous deviez prêcher. Eh bien, permettez-moi de préférer à votre analyse macabre l'initiative qu'a prise le cardinal Lustiger, qui fut de mettre dans la lumière, durant les dernières conférences de carême que je trouvai marquantes, la figure du P. Joseph-Marie verlinde, qui prêcha sur le thème :
    "Le christianisme au défi des nouvelles religiosités" ! Et croyez-moi que le sujet ne l'a pas laissé sec. Il en avait, des choses à dire. D'ailleurs, vous n'êtes certainement pas sans avoir lu le livre qui a été tiré de ces conférences. Si vous ne l'avez pas fait, je vous le recommande.

    4. Aux "morts spirituels" que vous devez réanimer, "il faut prêcher une foi qui ait des formes religieuses (liturgiques ou spirituelles), puisque ces formes n'existent plus chez ceux auxquels on prêche. Or ces formes n'existent que dans la tradition de l'eglise, c'est là qu'il faut aller les chercher."

    CQFD : "la nouvelle évangélisation, c'est le retour à la tradition", et voilà comment vous aiguisez une scie pour établir un discours qui vous convient et dont vous comptez sur votre force de persuasion pour convaincre que, s'il vous convient et vous contente, il peut aussi contenter et convenir à l'Eglise universelle. Vous lui redonnerez des formes et le goût du surnaturel. Seulement, en calculant à ce point l'emprise du surnaturel, vous risquez de le frelater, et vous ne laisserez pas la place du merveilleux chrétien dont Dieu veut réenchanter son eglise.

    RépondreSupprimer
  6. Chassez le "naturel" , il revient au galop !

    La "nature" et la "religion naturelle" ne sont jamais bien loin sous la surface pour peu que l'on ose , que les chrétiens osent, que les catholiques osent à nouveau parler de "nature" et de "surnature" avec intelligence et donc osent se réapproprier la pensée grecque et la théologie médiévale où selon la belle formule de St Anselme la foi cherchait l'intelligence("fides quaerens intellectum" St Anselme de Cantorbery , d'Aoste et du Bec 11° siècle).

    Disons plutôt que l'homo religiosus est dans un état de léthargie avancé proportionnel à l'abrutissement médiatique organisé...Mais on peut le réveiller . Si on le veut....

    Mais rappelons nous ces "théologiens éclairés" Jésuites ou Dominicains ...qui voulaient une foi débarrassée de la "religion"...Le fidéisme , on est en plein dedans , ne tient pas longtemps hors sol , hors nature, hors religion...et s'écrase mollement en retombant au sol

    RépondreSupprimer
  7. "la place du merveilleux chrétien dt Dieu veut réenchanter son Eglise"

    Tout beau , tout beau , l'ami ! Que veut Dieu au juste ?
    J'aimerais bien le savoir

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. "Comment parler de Dieu à des gens qui spontanément n'ont plus aucune religiosité naturelle. L'homo religiosus est mort : il faut prêcher une foi qui ait des formes religieuses (liturgiques ou spirituelles), puisque ces formes n'existent plus chez ceux auxquels on prêche."
      That is the question, m. l'abbé, mais croyez-vous vraiment que l'homo contemporainus ait perdu sa religiosité naturelle ?
      Il n'a rien perdu puisque sa nature n'a pas changé, n'est-ce pas ?
      Alors naissent, ici ou là, des formes dégénérées de ritualisme, souvent liées au corps (par ex.la multiplication des centres de tatouage, de piercing, de polissage du corps, des ongles, les bains à ceci, à cela,...).
      Non, les rituels n'ont pas disparu mais ils sont dévoyés ou plutôt redevenus barbares ou (et) selon la mode phobique du temps : hygiénistes.
      Par ailleurs, regardons nos contemporains s'extasier devant les rituels hindouistes, bouddhistes, acheter moult bâtons à encens fûmant autour de leur baignoire en recherche de zenitude. Les filles (plus "religieuses") surtout sont friandes de rituels maniaques. Les garçons se défoncent en partageant religieusement leurs joints car il y a des rites là aussi, en bandes d'initiés.
      Regardez autour de vous, ces comportements sont foultitude et c'est justement parce que nos contemporains recherchent désespérement la religiosité et qu'ils se fourvoient dans des impasses, que la religion catholique doit revenir aux formes.
      Vous avez raison.
      Elle commence à le faire d'ailleurs : renaissance des pélerinages, renaissance de la fête des lumières à Lyon avec nombre jeunes accueillant les passant pour leur réapprendre à prier. Et Lourdes ? c'est mort ? Bien sûr que non.
      A vous le mérite d'avoir eu la sagesse de maintenir. Ou plutôt, merci à l'Esprit-Saint d'avoir gardé dans son sillon des apôtres tels que vous.
      Bien sûr que les hommes ont besoin de Tradition. Que l'Eglise n'hésite plus à s'y engouffrer, dans ce désir ! L'Homme a l'esprit magique (l'une des "Deux Sources de la Morale et de la Religion" de Bergson), c'est pour son bien.

      Supprimer
  8. @Benoîte,

    Devenons des saints, des martyrs, proposent les pères synodaux. Vous dites : redevenons de vrais chrétiens, le martyre et la sainteté ne se cherchent pas, le martyre se trouve et la sainteté s'éprouve au gré des circonstances ou tribulations, oui, mais il n'y a pas de chrétiens tièdes. "Revivre sa foi" selon l'esprit de Jérusalem propose aussi, après la voie patristique et en même temps que l'exégèse commune entre juifs et chrétiens une troisième voie pour recevoir notre foi de manière renouvelée: réentendons notre evangile, comme si c'était pour la première fois, dans une espèce de désapprentissage socratique (et pédagocratique), en ne faisant référence au "magistère immuable" que comme à une réminiscence, dont les intuitions nous reviendront quand nécessaire.

    Le vatican a longtemps cru suppléer à l'indifférence à l'evangile par la culture. L'abbé de t est d'accord avec cette orientation. Or ce n'est pas "l'homo religiosus" qui est mort, c'est l'homme culturel et nous ne nous apercevons que des effets immédiats de cette mort: les jeunes ne savent plus rien, ils ne comprennent plus rien aux églises qu'ils visitent. L'homo culturalis est mort (j'espère que mon néologisme ne "martyrise" pas la grammaire latine) et il faut en profiter, car l'Evangile, lui aussi, est profondément aculturel, s'il est inculturable (les jésuites l'ont assez démontré en chine et les missionnaires ailleurs). L'Evangile est aculturel. non seulement il veut avoir l'oreille des gens sans culture, des enfants contre les savants, mais de plus, dans une lecture girardienne de son impact, il dénonce les formes culturelles comme intrinsèquement violentes et sacrificielles, comme intrinsèquement organisatrices du "sacrifice de l'autre". Profitons de la compatibilité entre la mort de "l'homme culturel" et de l'aculturalisme évangélique pour l'annoncer en saints et martyrs tendant à la perfection et comme des enfants théologiques que nous sommes redevenus et que sont encore plus ceux à qui nous devons faire cette annonce, faire le catéchisme, enseigner le kérigme.

    C'est pourquoi l'enjeu n'est nullement formel. Les évangélistes ont tant de succès parce qu'ils sont des ignares en théologie, mais que leur théologie n'est pas misérable. Tresmontant peut dire ce qu'il veut: quand Jésus parlait aux apôtres et aux foules, il ne leur parlait pas Hébreu, la langue sacrée ou la langue des lettrés. Or il s'agit moins aujourd'hui de célébrer les fruits de la Passion du christ que de trouver un langage nouveau pour apprendre à les recueillir à nos contemporains qui ne vont même plus chaparder à l'arbre les fruits en leur saison, et qui préfèrent acheter en toute saison des fruits traités aux conservateurs et à l'insecticide.

    RépondreSupprimer
  9. J'apporte un correctif à mon commentaire. L'evangile n'est pas aculturel, il faut dire plus et mieux: l'Evangile est profondément anticulturel.

    RépondreSupprimer
  10. "Le Vatican a longtemps cru...." et blablabla nous dit Julien emporté par les flots qui s'écoulent incontinent de sa bouche d'or comme chrysostome !

    Non un peu de mesure dans l'expression et la pensée cher convive . Vous avez l'air de vous y connaitre en vatican , en vaticanerie et vaticanologie . J'en suis tout ébahi et j'en reste coit (pas longtemps rassurez vous ).

    Si vous aviez réfléchi avant de parler et de céder au plaisir de faire un bon mot et de belles phrases , vous auriez vu qu'il n'y a pas d'Evangile hors sol , c'est à dire sans culture et pas de vrai culture féconde sans nature c'est à dire enracinée dans le sol du "donné"(datur) naturel, de la réalité qui nous précède et dont nous sommes une partie (infime).

    Bien sur si l'on parle de "culture" oiseuse et oisive de salons pour soirées arrosées, de contre culture nihiliste, et que l'on appelle ça culture, effectivement on peut y trouver un ersatz-substitut de religion.

    Si vous allez voir le musée du Vatican vous en ressortirez plutot émerveillé par le génie humain et plus disposé à croire . Il n'y a donc absolument pas d'opposition au contraire

    RépondreSupprimer
  11. Désolé, Hermeneas, encore faut-il distinguer entre les différents genres de culture. D'accord avec vous qu'il n'y a pas de culture hors sol, de culture sans nature, d'où la nécessité d'une agriculture (et il n'est pas étonnant que l'evangile prenne maints exemples agricoles). La culture de soi est elle aussi une espèce d'agriculture, il s'agit de cultiver son propre sol pour donner de l'engrès à la Parole de dieu et que les épines ne chassent pas les divines semailles. L'art émane lui aussi de la culture de soi.

    Mais la culture que condamne l'evangile, c'est celle de l'érudition stérile, inféconde, capable sans doute de produire une histoire de l'art, mais certainement pas d'oeuvre d'art. Bref, la condamnation que profère l'Evangile contre la culture s'adresse à l'accumulation de connaissances pour la connaissance et non pour découvrir Dieu ou la création. L'evangile condamne une culture dont la connaissance n'est pas ordonnée à l'amour. Cette condamnation se résume par cette Louange du christ à son Père (rien de moins que la forme d'une louange donnée à un anathème), qu'Il n'Ait pas Jugé bon d'adresser sa Parole aux sages et aux savants qui l'auraient stérilisée, mais aux "pauvres", aux "petits", aux enfants, qui sauront la dessiner, comme l'aviateur un mouton pour le petit prince...

    D'autre part, point n'est besoin d'être un grand vaticaniste pour se rappeler le rôle confié par Jean-Paul II au cardinal Poupard, secrétaire d'Etat du vatican à la culture. Je préfère une initiative comme "le parvis des gentils" plutôt qu'un tel secrétariat d'etat qui me paraît avoir vibrillonné et voyagé sans que cela rime à grand-chose de palpable. A Paris, cette orientation a mené à l'ouverture du Centre Saint-Paul par cet esprit libre qu'est l'abbé de tanoüarn, initiative qui a son pendant institutionnel dans le collège des bernardins que vous n'avez pas l'air de beaucoup porter dans votre coeur.

    RépondreSupprimer