mardi 30 avril 2013

"Les gens n'ont plus envie d'être schizophrènes" : vive le printemps chrétien

Le début de cet entretien est paru dans Monde et Vie, dont le dernier numéro comporte un magnifique dossier sur le printemps chrétien que notre France est en train de vivre. Faute de place,la revue n'a pas pu publier intégralement le témoignage de Guillaume et de Carl. Mon amie Claire Thomas me l'a proposé. Le voici donc sur metablog. Ni Guillaume ni Carl ne sont des activistes. Ils voient les choses du point de vue de l'Eglise et de ce que ce printemps change dans l'Eglise de France. 

Le Mouvement initié par la Manifestation pour tous et qui la déborde largement est difficile à décrypter. Pas de leaders affirmés, sinon des gens que l’on désigne par leurs prénoms. Pas de mots d’ordre officiels, des consignes qui passent par les réseaux sociaux. Cela veut-ils dire que ces manifestants sont des manifestants de hasard, des militants de rencontre ? Nous avons souhaité donner la parole à deux jeunes qui participent aux manifestations. Ils ne se connaissaient pas avant que nous n’organisions cette rencontre. Ils ne se sont pas entendus pour délivrer un discours semblable. Leur point de vue et leur formation sont assez différents mais leur enthousiasme est tout à fait convergent. Ils indiquent, sans s’être concertés, que naît dans la rue, en ce moment, un véritable printemps du christianisme en France. 

CT : Guillaume, Carl, j’aurais d’abord envie de vous demander qui vous êtes… D’où parlez-vous ? 

GL : Nous sommes tous deux de simples militants de base, ni Printemps français, ni Veilleurs, ni Camping pour tous, ni Hommens, ni « Salopards », ni « Comité d’accueils » pour ministres en déplacements professionnels, mais n’hésitant pas à aider les uns et les autres. Depuis le début de cette affaire de mariage homosexuel, à Paris, nous essayons d’être présents sur tous les fronts dans une opération qui compte déjà quelques réussites… Vous nous demandez : « Qui êtes-vous ». Disons que nous représentons l’un et l’autre, incognito, deux parmi des milliers, un mouvement fondateur qui implique toute une génération de catholiques : les manifestants viennent de partout mais ils se sont regroupés autour de viviers de gens formés : je pense à l’Institut Albert le Grand (Angers) à l’ICES (La Roche sur Yon), à l’IPC (Paris), qui fournissent des cadres à notre révolte. Pour la plupart, on pourrait dire que nous relevons de « la jeunesse JMJ ». Au départ, nous sommes des catholiques bisounours, soit de formation diocésaine classique, soit des groupes chacha (charismatiques NDLR) qui découvrent l’hostilité des médias et du monde. Ces jeunes gardent encore une sorte de répulsion pour le milieu tradi, mais ils se sont radicalisés par rapport aux médias et au gouvernement. François Hollande a réussi à transformer des bisounours en militants politiques engagés… contre lui. C’est un véritable tour de force ! 

CMR : Je voudrais ajouter une petite précision à ce que dit Guillaume sur la génération JMJ. Je crois que c’est aussi et plus précisément la génération Benoît XVI. Nous n’avons vu, nous, que la fin du pontificat de Jean-Paul II et une fin difficile.. Nous n’avons vraiment reconnu toute l’importance de ce pape qu’au moment de sa béatification… Mais Benoît XVI est un marqueur beaucoup plus important pour notre jeunesse, un marqueur de résistance. Il nous laisse un enseignement, un héritage intellectuel et puis aussi disons qu’il a polarisé les médias davantage encore que Jean-Paul II, ou pour ou contre lui. Personnellement je peux dire aussi que sans son Motu proprio sur la liturgie, je ne connaîtrais pas la liturgie traditionnelle et je ne serais pas le chrétien que je suis.

CT : Mais quelle action envisagez-vous ? 

GL : Descendre dans la rue et manifester, c’est déjà une action en soi, qui montre que les jeunes ne se résignent pas à la ghettoïsation et à l’enfermement communautariste dans leur sacristie. Les mots ont leur importance à cet égard : « la manifestation pour tous » cela dit bien ce que cela veut dire. Il s’agit de chrétiens (contrairement à ce que l’on entend parfois durant les manifestations : la manif black blanc beur a fait long feu), mais ce sont des chrétiens qui s’intéressent à leur pays, qui marchent pour la France et les Français. Pour ce qui est d’actions à mener, on parle aussi de listes aux Municipales, face à des élus UMP qui auront voté pour le mariage homosexuel ou se seront abstenus. Pourquoi pas tenter d’organiser ces représailles politiques ? Cela peut constituer un tremplin pour que certains se lancent en politique

CMR : Je ne crois pas que l’avenir soit à chercher du côté de la politique. Je crois plutôt à l’émergence d’une élite culturelle, consciente de son identité chrétienne et qui la revendique, j’allais dire qui la revendique avec ou sans la foi explicite et personnelle. La société rompt en visière avec le droit naturel. On ne peut plus rester indifférent devant cette rupture. Je vois à Sciences Po quelques étudiants qui ne sont pas catholiques mais qui suivent avec beaucoup de sympathie les militants qui manifestent… 

GL : Pour être plus précis au niveau des actions à soutenir, je dirais d’un point de vue personnel, que je suis 100 % en faveur des actions coups de poing. Il faut le reconnaître, les militants que nous sommes constituent une minorité dans la population, donc vouloir faire des sittings ou une veillée sur le gazon de l’Esplanade des Invalides, cela ne dérange personne, cela n’exerce aucune véritable pression sur le Pouvoir. Ceux, parmi les manifestants, qui se sont nommés Les Veilleurs revendiquent ce genre d’action. Il y a un côté positif parce qu’ils forment leurs militants par des lectures et une ouverture à la culture. Mais faire la comparaison entre les Veilleurs et le mouvement de Gandhi aux Indes, cela ne marche pas ! Gandhi avait avec lui 90 % de la population, c’est la raison pour laquelle ses actions non-violentes ont eu un tel retentissement. Il faut que nous ayons nous aussi des modes d’action qui soient proportionnels à ce que nous sommes. Pour l’instant nous avons fait évoluer l’Opinion publique et c’est bien. D’après les derniers sondages, 56 % des Français sont opposés au Mariage pour tous. Mais on n’a pas assez de militants pour qu’une Opération de style passif fonctionne.

CT : Vous êtes donc pour la violence ? 

GL : Nous ne sommes évidemment pas pour la violence, même si je viens de vous dire les limites de la non-violence. Ce qu’il faut organiser, ce sont des actions démonstratives, symboliques, médiatisables immédiatement. Je crois aussi à ce que le camarade Jean-Christophe Cambadélis appelait le harcèlement démocratique, qui ne s’en prend pas aux personnes mais à leur fonction. Les Comités d’accueil qui un peu partout en France saluent à leur manière les personnalités en voyage ont un impact important. J’en profite pour dire qu’il y a une deuxième comparaison incorrecte, après celle de Gandhi, celle de Mai 68. Les barricades, cela ne fonctionne plus, pourquoi ? En Mai 68, les étudiants avaient avec eux la plupart des intellectuels, tous ceux que l’histoire retient autour de la French theory, Foucault, Derrida, Deleuze etc. Ces intellectuels s’employaient à justifier l’action violente des étudiants. Nous n’avons rien de comparable aujourd’hui. 

 CMR : Pour nous qui tenons ce blog Le Rouge et le Noir, nous pensons que la contre-révolution est culturelle d’abord et intrinsèquement liée à l’évangélisation. On doit constater une ignorance abyssale de notre génération. Dans notre société, il reste des fruits pourris de l’ancienne évangélisation, fruits pourris parce qu’ils ont été coupés de leur racine chrétienne, ce que Chesterton appelait je crois des « vertus chrétiennes devenues folles ». Mais il n’y a plus rien de chrétien, même les connaissances les plus élémentaires manquent… Quel serait le programme des chrétiens de la Manif pour tous ?

CMR : Un programme éthique, avec en première ligne la défense de la famille, de la vie, de la culture de vie. Cette défense passe par un attachement aux réalités, qui signifie immédiatement le refus de toute idéologie. Ce qui nous différencie avant tout du PS et de l’UMP c’est la question des valeurs… Et cette affirmation commune des valeurs chrétiennes, elle favorise l’unité de tous les catholiques sur le terrain. Ainsi j’ai vu des gens de Saint Nicolas du Chardonnet dans le Service d’Ordre de la Manifestation pour tous… On va aussi bien à ce que j’appellerais des « messes jésuites » de la Rue Saint Guillaume qu’au pèlerinage de chrétienté. Sans transition. Il naît un respect mutuel entre jeunes catholiques, une volonté de se comprendre, qui est indépendante des mots d’ordre venant du clergé ou des évêques. 

GL : Vous parlez de valeurs, je crois qu’il ne faut pas hésiter à évoquer un véritable retour identitaire. Dans les « afters » des manifestations, cela finit en veillées scouts avec une affirmation claire de ce qu’on est… des chrétiens !

CT : A quoi vous pensez lorsque l’on vous dit que ce Mouvement est en train de faire époque ? 

GL : Moi, ce phénomène de résistance des jeunes à ce que leurs aînés croient être le sens de l’histoire et la modernité inarrêtable, il me fait penser au film Les invasions barbares. Denys Arcand y raconte une confrontation entre un père et son fils : le père est un débauché qui vit avec sa maîtresse maîtresse, prenant de la drogue pour essayer d’oublier sa maladie. Son fils, Sébastien, lui, a une conception de la famille beaucoup plus traditionnelle. Il ne faut pas oublier que beaucoup des jeunes qui descendent dans la rue sont issus de familles que le divorce a mises à mal : ils sont particulièrement sensibles aux désordres familiaux. En cela, ils sont bien de leur époque dans le jeu de balancier de l’histoire. 

CMR : Avant de dire que ces Manifestations font époque, il faut mesurer le risque de démobilisation, après la promulgation de la loi. On nous prédit cette démobilisation. Il faut qu’on arrive à montrer aux Pouvoirs publiques qu’on est tout aussi mobilisé face à d’autres lois, sur la PMA par exemple ou sur le droit à l’euthanasie. Les catholiques sont enfin entrés en confrontation avec la pensée dominante. Les catholiques bourgeois en ont pris un coup… 

CT : Catholiques bourgeois, qu’entendez-vous par là ? 

CMR : Je ne parle pas d’une classe sociale, je parle d’une attitude, je parle des catholiques bourgeois au sens où en parle un spécialiste d’histoire religieuse comme Emile Poulat, bourgeois au sens que l’on donnait à ce mot à l’époque du Ralliement de l’Eglise à la République (1891). Etre bourgeois, c’est vouloir toujours paraître «modérés», proche du Pouvoir. Tout cela est derrière nous. Aujourd’hui où l’on remet en cause jusqu’au droit naturel, les gens n’ont plus envie de faire de compromis en cachant ce qu’ils pensent vraiment au fond. La nouvelle élite catholique sera plus radicale, moins effacée : les gens ne peuvent plus être des schizophrènes.

(Propos recueillis par Claire Thomas)
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Guillaume Lévi, centralien, a 25 ans. C’est un jeune professionnel, qui prend sur ses loisirs, le soir, pour aller assidûment manifester. Carl Moy-Ruifey, 22 ans, est élève à Sciences Po Paris, militant à plein temps et blogueur à ses heures sur Le Rouge et le Noir.

lundi 29 avril 2013

une action, deux minutes, trois euros [par RF]

[par RF] Mise à jour du 29 avril: [LeSalonBeige] Paris sans Nathalie?
Mise à jour du 23 avril: [LaManifPourTous] Après le bitume, les urnes
Notre texte du 22 avril: 

L’UMP parisienne organise des primaires pour désigner son candidat aux Municipales de 2014. Pour y participer il faut être électeur à Paris (ce que je suis), et s’inscrire sur le site primaireparis.fr (moyennant trois euros par carte bancaire). Oubliez toute facétie: l’UMP dispose des listings électoraux – on ne peut s’inscrire qu’après avoir été identifié/e sur ces listes.

Mais, me direz-vous, pourquoi chercher à désigner un candidat pour lequel je ne voterai sans doute pas, puisque je réserve mon suffrage à l’extrême gauche (ou à l’extrême droite, ou à l’extrême centre)?

Je lis dans le Figaro que la question du «Mariage Pour Tous» pourrait s’inviter dans la campagne. Je crois qu’en fait elle ne s’invitera pas toute seule – c’est à nous de l’y pousser.

J’imagine que des dizaines et des dizaines de milliers de personnes s’inscriront aux primaires. Quelques centaines d’opposants au mariage représentent donc déjà 1% de ce corps électoral. S’ils veulent bien s’inscrire en signalant à qui de droit que les positions sur le sujet conditionneront leur vote, cela peut motiver quelques élus aujourd’hui velléitaires. Bref, pour trois euros, aidez l’UMP à concrétiser dès 2013 les promesses faites pour 2017.

PS1 - S'inscrire prend littéralement 2 minutes, voter sera encore plus rapide: via internet! Je récapitule: il faut être électeur, disposer d'une adresse mail, d'une carte bancaire, et d'un téléphone portable (pour confirmation du vote).
PS2 - Le retrait de Rachida Dati enlève du piment à cette course à l’investiture. Une faible participation augmente mécaniquement l’importance que vous avez.

Quatrième dimanche après Pâques : le jugement du monde

Revelavit justitiam suam : il a révélé sa justice, chantons-nous dans l’Introït du Quatrième dimanche après Pâques… S’il l’a révélée, c’est que nous ne la connaissions pas. Nous nous targuons peut-être de faire ce qui est juste, mais en réalité nous avons besoin que le Christ nous révèle la justice pour l’accomplir. Cette Justice n’est-elle pas dans les Dix commandements que Dieu a donnés à Moïses ? Bien sûr : elle s’y trouve annoncée, mais elle y demeure inaccessible. « L’accomplissement du précepte c’est la charité » dit saint Paul aux Romains (13, 10), et la charité n’est pas dans la lettre des dix commandements, elle appartient au Christ qui est l’Epiphanie active de la charité du Père.

Cette justice active est une justice aimante : omne agens agit ex aliquo amore. Tout agent agit poussé par une forme d’amour écrit saint Thomas d’Aquin au début de la IaIIae dans la Somme théologique. La justice du Christ, c’est l’action. Le principe de l’action, c’est l’amour. Mais le principe de l’amour ? C’est le don. La justice du Christ n’est pas une justice qui prend, qui exige son droit. C’est une justice qui donne. Notre psychologie, avec ses étroitesses, est complètement dépassée. C’est, au-delà de la Psuché, l’Esprit saint, l’Esprit divin qui nous fait agir de la sorte et cet Esprit nous révèle ce qu’est Dieu, en même temps qu’il nous pousse à agir selon Dieu. C’est un peu ce que l’Evangile d’aujourd’hui nous explique, de manière, il faut le dire, assez énigmatique. « L’Esprit saint convaincra le monde au sujet du péché de la justice et du jugement ». Ce que nous annonce Jésus, c’est une vérité nouvelle, une vérité en action, une vérité qui se donne à voir dans l’histoire : « L’Esprit saint convaincra le monde ». Comment s’opère cette conviction : obscurément, comme le levain dans la pâte, mais activement. L’Esprit emporte la conviction du monde en lui montrant dans les faits quelles sont les conséquences du péché. L’Esprit emporte la conviction du monde en lui montrant dans les faits que Jésus retourné au Ciel, sa Justice demeure possible, dans l’amour, car lui  l’Esprit, cette justice christique, la seule vraie justice, Il l’inspire et la réalise. Enfin l’Esprit instruit et convainc le monde au sujet du Jugement car le monde est déjà jugé et il le sait. Obscurément il a choisi la mort. Souvenez-vous de la surprise de Freud lorsqu’il découvre que les êtres vivants, qu’il croyait faits pour la vie, de tout leur désir vont à la mort. Je crois que nous sommes aujourd’hui dans de telles structures de péché que la société, sans le savoir ou plutôt sans vouloir le savoir, a choisi la mort. Elle a choisi l’autodestruction.

C’est ce que l’Epître aux Hébreux appelle « l’Empire de la mort » : étrange et terrible Souveraineté, qui fait dire à Jésus : le monde est déjà jugé. Le monde va de lui-même à sa perte à force de mensonges (toutes ses promesses de bonheur non tenues : voilà le monde), à force de jalousie (on préfère détruire ce qui est bien pour que l’autre ne le possède pas) et d’autodestruction. Pourquoi cet Empire de la mort ? C’est l’Empire du péché. Mais qu’est-ce que le péché ? Le Christ est formel : « L’Esprit saint convaincra le monde au sujet du péché car ils n’ont pas cru en moi ». Ce qui peut se comprendre de deux façon : d’une part, c’est Jésus l’Innocent qui était venu convaincre le monde de son péché et son Innocence a été bafouée, condamnée, détruite autant qu’il en était possible. L’Esprit saint reprend cette tâche du Christ et la mène à bien en faisant en sorte que les hommes croient au Christ. On peut aussi concevoir que ce que nous révèle Jésus, qui est la Justice par excellence, c’est que le péché de l’homme consiste à refuser Jésus. Sans lui, on ne peut pas éviter le péché. S’il ne nous purifie pas de a pureté qui vient de sa Croix, nous sommes incapables de nous purifier nous mêmes. Cette formule énigmatique du Christ est une invitation à avoir confiance dans le temps qui passe, confiance dans l’histoire. Si apocalyptique puisse-t-elle apparaître, l’histoire est d’une manière ou d’une autre, par la foi ou par la non-foi, une manifestation de la puissance du Christ et du Salut qu’il nous apporte, lui seul. Nous craignons une apothéose du mal ? N’ayons pas peur ! C’est encore l’Esprit saint qui se manifeste dans le caractère toujours absurde et inhumain de cette Manifestation.

Abbé Guillaume de Tanoüarn

dimanche 28 avril 2013

Quelle sorte de gauche n'aimons-nous pas ?

Il a été à la mode de dire que le clivage droite/gauche avait vécu, que les problématiques de droite et de gauche n'étaient plus clivantes et qu'il fallait raisonner de façon métapolitique. Personnellement, je crois au metablog, c'est-à-dire à la possibilité, par Internet, dans une explication franche et directe, qui ne tourne pas autour du pot, de dépasser les clivages. Je sais bien que le metablog est lu par des gens de toutes tendances, ayant ou  non la foi. C'est tellement facile un clic, cela ne coûte rien, et (parfois) cela fait réfléchir.

Autant je crois au metablog, qui procède avant tout du respect de ses lecteurs, les lecteurs habituels comme les lecteurs de rencontre, autant je ne crois plus à la métapolitique. Il me semble qu'il n'est pas possible actuellement de dépasser les clivages. Il est vrai que le grand clivage droite/gauche, qui existe au moins depuis la Révolution française, a utilisé divers thèmes pour opérer le clivage. Prenons l'antisémitisme : à l'époque de Karl Marx et de ses réflexions sur la question juive, à l'époque de Proudhon, c'est un thème de gauche. Je dirais même l'antisémitisme est une figure imposée de la rhétorique anticapitaliste. Et puis, après la défaite de Soixante dix, les juifs deviennent pour les nationaux des boucs émissaires, qui expliqueraient la défaite. C'est dans cet état d'eprit, hélas, que beaucoup de Français abordent l'Affaire Dreyfus. Et alors, mécaniquement, les partisans de l'Humanité, au-delà des nations, deviennent forcément anti-antisémites. Mais on peut prendre beaucoup d'autres thèmes : la nation, par exemple, c'est un thème de gauche. La Révolution française est le produit du nationalisme des Français, exaspérés du mariage avec "l'Autrichienne" et du renversement des alliances, et qui ne comprennent pas le jeu de bascule auquel se sont livrés les Bourbons (auxquels par ailleurs le XIXème et le XXème siècle donneront tellement raison sur ce plan). Vive la nation ! La nation ou la mort ! crient les Sans-culotte. Face à ce nationalisme révolutionnaire, les contre-révolutionnaires, qu'ils cherchent du secours du côté des Anglais ou sur l'autre rive du Rhin à Coblenz, apparaissent comme des Européens convaincus. Combien sont allés servir le Tsar, pour ne pas servir la Révolution française ? On sait qu'ensuite la nation devient un thème de droite, mais après la Guerre de Soixante-dix : on le cherchera vainement chez Bonald. Maistre est Savoisien et Burke... Anglais (donc nationaliste à sa manière d'ailleurs, mais catholicophile, hostile à la persécution des Irlandais, et anti-tory). On peut dire la même chose du thème social, les fascistes européens ayant été beaucoup plus efficaces sur ce plan que les radicaux socialistes ou les socialistes français (en 1905, Clemenceau faisait tirer sur les grévistes à balles réelles). Vous me direz : les fascistes ne sont pas de droite ?...

En tout cas, le clivage droite gauche n'est pas matériel, il ne tient pas à tel ou tel thème, c'est pourquoi il est difficile à repérer. D'autant plus que la notion de droite est, elle, très flou, au point que l'on peut dire je crois : est de droite tout ce qui n'est pas de gauche (et donc, en particulier les apolitiques).

Il faut donc essayer de savoir ce qu'est la gauche, en acceptant immédiatement la variété des thèmes de gauche. Jusqu'à plus ample informé, j'en tiens pour la distinction des quatre gauches que propose Jacques Julliard dans son récent opus sur les gauches françaises. il y a dit-il, la gauche libérale (Benjamin Constant) la gauche jacobine (Robespierre), la gauche collectiviste (Baboeuf, Fourier, Marx). Il identifie aussi une gauche anarchiste avec Proudhon. Restent deux gauches non identifiées : la gauche technocratique de Saint-Simon (j'expliquerai tout à l'heure pourquoi je le mets à gauche) et la gauche nihiliste qui est l'un des avatars de Mai 68 (il y a eu beaucoup de soixante-huitards qui n'étaient pas nihilistes au contraire) ; en tout cas, aujourd'hui cet avatar nihiliste a pris le pouvoir.

Les quatre ou les six gauches ne nous disent toujours pas ce qui, au delà de la diversité des thèmes, constitue la gauche. Pour moi, la gauche c'est deux choses :

L'idée d'une part d'une marche irréversible vers un progrès humain - et pas seulement un progrès matériel ou scientifique. (Exemple : le mariage gay, dans dix ans tout le monde y sera venu; c'est ce que FH aurait dit à Frigide). En ce sens, malgré son libéralisme, Montesquieu n'est pas de gauche ; en revanche, malgré l'utopisme archaïsant de sa vision politique, Rousseau l'est : il croit au progrès.

D'autre part, l'idée qu'au bout de la longue marche du genre humain, il existe une sorte de Paradis, un havre de paix qui représente l'Absolu non pas hors de l'histoire mais dans l'histoire. Cette deuxième idée est une hérésie chrétienne, que Jacques Maritain définissait comme "la temporalisation du Royaume de Dieu".

Face à la Gauche, dit Laurent Dandrieu dans Monde et Vie, "nous sommes (à droite) le Parti du péché originel". Nous considérons, en outre, que la tendance gauchiste à rêver d'un Absolu sur la terre relève de l'hérésie chrétienne. L'Evangile parle non seulement du Royaume de Dieu, mais équivalemment, du royaume des cieux. Histoire de montrer aux zélotes de tous les temps que l'on ne peut pas l'installer sur la terre. Quand en plus cet Absolu c'est le néant ou le "tout se vaut"... il ne reste qu'à tirer l'échelle.

samedi 27 avril 2013

[verbatim] Bruno Nestor Azerot: "Ce projet qui bouscule toutes les coutumes et toutes les valeurs sur lesquelles reposent nos sociétés..." [posté par RF]

[posté par RF] Le GDR (Gauche Démocrate et Républicaine) regroupe à l’Assemblée Nationale les parlementaires communistes et apparentés. Il compte 15 membres dont 9 seulement ont voté la loi Taubira. Deux députés n’ont pas pris part au vote, et quatre ont voté contre. Bruno Nestor Azerot est l’un de ces quatre opposants au projet. Il n'est pas inutile d'entendre cette parole, authentiquement de gauche. Voici la position de Bruno Nestor Azerot, qu’il expliquait le 30 janvier 2013:
Madame la garde des sceaux, madame la ministre, monsieur le président, chers collègues, j’ai soutenu jusqu’à maintenant tous les projets et tous les engagements de la gauche, mais il existe aujourd’hui une profonde confusion qui m’interpelle. La liberté de conscience et de vote qui existe au sein de mon groupe parlementaire, le GDR, me permet d’exprimer une voix qui est celle d’un homme libre d’Outre-mer : j’en remercie mes collègues du groupe, dont les avis sont divers et très partagés sur ce texte.

Outre-mer, en revanche, la quasi-totalité de notre population est opposée à ce projet qui bouscule toutes les coutumes et toutes les valeurs sur lesquelles reposent nos sociétés ultramarines. Cette voix doit être entendue et comprise. Nous devons exprimer cette opinion de notre électorat qui ne comprend pas ce qui se passe ici et maintenant. Le risque est grand de plonger la population dans un profond désenchantement vis-à-vis de la politique du Gouvernement, voire de provoquer une cassure morale irrémédiable. Ce texte en effet ne donne pas une liberté supplémentaire, il fragilise au contraire le délicat édifice sur lequel se sont construites nos sociétés antillaises et guyanaise après l’abolition de l’esclavage. Il existe même, à mon sens, un risque de rupture du pacte républicain qui nous lie depuis deux siècles à la France. Cette question du mariage homosexuel appelle en effet de ma part des réflexions de fond. Il est nécessaire de distinguer la question de l’homosexualité de celle du mariage gay : les confondre, comme l’ont fait certains orateurs, n’est pas honnête.

L’homosexualité est une pratique qui relève de la sphère privée : c’est une réalité qu’il faut prendre en compte et qui appelle des droits et une protection de la vie privée pour ceux qui la pratiquent. En revanche le mariage gay et l’adoption pour les couples homosexuels relèvent de la sphère publique, en ce qu’ils bouleversent la norme en vigueur, en établissant une nouvelle norme en matière de famille, de filiation et de transmission patrimoniale. Ce chemin-là, nous ne pouvons le suivre. Peut-on véritablement parler d’un progrès et d’une nouvelle liberté ?

À l’origine, en établissant le mariage comme institution, la société a donné un cadre juridique à une donnée naturelle : l’union d’un homme et d’une femme en vue de la procréation d’un enfant. Or, à l’évidence, il ne peut en être ainsi avec le mariage gay. Certes, aujourd’hui, le mariage est plus un « mariage-sentiment » qu’un « mariage-procréation », comme il l’était autrefois : l’enfant n’est plus la finalité du mariage, si bien que des personnes hors mariage, voire des couples stériles, peuvent avoir envie d’enfant.

La question qui se pose est donc plutôt : le sentiment doit-il donc devenir le sens nouveau et unique d’un mariage qui serait ouvert à tous les hommes et à toutes les femmes, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels? Doit-on révolutionner ainsi le mariage en France et en Outre-mer au risque de perdre nos valeurs fondamentales ? Allons-nous vers cette société où l’individualisme hédoniste remplacera nos vieilles doctrines personnalistes et socialistes fondées sur la solidarité, la liberté et l’égalité? La famille, pivot de notre société depuis les Constituants et la Révolution française, depuis l’émancipation de 1848, va-t-elle, au sens littéral du terme, exploser? Notre responsabilité est grande devant l’Histoire.

Moi, homme issu d’un peuple opprimé, réduit en esclavage, où le système social refusait à un homme et à une femme de pouvoir avoir un enfant et se marier légitimement, où le mariage était interdit et où il a été une conquête de la liberté, j’affirme le droit à l’égalité dans la différence et non dans le même, le semblable, l’unique! Car enfin, au nom de l’égalité et du refus des discriminations, peut-on établir une équivalence entre tous les couples ?

Au contraire, je crois que l’on ne peut mettre sur le même plan hétérosexualité et homosexualité : un homme et une femme, ce n’est pas pareil que deux hommes ou deux femmes ensemble. Établir une équivalence, une nouvelle égalité, une nouvelle norme, c’est nier la réalité, c’est rétablir une oppression en confondant genre, sexe et pratique. C’est un diktat de la pensée contre l’humanité vitale, contre les droits de l’homme et de la femme. Refuser cette différence naturelle, c’est refuser la différence sexuée, c’est revenir sur l’oppression de la femme et de ses droits émancipés, c’est instaurer une nouvelle contrainte, car il sera interdit désormais de faire la différence entre un homme et une femme, au risque d’être discriminatoire.

Et l’enfant ? Puisque deux hommes ou deux femmes ne peuvent procréer, que va t-on faire ? Pour procréer, il faut bien un homme et une femme. Inéluctablement se posera la question du recours à la procréation médicale assistée car ce désir d’enfants est légitime. Toutefois, ce n’est pas le droit qui refuse aux homosexuels d’avoir un enfant, c’est la nature. Pour pallier ce problème de stérilité et d’incompatibilité, on aura recours à la PMA. Où est le progrès social ? Où la liberté nouvelle ? Comment voulez-vous qu’un homme dont les ancêtres ont été vendus et chosifiés ne soit pas inquiété par cela? La gauche a le pouvoir dans cette assemblée, je suis un homme de gauche et c’est bien en tant que tel que je préfère l’humain et l’humanisme à ce que ce texte sous-entend. Alors qu’un tiers des hommes et des femmes d’outremer sont sous le seuil de pauvreté, que notre PIB est d’un quart inférieur à celui de l’Hexagone et que 60 % des jeunes de moins de 25 ans sont toujours au chômage, n’y avait-il pas d’autres priorités ? Que dirai-je à ce jeune Martiniquais qui, entré dans la délinquance, est sans travail, dont les parents sont aussi sans emploi, qui est sans logement et n’a pas de quoi se nourrir, qui n’a pour seule alternative que de récidiver pour pouvoir être reconduit en prison afin d’avoir enfin un toit et à manger? Que lui dirai-je demain ? Que je lui ai offert, en tant que législateur, une grande liberté : non pas du travail, non pas un logement, non pas un avenir décent et un espoir de vie, mais le mariage pour tous! À mon grand regret, mais avec ma conviction d’homme de gauche engagé et libre, je ne voterai pas ce projet qui est attentatoire aux libertés et ne répond pas aux aspirations profondes du peuple, en particulier en Outremer.

samedi 20 avril 2013

Violence ? Réponse à G2S

Je republie ici la critique d'un habitué de ce blog, G2S, mon quasi-homonyme belge. Il n'a pas l'intention de s'en laisser conter. Pour lui mon apologie des veilleurs et autres supporters du Printemps semble ramener à la surface les heures sombres des années folles.
"A vous lire, je rajeunis. Je retrouve les tracts maoïstes, trotskystes ou staliniens de nos belles années 68. "CRS / SS", "Le peuple vaincra"'... Et j'entends les échos des années 30, celles des ligues... Entre la conviction la plus engagée et la délégitimation radicale de l'adversaire, ne voyez vous pas la limite à ne pas franchir? Comment pouvez-vous construire ce manichéisme (je vous cite): " du côté des partisans de la Manif pour tous la vérité est l'arme absolue, avec l'évidence du mariage naturel : un homme, une femme et des enfants... du côté des adversaires, on peut dire que mécaniquement, il reste la diffamation et la calomnie". En réduisant ainsi "mécaniquement" vos adversaires à la simple immoralité, vous semez la violence".
Ce qui est extraordinaire chez les 67 interpelés de dimanche soir, chez ceux de tous les autres soirs, c'est qu'ils ne crient pas. Ils ne délégitiment personne en utilisant les noms d'oiseaux du bestiaire de la correctness (SS, nazis, ligueurs et j'en passe). Ils ne reprennent en choeur aucun vieux cri. Ils ne cèdent à aucune nostalgie. Ces Veilleurs font du neuf, comme je l'ai écrit, ils manifestent une force qui ne doit rien à la violence, celle de l'Evangile. C'est ce qui les rend invulnérables, inaccessibles aux infiltrations policières, parce qu'un infiltré a quand même sa dignité et que lui, il ne chantera pas longtemps : "L'espérance est un trésor".

Juste une précision : je trouve l'attitude de l'abbé Beauvais, tel qu'on peut le voir sur Youtube (voir Tradinews) particulièrement décalée. L'heure n'est pas aux actions éruptives ou adolescentes, mais aux actions spirituelles, au témoignage. Cela dit, l'abbé a le courage de se montrer, on ne peut pas le lui enlever. Mais lui tombe en partie sous les coups de la critique de G2S... Et surtout il y fait tomber une partie du mouvement.

Mais G2S va plus loin que de stigmatiser telle dérive (fatale en semblables occurrences il faut le dire). Il récuse ce qu'il nomme mon "manichéisme". Dire que " du côté des partisans de la Manif pour tous la vérité est l'arme absolue, avec l'évidence du mariage naturel : un homme, une femme et des enfants... du côté des adversaires, on peut dire que mécaniquement, il reste la diffamation et la calomnie"... cela constituerait "une violence".

Je sais depuis Roland Barthes que "le langage est fachiste"... Mais je ne pensais pas, cher G2S, que vous partagiez cet avis.

La question du mariage homosexuel n'est pas un objet de raisonnement. On ne peut pas PROUVER RATIONNELLEMENT qu'il faut un père et une mère pour faire des enfants. Du reste, dans le meilleur des mondes qu'on nous prépare, on pourra certainement faire autrement. Mais le problème n'est pas là. La nécessité absolue de la famille pour l'avenir de l'humanité n'est pas affaire de démonstration. On peut même démontrer comme Platon naguère dans sa République, que la famille, institution sociale, est une vieillerie qu'il faut remplacer parce qu'elle favorise tous les particularismes émotionnels et affectifs. On peut, comme à Sparte, pratiquer l'élevage collectif des enfants avant leur septième année et leur éducation collective après. Mais la famille, malgré ces mises en cause rationnelles demeure une évidence. Elle relève de ce que Gianbattista Vico appelait le certum, la certitude indémontrable, bien plus forte que les vérités (verum dit Vico) démontrées.

Mais qu'est-ce que le contraire d'une évidence ? Un mensonge. La violence consiste justement à ne plus être capable d'appeler mensonge le contraire de l'évidence. Il faut apprendre à se laisser faire par la douce contrainte de l'évidence. L'attitude inverse relève de l'imagination. Comme dit le bon La Fontaine : "Chacun tourne en réalité / Autant qu'il peut ses propres songes / L'homme est de glace aux vérités / Il est de feu pour les mensonges" (Le statuaire et la statue de Jupiter). N'a-t-on pas le droit de dire à Platon que sa République est un songe ou à Judith Butler que sa théorie du Gender relève d'une imagination en feu.

jeudi 18 avril 2013

Echec de la répression : on est fier, nous chrétiens !

Il faut bien reconnaître que, en face, c'est la stupéfaction. D'où sortent ces jeunes ? Qu'ont-ils à gagner dans cette affaire ? Pourquoi chaque jour vont-ils monter leur "action", avec ce mélange de courage et de détachement, de sourire et de sérieux, allant jusqu'au bout, souvent poussés à la bavure mais n'y cédant jamais. Rien à voir avec l'extrémiste, qui a la tête près du bonnet et auquel on fait faire exactement ce qui dessert sa cause. Rien à voir avec le fasciste qui cogne sur ses boucs émissaires... Ceux-là, ce ne sont pas des fascistes, ce sont des chrétiens. Leur foi leur interdit d'avoir des boucs émissaires, comme l'a très bien expliqué René Girard. Ni racistes, ni sexistes, ni phobistes : chrétiens. C'est une nouvelle force qui naît, une force qui n'a rien à voir avec la violence. Que peut-on contre elle ?

La diffamation d'Etat, relayée par les médias, a du mal à se mettre en place : c'est qu'ils le portent sur le visage, qu'ils sont sans haine ces jeunes. On voudrait les faire entrer dans le petit jeu des étiquettes excluantes, on voudrait les faire passer pour ce qu'ils ne sont pas. Sur ce point, Caroline Fourest est du même avis que Frigide Barjot, à qui il est arrivé de traiter ses propres troupes d'... "extrémistes". Pour le confort intellectuel de la gauche nihiliste ? Par ignorance elle aussi ? Difficile à dire. Mais sur ce point, il faudra qu'elle s'excuse. On n'est pas chef pour faire tirer sur les meilleurs éléments de son dispositif. Si du côté des partisans de la Manif pour tous la vérité est l'arme absolue, avec l'évidence du mariage naturel : un homme, une femme et des enfants... du côté des adversaires, on peut dire que mécaniquement, il reste la diffamation et la calomnie. Attention à ne pas l'introduire dans nos rangs au nom d'un esprit de parti, Manif pour tous contre Printemps refleurissant.

La réalité c'est que les flics étonnés, les policiers en civil qui d'habitude jouent sur du velours avec leurs provocations hâtivement concoctées, cette fois y sont pour leurs frais. Chou blanc ! Il n'y en a qu'un qui n'a pas compris le changement de décor : celui que l'on appelle plus que Manuel Gaz. Pour lui, jusqu'à maintenant, il n'y avait qu'une solution : noyer la révolte dans le gaz. Le moins que l'on puisse dire est qu'il applique sa recette avec persévérance. Et si le gaz ne suffit pas ? Reste les provocations homophobes organisées par la Police sur ordre : rien à voir avec les manifestants ? Bien sûr rien à voir sur le terrain. Mais il suffira, au 20 H, de présenter les choses comme liées pour qu'elles aient à voir....

Quoi d'autre dans l'arsenal d'Etat ? La prison ferme. La loi prévoit de la prison ferme pour refus d'obtempérer sur la voie publique. La solution est à l'étude en ce moment, très gravement, à l'Elysée, on l'on serait prêt à prendre le risque de faire des martyrs pour faire des exemples. Cet après midi, Manuel Gaz a convoqué une réunion pour renforcer les dispositifs de répression. Attention à ce soir.

Nos élites ont aimé le printemps arabe... après coup. Mais - c'est curieux - elles détestent d'instinct le printemps français. Ce printemps n'est-il pas démocratique ? Au contraire, il l'est trop. Pensez : il n'est pas contrôlé par le pouvoir... Il est auto-contrôlé par la foi qui anime ces jeunes. D'ailleurs, comme l'autre, il est parti de la Toile et des réseaux sociaux, sans le visa des gros médias. C'est un signe. Le signe d'une liberté intolérable. Et d'une vérité insupportable. La foi a été mise hors jeu du débat social depuis cent ans. On a voulu mettre le christianisme à la porte : attention, il revient par la fenêtre, restée ouverte en ces beaux jours printaniers!

C'est historique ? Oui, ces jeunes sont en train de faire époque.

mardi 16 avril 2013

La fête du Bon Pasteur

Tiré de "Saint Paul par Lettre" n°37 du 14 avril 2013

Le texte de ce dimanche du Bon Pasteur est bien connu : « Je suis le bon Pasteur et je mets ma vie en jeu [animam pono] pour mes brebis ». La métaphore pastorale, à l’époque du Christ, est tellement banale qu’elle ne choque pas comme elle peut choquer aujourd’hui. Il est clair qu’être un fidèle du Christ, suivre le bon Pasteur, ce n’est pas être un mouton bêlant dans l’affreux concert du Consensus ambiant, ni non plus un mouton de Panurge, qui se noie sans état d’âme parce que celui qui marche devant lui se noie aussi. Il faut dépoussiérer un peu la métaphore ! Il faut surtout la christianiser.

Comment faire ?

Il faut comprendre que les brebis, dans la mesure même où elles sont la propriété du Pasteur, lui sont précieuses. Elles valent plus que sa vie, puisqu’il « met sa vie en jeu » pour elles. Il ne faut pas oublier la petite parabole de saint Mathieu, dans laquelle le berger va chercher la centième brebis qui s’est égarée, en laissant les 99 autres. Dans les représentations artistiques, on peut voir comment l’allégorie du Bon pasteur fait bon ménage avec la parabole de la brebis perdue : le berger conduit ses brebis, il marche en avant d’elle (et non en arrière : le Christ n’est ni un serre-file ni un Kapo). Et il porte sur ses épaules la brebis qui s’est égarée et qu’il est allé chercher, comme le précieux témoignage du fait que le Fils de l’Homme « ne perd rien de tout ce qui lui a été donné par son Père ». L’Evangile de Jean, vous le savez ajoute : « excepté le Fils de perdition », désignant ainsi Judas.

Nous croyons trop souvent que l’on perd la foi comme on pourrait perdre… son portefeuille. Mais le Christ s’est engagé envers nous. Si nous ne rompons pas brutalement avec lui, si nous nous contentons de batifoler sans méchanceté à droite et à gauche, soyons sûrs qu’il viendra nous chercher et que, d’une manière ou d’un autre, à un moment de notre vie, il nous prendra sur ses épaules. Sa miséricorde n’est pas un vain mot ! Autant sa justice est limitée puisqu’elle s’exerce sur des situations qui posent un cadre à son action de Bon Pasteur, autant sa miséricorde est infinie puisque son seul cadre est celui de la décision du Pasteur. C’est la Subjectivité divine en son souverain caprice qui donne un cadre à la Miséricorde du Christ, et elle seule.

Nous avons célébré dimanche dernier le dimanche de la Miséricorde que demanda Soeur Faustine et qu’institua Jean-Paul II. Je pense que l’on peut dire que, dans le rite traditionnel, ce dimanche de la Miséricorde est bien représenté par le dimanche du Bon Pasteur., celui qui ne refuse rien ses brebis et qui n’en laisse pas une se perdre.

Qui dira la prévenance du Christ, à l’oeuvre dans chacune de nos vie ? Qui dira la délicatesse avec laquelle il nous avertit, la manière si douce dont il nous conduit, non seulement dans « les verts pâturages » d’une vie facile, mais aussi dans la voie étroite de l’Evangile, où bien des brebis pourraient se rompre les jambes, mais dans lesquelles on marche avec assurance et fierté, parce qu’on marche à la suite du Pasteur de nos âmes.

La Miséricorde de Dieu n’est pas un dû que nous devrions exiger à tous propos. C’est une réserve de sens et d’énergie, l’assurance d’une complicité permanente avec l’existence. Si Jean-Paul II a réhabilité la magnanimité chrétienne par son exemple et par cette fameuse parole : N’ayez pas peur ! qu’il a mise en pratique le premier durant tout son pontificat, il faut bien comprendre que c’est parce qu’il a tablé tout de suite sur le Seigneur « riche en miséricorde » (selon le titre de sa deuxième encyclique).

La miséricorde de Dieu est la grande pourvoyeuse de notre élan. Elle n’a pas de limite.

L’Institut du Bon Pasteur, qui s’est mis sous ce patronage prestigieux, doit plus qu’un autre tabler sur la Miséricorde jamais démentie de son Seigneur ! En Justice nous n’avons rien à demander au Seigneur, parce que nous ne méritons rien. Mais de sa Miséricorde nous avons tout à attendre : le pain de chaque jour et l’élan de toute une vie. Il nous a acheté « cher » comme dit saint Paul. Nous lui sommes chers.

Abbé Guillaume de Tanoüarn

lundi 15 avril 2013

Chiffon rouge [par RF]

[par RF] Ce qui est horrible dans l’actuelle querelle autour du «mariage pour tous» c’est qu’elle divise pour de vrai les Français. Les ‘anti’ trouvent le projet abominable, les ‘pro’ veulent voir les ‘anti’ comme des fachos homophobes. La loi Taubira est particulièrement clivante, quelque promesse de France apaisée qu’ai pu faire le candidat Hollande.

Il est vrai que les promoteurs de cette loi se sont appliqués à faire monter la mayonaise. Manifs minimisées, débat confisqué, pétition ignorée, vote précipité. Pour faire court je ne citerai que deux élus: le député Alain Tourret auditionnant avec morgue le Cardinal Vingt-Trois («vous allez lancer vos catholiques… s'il en reste!»), le sénateur Jean-Pierre Michel se gaussant sur Twitter de la manif du 24 mars («Quelques serre-têtes et des jupes plissées…»)

On aurait voulu exaspérer la France qu’on ne s’y serait pas pris autrement. Mais puisqu’on s’y est pris ainsi, c’est qu’on a voulu chauffer tout le monde, et on y réussit. Le PACS avait montré combien le sujet est sensible, et qu’il suffirait de l’agiter pour enflammer une France contre l’autre.

Avec quel effet? D’une part une certaine radicalisation à tribord, qui n’est pas pour déplaire à ceux qui au PS jouent le FN contre l’UMP. D’autre part un réflexe d’union à bâbord : voyez comme Taubira y fait figure d’icône au PS après y avoir été pour le moins controversée. Et puis tant qu’on parle du mariage, on ne parle pas du chômage.

Reste que les pyromanes vous le diront : allumer un feu est facile, le diriger l’est moins – d’autant que le clivage pro/anti ne recoupe pas forcément le partage gauche/droite. On verra bien. Prochaine manif : voyez ici.

samedi 13 avril 2013

Foi et miséricorde : de Kafka à l'Evangile

Nous avons célébré dimanche dernier le dimanche de la Miséricorde, institué par Jean-Paul II sur la demande ancienne de Soeur Faustine. Il faudrait que tous les dimanches soient des dimanches de la miséricorde. Il faudrait que notre vie soit placée sous le signe de la Miséricorde. Mais pour cela, il est nécessaire de frapper à la porte de la Miséricorde de Dieu, qui est la foi : "Va ! Ta foi t'a sauvé".

A cet égard, dans l'extraordinaire rite que j'ai l'honneur et la joie de célébrer, nous sommes particulièrement gâtés de dimanche dernier (dimanche dit de Quasimodo, avec l'épisode du doute de Thomas) à dimanche prochain (dimanche dit du Bon Pasteur). Pour nous, c'est le Premier dimanche après Pâques qui est le dimanche de la foi ; le deuxième - avec l'introït Misericordia Domini et l'Evangile du Bon Pasteur - est tout entier placé sous le signe de la Miséricorde.

Je disais que la foi est la porte de la Miséricorde. On pourrait dire à l'inverse qu'il n'y a pas de foi sans miséricorde. La miséricorde de Dieu est toujours première en soi, même si pour nous, la foi en constitue la porte. Mais notre foi est déjà un acte de la Miséricorde de Dieu. Notre foi n'est pas seulement ce sentiment intérieur qui nous porte vers Dieu. C'est l'acte qui nous fait être ce que nous sommes.

J'ai trouvé, par hasard, dans le Journal de Kafka, quelques formules fulgurantes que je voudrais vous faire partager. Non que Kafka soit un Père de l'Eglise. Mais il a tellement scruté sa propre faiblesse et les métamorphoses (les katamorphoses) auxquelles elle pouvait donner lieu, qu'il a su dire mieux qu'un autre ce qu'est la foi. Sa judéité lui avait permis d'entrer dans la matière ; sa lecture de Kiekegaard l'a beaucoup guidé ; mais je crois qu'au fond, la foi, c'est tout ce qui s'inscrit en creux dans son art tourmenté. Non pas cette foi, difficile psychologiquement, que chantent nos intellectuels. Non pas la "faiblesse de croire" chère à Michel de Certeau, curieux jésuite, non pas "la foi 24 heures de doute et une minute d'espérance" éructée par ce pauvre Bernanos, qui de temps en temps... Non ! La foi solide. La foi solidité ontique. La foi, réalité ontologique et pas seulement avatar monstrueux d'une évolution devenue folle et qui donc ne s'expliquerait de toute façon plus.

Solidité ontique ? Je veux dire : la foi vérification de toutes nos espérances (substantia rerum sperandarum dit saint Paul aux Hébreux). Réalité ontologique ? Oui, parce qu'elle révèle l'identité de l'être humain, fils ou fille de Dieu.

Mais Kafka nous dit cela de manière encore plus profonde et moins jargonnante : "Croire signifie : libérer en soi l'indestructible, ou plus exactement se libérer, ou plus exactement : être indestructible, ou plus exactement : être".

Nous sommes parfaitement en phase avec l'Epître de saint Jean, que nous lisions dimanche dernier : "La victoire qui a vaincu le monde, c'est notre foi". Le monde ? Parlons-en du monde puisque notre pape François en parle tant. Pour Denis Vasse (autre jésuite atypique), "Thérèse (d'Avila) pointe la vraie dimension de ce que saint Jean appelle le monde : celle de ce mensonge inconscient qui ordonne l'acte de parler à l'IMAGE de soi-même et le détourne de l'altérité du désir" [L'Autre du désir et le Dieu de la foi p. 49]. Bon le truc est un peu obscur. Mais c'est trop beau pour que je vous en prive. Le monde ? C'est ce que nous imaginons que "on" pense de nous... Un jeu de miroir. Infantile ! Le désir ? C'est ce qui nous fait sortir de l'image et de l'imagination, l'épreuve de la vérité. Ce désir de vérité que l'on appelle foi, ce désir de vérité, ce qu'il y a de plus noble en nous et dont Dieu se sert, que Dieu informe par sa grâce pour en faire la foi qui sauve. Voilà ce qui triomphe des puissances narcissiques de l'Imaginaire et de ce Reflet universel qu'on appelle le monde. Voilà ce qui triomphe de ce que Freud appelait assez justement "les pulsions du moi".

Cette incursion dans les méandres de la Psyché ne vous convainc pas ? Vous ne voulez peut-être pas les voir, ces méandres, attachés peut-être comme un prêtre de ma connaissance à NE PAS VOULOIR vous connaître. C'est pourtant la connaissance de soi, saint Augustin avait bien raison, qui est le vestibule de la connaissance de Dieu. Mais passons. Vous n'avez pas forcément besoin de ce détour dans les marasmes de l'imaginaire pour comprendre l'élan vraiment spirituel de Kafka, définissant la foi : après tout, je vous le souhaite.

On a trop tendance en effet à faire de la foi un système philosophico-théologique (une idéologie finalement) qu'il faudrait sans cesse vérifier. Mais ce n'est pas la foi qu'il faut vérifier. C'est elle qui nous vérifie, c'est elle qui nous pose dans l'existence. Le "Je suis" de Descartes, ce "Je suis" si apparemment rationnel parce qu'il provient d'un "Je pense"... Ce "Je suis", absolument certain et dans lequel il ne peut y avoir le moindre doute, c'est celui de la foi. D'ailleurs, dès la Troisième Méditation, Descartes le rationnel est obligé de poser DIEU, pour que ce Je suis absolument certain ait un sens... Descartes le dit... Et on passe pudiquement la Troiisième Méditation métaphysique, réputée indigne d'un esprit vraiment scientifique, n'est-ce pas. Mais Descartes lui-même, ce détour par Dieu pour parvenir à la certitude, il ne l'a pas inventé, il l'a lu, il l'a vu dans saint Augustin... qui n'avait pas du tout cette perspective idéologique et systématisante sur la foi. A sa naissance, la foi n'est effectivement rien d'autre qu'une évidence intérieure, plus forte que toutes nos certitudes puisqu'elle les conditionne toutes.

Mais la Miséricorde alors ? Que nous apporte-t-elle ? Que signifie-t-elle quand on accorde tant déjà à la foi ?

Pour comprendre la Miséricorde, il faut la comparer à la Justice. La Justice que Dieu exercerait envers nous serait forcément limitée. Il ne ferai que rendre à chacun son dû, selon la définition bien connue. Que nous doit-il ? Rien. Mais la Miséricorde ? Dans la Miséricorde, que nous promet-il ? Tout. Lui-même. Sa vie. Son amour. D'autres dimensions pour une autre vie.

C'est donc la Miséricorde de Dieu qui fait être notre foi. Nous existons au risque de la Miséricorde de Dieu. C'est la miséricorde de Dieu qui libère en nous quelque chose d'indestructible. Quoi ? Le corps du Christ. "Nous sommes les membres de ce corps". « Que personne ne vous critique à propos de nourriture et de boisson, en matière de fêtes, de nouvelles lunes et de sabbat. Tout cela n’est que l’ombre de ce qui devait venir. La réalité, c’est le corps du Christ » (Col. 2, 16-17). Son corps physique, lors de sa venue sur la terre : il est ressuscité, et ainsi seul réel dans l'analogie de l'être. Son corps mystique, l'Eglise, qui n'est rien d'autre que... cela, ce corps ressuscité, mis à notre portée pour que nous en soyons les membres. Enfin son corps eucharistique, qui est le véhicule de la métamorphose chrétienne : "Nous ne mourrons pas tous, mais tous nous serons transformés" (I Co 15). 

La Miséricorde de Dieu dessine à l'avance la figure de cette métamorphose chrétienne que seule la foi a toujours déjà saisi, quand elle s'est, une fois, saisie de ce qui est indestructible en nous. Cette Miséricorde a un nom, un seul : Jésus, qui s'est voulu lui-même, le Pasteur, le bon... "Il n'y a pas d'autre nom au Ciel et sur la terre par lequel nous puissions être sauvés" (Actes 4, 12).

vendredi 12 avril 2013

"Je crois en l'homme" ? Un pape contre la mondialisation

Ne faites pas attention à ce titre, Je crois en l'homme, sous lequel a été traduit en français le livre d'entretien donné en 2010 par le cardinal Bergoglio archevêque de Buenos aires. Le titre originel, argentin, est Le Jésuite. Cette phrase - je crois en l'homme - ne se trouve dans le livre que sur les lèvres des interviewers (p. 191), et elle n'est pas reprise par l'archevêque lui-même. Que dit-il, quand on lui représente qu'"il est parfois difficile de croire en l'homme" ? "L'histoire semble une calamité, un désastre moral, un chaos de possibilités holistiques". Non pas : je crois en l'homme, mais quelque chose de beaucoup plus prosaïque : "On dit des Chinois qu'ils sont comme des bouchons. Dans certaines circonstances ils s'enfoncent et dans d'autres ils réapparaissent.Je crois que c'est aussi applicable en général à la nature humaine".

On n'est vraiment pas dans l'Utopie que suppose la croyance en l'homme : le pape entend rester comme il le dit en 2002 "sans grandiloquence, sans messianisme, sans certitudes impossibles". A la fin du livre, la dernière question des interviewers (Sergio Rubin et Francesca Ambrogetti) est la suivante : "En résumé, vous avez une vision assez peu optimiste de votre pays et du monde"... Notre pape a surtout, nous le verrons, une vision très méfiante de la globalisation... Mais pourquoi cet avis, au final, sur "l'optimisme modéré" de Bergoglio de la part de ses deux interviewers ?

C'est en réponse immédiate à cette profession de foi politique que je cite intégralement, qui n'est pas la foi en l'homme (abstrait) mais la foi dans le destin de son peuple : "J'aime bien parler de la patrie, pas de pays ou de nation. Le pays est en dernière instance un fait géographique et la nation un fait légal, constitutionnel. En revanche, la patrie est ce qui donne l'identité.D'une personne qui aime le lieu où elle vit, on ne dit pas qu'elle est une payiste ou une nationaliste, mais une patriote. Patrie vient de père ; c'est elle comme je l'ai dit qui reçoit la tradition des pères, la poursuit, la fait progresser. la patrie est un héritage des pères dans le présent qui doit etre perpétué. C'est pourquoi ceux qui parlent d'une patrie détachée de son héritage, aussi bien que ceux qui veulent la réduire à l'héritage sans lui permettre de croître, font erreur". C'est cette sortie sur la patrie que les interviewers, déçus, taxent de "modérément optimiste"... Comme si l'optimisme était le sujet !

On a parlé, en Argentine, du "premier pape peroniste de l'histoire". Cette vision des 'nations' ou plutôt des patries et de leur héritage est fondamentale pour notre pape, qui y revient dans une longue annexe sur un poème épique argentin Le gaucho Martin Fierro, de Jose Hernandez (1834-1886). Il a publié ce texte en 2002, avant de publier deux livres au sortir de la crise argentine La patrie sur les épaules (allusion consciente à Enée portant Anchise sur ses épaules après l'incendie et la prise de Troie) et La nation comme responsabilité.

Son discours n'est ni nostalgique ni de pur constat. Le pape François est un militant pour temps d'apocalypse. Voici ce qu'il disait de la globalisation, en 2002 : "La globalisation comme imposition unidirectionnelle et uniformisante de valeurs, de pratiques et de marchandises est liée à l'intégration entendue comme imitation et subordination culturelle, intellectuelle et spirituelle". Il met ici clairement en cause, quoi que sans le dire, l'hégémonie américaine. Et plus loin : "Les peuples en s'intégrant au dialogue global, apportent les valeurs de leur culture et doivent les protéger de toute absorption ou synthèse de laboratoire, susceptible de les diluer dans le commun, le global".

A lire le pape François, on se prend à songer à Karol Wojtyla et à son livre testamentaire, rédigé en 1993 et publié en 2005 : Mémoire et identité. On y trouve la même apologie d'une inculturation nationale du christianisme, le même goût pour les poètes nationaux - Adam Mickiewicz -, la même vision forte du caractère irremplaçable des nations. "Les nations sont les grandes institutrices des peuples" disait Jean Paul II à l'UNESCO en 1980. On sait quel rôle ce pape a joué dans l'effondrement du Rideau de fer et comment on a salué ce rôle politique par une tentative d'assassinat. Lorsque Jean-Paul II rencontrera Ali Agça, ce dernier lui dira simplement (c'est dans le livre de Bergoglio) : "Vous devriez être mort, je ne rate jamais mon coup".

Pourquoi n'aurions nous pas aujourd'hui un pape combattant, représentant des nations en voie de développement et s'insurgeant, mieux que ne saurait le faire un Italien, un Allemand ou un Français, contre  cette "imposition unidirectionnelle et uniformisante de valeurs, de pratiques et de marchandises" ? Son livre Le Jésuite (rebaptisé à la hâte Je crois en l'homme pour les besoins sans doute d'un camouflage médiatique) contient un manifeste des nations chrétiennes qui ne veulent pas mourir.

mardi 9 avril 2013

[Mise à jour] "Cristiada" - un film sur l'épopée des Cristeros [par RF]

[par RF] [Mise à jour 11 avril 20H22] Le film se trouve maintenant sur mixturecloud.com, après avoir été diffusé par gloria.tv

D'aucuns trouveront "Cristiada" trop ceci ou trop cela, ou pas assez. Mais puisque nous ne sommes pas prêts de voir ce film en France, alors si le cœur vous en dit, je vous l'indique en streaming, via @Ennemond.

Je suis d'accord avec Charlie Hebdo...

Je suis d'accord avec Charlie Hebdo... ou plutôt avec Jean-Yves Camus. Chapeau l'artiste ! Bien sûr, je ne cautionne pas le ton du chapeau et de l'inter, très Charlie... Mais jugez donc du fond sur pièce et de l'analyse.
 
Je me permets en outre de dédicacer la publication légèrement incongrue de cet article "A Frigide, pour qu'elle réfléchisse à ce qu'elle fait quand il lui arrive de mettre un million et demi de personnes dans la rue : de qui s'agit-il ? Elle fait profession de ne pas le savoir, mais d'autres, plus loin sur l'échiquier politique, l'ont très bien compris".
 
J'ajoute, pour qu'il n'y ait aucune ambiguïté que ce retour des chrétiens en politique n'est pas, quant à l'animation et à la direction, affaire de clercs mais de laïcs - dévoués à ce printemps français qui pointe le bout de son nez.

Jésus revient en politique

On les pensait cloîtrés dans leurs confessionnaux et bouffés aux mites. Ils sont plus pimpants et teigneux que jamais. Encouragés par la droite, les catholiques reviennent polluer la politique.

En sortant le 23 mars des premières Assises de la résistance chrétienne, je me demandais si cette réunion n’était signe que du  « réveil de la France bien élevée », selon le mot d’une intervenante, ou d’un phénomène plus profond. La manifestation du lendemain contre le mariage pour tous, puis la mobilisation devant France Télévisions alors qu’intervenait le chef de l’État m’ont convaincu, par leur tonalité, que nous vivions un événement important dans l’histoire du pays : le retour des catholiques en politique.

Ceux qui vivent en-dehors de l’Église, par exemple dans les milieux laïques, ont perdu jusqu’à la compréhension de son histoire et de celle qu’elle représente. Pour eux se poursuit avec le mariage pour tous, la PMA et le droit à l’euthanasie, comme naguère avec l’IVG, le combat de la Raison contre le « parti-prêtre ». Un affrontement des « deux France » issues de la Révolution qui, périodiquement, voit se raviver, comme à l’époque de la loi Savary, le contentieux jamais vraiment purgé entre l’opinion catholique et le reste de la nation.
Quand il n’y aura plus de place en enfer, les cathos reviendront sur terre.
Cette analyse fait l’impasse sur le cœur du sujet, escamoté par la satisfaction béate avec laquelle les non-catholiques ont accueilli Vatican II et « l’ouverture de l’Église au monde ». En réalité, même quand l’Église vit avec son temps, elle ne peut, pour des raisons religieuses, qu’être anti-moderne. Elle a fait la paix avec la République, mais, comme l’écrit Émile Poulat, « jusqu’où peut-elle désarmer devant un esprit qui n’est pas le sien et qui n’y prétend pas ? ». La réponse des Assises de la résistance chrétienne est : «Aujourd’hui, les problèmes politiques sont tellement radicaux qu’ils deviennent des problèmes spirituels. Nous touchons à la vérité elle-même, foi athée contre foi chrétienne.»

On nous objectera : réunion de catholiques traditionalistes, minorité dans la minorité des catholiques pratiquants, marginalisés dans la France a-religieuse de 2013. C’est compter sans deux évolutions. La première est que Jean-Paul II, premier pape antimoderne depuis Pie XII, a poussé des catholiques à l’engagement politique (Christine Boutin date le sien du « N’ayez pas peur » inaugurant le pontificat) et a ramené des centaines de milliers de jeunes à l’action militante, comme en témoigne le succès des Journées mondiales de la jeunesse. Avec Benoît XVI, le pape est revenu vers la théologie, le dogme, la main tendue aux traditionalistes séparés. Et voici maintenant que son successeur, issu des jésuites, qui ont mené la Contre-Réforme, cite Léon Bloy, mystique contre-révolutionnaire, contempteur de l’irréligion mais aussi de la bourgeoisie et du libéralisme, tout aussi honni que le socialisme ! C’est dire si le catholicisme libéral, pour ne rien dire du progressiste, n’a plus le dessus.

La seconde est que le mandat de Nicolas Sarkozy a marqué le retour, dans le discours politique, des références aux racines chrétiennes de la France et aux valeurs de droite. Opération électorale réussie : 79 % des pratiquants ont voté pour lui en 2012, contre 70 % en 2007. Précisément le pourcentage que recueillait François Hollande parmi les « sans-religion ». Le quinquennat précédent a été celui de la libération de la parole de droite, venant après la recherche éperdue du consensus jusqu’au centre gauche sous Giscard et Chirac. Il existe bien un centre. Mais au fond, la démocratie chrétienne, par le catholicisme social, ne vient-elle pas aussi de la tradition antimoderniste?

C’est par ces chemins-là qu’aujourd’hui une partie non négligeable de l’opinion catholique, pour laquelle, de plus, la gauche au pouvoir n’est jamais légitime, exprime son non possumus : elle se révolte. Si ce mouvement perdure et s’élargit, comme il le semble, au-delà du mariage pour tous, si l’UMP réussit à faire la jonction avec lui, alors le retour des catholiques en politique parachèvera le glissement idéologique de la France à droite. Le prix peut se payer aux municipales.

Jean-Yves Camus

jeudi 4 avril 2013

Deux ou trois choses encore sur François

Qui est vraiment le pape François ? Un pape de droite ou un pape de gauche ? Après quelques jours de pontificat, après sa messe solennelle d’intronisation, on peut commencer à répondre à cette question.

En Argentine le cardinal Bergoglio, archevêque de Buenos Aires était déjà comme une sorte de sous-pape. Son échec au conclave de 2005 n’avait fait que le grandir. Son profond détachement de tous biens apparents lui avait donné une étrange aura. D’après les témoignages que nous pouvons recueillir malgré le secret imposé, ce sont surtout ses prestations lors des conférences préparatoires qui ont séduit les Pères du Conclave. Pour la plupart, ils ne le connaissait pas avant. Lui qui n’était sur aucune liste a été élu avec quelque 90 voix sur 115, un pourcentage écrasant.

Que signifie cette élection ? Les cardinaux avaient le choix entre des théologiens d’envergure (Scola de Milan, le favori de Benoît XVI), des administrateurs efficaces (Ouellet de Québec), des pasteurs (Maradiaga du Honduras, qui était un challenger possible). Ils ont choisi une sorte de saint, levé tous les jours à 4 H 30 et qui reçoit ses prêtres entre 6 H et 8 H après une heure d’oraison quotidienne. La simplicité de Bergoglio n’est pas seulement un calcul, mais l’expression d’une âme ardente, qui s’est totalement donnée à sa tâche. Le vecteur de ce don, ce sont les Exercices spirituels de Saint Ignace de Loyola, dont on retrouve l’esprit souvent dans les improvisations qu’il livre à la foule. Ainsi vendredi 15 mars, à la Domus Sanctae Marthae, au cours de la messe toute simple qu’il a célébrée de bon matin avec quelques cardinaux, il a improvisé une homélie. Il y a cité saint Ignace qui, dans les règles du discernement, conseille « au temps de la désolation, de ne faire aucun changement, mais de demeurer ferme et constant dans ses résolutions et dans la détermination où l’on était au temps de la consolation”. Sans quoi – a-t-il ajouté –si l’on cède et si l’on s’éloigne, « lorsque le Seigneur se rend à nouveau visible, il risque de ne plus nous trouver ».

Etonnantes paroles sur la constance nécessaire chez les ministres du Christ ! On ne peut pas dire qu’avec de telles formules (je cite celle-là parce qu’elle a été très peu reprise à ma connaissance), on aille faire la Révolution dans l’Eglise.

Il est clair pourtant que la politique dite restaurationniste, menée par Benoît XVI a subi un coup d’arrêt brutal. Dans deux domaines au moins, il faudra s’attendre à des dissonances entre le pape régnant et le pape Benoît XVI : le Concile d’abord, la liturgie ensuite. A propos du Concile, le pape François semble s’éloigner de l’obsession conciliaire qui était celle de Benoît XVI ; il ne cherche pas à établir une herméneutique de continuité, en disant que le Concile est sa boussole. Pour l’instant tout au moins, il n’en parle pas. En 2006, face à l'herméneutique de cointinuité chère à Benoît XVI, il avait évoqué, lui, une "herméneutique de la piété". Lorsqu’il en parle, dans tel texte antérieur publié par Trenti Giorni, il souligne que le Concile, c’est la faculté pour chacun de s’adresser de manière convenable aux hommes et aux femmes qu’il rencontre. Quelque chose pour « cheminer » en somme, si l’on reprend un terme qu’il utilise très souvent.

Quant à la liturgie, son mot dans la Salle des pleurs après son élection (« C’est fini le carnaval… ») pourrait être apocryphe. Il n’en signifie pas moins quelque chose de sa manière d’être. Ce n’est pourtant pas forcément l’indice d’un retour idéologique aux années 70 mais plutôt l’expression d’un tempérament et d’une très forte autorité. Sa messe d’intronisation, mardi 19 mars, entièrement en latin, était essentiellement sobre et non fantaisiste.

Au fond, on a l’impression que ce personnage, qui se répète déjà après une semaine comme pape, est essentiellement une personnalité. C’est dans ce contexte d’ailleurs que l’on peut comprendre l’ecclésiologie qui se dégage de ses premières interventions. Certes, le soir de son élection, il n’a pas employé le mot « pape » et il s’est adressé avant tout à ses diocésains du diocèse de Rome. Mais au moment de sa bénédiction, il s’est adressé à tous les hommes de bonne volonté et il a cité saint Ignace d’Antioche sur l’évêque de Rome qui préside dans la charité. Loin d’être une réduction du pouvoir du pape, son attitude est dictée par une stratégie qui pourrait bien être à l’origine de son élection. Pas d’intromission du pape dans les affaires des Eglises locales. Il doit respecter l’autorité de « ses frères les cardinaux ». Dans cette perspective d’ailleurs, il est bien possible qu’il y ait moins de voyages pontificaux et que le modèle wojtylien ait trouvé sa limite.

Mais en même temps, le pape reste « le pape monde » qui s’adresse au monde entier, qui dialogue avec tous les non-catholiques. Il est plus que jamais la référence spirituelle, l’étrange autorité spirituelle mondiale que personne n’attendait. Le langage direct et sans langue de buis du pape François risque de rendre sa parole encore plus efficace. Je pense en particulier à l’Amérique latine et à l’Afrique où les protestants évangélistes, profitant de la concurrence de papes plus intellectuels, s’étaient présentés comme ayant le monopole de l’Evangile. Ce pape austère et vraiment évangélique, devient un argument de poids non seulement ici en Europe et aux Etats unis, mais aussi auprès de gens simples que séduiront sûrement sa prédication directe et son mode de vie authentique. Son vieux « péronisme » des familles, jamais renié, en fera-t-il aussi un pape des nations contre la Globalisation indifférenciée ?

(article paru dans l'AFH)

mardi 2 avril 2013

François ou Ignace ?

Un livre du Pape François
Je suis tombé tout à l'heure à la Procure sur un merveilleux bouquin du pape François - pas celui que le cardinal Vingt-Trois nous a recommandé à la messe chrismale, recueillant des textes de l'archevêque de Buenos Aires (Seul l'amour nous sauvera, éd. Parole et Silence), mais un texte publié par Magnificat, qui reprend une retraite de saint Ignace prêchée en 2006 par le cardinal Bergoglio à "ses frères évêques". Un texte simple, citant abondamment Evangelii nuntiandi, cette invitation à évangéliser lancée par le pape Paul VI en plein relativisme post-conciliaire, mais citant d'abord saint Ignace, à commencer par le célèbre Principe et fondement : "L'homme est créé pour louer, honorer et servir Dieu notre Seigneur et par ce moyen sauver son âme". Surprise : pas de citation de Vatican II.

Qu'y découvre-t-on ? Dès les premières pages, une merveilleuse apologie de l'espérance, placée au-dessus de la foi et de la charité, parce qu'elle est plus urgente : "elle nous dispose à mener le bon combat de la foi et de l'amour" ; et surtout "elle fait la différence entre le bien et le mal". Redire à notre société nihiliste que sans espérance, on ne peut plus distinguer le bien et le mal, c'est d'une importance souveraine. Attention ! Cette espérance n'est pas forcément... optimiste. Le pape François tonne contre "ceux qui déguisent en richesse la pauvreté des solutions qui sont à leur disposition". La première qualité de l'espérance (ce qui est la pierre de touche pour distinguer vraie et fausse espérance), c'est la lucidité. Mais cette lucidité nous met pareillement en garde contre "le défaitisme". Ce défaitisme des clercs qui est "une forme de vanité".

Un passage est très beau et prend une force particulière quand on connaît la suite de l'histoire et le cardinal devenu pape, c'est celui qui porte sur la "première grâce" de Pierre apôtre. Cette notion de première grâce (que j'ai rencontrée naguère chez Saint-Cyran) me semble particulièrement importante dans la vie spirituelle. Elle est "celle sur laquelle se fonderont toutes les nouvelles conversions, vécues grâce aux nouvelles corrections offertes par le Seigneur"... Vous avez bien lu ! Le Seigneur nous corrige, et parfois d'importance, notait le cardinal Bergoglio : qu'importe ! Ces corrections sont encore des grâces. Comment les déchiffrer ? En revenant à la première grâce, à la première conversion, aux premières impressions spirituelles qui se sont gravées en nous, aux premières impulsions, aux premiers mouvements de l'âme, à l'évidence chrétienne telle qu'elle s'est imprimée, chacun, dans notre propre coeur.

Mais quelle est la première grâce de Pierre ? "Ce que l'on appelle la première confession de Simon Pierre" en Luc 5, 8-10. "Eloigne toi de moi Seigneur car je suis un homme pécheur - Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras". Commentaire bergoglien : "Simon Pierre ne dissociera jamais plus ces deux dimensions de sa vie : il se dira toujours pécheur et prêcheur". La première grâce en nous aussi provient toujours du péché... pardonné et de l'impulsion devinée...

Il y aurait beaucoup d'autres choses à relever. Autant vous inviter à lire! Mais je ne veux pas quitter ce petit ouvrage sans vous signaler la formule bergoglienne sur "l'originalité de l'Evangile". Oui, l'Evangile, pris à coeur, fait de nous des originaux. Prendre à coeur l'Evangile, "recouvrer la puissance de l'Evangile, c'est l'objectif de ces exercices spirituels"... Puissions nous être des originaux dans le Seigneur en refusant de "nous conformer à ce monde" (formule de saint Paul citée sous cette forme dans le chapitre sur le monde). Nous avons un pape original! Les termes même dans lesquels se pose sa spiritualité font de lui un original, prenant ses leçons dans l'Evangile plutôt que dans le monde. Où sont les accents du Concile sur la nécessité de s'ouvrir au monde? Il faut sortir de nos sacristie, nous dit François, mais pas pour aller au monde : "Notre foi est révolutionnaire"!

lundi 1 avril 2013

Temps de résurrection... demain au CSP

Nous célébrons Pâques pendant les huit jours de cet octave et nous le célébrons dans la joie, parce que l'événement de la résurrection du Christ a changé notre vie. Dans la résurrection, nous sommes "le peuple de la vie et le peuple pour la vie" comme disait Jean-Paul II. Nous essayons d'échapper à "l'empire de la mort" dont parle l'Epître aux Hébreux (2, 14). Cet empire de la mort appartient à Satan, qui fait tout ce qu'il peut pour désacraliser ce qui est le don de Dieu par excellence, pour faire de la vie un simple matériaux qui se gère. Mais il est en nous aussi, cet empire, dans notre chair.

"La tendance de la chair c'est la mort" écrit saint Paul dans l'Epître aux Romains (8, 6). Dans cette perspective, il nous faut étudier ce que signifie le dogme trop méconnu de la résurrection de la chair. Comment la puissance du Christ a-t-elle redonné vie à ce qui nous mène à la mort ? Demain, à 20 H 15, au CSP, je vous entretiendrai de l'anthropologie paulinienne, de la manière dont Paul pense les rapports entre le corps et l'esprit, de sa vénération pour le corps humain, temple du Saint Esprit, de sa distinction entre le psychique et le spirituel au chapitre 15 de la Première aux Corinthiens, de sa crainte du diable, l'esprit impur (apparente dans Ephésiens), de sa conception d'une égalité inégale entre l'homme et la femme. Bref : du pain sur la planche ! Et un débat en perspective...