samedi 28 mai 2016

Alerte : une église en danger à Paris

La situation de Sainte-Rita du XVème, cette église néo-gothique en plein Paris, est de plus en plus précaire et le risque de destruction se précise.
          
Le promoteur breton, qui a donné 10 % d’arrhes au propriétaire pour détruire l’église et construire des logements sociaux, a refusé d’examiner toute solution alternative, pour conserver à l’église sa destination cultuelle. Il y a un projet architectural alternatif, respectant l’église telle qu’elle est ; il y a aussi des propositions de rachat venant de groupes catholiques ou orthodoxes. Les chrétiens qui veulent que cette église demeure ont l’impression de se heurter à un mur.
          
Le promoteur vient de gagner une action en référé qu’il avait engagé contre l’Etat. Il se voit ainsi reconnaître en principe le droit de faire agir la force publique pour expulser de ce bâtiment « tout occupant ». On traite ainsi une église comme un bien privé ordinaire et des gens qui prient en ces lieux comme des occupants sans titre, au mépris de la destination cultuelle de cet espace sacré, dont il n’est même pas question dans le rendu du jugement.
          
Cette église, construite pour l’Exposition universelle de 1900 et qui est l’une des premières églises à concilier le béton avec le style gothique, offre aux regards une magnifique rosace et aux oreilles une acoustique cristalline. Sa valeur dépasse largement un projet immobilier pour des logements sociaux. Sa survie aujourd’hui est compatible avec un grand projet immobilier qui respecterait ce pour quoi elle a été construite.
          
Elle doit être conservée, avec sa triple tradition spirituelle : pour les gens du quartier, riches ou pauvres, fidèles de première ligne ou chrétiens du dernier rang, elle représente aujourd’hui trois choses :
  • D’abord, c’est la seule église, à Paris, où l’on bénit solennellement les animaux. La dernière bénédiction a eu lieu pour la Sainte-Rita le dimanche 22 mai devant une église débordante de monde, dans une atmosphère de piété populaire.
  • Ensuite, beaucoup de gens s’arrêtent en semaine pour prier Sainte-Rita, la patronne des causes désespérées et la sainte qui met la paix dans les familles et entre les familles.
  • Enfin, on y a toujours célébré un rite latin traditionnel, sans chercher noise à quiconque. Après le départ des catholiques gallicans, ce sont des catholiques romains qui ont repris cette tradition.
VENEZ DIMANCHE 29 MAI à 16 H, venez chaque dimanche nombreux pour défendre Sainte-Rita
VENEZ DIMANCHE 5 JUIN à 16 H pour la bénédiction des roses de Sainte-Rita et procession dans les rues du XVème
          
Abbé Guillaume de Tanoüarn, desservant
Communauté chrétienne Sainte-Rita du XVème
Association Clochers de Quartier en danger

lundi 2 mai 2016

[par Hector] Pour revenir sur « Nuit debout »

[par Hector] Dans nos milieux – mais pas seulement-, il y a hélas cette forte tendance à juger rapidement de choses qui nous sont éloignées. Le mouvement « Nuit debout » n’y échappe pas. Effectivement, le mouvement est à gauche. On en conviendra. Assurément, la bienveillance médiatique semble plus réelle à l’égard de ce mouvement urbain qu’à l’égard des Manifs pour tous et des Veilleurs. Enfin, l’amalgame entre casseurs et « Nuit debout » est plus discuté. Mais en même temps, la droite se déchaîne et insinue un mouvement quasi-insurrectionnel. Elle affirme aussi une collusion entre la gauche gouvernementale et le mouvement « Nuit debout ». Pourtant, je n’ai pas vu de dalle arrachée, comme on a pu l’affirmer péremptoirement. Le monument de Marianne est abîmé, mais depuis Charlie, il y avait déjà des inscriptions. A cause de l’attraction de ce monument en raison d’événements connus (les attentats de 2015), il devenait inéluctable que beaucoup cherchent à y mettre leur patte. Mais passons…

Je suis allé place de la République, le vendredi 29 avril 2016. Il pleuvait. Les différents stands se déclinaient généralement avec le mot Debout : Bibliothèque Debout, etc. Je croise des jeunes, mais aussi des personnes déboussolées (il y a toujours des mendiants pour faire la manche...). Une envie de débattre et de discuter. Certainement. En regardant les uns et les autres, en observant les différentes tentes, mon impression est plutôt que « Nuit debout » est surtout une critique à l’égard de la gauche classique et traditionnelle. Je ne parle pas seulement de la gauche sociale-démocrate, digne de Macron ou de Valls, mais de cette gauche institutionnelle, dont on reconnaît qu’elle n’assure plus de véritable débat. Les institutions, ce sont, au sens large, ces différentes structures qui permettent à un individu d’agir et de s’impliquer politiquement. Elles sont diverses : partis politiques, syndicats, etc.

Expliquons-nous : la politique, c’est aussi l’art de prendre parole publiquement dans un espace public. Prendre parole publiquement va au-delà des simples opinions privées du courrier des lecteurs. Il s’agit de poser un acte politique. Mais pour poser cet acte, il faut évidemment passer par des « instruments ». Ces instruments sont différents : engagement dans une formation politique ou syndicale, manifestations publiques, participations à des meetings, etc.

Or, les véhicules traditionnels d’expression sont usés, monopolisés pour ne pas dire fossilisés. La gauche n’y échappe pas : je pense aux syndicats, devenus, à l’instar des partis politiques, des machines verrouillées et déconnectées des préoccupations. Derrière la radicalité des discours peut se cacher une autre illustration de la France des apparatchiks. Ils sont devenus inertes. En écoutant les témoignages, il y avait celui d’un infirmier (?) qui racontait les difficultés de l’hôpital public. Il critiquait ouvertement la CGT. En outre, il refusait de « réduire les salariés à leur fonction ».

Soyons honnêtes : « Nuit debout » est avant tout une critique de la gauche par des gens de gauche, qui contestent l’efficacité des instruments traditionnels, vieillissants et inadaptés, de la représentation politique de gauche. On peut comprendre qu’il y ait un besoin de s’exprimer, face à une gauche qui n’a cessé d’épouser le libéralisme, de prôner la rigueur économique et le marché ou d’encourager la société de consommation. Le PS ne fait plus rêver, et le PC est devenu insignifiant. Les autres formations politiques sont trop microscopiques pour être sérieuses. Quant aux écolos, ils se sont perdus dans les querelles d’appareil. On pourrait multiplier les exemples.

Dans la France de 2016, il y a de plus en plus d’orphelins et de délaissés. À droite ou chez les « tradis », on les connaît : ce sont ces catholiques privés d’une Église encadrante, dont la première souffrance a été la suppression d’une liturgie solennelle. Ce sont tous ces catholiques délaissés par des clercs qui ne voulaient plus incarner les certitudes. Ce sont ces simples Français, oubliés des grands discours, qui ont fini par voter FN ou par s’engager plus radicalement. Ce sont ces militants qui ont vu que leur formation s’embourgeoisait pour devenir une alliance corporatiste de notables. Je ne vois pas pourquoi cela n’existerait pas à gauche.

Hector