tag:blogger.com,1999:blog-83452166222036489802024-03-21T14:17:50.531+01:00 MetaBlogUnknownnoreply@blogger.comBlogger1727125tag:blogger.com,1999:blog-8345216622203648980.post-44261195109558628032022-08-08T12:26:00.006+02:002022-08-23T21:39:51.566+02:00Voir Dieu<p>"Je veux voir Dieu !" Ainsi sainte Thérèse de l'Enfant Jésus résumait-elle l'engagement de toute sa vie. Quel est le but de notre vie ? Plus on accumule les connaissances, plus il paraît clair que ce que nous voulons au plus profond, c'est sortir de l'obscurité, qui est comme l'étoffe même de notre condition humaine pour découvrir ce que nous f... sur cette terre. Plus nous prenons conscience de l'absurdité de ce que nous savons de notre destinée, plus nous désirons comprendre. Pascal disait : l'homme est cet individu qui se réveille sur une île déserte et qui ne sait ni d'où il vient ni où il va. La première richesse intérieure de l'être humain, c'est la manière plus ou moins profonde dont il prend conscience de son ignora<span>nce : Socrate est le plus savant de tous les hommes parce que c'est le plus ignorant. Il a une conscience précise de son ignorance ; "Je sais que je ne sais rien". </span></p><p><span>Nous n'avançons dans le mystère que lorsque nous acceptons de ne pas remplacer cette ignorance par une pseudo-science, une idéologie, une fausse religion, c'est-à-dire une religion qui nous promet de tout savoir et de jouir de tout, ici et maintenant. Une religion qui ne respecterait pas le mystère. En ce sens, le culte à mystère d'Eleusis représente la grande synthèse humaine ou paënne de notre ignorance et de notre attente. Quelle attente ? L'autre vie, bien sûr. Comme dit encore Pascal : "Il importe à toute vie de savoir si l'âme est mortelle ou immortelle". Seul, on ne peut pas résoudre la question, mais nous devons poser le problème. Dans son dialogue sur la piété, l'Alcibiade mineur, après avoir expliqué qu'il valait mieux pour l'homme une piété sobre comme celle des Lacédémonien, qu'une piété histrionique comme celle des Athéniens, Platon conclut ; "Pour le reste il ne manque plus qu'un dieu vienne et nous enseigne".</span></p><p><span>Ce Dieu qui vient à nous, c'est Jésus-Christ. "Il n'y a pas d'autre Dieu au ciel que Notre Seigneur Jésus Christ" disait Mgr Marcel Lefebvre. Il est venu nous donner son Esprit, nous enseigner la vie éternelle. E</span><span>n lui, Dieu s'est manifesté, Dieu s'est montré. C'est tout ce que l'évangéliste appelle "le Dieu vrai", le seul vrai Dieu, le seul qui se soit fait connaître à nous, le seul dont il y ait une vérité humaine. Mais quelle est cette vérité humaine de Dieu ? La vie éternelle, puisqu'elle devient ici une vérité humaine, qui transforme notre existence, et qu'elle reste une réalité divine car c'est Dieu et Dieu seul qui nous la donne. Comment ? Par la connaissance que nous prenons de lui.</span></p><p><span>"La vie éternelle, c'est qu'ils te connaissent toi le seul vrai Dieu et celui que tu as envoyé Jésus Christ"(Jean 17, 2). Un verset de la Première épître de Jean explique cela peut-être plus au fond, insistant sur deux points : d'abord, la foi, comme la vie éternelle qui en est la première manifestation, est un savoir. Nous avons reçu en héritage une intelligence du mystère, non pas la vérité tout entière mais une manière d'y entrer. Deuxième point : si Dieu est au-dessus de tout savoir, il nous a envoyé son Fils pour que quiconque connaisse le Fils connaisse le Père (Matth. 11) : </span><span face=""Open Sans", sans-serif" style="background-color: rgba(255, 255, 255, 0.97); color: #333333; font-size: 15px;"> "</span><span face=""Open Sans", sans-serif" style="background-color: rgba(255, 255, 255, 0.97); color: #333333; font-size: 15px;">Nous savons aussi, dit saint Jean, que le Fils de Dieu est venu nous donner l’intelligence pour que nous connaissions Celui qui est vrai ; et nous sommes en Celui qui est vrai, en son Fils Jésus Christ. C’est lui qui est le Dieu vrai, et la vie éternelle". Par la vie éternelle nous <i>devenons</i> le Dieu vrai, nous nous partageons à l'infini une vie divine, qui nous est offerte, ou bien, comme dit saint Pierre dans sa deuxième épître "nous partageons le sort de la nature divine" en restant humain par cette nature humaine que nous conservons. (II Pierre 1, 4).</span></p><p><span face=""Open Sans", sans-serif" style="background-color: rgba(255, 255, 255, 0.97); color: #333333; font-size: 15px;">Saint Thomas d'Aquin aime à citer deux textes du Nouve<span>au Testament pour nous aider à comprendre ce qu'est la vie éternelle : "Nous le verrons comme il est", cette formule est de saint Jean. Et Paul renchérit : "Nous le verrons visage à visage". (I Cor 13, 12). Ces deux expressions signifient deux réalité apparemment opposées, mais qui ne font qu'un dans le plan du salut.</span></span></p><p><span face=""Open Sans", sans-serif" style="background-color: rgba(255, 255, 255, 0.97); color: #333333; font-size: 15px;"><span>Premièrement : nous verrons Dieu et nous le verrons tel qu'en Lui-même. Comment cette vision est possible sans notre divinisation ? Pour voir Dieu, il faut être Dieu. Nous ne pouvons pas voir Dieu "comme il est", sans être divinisés par la lumière de sa gloire.</span></span></p><p><span face=""Open Sans", sans-serif" style="background-color: rgba(255, 255, 255, 0.97); color: #333333; font-size: 15px;"><span>Deuxièmement : si nous le voyons "visage à visage" selon la formule de saint Paul, cela signifie que loin de nous laisser absorber par le grand brasier divin, notre relation avec lui est une relation "de personne à personne". Du reste, c'est le mot grec visage prosôpon, qui exprime dans cette langue l'idée de personne. Dieu qui a créé chacun de nous individuellement ne détruit pas sa création mais la sublimise, en offrant à chaque être humain quelque chose du Je primordial, une parcelle pérenne de la subjectivité éternelle. Ainsi chaque individu sauvé, abandonnant ses travers personnels, est-il recréé, différent de tous les autres êtres, à la ressemblance divine. Nos visages, qui représentent dès maintenant cette individualité de chaque personne, plongés dans la lumière divine, prennent une beauté insoupçonnée : "tels qu'en eux-mêmes enfin l'éternité les change".</span></span></p>l'abbé Guillaume de Tanoüarnhttp://www.blogger.com/profile/08887994816317506213noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8345216622203648980.post-10253769718247748832022-08-02T20:15:00.005+02:002022-08-23T21:28:18.751+02:00Un désir naturel de voir Dieu ?<p>Je reprends la déclaration de mon ami journaliste dans la méditation précédente, osant poser une question qui fâche : est-ce que vraiment nous avons envie de Dieu ? Est-ce que nous avons un désir naturel de voir Dieu en lui-même ? Mettre un point d'interrogation en titre, pour un texte qui entend participer d'un commentaire catholique du Credo, cela peut paraître fort de café. Il n'y a pas de points d'interrogation dans le Credo, mais je maintiens le point d'interrogation ici néanmoins parce qu'il s'agit d'aller au-delà de la foi dans la vie éternelle, en se demandant si la perspective de la lumière divine est vraiment attirante, ou plutôt à quelles conditions elle l'est, si elle suscite en nous le désir, ou plutôt à quelles conditions elle le suscite. </p><p>Certains trouveront sans doute que Dieu est toujours l'Infiniment attirant. C'est vrai dans l'épisode de la transfiguration du Seigneur (Lc 9). Pierre Jacques et Jean sont immédiatement fascinés par ce Christ qui se montre à eux dans un halos de lumière. Et Pierre va jusqu'à articuler une énormité, qui montre seulement qu'il est sous le charme : "Seigneur il nous est bon d'être ici. Si tu veux, faisons ici trois tentes, une pour toi une pour Moïse et une pour Elie". Cette scène inaugure une nouvelle relation entre Dieu et les hommes, une relation qui bannit la crainte. C'est l'Esprit de la Pentecôte. Luc commente à propos de saint Pierre : "Il ne savait pas ce qu'il disait". Et l'évangéliste d'ajouter : "Il parlait encore quand une nuée vint les couvrir de son ombre". Cette nuée, c'est la chekinah, présente au dessus du peuple hébreu dans le désert. Avec l'Ancien Testament revient la crainte : "Une grande crainte les saisit". Le Christ a laissé entrapercevoir la nouvelle économie du Dieu si proche. Intimité, légèreté, lumière. Mais la crainte demeure, comme en toile de fond. </p><p>On constate la même ambivalence du sacré, à la fois lumineux et terrible, dans le récit de l'Annonciation, toujours chez saint Luc : une grande proximité entre l'ange et Marie. Et puis, comme chaque fois que la Puissance de Dieu se manifeste, les hommes qui en reçoivent l'impression, sont en même temps saisis de crainte. </p><p>Marie ne fait pas exception : "Ne craignez pas Marie", lui dit l'Ange Gabriel au jour de l'Annonciation. "Voici que vous avez trouvé grâce auprès de Dieu"... Même Marie éprouve naturellement de la crainte en présence du Tout puissant. Elle ne le devrait pas car "elle a trouvé grâce auprès de Dieu". Elle entre ainsi la première dans le Royaume de la grâce, ce nouveau Royaume où la crainte n'existe pas et immédiatement d'ailleurs elle entre en même temps en opposition, oui en lutte verbale avec l'ange qui lui avait annoncé qu'elle allait avoir pour fils le Messie - "Comment en sera-t-il ainsi car je ne connais pas d'homme ?". Elle est fiancée à Joseph nous dit l'Evangéliste, et elle ne... veut pas connaître d'homme. Magnifique liberté du Royaume de la grâce ! Extraordinaire naturel de cet échange avec l'ange. Sommes nous dans deux mondes différents ? Le monde où Dieu engendre la crainte et celui où Dieu suscite une joie libératrice ? Nous sommes effectivement comme entre ces deux mondes, selon la connaissance que nous avons reçue de Dieu.</p><p>La question que je pose, à la fin de ce Commentaire du Credo, n'est pas seulement une question, d'exégèse, qui trouverait réponse dans les textes. Le problème est tellement important dans notre culture que c'est devenu une question théologique : y a-t-il en nous un désir naturel de voir Dieu ? Or, justement, si nous voulons obtenir une réponse claire, la théologie, science de Dieu, peut parfaitement fonctionner, comme l'expliquait naguère Mgr Guérard des Lauriers, selon le mode hypothético-déductif, le mode de raisonnement proprement scientifique. On pose une hypothèse (avec un point d'interrogation) et on la vérifie ou on l'infirme selon qu'elle se trouve ou non dans l'enseignement divin (sacra doctrina), c'est-à-dire dans l'Ecriture, telle que la Tradition l'interprète, jusqu'à nous. Pour que ce mode de raisonnement puisse nous faire avancer, il faut encore que le sens des mots soit précisément établi, histoire d'éviter approximations et erreurs dans les inférences à la faveur de ce qui passerait pour une équivalence hasardeuse posée entre des termes qui, en rigueur, revêtent une signification différente. </p><p>Plus crucial encore : un même mot peut recevoir des significations connexes, mais distinctes. Il en est ainsi par exemple du mot désir. </p><p>Qu'est-ce que le désir de l'homme a à voir avec Dieu, l'Infini, l'éternel, au-delà de tout ce que nous pouvons en savoir ? Précisons les termes. </p><p>Du point de vue scolastique, il faut distinguer le désir naturel et le désir élicite. Le désir naturel est une tendance fondamentale et innée, on peut inclure dans ces désirs naturels la faim, la soif et le désir sexuel, y ajouter les désirs liés à la sensation de froid et de chaud, à la fatigue et au bien être, à la volonté de puissance. Dans ces cinq cas, quelle que soit la connaissance de l'objet que l'on possède hic et nunc, on éprouve une excitation que l'on cherche à satisfaire ou un manque que l'on s'exerce à remplir. La satisfaction du désir naturel (orexis en grec) correspond à la disparition de l'excitation ou au comblement du vide, excitation et vide, qui, par ailleurs, renaissent sans cesse parce qu'ils proviennent de la nature. Ce désir naturel n'est pas compatible avec celui qui a Dieu pour objet.</p><p>Le désir qui a Dieu pour objet n'est pas un désir naturel au sens où Aristote parle d'orexis au début des Magna moralia. mais un désir élicite, un désir qui ne suit pas immédiatement une nature quelconque, mais qui naît de la connaissance que nous prenons de tel objet. Aristote parle alors non de l'orexis mais de l'epithumia. Ce désir-là devient une passion suscité et sans cesse renforcée par son objet. Il n'y a pas ce mécanisme de la satisfaction dans le désir de Dieu, nous n'avons pas à faire à un désir naturel comme le désir sexuel. Au contraire : le désir de Dieu n'est jamais rassasié et il augmente toujours, au fur et à mesure que l'on comprend, c'est-à-dire que l'on alimente de connaissances nouvelles notre désir : "Ceux qui me mangent auront encore faim et ceux qui me boivent auront encore soif" (Eccli 24, 21) proclame la Sagesse à propos d'elle-même. Cela signifie que le désir de la sagesse, à l'inverse des autres désirs n'est pas rassasié par la possession de son objet. A l'inverse, il augmente avec elle.</p><p>Ce désir de la sagesse ne vient pas de notre nature. Il n'a rien à voir avec cette loi naturelle qui nous enseigne de manière innée le bon fonctionnement de l'animal humain. Il provient de la connaissance que nous acquérons auprès de Dieu, comme la Vierge Marie au contact de l'ange Gabriel. C'est ce que nous appelons le désir élicite. </p><p>Quand on est allé au bout de la satisfaction des désirs ordinaires, il reste encore à expérimenter cet autre désir qui n'est jamais rassasié, qui ne procède ni de l'excitation ni du vide, mais plutôt de l'émerveillement, comme disait déjà Aristote. Si l'on met de côté la faiblesse humaine, qui contraint les couples à vivre à distance raisonnable l'un de l'autre, je peux dire que jamais je ne me lasserai de la présence de mon conjoint, celui que j'ai découvert, que j'ai choisi entre mille, celui dont je peux dire : "Nous étions faits l'un pour l'autre, nous ne nous connaissions pas et cette découverte mutuelle a engendré une passion inextinguible". Comme le voit très bien Houellebecq dans son dernier roman, <i>Anéantir</i>, cet amour n'a pas besoin de beaucoup de mots et se suffit de la présence de l'autre, présence remplie de la connaissance mutuelle que l'on épanche en silence. Dante, avec sa Béatrice, nous dit par exemple que c'est juste une affaire de regard : "Mes yeux la suivirent si loin qu'ils purent et quand ell' disparut, ils se tournèrent vers cet objet du désir le plus pur : tous mes regards furent pour Béatrice" (Le Paradis chant 1 v. tr. Michel Orcel). Et encore du même Dante : " Je me taisais mais mon désir était dépeint sur mon visage et ma question plus ardente que dite avec des mots" (Chant 4, v. 12 sq.)</p><p>Cet amour passion que décrit Dante est issu d'une connaissance, même si ce n'est en aucun cas une connaissance conceptuelle. Eh bien ! Dieu qui nous dit depuis l'Ancien Testament, dans le livre du prophète Osée par exemple, qu'il aime les hommes comme les hommes aiment leurs femmes, de façon passionnée, se laisse aimer ainsi : comme une présence irremplaçable, qui remplit celui qui l'a une fois appréhendée, qui fait naître son désir et le fait croître toujours plus.</p><p>Certains n'ont de Dieu que l'idée innée (simple nom de l'Infini) que Descartes nous a appris à reconnaître et dont Pascal fait la matière de son Pari. D'autres ont reçu cette image de Dieu en eux, mais ils l'ont reçue écornée, abimée, déformée, parfois méconnaissable, Dieu bonasse, Dieu horloge ou méchant Dieu, Le mot Dieu est abîmé comme dit la romancière Sylvie Germain. Comment dans ces conditions peut naître un vrai désir de Dieu ? Comment la vision de Dieu peut-elle être attirante, si l'on s'en tient à l'image de Dieu que diffuse la culture moderne ? Au contraire un Dieu fait chair qui donne sa vie pour ses amis laisse espérer un amour infini. Cette espérance naît de la connaissance que nous prenons de Dieu, en lisant sa Parole ou, mieux encore, en en vivant. Le christianisme représente ce progrès dans la connaissance de Dieu qui nous rend infiniment attractive la vision que l'on nous promet du Dieu qui se définit lui même et se laisse découvrir comme amour.</p><p>Nous concluons cette courte mise en question en soulignant que l'amour de Dieu n'est pas instinctif, n'en déplaise au Vicaire savoyard. Nous ne sommes pas poussés à aimer Dieu comme nous sommes poussés à nous reproduire ou à nous protéger. Le désir de Dieu n'est pas un désir naturel. Néanmoins ce désir est profond, il vient d'une connaissance innée de Dieu ou de l'Infini, que nous formons en nous-mêmes et que nous précisons par l'expérience : expérience de la beauté du monde, expérience de la nécessité d'une morale, qui renvoie à un cosmos spirituel que nous formons au fur et à mesure de notre existence. Expérience du dépassement de soi par l'amour ou par la connaissance. Cette "expérience de l'existence" nous mène spontanément à Dieu,, non pas à un désir naturel de Dieu, mais à un désir qui naît de la curiosité, de l'émerveillement et aussi de la prudence, c'est-à-dire de la droite raison imposée aux choses à faire. </p><p>Cette connaissance innée de Dieu, on la trouve exprimée à la fois dans l'épitre aux Romains, lorsque Paul nous dit que la loi morale est inscrite sur les tablettes de notre coeur (Rom. 2, 15), avant tout enseignement ; on la trouve également au chapitre I, 20 de la même Epître, lorsqu'il nous explique (reprenant l'enseignement du Livre de la Sagesse Sg 13, 1-13), que nous allons aux choses invisibles par le spectacle de la beauté des choses visibles. </p><p>On la trouve enfin dans le prologue de l'Evangile de Jean au verset 9 du chapitre 1 : "Le Verbe était la vraie lumière qui éclaire tout homme venant dans le monde" Tout homme quand ? demande Cajétan dans son Commentaire : tout homme quand il vient dans le monde, tout homme en naissant. Les protestants préfèrent parfois rattacher le groupe de mots "venant dans le monde" au sujet qui est verbum, le verbe, la Parole au commencement. "le Verbe éclaire tout homme <i><b>en</b></i> venant dans le monde". Cette lecture qui n'est pas celle de la tradition, est possible grammaticalement dans le texte grec original, quoi qu'elle paraisse un peu compliquée. Mais surtout elle a l'inconvénient de restreindre la mission de Jésus au temps qui suit sa vie terrestre, comme si le Verbe n'était pas de tout temps la sagesse promise à l'humanité, dont tous les hommes en venant dans le monde, reçoivent toujours au fond d'eux-mêmes, avec la connaissance de Dieu et du bien moral, quelque chose, de la vraie lumière.</p><p>Faut-il dire pour autant que l'amour de Dieu n'est pas naturel en nous ? Nous pensons avoir montré que l'amour de Dieu n'est pas instinctif dans l'homme puisqu'il dépend d'une connaissance, elle-même en partie innée, et en partie révélée ou acquise, comme l'enseignent et saint Paul et saint Jean. L'amour de Dieu n'a rien à voir avec un instinct qui serait caché en nous. Il naît de la connaissance que nous avons de lui, mais cette connaissance, elle, est bien innée, ainsi que l'enseignent les deux théologiens parmi les apôtres que sont saint Jean, le disciple et saint Paul le converti. Dans le grec d'Aristote, au début du Deuxième Livre de son Ethique à Nicomaque, nous trouvons une distinction qui convient assez bien à ce que nous essayons de dire. La vertu (arété : l'excellence humaine) n'est pas inscrite dans la nature au point qu'elle serait innée. Elle n'est pas dans l'homme par nature, en grec : phusei. Elle ne représente aucun désir naturel. Mais elle n'est pas pour autant contraire à la nature dont elle représente l'excellence réalisée. La vertu n'est pas instinctive (phusei), mais elle est selon la nature de l'homme, dont elle manifeste les virtualités. On dit : kata phusin. Elle est conforme à la nature.</p><p>Ainsi le désir de voir Dieu n'est pas dans la nature de l'homme, l'homme n'y accède pas spontanément. Mais au fur et à mesure qu'il connaît mieux le monde divin qui se révèle à lui au fil de son histoire personnelle et au fil de l'histoire du monde, il réalise combien ce Dieu, d'abord inconnu, se révèle comme fait pour lui et il se découvre naturellement incliné vers lui. C'est saint Pierre lors de la transfiguration : on est bien ! Faisons trois tentes ! Comme l'explique Cajétan, en exposant là ce qui est le fond thomiste du thomisme : "La grâce perfectionne la nature selon le mode de la nature" (In IamIIae Q89 a6 n. 5). Et encore : "Il faut que tu réfléchisses au fait que tout l'univers est comme un seul être, à partir des forces naturelles et des forces surnaturelles". (In IamIIae Q62 a2). </p><p>En cette affaire peut-être exagérément technique, il faut sauvega<span>rder deux vérités contraires : Dieu est le bonheur de l'homme et Dieu transcende infiniment l'homme, il se donne à lui, c'est lui qui l'a aimé le premier. Aimer Dieu n'a rien à voir avec un droit de l'homme. C'est avant tout une manière de dépasser l'hommerie. Dante avait inventé un verbe pour cela dans le premier chant du Paradis : transumanar. En français : transhumaner. </span></p>l'abbé Guillaume de Tanoüarnhttp://www.blogger.com/profile/08887994816317506213noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8345216622203648980.post-75707299051468337522022-07-27T00:52:00.003+02:002022-08-22T15:12:52.781+02:00Approche philosophique de la vie éternelle<p>Le chrétien a toujours deux vies, une vie biologique, celle des organes qui nous constituent comme êtres au monde, et une autre vie, spirituelle celle-là : la vie avec Dieu, la vie sans fin, la vie éternelle. La première; nous en prenons conscience facilement ; "On sent qu'on sent" comme disait Aristote. De la seconde, nous faisons l'expérience de temps à autres, lorsque nous parvenons à oublier le temps, ce Chronos de la mythologie grecque, qui dévore ses enfants. </p><p>Autrefois nous savions bien que cette durée intemporelle dont parle Bergson est quelque chose de rare et de précieux. Hélas, on a très vite cessé d'écouter Bergson. La modernité calculante se caractérise par un quiproquo à cet égard : on a cru que pour être moderne, il fallait savoir compter et que compter le temps, cela nous permettait d'y échapper. Le temps compté entrait en quelque sorte en notre pouvoir. Qui était maître des horloges croyait devenir maître de la vie elle-même. Ce raisonnement est rationnel mais il est trop simple : on ne peut calculer que le peu de temps qui statistiquement ne nous échappera pas, "le temps qui reste" dit saint Paul aux Romains, mais très vite dans une vie le temps revient à sa sauvagerie native et, pour parler en filant la métaphore des mythologues grecs, les infanticides de Chronos se multiplient, d'autant plus que le temps est compté. Rien n'échappe au calcul, sauf le temps, parce que c'est toujours le temps qui nous reste et que - c'est humiliant de le reconnaître, certains se sont donnés eux-mêmes la mort pour ne pas vivre cette humiliation - sauf si nous intervenons nous mêmes, nous ne pouvons pas dire le temps qui nous reste et finalement nous le laissons nous vaincre, comme son épée pour Damoclès..</p><p>C'est en sortant de l'obsession rationnelle du chronomètre que l'on peut espérer faire l'expérience de cet au-delà du temps qu'est la durée, "image mobile de l'immobile éternité", image mobile qui nous introduit à la vie éternelle. Il nous faut dit saint Augustin nous enfoncer sans peur dans les palais de la mémoire. "Ton souvenir en moi brille comme un ostensoire" s'écrie le Poète (Baudelaire Harmonies du soir). Il continue de briller et il brillera toujours, parce qu'il a rempli, parce qu'il a saturé tel instant de ta vie. Ainsi aussi sont les palais de la mémoire, séduisants jusqu'au bout. Tel est le genre d'événements que nous cherchons, au-delà du temps et qui participe d'une éternité, parce qu'ils ont à voir avec l'être lui-même, qu'ils l'ont construit et qu'il est indestructible dans la mesure exacte où il a construit la personne, où il est devenu quelque chose de sa conscience. "La durée réelle est ce que l'on a toujours appelé le temps, mais le temps perçu comme indivisible", celui qui, intense, se prolonge indéfiniment dans le souvenir et ne se coupe jamais sans que s'exerce une forme de violence extérieure à lui.</p><p>Dans le langage des Evangiles (repris par saint Paul), on appelle cela des fruits. Le Christ nous demande de porter du fruit : tout ce que l'intensité de l'existence peut arracher au temps qui coupe, qui tue et qui sépare, tout ce qui peut faire mûrir, tout ce qui peut percevoir le souffle de l'éternité, tout ce qui est parvenue à une heureuse maturité, bref tout ce que Bergson appelle la durée ou tout ce que Platon appelle la beauté (parce que c'est la beauté qui est un appel), tout cela au fond nous parle, dans le temps, de l'éternité. Il ne s'agit pas de nier le temps, mais de "racheter le temps" (Eph. 5, 16), de permettre au temps d'échapper à lui-même et à sa logique de mort, en portant de beaux fruits.</p><p>Je parlais de ce dernier article du Credo, et du commentaire que j'avais entrepris d'en faire ici, avec un camarade journaliste (un des meilleurs sur la place de Paris, qui est en même temps profondément chrétien). Il me disait, avec la sincérité de l'expérience vécue que l'Eglise n'avait jamais réussi à rendre appétissante cette perspective de la vie éternelle. "Moi par exemple, je n'ai aucun désir de la connaître", affirmait il pour mettre fin à ce sujet de conversation. Je n'ai pas rebondi, mais j'ai pensé en moi-même, que, sauf une curiosité dévorante pour ce qui va se passer dans l'éternité, je n'éprouve par moi même absolument pas ce fameux désir naturel de voir Dieu dont a tant parlé le cardinal de Lubac. Dieu fait peur ou Dieu se dérobe à notre regard. Comment pouvons nous l'aimer spontanément sans voir le gap qui existe entre lui et nous ? Le fait est que dans certaines expériences de vie, Dieu semble s'approcher de nous en nous donnant un avant goût de ciel. Je pense à certains qui ont reçu les derniers sacrements et qui jouissent comme par avance d'une joie et d'une sérénité inentamable.</p><p>C'est ce que j'ai essayé de montrer en évoquant trop vite Platon et Bergson. Pour se faire une idée de l'éternité - juste une idée - il faut reconnaître qu'il nous arrive de perdre la notion du temps, d'expérimenter la durée, et que c'est à ce moment-là que nous sommes sur terre au plus proche du Ciel. Telle est la vraie contribution de la philosophie à cette grande question de la vie éternelle et parce qu'elle est plutôt rassurante, j'ai cherché à l'explorer pour commencer, avant d'aborder les énigmes de la théologie, cette énigme en particulier du désir naturel de Dieu que nous aborderons la prochaine fois..</p>l'abbé Guillaume de Tanoüarnhttp://www.blogger.com/profile/08887994816317506213noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8345216622203648980.post-48437904590868333412022-07-15T17:24:00.004+02:002022-08-22T15:04:46.188+02:00La résurrection de la chair<p>"Le corps semé corps psychique ressuscite corps spirituel" déclare saint Paul aux Corinthiens (I Co. 15, 45) dans une de ces formules qui disent tout en quelques mots, et dont il a le secret. Dans ces quelques mots, il offre comme un premier descriptif de l'anthropologie chrétienne, de la conception chrétienne de l'homme.</p><p>L'homme n'est pas pur esprit. Le fameux vers d'Alfred de Vigny : "L'homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux" ne décrit pas une anthropologie chrétienne, mais renvoie à une conception gnostique de l'homme, à une opposition radicale entre le corps et l'esprit, qui n'est pas surmontable car il y a d'un côté, régissant les corps, le démiurge, créateur, qui a tout enseveli dans la matière (raison pour laquelle on l'appelle aussi le méchant dieu), et de l'autre un Hypertheos, purement spirituel, qui donne à l'homme cette étincelle d'esprit pur, qui, d'après Vigny fait de lui "un dieu tombé" et non un homme. </p><p>Dès le IIème siècle dans son De Resurrectione carnis, Tertullien, théologien chrétien d'Afrique du nord, montre que le dogme de la résurrection de la chair contient une théologie appréciative du corps tout à fait opposée à la théologie des gnostiques, grands lecteurs de Platon et des néo-platoniciens et qui tiennent le mépris du corps pour la forme ordinaire de la sainteté, en se satisfaisant du fameux et sinistre jeu de mot : soma séma. Le corps est un tombeau.</p><p>C'est tout le contraire qui est vrai : le corps est beau en tant qu'oeuvre de Dieu. Il est beau au point que Dieu lui-même s'est fait chair en Jésus-Christ, lui que l'on appelle d'ailleurs "le plus beau des enfants des hommes", selon la prophétie du Psaume 44 : speciosus forma prae filiis hominum. Cette beauté, beauté des visages, beauté des proportions, beauté des mouvements, est un appel à l'amour, selon le beau jeu de mot entre to kallos la beauté et kalein qui signifie appeler. Le corps est une réalité noble, qu'il faut aimer pour tout ce qu'il nous offre, en particulier lorsqu'il apparaît faible ou fragile, alourdi par le handicap ou la vieillesse. Ce n'est pas l'origine du péché, comme le prétendent les gnostiques. C'est l'usage que l'on en fait qui peut être négatif et nous faire sombrer dans le péché. L'orgueil des "bodybuidés", la beauté quand elle devient un moyen d'écraser ou d'éclipser les autres, la sensualité quand elle est une fin en soi, tout ce que peuvent produire les trois concupiscence, énumérées par saint Jean au chapitre 5 de sa Première épître : la volonté de dominer, la volonté de briller ou la volonté de jouir sans amour.</p><p>Le mot de saint Paul demeure, pour quiconque a un minimum d'expérience de la vie : aujourd'hui "les désirs de la chair sont contraires à ceux de l'esprit, et les désirs de l'esprit contraires aux désirs de la chair" (Gal. 5, 9) ou, comme le dit encore saint Paul, "celui qui sème dans la chair récolte de la chair la corruption. Celui qui sème dans l'esprit récolte de l'esprit la vie éternelle" (Gal. 6, 8). Les désirs charnels, qui répondent au grand enjeu de la procréation et de la survie de l'espèce humaine, sont l'instrument de l'amour spirituel ou bien ils ne sont rien, et cela au sens le plus ordinaire du terme : rien. Ils ne sont pas. C'est Freud dans les <i>Essais de psychanalyse</i>, qui a remarqué à raison que le désir sexuel a pour but sa satisfaction, c'est-à-dire simplement la disparition de l'excitation qui l'a fait naître : le vide. Le nihilisme est toujours charnel. </p><p>Voilà pourquoi la chair rencontre l'esprit, l'esprit rencontre la chair et la dialectique entre les deux est nécessaire. Le salaire de la chair c'est la mort. seul l'esprit porte du fruit, un fruit qui résiste au temps qui passe, alors que la chair obtient des satisfaction, qu'il faut sans cesse satisfaire de nouveau.. C'est donc à l'esprit non pas de faire disparaître la chair : impossible ! Qui veut faire l'ange fait la bête. Il s'agit plutôt pour l'homme spirituel, de soumettre la chair à son dessein, pour qu'elle contribue au salut de la personne, par le plaisir comme aussi par la souffrance : le plaisir qui est la récompense du bien comme dit Aristote ; la souffrance qui est le bois de nos sacrifices, la manifestation de notre amour. le corps, oeuvre de Dieu, qui est bon et la chair, dynamisme difficile à contrôler au sein de l'homme, dynamisme contaminé par les trois concupiscences dont le moteur est eros et la finalité thanatos.</p><p>Il faut donc soigneusement distinguer le corps et la chair, même si certains traducteurs officiels de saint Paul ne le font pas ce qui donne des résultats dramatiques : par exemple dans un extrait lu le 8ème dimanche après la Pentecôte, l'expression "faire mourir les oeuvres de la chair" devient, à la gnostique : "faire mourir les oeuvres du corps". Ce n'est pas admissible.</p><p><b>Deuxième direction de recherche</b> : ce dogme de la résurrection de la chair confirme l'espérance des philosophes en l'immortalité de l'âme : il y a quelque chose après la mort. L'homme n'est pas un être pour la mort. Mais en même temps, cette espérance, ce même dogme de la résurrection de la chair la contredit à force de l'approfondir et de l'exaucer. L'immortalité d'un ressuscité n'est pas seulement celle de l'Esprit, séparé de la matière, mais celle du composé humain, corps et esprit indissolublement liés, et donc celle de chaque personne humaine promise à la résurrection. La philosophie est-elle capable d'apporter la preuve de cette immortalité personnelle de l'être humain ? Tant qu'elle professe que les êtres sont des êtres "individualisés par la matière" selon la formule d'Aristote, tant que c'est la matière qui, seule, les constituent comme séparables dans l'espace, et donc comme individués, il n'est pas sûr que la philosophie puisse apporter grand chose à ce débat, comme l'avait perçu Cajétan, allant contre l'opinion dominante au Vème concile de Latran (1516) et affirmant, lui contre le torrent des docteurs de son temps, l'impuissance de la philosophie à prouver l'immortalité personnelle de l'âme humaine.</p><p>Historiquement ce "dogme des philosophes" qu'est l'individuation par la matière semble indiquer qu'Averroès (philosophe islamique mort en 1200) a raison de penser, en tant que disciple d'Aristote, que l'intellect actif est à la fois unique et présent en chaque homme et qu'à la mort du corps, la personne individuée disparaît dans la Pensée unique qui n'a pour objet qu'elle-même. </p><p>La théologie chrétienne de la résurrection de la chair, tel que saint Paul le développe au chapitre 15 de la Première Epître aux Corinthiens, nous ouvre de tout autres perspectives, autorisées par le Credo, qui, rappelons-le, fait de cet événement eschatologique, la résurrection de la chair, une oeuvre appropriée au Saint Esprit lui-même , comme l'Eglise, nous l'avons vu, comme la communion des saints, la rémission des péchés et la vie éternelle. Cette idée de résurrection d'un corps mort est bien évidemment de l'ordre de la seule foi. Mais la foi a ses raisons que la raison ne sait pas reconnaître. Non pas des raisons démonstratives mais des présomptions qui, mises bout à bout, font une certitude, comme l'expliqua naguère le pascalien Filleau de la Chaise dans ses Discours introductifs aux Pensées. Présomptions ? Raison inclinantes ? Je pense, par exemple, aux corps conservés des saints, que l'on peut voir encore, quand l'Eglise, trop prévoyante, ne les a pas enveloppés de cire. Qui a regardé le visage du corps conservé de sainte Bernadette de Lourdes (visible dans le sanctuaire de Nevers), peut témoigner de l'extraordinaire finesse de ses traits merveilleusement parvenus jusqu'à nous. Quoi qu'il ne s'agisse pas là d'une preuve argumentative à proprement parler, je pense irrésistiblement à ces portraits funéraires chrétiens du Fayoum en Egypte. Ces visages, peints avec un réalisme lumineux, ne peuvent pas disparaître : ils saisissent pour la rendre présente à son destin intégral, une personnalité unique, qui encore aujourd'hui exprime aux badauds dans les musées sa différence infracassable.</p><p>Ces considérations nous invitent à scruter, au delà des visages (prosopon en grec) les personnes (en grec toujours, c'est le même mot), le mystère des personnes, dont chacune est créée immédiatement par Dieu. Comme dit le psaume : Quoniam tu Domine singulariter in spe, constituisti me (Ps. 4). Nous chantons cela à Complies, comme la certitudes dans laquelle nous nous endormons tranquillement : Dieu nous a fait un par un (singulariter), il nous a aimé avant de nous donner l'être. Nous avons chacun, et c'est ce qui nous rend différents les uns des autres pour toujours - des raisons d'espérer, qui sont constitutives de notre être moral et qui sont dispositives au salut par une grâce, qui, elle aussi est personnelle. En donnant à notre "chair pourrissante" sa vie pour toujours, Dieu, nous ressuscitant, sauve les merveilles de sa création, dont aucune n'a été créée en vain et qui toutes se retrouveront dans les cieux nouveaux et la terre nouvelle où la vie est éternelle et nous sauve pour toujours.</p><p><br /></p><p> </p>l'abbé Guillaume de Tanoüarnhttp://www.blogger.com/profile/08887994816317506213noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8345216622203648980.post-31546352413029269692022-07-10T11:36:00.009+02:002022-08-22T03:01:05.353+02:00La Rémission des péchés<p>"Allons ! Discutons dit le Seigneur : tes péchés seraient-ils rouges comme l'écarlate, je te ferai blanc comme la neige, quand ils seraient rouge comme la pourpre, comme laine ils deviendront" (Is. 1, 18) s'écrie le prophète Isaïe.</p><p><br /></p><p>Le premier mot qui nous frappe est le mot "discutons". C'est ce que nous allons faire justement. Il faut discuter avec Dieu, il nous y invite. Discuter de quoi ? De ce qui nous sépare de lui : du péché. A charge pour nous de ne pas raconter n'importe quoi. A charge de rester vrai quoi qu'il se passe. La Vierge Marie en donne un exemple remarquable dans son dialogue avec l'ange Gabriel, où elle lui avoue qu'elle entend ne pas connaître d'homme, alors que Dieu attend d'elle qu'elle soit la mère du Messie.</p><p>Ensuite, dans ce verset d'Isaïe, le mot important pour ne pas tout confondre, c'est le deuxième verbe : "Je te ferai". Dieu nous transforme, il nous rend l'innocence perdue, mais sommes nous capables de nous laisser transformer ? Nous ne devenons capable de cette divine métamorphose, que si nous reconnaissons la gravité de notre péché.</p><p>Comment Dieu nous rend-il l'innocence perdue ? Comment opère-t-il "la rémission des péchés", en laquelle nous croyons ? Par la communion des saints, qui trouve son origine dans le Christ. Le Christ nous rachète. C'est lui qui parle dans ce verset de l'Ancien Testament, lui et non le prophète Isaïe. Il nous enseigne la réversibilité des mérites. Qu'est-ce à dire ? Sa souffrance est notre rachat. Rachetés par lui (il nous a payé "cher" dit saint Paul en pensant à sa mort sur la croix), nous pouvons nous racheter les uns les autres. Nous pouvons nous aussi, offrir nos souffrance pour les autres. Par l'amour. En expirant sur le bois de la croix, dit le vieux Cantique, Dieu nous aima plus que lui-même". C'est ce que nous appelons la rédemption, le rachat, la victoire de l'amour. "Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime". Le Christ a démontré son amour par sa mort. C'est en l'imitant que nous ferons nous aussi "un bon usage des maladie", un bon usage des souffrances, un bon usage du mal et de la mort. "Sans effusion de sang, dit saint Paul aux Hébreux, il n'y a pas de rémission" (Hébr. 9, 22). Bien sûr Dieu aurait pu déclarer le péché inexistant. "Une goutte de son sang aurait suffis pour sauver le monde" dit saint Thomas dans l'Adoro te. Il n'avait pas ce besoin de la souffrance de son fils pour effacer les péchés du monde. C'est le monde qui en avait besoin. Le monde avait besoin de transformer l'obstacle de la souffrance, le scandale de la souffrance et sa fragilité pécheresse, en autant de moyens du salut. Comment faire concrètement pour pratiquer cette alchimie existentielle ? Simplement regarder la croix du Seigneur et imiter Jésus sur sa croix, pour recevoir l'intelligence de la souffrance. Beaucoup aujourd'hui se détournent de cette intelligence-là.</p><p>Revenons à Isaïe pour comprendre ce qui se passe aujourd'hui, dans une société qui hait la souffrance, qui déteste la condition humaine, en rêvant à "transhumaner". Si l'on oubliait ce verbe "Je te ferai", dans l'expression "je te ferai blanc comme la neige", on pourrait lire ce verset d'Isaïe dans le sens où tout vaut tout, où rien, jamais, n'est grave, parce que Dieu pardonne toujours. La pastorale actuelle détourne trop souvent les fidèles de la croix. Le péché dans cette perspective, devient juste un truc pour les enfants : pour leur apprendre à vivre, au mieux, il s'agit d'un rappel du devoir social. Mais, c'est en tout cas ce que l'on imagine trop souvent en voyant les choses depuis notre ici-bas - entre grandes personnes, avec Dieu on finit toujours par s'entendre. Il est vrai qu'en tant que le péché est une offense faite à Dieu, Dieu a une immense réserve de pardon. Mais le péché n'est pas seulement une offense faite à Dieu, offense que Dieu, libéralement nous pardonne, comme le Père de l'Evangile pardonne au fils prodigue d'avoir mangé son héritage avec les prostituées. Ce pardon là, nous savons maintenant qu'il va de soi, que Dieu est miséricorde, que rien ne peut l'atteindre surtout pas nos péchés, et qu'il nous aime sans mesure.</p><p>Si l'on fait un pas de plus, et si l'on décide de faire abstraction du péché et de s'en tenir à la miséricorde de Dieu, quoi que nous fassions, ne risque-t-on pas trop facilement de croire que tout nous est permis ? </p><p>Pauline Jaricot, au début du XIXème siècle, avait identifié ce risque d'une miséricorde "excessive" de ce Dieu, coeur ouvert et grand pardonneur, Dieu qui dans l'eucharistie met sa miséricorde à la merci des passants. Dans son livre <i>L'amour infini dans la divine eucharistie</i>, elle explique : « Autrefois, le sanctuaire était fermé par un voile ou par
une séparation qui dérobait presque entièrement à la vue des fidèles la célébration
des saints mystères. Aujourd’hui il est entièrement découvert. Les laïcs
peuvent prendre place jusqu’au pied de l’autel et dans quelques églises le
sanctuaire est si rapproché de la nef qu’on pourrait dire en quelque sorte
qu’il n’existe point de séparation ». C'était la tendance de son époque. Que dirait-elle devant la nôtre ? Et cette dame d'oeuvre lyonnaise d'essayer de tirer une loi historique inquiétante pour la logique chrétienne de l'amour infini. N'en pouvant plus de son propre constat, elle s'adresse directement à Dieu :
« A mesure que l’homme s’éloigne de vous, vous paraissez vous rapprocher
d’avantage de lui. A mesure que notre
foi s’affaiblit, la sainte Eglise, toujours dirigée par le Saint Esprit, expose
de plus en plus Jésus-Christ aux adorations des fidèles ; elle multiplie
les adorations du Saint Sacrement. Elle rend les sanctuaires de nos temples
plus accessibles. Elle paraît se dépouiller de sa sévérité pour mettre notre
sauveur à la portée de tous ceux qui désirent arriver au pied du trône de sa
miséricorde ».</p><p><span face=""Calibri",sans-serif" style="font-size: 11pt; line-height: 107%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">Faut-il
dissimuler cet amour divin aux hommes qui en abusent et rétablir l’empire de la
crainte ? Faut-il oublier cette grande promesse de la rémission des péchés ? A Dieu ne plaise ! </span></p><p><span face=""Calibri",sans-serif" style="font-size: 11pt; line-height: 107%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">La révélation de l’amour divin est dans l’Ecriture
elle-même, dès l’ancienne alliance. On ne peut pas détourner Dieu de son
dessein d’amour. Il faut seulement le faire comprendre, ce dessein, comme existant de personne à personne, de cœur
à cœur, pour que les hommes, insérés chacun dans une relation d’amour avec
Dieu, ne puisse pas se contenter de spéculer sur le grand courant anonyme de la bonté divine, sans répondre
activement à son amour. Un homme digne de ce nom, un homme de coeur doit se sentir responsable d'avoir à rendre amour pour amour, comme l'écrit souvent le Père de Foucauld. Et Pauline Jaricot surenchérit : « C’est donc pour vaincre notre cœur comme
malgré nous que ce Dieu généreux, ces derniers temps, nous montre le sien
vaincu par sa charité pour nous. Il veut que son cœur soit exposé à notre
vénération afin de réveiller notre sensibilité par sa tendresse mise en
opposition avec notre indifférence ». Le Sacré cœur, remède historique à
la tiédeur de l’homme calculateur et qui ne sait que se servir de la bonté
divine en misant sur son pardon, c’était sans doute aussi le fond de la pensée
du Père de Foucauld, qui, rappelons le, portait un sacré cœur (le cœur surmonté
de la croix) brodé sur son habit. On peut se moquer de l’amour, parce que
l’on s’en fait une représentation vague, mais on ne se moque pas de l’amant, en
particulier lorsque c’est Dieu qui aime. « De Dieu on ne se moque
pas » disait saint Paul. Du cœur de Jésus, nous les hommes, nous ne saurions
nous moquer sans encourir la colère de Dieu, c’est-à-dire avant tout notre
propre mépris. Tel peut-être la première réponse que l'on donne face aux excès de la miséricorde divine dans la rémission des péchés. Qui est capable de se moquer du coeur de Dieu ? Celui-là ne peut encourir que la colère du Tout puissant, colère face à laquelle la plus forte chance est que le pécheur s'endurcisse... jusqu'à l'enfer.</span></p><p>Il ne s'agit pas un instant en effet de prétendre que le péché n 'est pas grave. Ce que je soutiens c'est que le péché, qui est une offense à Dieu, rencontre facilement en Dieu le pardon. Mais c'est en nous que, si j'ose dire, ça coince. Georges Bernanos s'écriait dans le Soleil de Satan, : "Que le péché qui nous dévore laisse en nos êtres peu de substance". Le péché nous détruit, détruit en nous l'amour, la générosité, la grandeur d'âme, le sens de l'honneur et de la dignité, le respect de soi-même. Il fait de nous des calculateurs intéressés, des philosophes anglais, les Start Mill les Bentham, qui pensent que le souverain bien, ça se calcule.</p><p>J'allais dire une chose énorme : le pardon qui vient de Dieu n'est pas suffisant. </p><p>Il faut que nous ayons la volonté de réparer le péché commis. C'est ce que comprenaient bien les jansénistes face au sacrement de pénitence : sortir du confessional en se disant : tout est réglé, c'est oublier que recevoir le pardon divin n'est pas suffisant, qu'il faut aussi se reconstruire. Alors que notre être moral inné est tout entier tourné vers Dieu, fin ultime de notre agir. A pécher, c'est-à-dire à vouloir agir comme si Dieu n'existait pas, on s'endurcit et on détruit cette orientation spontanée vers Dieu. Ne reste plus en nous que la peur ou l'instinct social, qui nous interdit les péchés trop voyants, mais qui encourage secrètement les dérapages d'autant plus terribles qu'ils resteront socialement neutres. D'autant plus mauvais qu'ils sont accomplis impunément.</p><p>Bernanos encore une fois : " La plupart des catholiques ne considèrent les Evangiles que comme une espèce de code moral qui leur promet le salut éternel en récompense de l'honnête exécution du devoir social. Ils ne voient rien. Nous sommes environnés de surnaturel". "Environnés", c'est le mot. Le mal est surnaturel : satanique. Le bien est surnaturel : divin. Obscurément, tous ceux qui ont reçu une formation chrétienne de près ou de loin, savent qu'ils sont responsables du bien et du mal qu'ils font, dans une dimension qu'ils ne soupçonnent pas forcément (c'est ce que Max Wundt appelle l'hétérogénie des fins : les choses que l'on cherche à atteindre sont infiniment plus importantes objectivement qu'on ne le croit subjectivement). Ces individus "de marque chrétienne" (Pierre Manent) savent encore obscurément que toutes leurs actions les dépassent et qu'en cela elles sont bien surnaturelles, alors que dans la conscience que l'on prend du quotidien, on voudrait à toute force s'insérer dans l'ordinaire du jeu social et ne pas en démordre.</p><p>Cette censure purement sociale que l'on confond avec la morale authentique, est souvent vécue comme une sorte de triche à l'échelon d'une société. Comment se débarrasser de ce jeu social dans lequel, quoi qu'en pense Sartre, nous sommes tous des salauds. Oui comment faire disparaître cette triche ? Non pas en acceptant le choix entre les deux formes de surnaturel, le divin et le diabolique, comme le pensent les chrétiens conscients d'eux-mêmes ; mais en déformant le christianisme et ce qu'il y a de plus beau en lui : la miséricorde. en répétant que le péché n'existe pas, que d'ailleurs le rouge écarlate équivaut à la blancheur de la neige, qu'en fait tout vaut tout, le blanc, le rouge, que le péché n'existe pas. </p><p>Mais comment croire à la rémission des péchés si l'on ne croit plus au péché ? Et comment ne plus croire au péché quand on voit la grossièreté des âmes qu'habitent une sorte d'impunité pécheresse ? Justement, la première expérience qui mène à la conversion est l'expérience du mal. C'est tout ce qu'a compris le Fils prodigue de la Parabole. Il l'a payé cher cette compréhension, jusqu'à s'engager comme gardien de troupeaux chez un maître exigeant et rapiat, lui qui n-a pas su reconnaître la bonté de son propre père. Pour que le pardon du Père lui soit favorable, il a dû reconnaître : "J'ai péché contre le ciel et contre toi, je ne suis pas digne d'être appelé ton fils" (Luc 15). Appeler mal ce qui est mal et bien ce qui est bien, c'est le commencement du salut. La bonne disposition pour recevoir de manière efficace - et non purement formelle - la rémission des péchés, c'est, comme le Fils prodigue, d'avoir fait, de manière cinglante, l'expérience du mal. D'un mal, le péché, la mort ou l'humaine saloperie, qui est plus fort que soi. Lorsq'on le comprend, on saisit que l'on a besoin de Dieu.</p>l'abbé Guillaume de Tanoüarnhttp://www.blogger.com/profile/08887994816317506213noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8345216622203648980.post-63112091706903594312022-07-01T02:35:00.006+02:002022-08-21T22:22:49.754+02:00La communion des saints<p> Une autre oeuvre du Saint Esprit sur la terre - après l'Eglise - est ce que l'on nomme dans le Credo la communion des saints. Attention : la communion des saints n'a rien à voir avec la communion eucharistique. Elle ne concerne pas directement le corps eucharistique de Jésus, mais bien d'avantage son corps mystique, selon l'expression de saint Paul. Mais qu'est-ce que le corps mystique ? Le récit par saint Luc dans les Actes des apôtres de la conversion de Saul nous aide à le comprendre.</p><p>Au chapitre 9 de cet ouvrage, saint Paul lui-même raconte sa conversion au Christ sur le Chemin de Damas. Il est venu dans cette ville pour livrer ceux qu'il appelle les partisans de la Voie (les chrétiens) à la Justice du Sanhédrin, lequel Sanhédrin a fait de lui Saül, son représentant avec droit de vie et de mort sur ces juifs déviants que l'on n'appelle pas encore les chrétiens, et sur lesquels il pourrait mettre la main. Il est à cheval, en route vers Damas, quand une grande lumière le jette à terre et le prive de l'usage de la vue ; il entend une voix lui dire : "Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? - Qui es-tu Seigneur ? - Je suis Jésus que tu persécutes". C'est de ce bref dialogue entre Saul et la lumière qu'est née la théologie du corps mystique dans les épîtres de Paul. ET c'est l'origine du dogme de la communion des saints.</p><p>Qu'appelle-t-on corps mystique du Christ ? Le jeune Saul, qui a dû croiser Jésus dans les rues de Jérusalem un ou deux ans auparavant, n'a jamais persécuté Jésus. Il se tenait à distance, c'est tout. Mais, après ces événements tragiques de Jérusalem, malgré le supplice déshonorant infligé au Christ, le nombre de ceux qui suivent sa voie ne fait qu'augmenter. Pour Saul, juif militant, il fallait que ça cesse, et vite. il a donc souhaité persécuter non pas le Christ, mais ceux qui suivent son enseignement. Eh bien ! Alors qu'il s'apprête à jouer les persécuteurs dans la capitale voisine de Damas, voilà que lui apparaît le Christ ressuscité, vivant, pour lui dire : les persécuter, ces fidèles qui suivent ma voie, c'est me persécuter. Au fond, eux et moi, c'est pareil. Voilà où commence la communion des saints : "Tous ce que vous ferez au plus petit d'entre les miens, c'est à moi que vous le ferez". "Celui qui vous aura donné à boire un verre d'eau, parce que vous êtes au Christ, celui-là ne perdra pas sa récompense" (Mc 9, 41). Incroyable attrape-tout de la communion des saints ! Il suffit de donner quelque chose à un chrétien pour le devenir.</p><p>Vous me direz : en toute orthodoxie, pour devenir chrétien, il faut la foi. Oui, mais quelle foi ? L'exemple de Gamaliel, le maître de Paul (cf. Ac. 22, 3), est éclairant. Ce dernier, sans doute impressionné par la Parole de Jésus, avait solennellement dit de laisser les chrétiens tranquilles (Ac. 5, 38-39) : "Si ce qu'il dit vient des hommes, cela ne tiendra pas. Si ce qu'il dit vient de Dieu, nul ne pourra le détruire. Ne prenez donc pas le risque de faire la guerre à Dieu". Façon de dire, comme Tertullien plus tard : le christianisme est tellement fou que s'il vient des hommes, cet enseignement ne tiendra pas. Je crois parce que c'est fou, credo quia ineptum est, c'est inepte et ça tient : ça vient de Dieu. Tel est le premier raisonnement qui vous inclut dans la communion des saints. Comme dit le Christ lui-même : "Ceux qui ne sont pas contre nous sont pour nous" (Mc 9, 40). </p><p>On peut parler de communion des saints non pas seulement à propos des saints ou de ceux qui prétendent l'être. La communion des saints - nous verrons comment tout à l'heure - fait devenir saints ceux qui ne le sont pas. Elle s'exerce aussi à l'égard de tous ces demi-chrétiens, qui ne peuvent pas ne pas sympathiser avec le Christ : comme Gamaliel, ou encore comme Nicodème qui vient voir le Christ de nuit et qui se plaît à cette demie-lumière, restant à distance.. C'est une histoire de verres à moitié vides ? Il faut les voir à moitié pleins, voilà la première règle de la communion des saints. Comme le dit le Christ lui-même : "Ceux qui ne sont pas contre nous sont pour nous".</p><p>Après ce premier détour par Gamaliel, Nicodème et tous les mal-croyants, dont nous faisons tous partie à un moment ou à un autre, revenons à saint Paul. Que nous dit sa doctrine du corps mystique du Christ ? Nous sommes attachés à Jésus, et si, chrétiens,nous sommes solidaires les uns des autres, c'est d'abord parce que nous sommes tous le Corps mystique du Christ. Ainsi solidarisés les uns avec les autres dans le même esprit, nous pouvons prier les uns pour les autres, mériter les uns pour les autres, nous sacrifier les uns pour les autres. Nous pouvons faire en sorte que les vivants prient pour les morts et les morts pour les vivants. Membres en bonne santé ou membres malades, nous sommes un seul corps dans le Christ.</p><p>Je pense d'abord à Cajétan et à son travail théologique sur les indulgences, en réponse aux critiques de Martin Luther. A-t-il en tête le communisme des premiers chrétiens à Jérusalem, pratiquant le "Ce qui est à moi est à toi" ? Pour lui, en vis-à-vis de sa doctrine sociale dans les Opuscules philosophiques, dans lesquels il parle d'un Trésor public (aes publicum), qui doit être ouvert aux pauvres, il existe, dans le Royaume de Dieu, un trésor surnaturel, trésor de grâce, alimenté par les mérites du Christ, ceux de la Vierge Marie, en particulier au pied de la Croix (cf. son De Indulgentiis Q1), et ceux de tous les saints, qu'ils aient été répertoriés ou non, comme saints. En se le partageant, les élus ne font que l'augmenter, puisqu'il est substantiellement tout l'amour du monde et que qui partage l'amour en vérité en reçoit toujours plus encore qu'il en donne.</p><p>C'est au XIXème siècle que le dogme de la communion des saints (profondément agissant dans la religion populaire) a donné lieu aux plus longs développement depuis saint Paul et depuis Cajétan. Pour ces laïcs, poètes et penseurs chrétiens, les actions des justes forment un trésor de grâces dans le Christ, trésor fait pour être dépensé en faveur des pécheurs. Je pense à Joseph de Maistre et à sa doctrine de la réversibilité des mérites, je pense à Baudelaire, disciple caché de Maistre, et à son poème Réversibilité. Le nom de réversibilité a été inventé, dans son acception théologique, par Joseph de Maistre, pour désigner le fait que celui qui s'est trouvé gagner des mérites en ce monde peut les offrir à un autre dans l'autre monde. Le culte des morts, si important au XIXème siècle, s'est trouvé vivifié par cette doctrine, qui est l'application de la charité à l'urgence personnelle du salut. Baudelaire en fait un schème de l'amour passion dans l'extraordinaire poème auquel il a prêté ce nom abstrait : Réversibilité. L'homme amoureux trouve dans la femme aimée tout ce qui lui manque, au nom de l'amour. N'est-ce pas comme une application profane (non une profanation !) du christianisme ? : "Ange plein de bonheur, de joie et de lumière, / David mourant aurait demandé la santé / Aux émanations de ton corps enchanté ; / Mais de toi, je n'implore, ange, que tes prières / Ange plein de bonheur de joie et de lumière !". </p><p>Je pense aussi, je pense enfin à cet ours mal léché qu'était Léon Bloy, le vaticinateur impénitent. Voici comment il s'exprime au sujet de la communion des saints :</p><p>Il y a une loi d'équilibre divin appelée la communion des Saints, en vertu de laquelle le mérite d'une âme, d'une seule âme est réversible sur le monde entier. Cette loi fait de nous des dieux et donne à la vie humaine des proportions du grandiose le plus ineffable. Le plus vil des goujats porte dans le creux de sa main des millions de coeurs et tient sous son pied des millions de têtes de serpents. Cela il le saura au dernier jour. Un homme qui ne prie pas fait un mal inexprimable en toute langue humaine ou angélique. Le silence des lèvres est bien autrement épouvantable que le silence des astres".</p><p>En effet, de par ce dogme de la communion des saints, on ne prie jamais pour soi seul. Et par conséquent ne pas prier, ce n'est pas seulement se faire du mal à soi-même, c'est manquer au choeur des voix polyphonique dans le cosmos avec qui et au nom de qui l'on prie, qui représentent l'humanité et constituent son offrande, venant de tous ceux qui veulent ce sacrifice augural et allant à tous ceux qui cherchent la rédemption en lui. La référence finale à la célèbre Pensée de Pascal que nous avons déjà cité sur le Silence éternel de ces espaces infinis, qui a quelque chose d'effrayant, est une magnifique trouvable : bien plus effrayant que les silences galactiques sont les silences mutiques, silence des lèvres qui devraient parler, silence des coeurs qui devraient proclamer ce qu'ils ont pu comprendre et qui se taisent. Nous sommes au temps des chiens muets.</p><p>Le dogme de la communion des saints, à travers la souffrance (celle du Christ sur la croix et de tous les offrants sur la terre), constitue la grande réponse au problème du mal, ou plutôt la grande entrée dans le mystère du mal.</p><p>Comme le dit simplement Maistre, dans sa Huitième Soirée de Saint-Pétersbourg, "le juste en souffrant volontairement, ne satisfait pas seulement pour lui, mais pour le coupable par voie de réversibilité. La communion des saints est cette pierre philosophale, qui transforme le mal en bien par le miracle de l'offrande. Je dis miracle car cette offrande des péchés de toute l'humanité appartient au Christ, qui seul la rend possible. Nous la pratiquons dans la communion des saints. A son imitation.</p><p><br /></p><p><br /></p><p><br /></p>l'abbé Guillaume de Tanoüarnhttp://www.blogger.com/profile/08887994816317506213noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8345216622203648980.post-33581633627183601712022-06-04T12:56:00.003+02:002022-08-20T16:15:06.175+02:00La sainte Eglise catholique<p>"Sanctam Ecclesiam catholicam" : c'est moins net dans le Credo de Nicée que l'on récite pendant la messe, mais en tout cas, dans le Symbole des apôtres que nous commentons ici, Ecclesiam est employé à l'accusatif seul, sans la préposition 'in", réservée à Dieu, Père, Fils et Saint Esprit, simplement en apposition à Spiritum sanctum. L'apposition développe le sens du terme auquel elle est apposée, elle a une valeur dite explétive. Je crois dans l'Esprit saint, à savoir, sur la terre et pour les hommes de bonne volonté, la sainte Eglise catholique, la communion des saints, qui est aussi le fait du Saint Esprit, la rémission des péchés, qui marque sa puissance, la résurrection de la chair, qui accomplit le destin humain en son nom, et enfin, au Ciel, la vie éternelle, plérôme de la divino-humanité, réalisé par le Saint Esprit. A tous ceux qui se plaigne que l'Eglise traditionnelle n'apportait pas assez de raisons à la dévotion au Saint Esprit, le Symbole des apôtres apporte une réponse, en plaçant en apposition au Saint Esprit, cinq oeuvres qui lui sont appropriées. Vivre de l'Esprit saint, recevoir ses consolations, c'est ressentir en soi l'oeuvre de la troisième personne de la Trinité.</p><p>La première oeuvre du Saint Esprit, c'est l'Eglise, non pas les structures humaines de l'Eglise, mais cette convocation, ce rassemblement de tous les chrétiens (c'est le sens du mot grec Ecclesia tout comme du nom hébreu Qahal), rassemblement qui a lieu par grâce. L'Eglise naît chaque jour de cet appel de Dieu qui la fait exister, épouse du Christ, regroupant l'ensemble de ceux qui l'ont épousée ou simplement qui y prétendent, l'ensemble de ceux qui, à un moment ou à un autre, ont eu simplement le coup de foudre pour elle, jusqu'à vouloir recevoir le baptême (baptême de désir et même baptême du sang versé) ou jusqu'à le recevoir en réalité (baptême de l'eau). Dans tous les cas de figure, le Credo de Nicée nous fait préciser : "Je reconnais un seul batême pour le pardon des péchés". Voilà ce qu'est : être d'Eglise. Reconnaître au moins le baptême de désir (le désir du baptême) comme l'instrument du salut universel. Reconnaître comme Platon dans l'Alcibiade mineur, que spirituellement on ne s'en sort pas tout seul, qu'il faut qu'un dieu vienne et nous enseigne, que notre piété "naturelle" n'est pas suffisante, que c'est le Dieu qui est venu qui nous enseigne le surnaturel et que c'est dans l'Eglise que nous le découvrons.</p><p>Que vuoï ? disait Jacques Lacan à ses patients, autrement dit : "Veux tu vraiment ce que tu désires" ? C'est la question que pose l'Eglise pour faire cheminer vers le Christ, dans l'Esprit saint tous ceux qui se revendiquent d'elle. C'est l'utilité de l'Eglise, de nous obliger à ne pas transiger avec notre désir profond, à ne pas être seulement des auditeurs de la parole, comme dit l'apôtre Jacques, mais des acteurs, qui mettent en pratique ce qu'ils ont reçu. L'Eglise, comme communauté, à travers les sept sacrements qu'elle nous propose, est censée nous aider à cette mise en pratique, qui matérialise la Parole que nous avons reçue d'elle. </p><p>Certains contestent la nécessité de l'Eglise : "Que d'hommes ! Que d'hommes entre Dieu et moi" soupirait le Vicaire savoyard, alias Jean-Jacques Rousseau dans L'Emile. Pour lui, l'Eglise est trop humaine et elle humanise le message du Christ... On est bien obligé de reconnaître que Jean-Jacques ou Voltaire ou Diderot ont eu en partie raison dans leurs critiques des personnes, et qu'en tout cas, s'ils n'ont pas eu raison sur toute la ligne, ils ont des raisons contre beaucoup d'ecclésiastiques, "ambassadeurs du Christ" comme saint Paul définit les prêtres, mais alors qui sont des ambassadeurs qui trop souvent ont perdu leurs lettres de créance, comme un nonce parisien, récent démissionnaire. Ceux-là, les galonnés indignes, ne doivent faire oublier ni les saints ni les tacherons qui font humblement leur travail de prêtre, ayant eux mêmes reçu la miséricorde de Dieu, qu''ils connaissent parce qu'ils l'ont expérimenté pour eux mêmes. Si l''Eglise est sainte, ce n'est pas parce que les individus qui la composent sont des saints mais parce que tous peuvent recevoir d'elle, à travers son enseignement ou à travers ses sacrements, une forme de sainteté. Son enseignement ? "L'Evangile éternel" (Apoc. 14, 1) qui est un don du Saint Esprit, l'Esprit du Christ. Ses sacrements ? Des signes qui produisent la grâce qu'ils signifient, en transmettant aux pauvres terriens que nous sommes la vie éternelle.</p><p>L'Eglise, vue sous un certain angle qui est celui de son unité, à travers et au delà de la diversité de ses membres, est coextensible au temps humain, elle est, nous l'avons dit, la convocation éternelle que Dieu lance à tous les hommes. L'incarnation est le moyen par lequel elle se réalise dans l'histoire, c'est parce que Dieu se fait homme en Jésus Christ, que les humains peuvent, à leur tour, être christifiés. Mais ce grand dessein du salut existe en Dieu avant le Christ et avant même l'ancienne alliance ; d'une certaine façon l'Eglise existe avant le Christ. Dans Le Pasteur d'Hermas (prêtre romain autour de 150) elle apparaît sous les traits d'une vieille dame, comme si elle était là, comme bercail, avant le Bon Pasteur : "J'ai encore d'autres brebis qui ne sont pas de ce bercail. Il faut que je les mène et elles entendront ma voix et il n'y aura qu'un seul Bercail et un seul pasteur". Quel est cet autre bercail ? Celui de l'Evangile éternel. Celui de la convocation divine, qui commence avec Adam, le premier homme. </p><p>Le premier grand théologien chrétien, saint Irénée de Lyon insistait sur le fait qu'on ne pouvait pas être vraiment chrétien sans croire que le premier Adam était sauvé, que la convocation divine lui avait été adressée avec succès, que certes, au cours de l'histoire, l'humanité entière n'a pas répondu positivement à la divine convocation, mais que cette dernière a réussi, qu'elle a porté son fruit dès le premier homme. Dieu n'échoue pas, c'est l'homme qui se détourne de lui. Mais un bercail est préparé dès l'origine pour l'humanité, une demeure mystique. "Au commencement était l'Eglise" écrit l'historien Rohrbacher en guise d'ouverture à sa monumentale histoire de l'Eglise. Au commencement est l'appel de Dieu à sa créature, qui porte en elle, non seulement une âme immortelle, mais l'Esprit de Dieu qui la remplit. Au commencement est l'Esprit saint, âme incréée de l'Eglise comme l'expliquait naguère le cardinal Journet, l'Esprit saint qui est, n'en déplaise aux faiseurs de projets oecuméniques, son unité secrète, son caractère divin absolument originaire.</p><p>L'Eglise est sainte, nous l'avons dit, non par la volonté de ses membres mais par le décret de Dieu, qui par sa grâce, rend possible la sainteté de l'homme. L'Eglise est une, c'est-à-dire catholique (universelle), dans son âme incréée, le Saint Esprit. Cette unité divine est la seule oecuménicité qui vaille et l'oecuménisme s'il a un sens consiste à ramener les Eglises à la fécondité divine dans laquelle l'homme trouve son bercail.</p><p>Le sujet est interminable. Je voudrais finir pour l'instant en soulignant que là où le Symbole de Nicée énumère quatre notes de la véritable Eglise, qui est une sainte catholique et apostolique, le symbole des apôtres n'en cite que deux ; la véritable Eglise est une et elle est catholique. Ce sont aussi les deux épithètes que choisit d'employer Ignace d'Antioche dans sa Lettre aux Smyrniotes (vers 110), dans laquelle il évoque "la sainte Eglise catholique de Smyrne". L'Eglise est une mais elle est partout, au fond comme Dieu dont elle est comme la première image créée.</p>l'abbé Guillaume de Tanoüarnhttp://www.blogger.com/profile/08887994816317506213noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8345216622203648980.post-83754686234363696482022-05-11T15:43:00.004+02:002022-08-15T03:37:22.173+02:00le doux hôte de notre âme<p> Des trois personnes de la Sainte Trinité, le Saint Esprit est le plus proche de nous, car il est celui qui nous fait faire l'expérience de Dieu. Sans cette expérience, expérience de calme, de paix de bonheur, de désir inextinguible, expérience qui peut commencer par un : il y a forcément quelqu'un ou encore par un : il est impossible que Dieu ne soit pas, oui sans ce "sens de Dieu", il n'y a pas de foi adulte. Je pense à saint Pierre devant Jésus transfiguré sur le Mont Thabor. L'apôtre s'écrie : "Seigneur il nous est bon d'être ici, si tu veux faisons ici trois tentes...". Dans l'Ancien Testament Dieu est terrible, qui subsisterait devant sa fece ? Dans le nouvea<span>u, la présence de Dieu est agréable ; il faut éprouver cette sensation de bonheur où l'on reconnaît le Saint Esprit.</span> </p><p>On peut être fasciné par la personne du Christ, on peut aimer Marie, la Vierge mère par qui tout est arrivé, on peut aussi aimer l'Eglise de l'ordre, l'Eglise catholique, ses dogmes et ses lois, si l'on ne fait pas l'expérience du Saint Esprit, on ne pourra jamais dire que l'on aime Dieu de tout son coeur de toute son âme et de tout son esprit, pour reprendre les mots bien connus du Deutéronome. Autre chose est d'être intéressé par la question religieuse, par les personnages de l'Evangile, par l'histoire de la Révélation (c'est bien, il y a un début à tout),et autre chose d'avoir un jour, une heure ou même une minute senti la joie du Saint Esprit, "cette joie que personne ne pourra nous ôter" d'après l'Evangile de Jean, cette joie par laquelle et dans laquelle nous sommes ignifugés contre l'enfer. </p><p>Tel est le don du Saint Esprit aux créatures que nous sommes. Ce don qui consiste à laisser vibrer en soi la parole de Dieu - "Nos coeurs n'étaient ils pas tout brûlants lorsqu'il nous expliquait les Ecritures ?" se disaient les disciples d'Emmaüs après avoir croisé Jésus ressuscité (Lc 20). "Qu'est-ce qui empêche que je sois baptisé ?" dit l'eunuque de la reine Candace d'Ethiopie après avoir entendu le diacre Philippe lui expliquer le chapitre 53 d'Isaïe (cf. Ac. 8, 27 sq.). Ces trois personnages, les deux disciples et l'eunuque sont habités par le même enthousiasme.</p><p>Ce sentiment de joie nous est donné dès que nous nous mettons à la recherche de Dieu et dans la mesure où nous jouons, avec sérieux, le jeu de la quête de Dieu. "Contre de telles choses, il n'y a pas de loi" dit saint Paul (Gal. 5, 23). Contre l'Esprit saint, il n'y a pas de loi. "A quiconque parlera contre le Fils de l'homme, il sera pardonné, mais à quiconque blasphémera contre l'Esprit saint, il ne sera pas pardonné" (voir Lc 12, 10). Car c'est l'Esprit saint qui s'unit à notre esprit pour crier : Abba ! Père !" (Rom. 8, 16). Blasphémer contre le Saint Esprit, c'est détruire son propre esprit, en s'interdisant d'aller à Dieu de quelque manière que ce soit. Si notre esprit est faussé, nous n'avons plus rien à attendre et ne pouvons prétendre à une vie avec Dieu.</p>l'abbé Guillaume de Tanoüarnhttp://www.blogger.com/profile/08887994816317506213noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8345216622203648980.post-63324455774923265672022-05-05T14:04:00.005+02:002022-08-15T02:58:25.121+02:00Quel Esprit<p>L'Esprit saint, c'est l'Esprit de Dieu, fécond ou fertile comme Dieu est créateur, intelligent comme Dieu est Esprit, aimant comme Dieu est amour, paisible comme Dieu est la tranquillité de l'ordre. N'oublions pas que Dieu est partout, que son Esprit est l'être de toutes choses, l'existence de chacune. Même au commencement du monde, nous dit le Livre de la Genèse, "l'Esprit planait sur les eaux". L'introït de la fête de la Pentecôte dit joliment cette présence de l'Esprit en toutes choses : "Ce qui contient toutes choses (l'Esprit) a la science de la voix". Le Tout nous parle ! ou bien, et c'est la même chose, il nous fait rêver toujours d'un ailleurs infiniment présent, dans une analogie poétique sans cesse recommencée. Toutes choses nous parlent de Dieu. Une pâquerette, tout comme les espaces infinis du Cosmos dont le silence n'est effrayant que lorsque l'on ne sait plus reconnaître dans cette infinité spatiale, ou plutôt dans cet espace sans cesse en expansion, l'image muette de l'Infini divin : "Les Cieux racontent la gloire de Dieu" (Ps. 18), et ce silence même est la première introduction à la connaissance métaphysique, connaissance qui nous fait participer à l'Esprit divin.</p><p>Avons nous besoin que l'on nous envoie l'Esprit saint ? Avons nous besoin que le Christ nous envoie l'Esprit saint alors que déjà Il est partout ? Oui... Nous devons aspirer "aux fruits de l'Esprit" comme dit saint Paul (Gal). Il faut que nous prenions de l'Esprit toujours vivant en nous, une conscience plus aigüe, c'est-à-dire plus intime, conscience de sa présence, qui est la foi. Il faut que nous le retrouvions car, par la distraction du péché originel, nous l'avons perdu. "Le Père qui est au Ciel donnera l'Esprit saint à qui le lui demande" (Luc 17, 13). C'est en quelque sorte le résumé de la liturgie du baptême, plusieurs fois répété lors du baptême d'adulte : "Sors esprit impur et cède la place à l'Esprit saint consolateur". Nous avons toutes les raisons du monde de préférer "l'Esprit bon" à l'esprit impur. La tristesse nous avertit lorsque l'esprit impur risque de l'emporter. Notre désir alors devient à lui-même sa propre fin. Et quand la satisfaction du désir est sa seule fin, alors le néant l'emporte sur tout, l'amour se dissipe, le but du désir est simplement la suppression de l'excitation. La mort donc, précise Freud : thanatos. Saint Paul l'avait dit déjà depuis longtemps : "le salaire du péché c'est la mort" (Rom. 6, 23). Il n'entendait pas par là je ne sais quelle indignité du péché de chair (souvent dans sa lunette). Mais il suggérait la mort du désir charnel lui-même, par l'épuisement de la satisfaction.</p><p>Lorsque l'on dit que la nature a horreur du vide, c'est vrai aussi pour l'Esprit : si ce n'est pas l'Esprit bon, si ce n'est pas l'Esprit saint, ce sera l'esprit impur, ce sera l'animalité en nous qui parlera pour tout se soumettre et tout détruire ou plutôt pour tout réduire au néant de la satisfaction. Nous pouvons immédiatement prendre conscience de cela. Mais si nous voulons nous sauver nous mêmes, nous ne nous sauverons pourtant pas par nous-même, mais en faisant appel à l'Esprit saint pour faire sortir l'Esprit impur, ce faux, ce mauvais infini qui nous obsède.</p><p>L'Esprit saint est toujours à l'inverse de ce que nous sommes, comme le signifient merveilleusement les paroles de la Séquence Veni Sancte Spiritus, le jour de la Pentecôte : "Dans les travaux, vous êtes le repos, dans la chaleur l'ombre, dans la détresse, la consolation. (...) Sans la puissance divine, il n'est rien dans l'homme, rien qui soit indemne. Lavez ce qui est sordide, arrosez ce qui est sec, guérissez ce qui est blessé. Assouplissez ce qui est rigide, réchauffez ce qui est froid, redressez ce qui est dévié". L'esprit est toujours en contre-position de nos défaillances. </p><p>Pour le recevoir, il faut et il suffit de reconnaître nos lacunes, nos manques, nos carences... Non pas dans une humilité théâtrale ou compulsive, mais simplement parce que c'est la vérité de ce que nous vivons, une vérité anthropologique : la chair va au néant, vérité découverte par saint Paul, exaltée par saint Augustin et redécouverte dans ses Essais de psychanalyse par Freud, pour qui malheureusement la Pentecôte n'est pas la fête de l'Esprit saint, comme elle l'est pour les chrétiens, mais la fête des cabanes, ou la fête des tentes ; une allégorie de la cure analytique ces cabanes dans le désert ? C'est en tout cas un peu ce qui ressort des deux saisons de la série d'Arte En thérapie, pas inintéressantes par ailleurs.</p>l'abbé Guillaume de Tanoüarnhttp://www.blogger.com/profile/08887994816317506213noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8345216622203648980.post-26876478916216464842022-04-14T03:38:00.004+02:002022-08-23T21:50:03.755+02:00Quelques remarques sur la théologie trinitaire<p>Si l'on demande à un chrétien : qu'est-ce que le Saint Esprit ? Il répondra sans doute : "C'est la troisième personne de la Sainte Trinité". Le chrétien prie au nom du Père, et du Fils et et du Saint Esprit et c'est au nom du Père, et du Fils et et du Saint Esprit qu'il fait ce signe de reconnaissance et de bénédiction qu'est le signe de croix.</p><p>Mais qu'est-ce que la Sainte Trinité ? Ce mot apparaît après la rédaction du Nouveau Testament pour systématiser l'idée selon laquelle à la fois le Père est Dieu, le Fils est Dieu, le Saint Esprit est Dieu, et en même temps, dans la Trinité il y a un seul Dieu. J'ai l'habitude de résumer la puissance de ce mystère en disant : notre Dieu est unique parce qu'il est infini. Mais il n'est pas seul parce qu'il est amour. </p><p>Pour bien entrer dans ce mystère, il faut ajouter que le mot "personne" n'est pas utilisé tout à fait dans le même sens si l'on parle des personnes trinitaires ou bien si l'on évoque une personne humaine. La personne humaine est sujet et il y a autant de personnes qu'il y a de sujets Les personnes divines (je veux dire : le Père, le Fils et le Saint Esprit) ne sont pas des sujets mais des relations,, constituées distinctes par leur origine différente. Ainsi, la seule différence entre le Père et le Fils est que le Père, infini et éternel, est sans origine tandis que le Fils, infini et éternel, est né du Très haut Si le Père, le Fils et le Saint Esprit étaient des sujets il y aurait trois sujets divins et donc trois dieux. Dans la ligne de ce que Claude Tresmontant appelait "la sainte bibliothèque hébraïque (la Bible), nous savons qu'il y a un seul Dieu : Ecoute Israël le Seigneur est ton Dieu, le Seigneur est un" (shema Israël). Le fils est la même substance que le Père (consubstantiel). La différence entre le Père et le Fils est que le Père est issu de lui-même. Le Fils est issu du Père. Quant au Saint Esprit, s'il était simplement "né ou issu du Très Haut", il ne serait pas différent du Fils, il serait le Fils, puisqu'il aurait la même relation d'origine (issu du Père). Il y a, en Dieu, une troisième relation d'origine, c'est que le Saint Esprit est issu à la fois du Père et du Fils. Il n'est pas un sujet à côté du Père et du Fils. Il est la relation entre le Père et le Fils, leur amour. </p><p>Nous trouvons dans cette théologie trinitaire occidentale, où les personnes trinitaires ne sont que des relations d'origine et non des sujets, la raison profonde de l'addition du Filioque, cet ajout au Credo de Nicée (324) que les chrétiens orientaux n'ont jamais admis. Pour les Occidentaux, il y a une nécessité vitale à considérer que les personnes divines ne sont que des relations et qu'elles ne peuvent être distinctes comme relations que si la troisième personne est issue des deux autres. La théologie orientale considère qu'elle n'a pas besoin de cette élaboration rationnelle du modèle trinitaire. Elle l'estimerait même dangereuse, source d'un rationalisme doctrinal qui tue la foi. Pour les théologiens orientaux, en effet, les trois personnes en un seul Dieu sont un donné qui vient de l'Ecriture et qui n'a pas besoin de théorie rationnalisante mais repose uniquement sur les affirmations de l'Ecriture et en définitive, la foi des chrétiens.</p><p>Sans vouloir jouer la carte d'un concordisme trop facile entre l'Orient et l'Occident, je crois que les Occidentaux ont tendu à faire disparaître le mystère de la théologie, comme le souligne par exemple Louis Bouyer dans les écrits de la dernière période de sa vie. Le thomisme, en particulier, a pu apparaître comme une forme de rationalisme dans telle ou telle de ses incarnations, en particulier dans les textes scolaires souvent rédigés en latin, en particulier à partir du XVIIIème siècle, à l'usage des jeunes clercs (Billuart etc.). L'oeuvre de Jean-Pierre Torrell, spécialiste récent de l'Aquinate, consiste à dérationaliser saint Thomas en montrant que le terme ratio (raison) que le docteur angélique utilise beaucoup, ne peut se réduire à la raison raisonnante des philosophes classiques et doit s'entendre d'une manière profondément analogique comme la quête d'une intelligence des Ecritures. Cette intelligence est plus vaste qu'une science reposant sur le seul principe d'identité, comme avait essayé de la concevoir le Père Chenu, prisonnier paradoxal des excès rationalistes de la vieille théologie des manuels. La théologie est tout entière régie non par le principe d'identité ou d'égalité, mais par le principe d'analogie ou de ressemblance, parce qu'ayant sa source dans l'Ecriture (cf. Ia Q1 a10 et Dei Verbum n°24), elle part des noms, elle a sa source dans le langage de Dieu : theou logos. Le Christ est le premier théologien, comme disait le Pseudo-Denys. Il ne s'agit pas pour le théologien de formaliser ou de conceptualiser Dieu, mais, à la suite du Christ, de donner accès, de manière intelligente, à un au-delà de la forme, à travers l'immense espace intellectuel ouvert par l'analogie des noms, dont les Ecritures sont évidemment le chantier et dans lequel la Parole du Christ est forcément inaugurale.</p><p>Pour autant il est inutile de jeter le bébé avec l'eau du bain, inutile d'aspirer à je ne sais quelle forme d'irrationalisme théologique, qui naîtrait de manière purement verbale du refus du rationalisme. La théologie orientale nous met en garde avec raison contre le rationalisme théologique. Léon Chestov par exemple, s'adressant nommément aux théologiens occidentaux, a suffisamment montré que l'arbre de la connaissance du bien et du mal, qui réduit la foi à une science, illustre la grande tentation de l'Occident. Mais cette théologie orientale, pour opportune qu'elle soit et branchée sur un Kairos qui est celui de notre époque, ne saurait interdire la quête de l'exactitude rationnelle qui est celle de l'Occident chrétien depuis l'origine, disons depuis Augustin. Cette exactitude rationnelle à laquelle s'astreignent les théologiens en particulier à propos de ce mystère de la sainte Trinité, ne représente pas tant la garantie de connaître Dieu plus profondément. Au contraire ! La raison ne nous emmène pas forcément dans les profondeurs du Divin, elle nous limite à la surface du mystère. "Si comprehendisti, non est Deus". Si tu l'as compris ce n'est pas Dieu que tu as compris, prévenait saint Augustin qui connaissait d'instinct les risques du rationalisme théologique. Mais la raison théologique représente la garantie humaine de non-dérapage théologique. C'est une hygiène mentale absolument irremplaçable.</p><p>Dans mon vieux Parier avec Pascal, je soulignais déjà l'importance de ce thème du rapport entre la théologie et la raison. Non la théologie n'est pas une science au sens univoque. Face à l'infini ses concepts ne sont pas univoques (comme des concepts scientifiques ordinaires). En théologie prévenait Pascal dans une lettre à sa soeur Gilberte, "nous ne devons jamais abandonner plus d'un certain espace de temps, la grande idée de la ressemblance". Nos concepts théologiques sont des représentations humblement ressemblantes, non pas des tableaux exacts de la réalité divine, irreprésentable en elle-même. La raison n'est pas un motif d'orgueil pour le théologien qui se prendrait pour un scientifique. Elle manifeste simplement son degré d'hygiène personnelle, et donc elle est le signe par excellence de son humilité. </p><p>Pascal avait compris cela, lorsque peu avant sa mort il s'est opposé au grand Arnauld, l'idéologue du Parti janséniste, l'homme qui était capable de mettre la grâce en lemmes, tout en ratiocinant sur le droit canon. Pourquoi Pascal s'est-il évanoui devant Arnauld et Nicole, gentiment mis dehors ensuite tous deux par ce grand ami de Pascal qu'était le juriste Daumat ? Il avait saisi qu'avoir raison ne suffisait pas pour se dire dans le vrai, que "la vérité sans la charité est une idole", que l'intelligence du coeur est plus grande que la raison géométrique. Il avait donné aux chrétiens, à travers sa distinction entre esprit de géométrie et esprit de finesse, l'antidote au rationalisme moderne, l'esprit de paix qui aurait dû résoudre la crise janséniste, en s'appuyant d'ailleurs sur Jansénius plus que sur Arnauld. Hélas, les chrétiens jésuitisés n'utiliseront pas cette pensée de géant, qui a tracé un clair sillon entre rationalisme et irrationalisme, disciplinant à l'avance les monstres conceptuels qu'engendrera la modernité idéologique plus tard, monstres qui sont déjà vagissant de part et d'autre dans la querelle janséniste.</p><p>Que conclure ? Dieu est un sujet unique (ce que nous disons quand nous parlons d'un "Dieu personnel") en trois relations d'origine, qui sont distinctes et que nous appelons non sans ambiguïté, depuis le concile de Chalcédoine (455) trois personnes. Ce nom latin (hypostase en grec) a été proposé et d'ailleurs imposé au concile par saint Léon le Grand, pape de l'Eglise de Rome, conscient de posséder, avec le siège de Rome, ce qu'Irénée de Lyon, vers 200, appelait déjà "la plus puissante principalité" parmi toutes les Eglises chrétiennes. On peut regretter l'emploi de ce mot personne en théologie trinitaire, mais l'Eglise, en la personne de saint Léon en a validé l'usage, en se réservant, comme Cajétan, de voir dans le nom personne une analogie qui justifie deux emplois distincts en théologie : en théologie trinitaire la personne est une relation d'origine<; en christologie, la personne divine du Christ, englobant ses deux natures, renvoie à une subjectité, ce qui correspond au sens philosophique de la personne, lorsque l'on parle de personnes humaines, sujet de droits et de devoirs.</p><p>Jacques Chevalier, dans ses Trois conférences d'Oxford et dans son Histoire de la Pensée, a tenté de montrer que d'un point de vue eschatologique, face aux fins dernières, la personne humaine devait de plus en plus revendiquer la dignité de relation et non de sujet. Dans l'incendie de l'amour divin, nous sommes tous relativisés, au point que l'on peut dire sans crainte que nous sommes notre relation à la Vitalité infinie de Dieu. Plus modestement, c'est notre relation au prochain, sa qualité ou sa superficialité, qui fait la valeur chrétienne de notre existence. Jacques Chevalier avait trouvé une formule génial pour expliquer cela, formule sur laquelle je médite depuis des décennies : "L'essentiel de la personne, ce n'est pas le moi mais l'autre". L'autre ? Le prochain ou même le grand Autre que nous appelons Dieu. </p><p><br /></p>l'abbé Guillaume de Tanoüarnhttp://www.blogger.com/profile/08887994816317506213noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8345216622203648980.post-54602947686737603422022-04-08T12:21:00.001+02:002022-08-15T01:56:54.076+02:00Je crois dans le Saint-Esprit<p> La traduction française du Credo fait une toute petite place au Saint Esprit, au début d'une énumération dont les noms apparaissent comme obscurs au profane : "Je crois au Saint Esprit, à la sainte Eglise catholique, à la communion des saints, à la rémission des péchés, à la résurrection de la chair, à la vie éternelle". Cette traduction, familière aux catholiques, comporte au moins deux fautes graves. </p><p>Nous avons étudié au début de notre commentaire, ce que peut être la première faute : comment peut-on dire "Je crois au Saint Esprit", comme on dit : je crois aux fantômes ou à l'astrologie" ? Cette double croyance n'est pas forcément fausse, mais elle n'est pas absolument vraie. On peut dire dans le même sens : "Je crois au développement personnel". "Je crois à la nourriture bio" etc. C'est une expérience à faire, dont on tirera forcément quelque chose. Ce n'est pas une vérité absolue, sauf pour les fanatiques. La nourriture bio par exemple peut se trouver périmée et donc nocive. Ainsi les circonstances modifient-elles l'objet de la croyance. </p><p>Si l'on traduit bien le Credo, on n'a pas le droit de dire que le Saint Esprit renvoie à l'une de ses croyances que l'on peut toujours essayer et qui font du bien. La foi dans le Saint Esprit est une démarche absolue, comme la foi dans le Père et la foi dans le Fils. Le rituel du baptême d'adulte est formel : on ne peut pas croire dans le Père sans croire dans le Fils et dans le Saint-Esprit. On ne peut pas croire dans le Saint Esprit, sans croire dans le Père et dans le Fils. Croire dans ? Situer son esprit en Dieu, comme l'explique le Pseudo-Denys et vivre de la foi selon la formule que saint Paul emprunte à l'Ancien Testameent ; "Mon juste vit de la foi" (Habacuq, 1, 1-5 voir Rom. 1, 15-17 et Hébr. 10, 38).</p><p>Et IN Spiritum sanctum, dit le texte latin du Symbole des apôtres. Il nous faut donc traduire : je crois dans le Saint Esprit, comme on avait traduit : Je crois EN Dieu le Père et EN Jésus-Christ, fils de Dieu, unique engendré. Telle est la première erreur de traduction, qui n'est pas petite : confondre croire dans et croire à ou croire au, à propos du Saint Esprit..</p><p>La deuxième erreur de traduction consiste à mettre sur le même plan le Saint Esprit, l'Eglise catholique, la communion des saints etc. Le texte latin ne dit pas cela : après avoir affirmé qu'il croit dans le Saint Esprit, le fidèle se heurte à l'emploi d'accusatifs seuls, qui ne sont absolument pas rendus par la traduction française : sanctam Ecclesiam catholicam, sanctorum communionem etc.. Qu'en faire ? Comment les comprendre ? Dans la langue latine, comme dans la langue française, l'emploi de ces accusatifs seuls n'a pas de sens après le verbe croire. On peut dire en revanche : Je crois qu'il fera beau demain, et alors, en employant une proposition infinitive, on émet une opinion personnelle ; rien à voir avec la foi qui n'est pas une opinion personnelle, comme l'a bien déterminé le pape Pie IX dans son Syllabus (résumé) des erreurs modernes, proposition 15. On peut employer le verbe croire avec le datif : Je crois à... On peut employer le verbe croire suivi de IN plus l'accusatif et souligner par là le caractère absolu d'une foi qui n'est plus une croyance. L'accusatif seul ne signifie rien s'il s'agit d'un complément du verbe croire. Les mots à l'accusatif seul ne sont pas complément du verbe "croire", mettant - je parle au hasard - le Saint Esprit sur le même plan du point de vue de la foi que la sainte Eglise catholique. </p><p>En réalité, ces noms à l'accusatif seul sont placés en apposition explétive à l'Esprit saint. Il faudrait pouvoir traduire : Je crois dans l'Esprit saint, à savoir la sainte Eglise catholique, la communion des saints, la rémission des péchés, la résurrection de la chair, la vie éternelle. Le Saint Esprit est l'âme de l'Eglise, le fluide de la communion des saints, le grand pardonneur, le ressusciteur dans l'éternité de Dieu. De même que, dans le Credo, le Fils est défini à travers l'entreprise de salut qu'il a acceptée de la part du Père dans le Saint Esprit et qu'ainsi nous apprenons qu'il est né de la Vierge Marie, a souffert sous Ponce Pilate etc. ; de même notre foi dans l'Esprit saint est alimentée par ses oeuvres. Et ses oeuvres, nous le verrons ont à voir avec l'Eglise.</p>l'abbé Guillaume de Tanoüarnhttp://www.blogger.com/profile/08887994816317506213noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8345216622203648980.post-44439688326954707892022-04-05T23:36:00.006+02:002022-08-15T01:21:33.448+02:00D'où il viendra juger les vivants et les morts<p>Le Christ qui siège à la droite du Père, siège pour juger "les vivants et les morts", c'est-à-dire tous les hommes. La justice, impossible sur la terre où elle était au mieux une approche, une approximation et au pire un déni pur et simple, il faut qu'elle soit portée par le Christ tout puissant ("toute puissance m'a été donné au ciel et sur la terre" Matth. 29) pour se réaliser.</p><p>Il ne s'agit pas non plus de tout casser, en jugeant l'hommerie à l'aulne de la sainteté absolue de Dieu. "Le Père ne juge personne, il a donné au Fils le jugement tout entier"" dit Jésus au chapitre 5 de saint Jean verset 22. Nous verrons ce que signifie cette formule étrange : Le Père ne juge pas". Le Père ne veut pas "entrer en jugement avec sa créature", comme l'Eglise nous le fait dire dans la vieille prière de l'Absoute faite sur un défunt. et cela parce qu'il est le Père et que sa Paternité lui importe plus que sa justice. "Aucun humain, devant toi, ne sera déclaré juste", continue l'oraison des défunts. Le Père est toute sainteté. Son nom même est terrible. Le Fils, lui, connaît l'argile dont nous sommes pétris, puisqu'il s'est fait homme. Il a inventé une justice qui n'appartient qu'à lui ; celle de la miséricorde, celle de l'amour, une justice qui ne discrimine pas entre le poids des bonnes actions et le poids des mauvaises, mais qui, dans une sorte de préscience éclatante, "sonde les reins et les coeurs" et pèse les intentions les plus secrètes, plus encore que les actions.</p><p>Exemple évangélique : les ouvriers de la Onzième heure. Ils n'ont travaillés qu'une heure, alors que les journaliers qui ont pris leur service tôt matin en ont travaillé douze. "Ils n'ont pas eu à subir le poids du jour et de la chaleur', Mais ils ont accepté d'être embauchés par le maître. Ils lui ont dit : oui. Et cette réelle acceptation en intention vaut tous les services en action. Au mépris de la justice des hommes, ils reçoivent, eux qui n'ont travaillé qu'une heure, le même salaire que ceux qui ont peiné durant les douze heures du jour. (cf. Matth. 20, 1-16)</p><p>Deuxième exemple : le bon larron, ce brigand, ce voleur, ce violeur, ce tueur, qui par hasard s'est retrouvé crucifié à la droite du Christ. : "Nous si nous sommes torturés sur la croix c'est justice", dit-il à son collègue le mauvais larron, crucifié à la gauche du Christ. Ce n'était pas un perdreau de l'année, le "bon" larron, pas du genre à recevoir le bon Dieu sans confession. Disons le en termes contemporains : c'était une racaille de la pire espèce. Il a trouvé au plus profond de lui-même le courage d'une prière au Christ : "Seigneur, souviens toi de moi quand tu seras dans ton Royaume". La réponse est immédiate : "Ce soir tu seras avec moi en paradis". Une prière. Quelques secondes de lumière. Une éternité de bonheur (cf. Luc 23, 39-43).</p><p>Quelle est la justice du Christ ? C'est la seule possible pour nous, la seule dont nous ne sortions pas écrabouillés par notre égoïsme ou notre égocentrisme : celle qui juge de l'intérieur et qui juge sur l'amour. Attention : la justice du Christ n'est pas plus laxiste que la justice humaine, comme peut nous le faire croire l'épisode du Bon larron. Simplement le Christ nous connaît au plus profond, parce que c'est lui qui nous a fait. "Il n'avait pas besoin qu'on lui rende témoignage au sujet de ce qu'il y a dans l'homme. Lui savait d'avance ce qu'il y a dans l'homme" (Jn 2, 24). Lui seul juge avec justice.</p><p>Manière de dire que la justice chez les humains est inaccessible et que celui qui s'en revendique, justicier, revanchard ou donneur de leçons, est suspect pour cette raison même. Manière de croire que la justice de Dieu ne peut pas apparaître comme une attitude calculée. par rapport à sa créature, avec le catalogue de péchés d'un côté le catalogue de vertus de l'autre. Il n-y a pas de catalogue qui tienne devant Dieu: le fini n'existe pas, ne se calcule pas face à l'Infini. Et dans l'autre sens, une offense ou une prière sincère faite à Dieu est toujours infinie comme Dieu est infini. Entre Dieu et l'homme le calcul est impossible car le différentiel est infini. Seul le Fils de l'Homme qui est Fils de Dieu (voir méditation précédente) est habilité par son Père à juger les hommes, parce qu'il est à la fois homme et Dieu.</p><p>Le jugement remis au Fils ne porte pas d'abord sur l'observation de la loi. Qui peut observer les dix commandements intégralement sans la grâce de Dieu ? Le Christ ne juge pas un individu sur l'observation plus ou moins parfaite de la loi, mais plutôt sur l'amour avec lequel cette loi est observée. Dans le chapitre 20 de l'Exode où se trouvent énumérés les dix commandements donnés par Dieu à Moise, le mot amour n'est pas prononcé. Même le quatrième commandement ne dit pas : Tu aimeras ton père et ta mère. Mais il stipule : "Tu honorera ton père et ta mère". Dans le Nouveau Testament en revanche, l'amour est l'accomplissement, la plénitude du précepte, comme dit saint Paul. Une vertu observée sans amour est un vice. De plus, dans l'enseignement de Jésus, l'amour n'évoque pas je ne sais quelle abstraction romantique ou je ne sais quelle réduction de la vie à la vie mystique. L'amour de Dieu et l'amour du prochain sont les deux plus grands commandements et ils sont semblables, aussi concrets l'un que l'autre (Matth. 22, 39). </p><p>Qui aime son prochain aime Dieu. Qui aime Dieu en vérité aime son prochain. C'est ce que nous révèle la célébrissime parabole du jugement dernier : <span face=""Open Sans", sans-serif" style="color: #333333; font-size: 15px;">« Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. </span><span face=""Open Sans", sans-serif" style="color: #333333; font-size: 15px;">Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs :</span><span face=""Open Sans", sans-serif" style="color: #333333; font-size: 15px;"> il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche. </span><span face=""Open Sans", sans-serif" style="color: #333333; font-size: 15px;">Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : “Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. </span><span face=""Open Sans", sans-serif" style="color: #333333; font-size: 15px;">Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; </span><span face=""Open Sans", sans-serif" style="color: #333333; font-size: 15px;">j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi ! </span><span face=""Open Sans", sans-serif" style="color: #333333; font-size: 15px;">Alors les justes lui répondront : “Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu… ? tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? tu avais soif, et nous t’avons donné à boire, </span><span face=""Open Sans", sans-serif" style="color: #333333; font-size: 15px;">tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? tu étais nu, et nous t’avons habillé ? </span><span face=""Open Sans", sans-serif" style="color: #333333; font-size: 15px;">tu étais malade ou en prison… Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ?” </span><span face=""Open Sans", sans-serif" style="color: #333333; font-size: 15px;">Et le Roi leur répondra : En vérité, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.” </span><span face=""Open Sans", sans-serif" style="color: #333333; font-size: 15px;">Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : “Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges. </span><span face=""Open Sans", sans-serif" style="color: #333333; font-size: 15px;">Car j’avais faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’avais soif, et vous ne m’avez pas donné à boire ; </span><span face=""Open Sans", sans-serif" style="color: #333333; font-size: 15px;">j’étais un étranger, et vous ne m’avez pas accueilli ; j’étais nu, et vous ne m’avez pas habillé ; j’étais malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité.” </span><span face=""Open Sans", sans-serif" style="color: #333333; font-size: 15px;">Alors ils répondront, eux aussi : “Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim, avoir soif, être nu, étranger, malade ou en prison, sans nous mettre à ton service ?” </span><span face=""Open Sans", sans-serif" style="color: #333333; font-size: 15px;">Il leur répondra : “En vérité, je vous le dis : chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait.” </span><span face=""Open Sans", sans-serif" style="color: #333333; font-size: 15px;">Et ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle. » (Matth. 25, 31-46).</span></p><p><span face=""Open Sans", sans-serif" style="color: #333333; font-size: 15px;">Il y a ceux qui ont connu Jésus et qui "le confessent devant les hommes" pour que lui les confessent devant son Père" (Matth. 10, 32). C'est la foi au Christ qui les sauve. Mais ceux qui ne l'ont pas connu ? Ceux qui n'ont pas eu durant leur vie la possibilité de le connaître ? C'est par la charité pour le prochain qu'ils se sauvent. Ils n'ont pas forcément conscience du salut qu'ils reçoivent ou de la réprobation qu'ils encourent, comme le marque bien le texte de saint Matthieu : "Seigneur, quand donc t'a<span>vons-nous vu avoir faim ?"</span> Mais c'est l'amour qui les sauve. C'est le manque d'amour qui les perd. "A la fin de notre vie, dit saint Jean de la Croix, nous seront jugés sur l'amour".</span></p><p><br /></p>l'abbé Guillaume de Tanoüarnhttp://www.blogger.com/profile/08887994816317506213noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8345216622203648980.post-62160746540544949522022-04-01T00:50:00.006+02:002022-08-15T01:06:20.737+02:00Est assis à la droite de Dieu, le Père tout Puissant<p> L'expression peut surprendre et même porter à sourire. Comment imaginer que Jésus est assis à la droite de Dieu pour les siècles des siècles, si l'on prend au pied de la lettre ces quelques mots ? </p><p>"Etre assis" renvoie, dans l'antiquité à une manière d'exercer le pouvoir et l'on peut dire que ces termes sont expressifs jusqu'à nos jours. Voici quelques années maintenant, l'érudit Jacques Charles-Gaffiot avait organisé une exposition au Palais de Versailles sur les trônes dans l'histoire. Son intuition de départ était que tout pouvoir qui a pour lui une vraie légitimité s'exerce en position assise. L'iconographie est très abondante sur ce point. Dans le vocabulaire courant, "siéger" signifie à la fois commander et être assis. Charles-Gaffiot voulait montrer que le vrai pouvoir, le pouvoir légitime, celui qui s'impose naturellement s'exerce en position assise et que le conquérant qui a renversé l'autorité légitime, le gouvernant républicain, l'empereur napoléonien, mais aussi le fasciste le nazi, le communiste exercent leur pouvoir debout, parce que ce pouvoir, arraché au circonstances, on ne l'exerce pas paisiblement, dans une tranquille possession, mais l'on est sans cesse en train de le revendiquer aux événement et de l'imposer aux populations que l'on domine.</p><p>Dans l'Evangile, au chapitre 19 de Saint Jean, Pilate, au verset 14, fait asseoir Jésus "sur une estrade" au milieu d'une cour appelée Lithostrotos (en français dallage de mosaïque), en araméen Gabbatha (ce qui signifie en français : lieu élevé, estrade), lieu qui lui servait à lui Pilate, occasionnellement de tribunal. Dans une parodie de souveraineté, pour se moquer et de sa victime et des juifs, le Procurateur romain semble un bref instant inverser les rôles, entre lui et Jésus. Non content de faire asseoir Jésus à sa place, il dit à l'assistance, qui est juive : "Voici votre roi". Tout à l'heure les soldats se moqueront de la royauté du Christ, en tressant à son intention une couronne avec des épines. Pour lors, Pilate, dérangé dans sa bonne conscience de conquérant sans scrupule imagine une curieux jeu de rôle. C'est sa manière à lui de tourner en dérision la noblesse d'attitude à couper le souffle de celui qu'il allait condamner, manière aussi d'envoyer le peuple juif tout entier dans le néant, comme lorsqu'il fera inscrire sur le gibet de la croix : "Jésus le Nazaréen, roi des juifs". Certains membres importants du peuple juif vinrent le trouver alors pour lui indiquer qu'ils se sentaient tous bafoués par cet écriteau. Ils se virent répondre : "Ce que j'ai écrit, je l'ai écrit" (Jean 19, 22). Pilate avait senti la majesté inouïe du personnage qu'il n'avait condamné au supplice de la croix que pour prendre les juifs au mot, en leur jetant à la figure leur roi défiguré, dans une sorte d'artifice politique souverainement déplaisant et en même temps involontairement prophétique.</p><p>Dès le premier dialogue entre Jésus et Pilate, au chapitre 18, il est question de cette autorité monarchique de Jésus. Et c'est la première fois dans l'Evangile qu'on évoque explicitement le Christ comme roi. Certes il est fils de David, reconnu par tous comme descendant de Jessé (le père de David). Certes il prêche le Royaume de Dieu, mais c'est quand humainement tout va mal, quand tout semble perdu, c'est devant le gouverneur romain que Jésus affirme sa royauté. Parce que politiquement et humainement, une telle revendication ne peut plus servir à rien. Jésus a fui toute sa vie les foules qui voulaient le faire roi. On lui prépare une entrée à Jérusalem, où il est le triomphateur attendu, et ce drôle de triomphateur, en guise de fier destrier, a tenu à monter sur un âne, comme pour affirmer son mépris de la politique humaine. Il ne s'affirme lui-même roi que quand il peut dire : "Ma royauté n'est pas de ce monde". </p><p>Voici son dialogue avec l'autorité romaine en Palestine, dialogue qui a tant marqué Pilate. La communauté juive lui avait livré Jésus en insistant sur le fait que sa revendication monarchique et "nationale" était incompatible avec l'ordre romain mondialisé. Le Gouverneur ne comprenait pas que ces insoumis nationalistes juifs fassent du zèle contre l'un des leur. "Pilate<span face=""Open Sans", sans-serif" style="color: #333333; font-size: 15px;"> appela Jésus et lui dit : « Es-tu le roi des Juifs ? » </span><span face=""Open Sans", sans-serif" style="color: #333333; font-size: 15px;">Jésus lui demanda : « Dis-tu cela de toi-même, ou bien d’autres te l’ont dit à mon sujet ? » </span><span face=""Open Sans", sans-serif" style="color: #333333; font-size: 15px;">Pilate répondit : « Est-ce que je suis juif, moi ? Ta nation et les grands prêtres t’ont livré à moi : qu’as-tu donc fait ? </span><span face=""Open Sans", sans-serif" style="color: #333333; font-size: 15px;">Jésus déclara : « Ma royauté n’est pas de ce monde ; si ma royauté était de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. En fait, ma royauté n’est pas d’ici. ». </span><span face=""Open Sans", sans-serif" style="color: #333333; font-size: 15px;">Pilate lui dit : « Alors, tu es roi ? » Jésus répondit : « C’est toi-même qui dis que je suis roi. Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix. » (Jean 18, 33-37).</span></p><p><span face=""Open Sans", sans-serif" style="color: #333333; font-size: 15px;">Sa royauté, Jésus la revendique et la reçoit de la bouche même de Pilate : "C'est toi-même qui le dit". Il précise de quelle manière elle s'exerce : "Moi je suis né, je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix". Voilà sa royauté. Elle ne relève pas d'un pacte ou d'un contrat humain, mais de la vérité, ou plus précisément du désir de vérité, au point que quiconque est de la vérité, reconnaît cette vérité dans le Christ. Sa royauté n'est pas de ce monde, elle est tellement vaste qu'elle n'a pas pour origine ce monde, elle est métaphysique, en ce qu'elle concerne tout être créé, jusqu'aux anges. Elle est théologique, en ce qu'elle ne peut venir que de Dieu. Mais, si elle n'est pas de ce monde, elle s'exerce sur le monde. Elle est même l'espérance cachée de ce monde, comme l'expliquait il y a dix ans René Girard. </span></p><p><span face=""Open Sans", sans-serif" style="color: #333333; font-size: 15px;">"Qu'est-ce que la vérité ?" demande Pilate après avoir entendu cette justification fulgurante de celui qui comparaît devant lui, tout en revendiquant toute autorité. L'histoire humaine et le progrès moral depuis le Christ répondent à cette exclamation désenchantée d'un homme de pouvoir auquel on ne la fait pas. La vérité construit l'histoire, elle est à l'origine du seul véritable progrès moral de l'humanité. C'est que le royaume de Dieu se développe sur la terre comme il est dans le Ciel. L'esprit du Christ pacifie la violence qui est dans le coeur des hommes. Les sociétés chrétiennes n'ont aucune prétention à être le paradis sur la terre, mais le génie du christianisme a fait avancer l'humanité comme aucune autre doctrine n'y est jamais parvenue. Et ce génie du christianisme, c'est le Christ lui-même, son enseignement et son exemple.</span></p><p><span face=""Open Sans", sans-serif" style="color: #333333; font-size: 15px;">Jésus Christ est fils de Dieu, nous l'avons montré. Mais il est aussi fils de l'homme, il est, à lui seul, l'humanité à son meilleur niveau. Et quel est ce meilleur niveau ? Le niveau divin. Toute anthropologie conséquente est suspendue à cette constatation. C'est déjà ce qu'il appert de la prophétie de Daniel, que l'on peut appeler la prophétie du Fils de l'homme. Celle-ci du reste, le Christ lui-même la fait sienne en la proclamant devant son premier juge, qui n'est pas romain mais juif. Caïphe, grand prêtre cette année-là, lui demande : "Es-tu le Fils de Dieu". La réponse du Christ, à ce moment dramatique de sa mission où il va être condamné, il l'emprunte au prophète Daniel, 7, 13-14 : "Tu l'as dit et désormais vous verrez le Fils de l'homme assis à la droite de la Puissance de Dieu et venant sur les nuées du ciel" (Mc 14, 62, Matth. 26, 64 et Lc 22, 69). C'est en se fondant sur ce passage de l'Ancien Testament que le Credo affirme du Christ : "il est assis à la droite de Dieu". </span></p><p><span face=""Open Sans", sans-serif" style="color: #333333; font-size: 15px;">Mais avant même les premières rédaction d'un Credo catholique, on trouve cette affirmation sur le Christ assis à la droite de Dieu, non seulement dans la finale de l'Evangile de Marc, mais dans l'épître aux Ephésiens de saint Paul : "T</span><span class="maintext" face="Roboto, Arial, Helvetica, sans-serif" style="background-color: #fdfeff; color: #001320; font-size: 16px; text-align: justify;">elle est envers nous qui croyons l'infinie grandeur de sa puissance, se manifestant avec efficacité par la vertu de sa force.</span><span face="Roboto, Arial, Helvetica, sans-serif" style="background-color: #fdfeff; color: #001320; font-size: 16px; text-align: justify;"> </span><span class="maintext" face="Roboto, Arial, Helvetica, sans-serif" style="background-color: #fdfeff; color: #001320; font-size: 16px; text-align: justify;">Il l'a déployée dans le Christ, en le ressuscitant des morts, et en le faisant asseoir à sa droite dans les lieux célestes,</span><span face="Roboto, Arial, Helvetica, sans-serif" style="background-color: #fdfeff; color: #001320; font-size: 16px; text-align: justify;"> </span><span class="maintext" face="Roboto, Arial, Helvetica, sans-serif" style="background-color: #fdfeff; color: #001320; font-size: 16px; text-align: justify;">au-dessus de toute domination, de toute autorité, de toute puissance, de toute dignité, et de tout nom qui se peut nommer, non seulement dans le siècle présent, mais encore dans le siècle à venir.</span><span face="Roboto, Arial, Helvetica, sans-serif" style="background-color: #fdfeff; color: #001320; font-size: 16px; text-align: justify;"> </span><span class="maintext" face="Roboto, Arial, Helvetica, sans-serif" style="background-color: #fdfeff; color: #001320; font-size: 16px; text-align: justify;">Il a tout mis sous ses pieds, et il l'a donné pour chef suprême à l'Eglise,</span><span face="Roboto, Arial, Helvetica, sans-serif" style="background-color: #fdfeff; color: #001320; font-size: 16px; text-align: justify;"> </span><span class="maintext" face="Roboto, Arial, Helvetica, sans-serif" style="background-color: #fdfeff; color: #001320; font-size: 16px; text-align: justify;">qui est son corps, la plénitude de celui qui remplit tout en tous" (Eph. 1, 19-23). Quelle éloquence pour parler de la royauté du Christ !</span></p><p><span style="background-color: #fdfeff; color: #001320; font-size: 16px; text-align: justify;">Hors Jésus, il n'y a que vide. La création ? Si Jésus ne la sauve pas du néant, elle n'est rien que "le silence éternel des espaces infinis" comme l'a déclaré Pascal. L'homme et la femme ? La juxtaposition provisoire de deux épidermes. Les valeurs humaines ? "Vanité et poursuite du vent" comme dit l'Ecclésiaste. Seul le Christ "remplit tout en tous". Jésus siégeant à la droite de la Puissance (à la droite du Père tout puissant précise le Credo trinitaire) révèle aux hommes pour quoi, pour qui ils ont été faits. Nous sommes recréés à l'image du Christ, faits pour Dieu comme le Christ, qui, dit encore saint Paul, est "le premier avant toutes créatures" (Col. 1, 15), "le premier d'une multitude de frères" (Rom. 8, 29). Le Christ est le roi du monde, en ce qu'il accomplit la création, qu'il réalise l'homme parfait, et c'est en ce sens que le même Pilate prophétise lorsqu'il s'écrie face au peule juif, pour que ce dernier épargne Jésus et fasse mourir Barabbas : "Ecce homo", "Voici l'homme" (Jean, 19, 5). En effet, assis à la droite de Dieu, le Christ est le plérôme de l'humanité, le fils de l'homme par antonomase. Mais il n'est l'homme parfait, le premier re-né, baptisé dans son propre sang, que parce qu'il est, en même temps, le Fils de Dieu, égal au Père, assis en sa Présence.</span></p><div><br /></div>l'abbé Guillaume de Tanoüarnhttp://www.blogger.com/profile/08887994816317506213noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8345216622203648980.post-65816575288033115622022-03-29T04:00:00.012+02:002022-08-14T23:46:30.794+02:00Est monté aux Cieux<p> Après quarante jours que le Ressuscité a passé avec ses apôtres, il est enlevé du milieu d'eux, ne laissant rien à la terre de son corps glorieux. "Notre mode de vie est céleste" dit saint Paul : nostra autem conversatio in caelis est (Phil. 3, 20). Raison pour laquelle, quand saint Luc, en introduction au texte où il raconte comment Jésus fut enlevé au Ciel, nous explique (selon une formule énigmatique), que le Christ "a mangé en union avec ses apôtres" (verbe grec sunallazomai) pendant quarante jours (40 jours de préparation, comme les 40 jours qu'avait passé le Christ dans le désert, où les 40 ans passés par le peuple élu autour du Mont Sinaï), on peut se demander : pourquoi cette précision ? Que signifie pour la petite communauté apostolique "manger en union avec" ? Cela signifie apprendre le nouveau mode de présence du Christ après son Ascension, ce mode eucharistique, qui est ce qui nous reste du Sauveur sur la terre.</p><p>Qu'ont fait les apôtres durant ces quarante jours ? Pour répondre à notre curiosité, nous avons ce texte : ils ont mangé en union avec lui. Le Christ a célébré avec eux le mystère qu'il leur avait dit, la veille de sa mort, de célébrer, en se souvenant de ce qu'il avait fait. N'est-ce pas déjà ce mystère de la sainte messe qu'il avait célébré avec les disciples d'Emmaüs, au lendemain de sa résurrection ? Les deux disciples l'ont reconnu à la fraction du pain nous dit saint Luc. On sait comment Rembrandt a immortalisé cet instant de lumière dans plusieurs de ses toiles. Combien de fois ses apôtres le reconnurent-ils ainsi à la fraction du pain, dans une foi pure qui rejoint immédiatement les paroles qu'il avait prononcées : "Ceci est mon corps livré ; ceci est mon sang versé". C'est Jésus lui-même qui a acclimatés ses apôtres au mode de présence fait de foi et d'amour qu'ils vivront au cours de leur messe, après son ascension définitive dans le Ciel : une présence absente. </p><p>Il faut en effet à la fois dépasser les apparences du pain et du vin, pour s'identifier à ce qu'elles signifient, il faut savoir que le Christ ne sera jamais plus présent, de sa présence naturelle, avant la fin du monde. Durant les quarante jours après l'Ascension, se fixe le mode sacramentelle de cette présence : dans l'entre-deux d'une Présence sans autres apparences, que le pain et le vin, celles que le Christ a fixées lui-même en ce mémorable soir du Jeudi saint, celles à laquelle il a habitué ses disciples depuis la merveilleuse rencontre d'Emmaüs. Cette deuxième messe du Sauveur a agi sur eux, c'est comme s'ils en connaissaient de longue date l'atmosphère, ce contre jour dans lequel on se meut jusqu'à voir la Lumière.</p><p>A l'Ascension s'établit la nouvelle relation - sacramentelle - entre le ciel et la terre. Le Christ s'est retiré. Plus jamais il ne fréquentera la terre avant qu'il ne revienne au dernier jour, à la fin des temps. "On vous dit : le Christ est ici, le Christ est là, n'y allez pas, ne le croyez pas" (Matth. 24, 23). "Il y aura beaucoup de faux prophètes et des prodiges capables d'égarer s'il est possible les élus eux-mêmes"(Matth. 24, 5). Seul le signe du Fils de l'Homme, lui, sera vu, avant la fin du monde, comme une traînée de poudre de l'Orient à l'Occident" (Matth. 24, 30) comme quelque chose d'indubitable et de perçu par tous. Toutes les autres manifestations sensibles du Christ, les manifestations particulières, ici et là, sont sujettes à caution, nous a averti l'Evangile : raison pour laquelle, si argumentée soient-elles, elles ne font pas partie de la foi de l'Eglise, elles ne sont pas "de foi".</p><p>Je mets de côté les miracles eucharistique, car ils aident les fidèles à faire de l'eucharistie le signe de leur foi. Mais je pense en écrivant cela au culte du Sacré Coeur. Je vous avoue que j'ai été content d'apprendre que cette dévotion portant sur "l'intérieur de Jésus" comme dit le cardinal de Bérulle (+1625) a été approfondie par saint Jean Eudes et seulement confirmée par les apparitions à sainte Marguerite Marie Alacoque en 1689. Je dirais la même chose du Christ de la divine miséricorde révélée à soeur Faustine en 1934 : le XXème siècle est celui qui a le plus théologisé la Miséricorde du Christ. </p><p>Mais les apparitions du Christ, après son Ascension, ne sont pas prévues au programme. C'est la Vierge Marie, et non le Christ qui est le signe avant coureur, promis par le livre de l'Apocalypse, justement comme étant "la mère de celui qui a été enlevé au Ciel" (Apoc. 12, 5), comme si, à défaut de pouvoir sur la terre voir celui qui a été enlevé au ciel, c'est cette femme, c'est Marie qui se manifeste au monde, comme ministre de la miséricorde du Seigneur. Un ministre femme ? Cela fait longtemps qu'il y en a une dans le gouvernement divin ! Et elle y est bien la "première ministre", comme on le dit maladroitement aujourd'hui.</p><p>Lorsque la théologie la plus solide affirme que la mort est la conséquence du péché originel, voilà ce que cela signifie : le second Adam, celui qui n'a pas éprouvé la tâche originel, a éprouvé la mort volontairement ("Ma vie personne ne la prend mais c'est moi qui la donne") quoi qu'avec une extrême violence. Le Christ ne pouvait pas ne pas ressusciter. Il ne pouvait pas ne pas monter au Ciel. Le Ciel ? Il ne s'agit pas d'une indication géographique. Le ciel, dès la prière du Notre Père, est le mot du langage humain qui désigne maladroitement le séjour divin. "Une nuée le déroba à leurs yeux" explique saint Luc d<span> ns son récit de l'Ascension au chapitre 1 des Actes des apôtres</span>, reprenant l'image de la shekina, la nuée qui au désert entourait la Tente du rendez-vous et représentait pour les hommes le lieu du Christ. Le Christ sur la terre a caché sa divinité. Il la manifeste dans son ascension, à travers laquelle il retrouve son lieu propre non pas sur la terre où il aurait dû connaître la corruption, mais dans la lumière de Dieu, où le Fils de Dieu fait homme vit, incorruptible pour les siècles des siècles. </p><p>Et nous-mêmes; ses frères et ses soeurs, nous participons de cette efflorescence de vie, nous-mêmes nous ne sommes pas faits pour la mort. La mort d'un homme est toujours violente, elle va contre la logique profonde de nos existences qui est une logique de vie. Le Christ nous attend tous au Ciel, si nous ne refusons pas cette logique de vie qu'il a déposée en nous, comme la première grâce, comme la première foi, foi simple, foi innée, qui nous rappelle que le premier homme avait été créé en état de grâce. Foi qui nous fait dire à un moment ou à un autre de notre vie, dans une expérience silencieuse : "Nos coeurs n'étaient ils pas tout brûlants quand il déployait devant nous la joyeuse Nouvelle ? ". Cette joie, cette consolation spirituelle est le signe de l'appel divin.</p><p> </p>l'abbé Guillaume de Tanoüarnhttp://www.blogger.com/profile/08887994816317506213noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8345216622203648980.post-41285291440401323922022-03-10T00:25:00.001+01:002022-08-13T19:00:57.288+02:00Est ressuscité des morts<p> Comment commenter cette sublime résurrection d'entre les morts ? Le mot qui désigne cette réalité n'existe ni dans l'hébreu biblique ni dans la langue grecque. Imitant le Christ lui-même qui annonce sa résurrection, en utilisant le verbe "se relever", on a fait de ce mot très général un terme propre pour désigner la résurrection. On utilise aussi le mot "se réveiller". Il n'y a pas de mot pour dire que qui a perdu la vie la retrouve.</p><p>Il y a trace de ce terme déjà, dans une mystérieuse prophétie du livre de Job. Texte pas assez cité ! Texte capital ! On connaît l'histoire de celui que Dieu n'appelle que "mon serviteur Job". Il fait tout pour le mieux et pourtant Dieu permet qu'il soit en quelque sorte livré à Satan, que sa fidélité soit éprouvée, que toutes sortes de malheur viennent l'assaillir et que cet homme brillant et chanceux devienne une opprobre pour son entourage, qui voyant tous ses malheurs, les attribuera à un jugement de Dieu contre lui, Job. Ce dernier n'est pas loin de penser que Dieu le hait : "Le Seigneur m'a détruit de tous côtés et je péris ; il m'a ôté toute espérance comme à un arbre qui est arraché" (Job 19, 10). Ce qu'il va dire en prenant conscience de ses malheurs affreux, est d'une importance capitale : "Qui m'accordera que ces paroles soient écrites ? Qui me donnera qu'elles soient tracées dans un livre ?" (19, 17). </p><p>Et voici les paroles décisives de Job, prophète, qui a expérimenté l'absurdité du mal et qui le dépasse par la foi : "Je sais que mon racheteur est vivant et que le dernier, il se relèvera de la poussière" (poussière : en hébreu le même mot que lorsque Dieu crée l'homme "de la poussière du sol"). Qui est le racheteur ? Dieu est racheteur : c'est lui le premier et dernier (Cf. Is. 44, 6), "l'alpha et l'oméga" (Apoc. 1, 8). Le Père Dhorme dans son monumental commentaire de Job, explique avec force : "Quels que soient les événements il aura le dernier mot" (p. 257) pour juger Job et le sauver de ces malheurs. Déjà en 16, 19, Job avait fait allusion à un mystérieux témoin, capable de plaider sa cause, de le défendre efficacement devant Dieu. "Ce témoin doit descendre du Ciel sur la terre" commente le Père Dhorme au vu de cet autre texte : "Le témoin de mon innocence est dans le ciel et celui qui connaît le fond de mon coeur réside en ces lieux sublimes". S'il descend du ciel, c'est pour libérer Job et ses semblables. Le ciel est son lieu naturel. Mais quel est cette libération ? A l'image du goël, une libération de la mort, qui donne à Job une nouvelle destinée. Comment la décrit-il ? "Derrière ma chair je me tiendrai debout et de ma chair je verrai Dieu". "Je le verrai visage à visage" ajoute saint Paul ; face à face (cf. I Co 13). Job précise encore : "Que je le verrai, dis-je, moi même et que je le contemplerai de mes propres yeux. C'est l'espérance que j''ai et qui reposera toujours dans mes reins" (v. 26).</p><p>Ce texte de Job montre bien que la création n'est pas finie, que le mal vient de cet inachèvement de la perspective, que l'espérance de la résurrection, - qui existe depuis des millénaires note étrangement Cajétan, dans son commentaire de ce passage de Job -, est au fond la grande justification de Dieu face à la puissance du mal, ce que Leibniz appellera sa théodicée. Ce texte marque deux choses à la fois : le goël, le racheteur demeurera en dernier : en se relevant de la poussière il aura, seul, le dernier mot : il n'y aura plus de morts que volontaires. Job subit la mort sur son tas de fumier, mais il la refuse de tout son être malgré le prêchi-prêcha de ses (faux) amis. Et si Job participe de cette victoire contre la mort qui est celle du racheteur, s'il peut se vanter de voir Dieu un jour visage à visage, nous même nous pouvons prétendre communier dans la même espérance de la résurrection. Le racheteur, debout au dessus de la poussière, est le second Adam, qui aboutit l'oeuvre commencé avec le premier, qui réalise sa destinée "super pulverem", au dessus de la poussière, note encore Cajétan en revenant au sens littéral hébraïque et qui, en même temps fait aboutir la nôtre.</p><p>S'il est quelqu'un qui a compris l'importance existentielle et la dimension cosmique de la résurrection, par laquelle s'achève la création de l'homme, c'est bien saint Paul, chronologiquement le premier auteur du nouveau Testament. "Si le Christ n'est pas ressuscité, notre foi est vide" (I Co. 15). Qu'est-ce que la foi ? La capacité à recevoir intégralement la Parole de Dieu . Mais cela pourquoi ? Pour vivre une vie essentiellement personnelle, mais qui provient de la vie du Ressuscité et qui seule répond au grand "A quoi bon ?" qui nous saisit dans la perspective de la mort.</p><p>L'Univers tout entier est en attente de ce dépassement. Saint Paul, encore lui ! l'explique magnifiquement dans l'épître aux Romains ; Les créatures attendent avec grand désir la manifestation des enfants de Dieu (...). Nous savons que jusqu'à maintenant toutes les créatures soupirent et sont dans un travail d'enfantement" (Rom. 8, 19 et 22). La résurrection n'est pas un phénomène purement humain, mais elle concerne tous les êtres qui sont dans ce travail d'enfantement, dans cette métamorphose, dans cette lente genèse dans laquelle le Père Teilhard de Chardin a vu l'Evolution biologique et un accomplissement moral de l'humanité.</p><p>C'est la grande beauté de la résurrection : elle doit être vue à la fois comme la résultante d'une démarche individuelle de chacun, dont la clé est la foi. "Sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu" dit l'épître aux Hébreux (11, 6), qui continue: "Pour s'approcher de Dieu, il faut croire premièrement qu'il y a un Dieu, et qu'il récompensera ceux qui le cherchent". Chacun doit s'examiner : de quelle foi est-il capable ? La foi en Jésus ressuscité est la foi en notre propre résurrection.</p><p>Mais en même temps qu'un acte personnel, la résurrection de Jésus est un signal donné à l'univers, la seule hypothèse tenable face à la puissance du mal. La résurrection du fils de Dieu est le signal d'une résurrection qui touche l'univers tout entier ; Dieu n'a pas créé le monde en vain. La beauté du monde est sauvée par la résurrection du Fils de Dieu, qui indique à tout individu droit, que pour la première fois, la vie l'emporte sur la mort, elle cesse d'être une combinaison extrêmement hasardeuse, elle devient le destin du monde.</p><p><br /></p><p> </p>l'abbé Guillaume de Tanoüarnhttp://www.blogger.com/profile/08887994816317506213noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8345216622203648980.post-6066950819292544682022-03-02T02:15:00.003+01:002022-08-13T18:50:03.313+02:00Le troisième jour<p>Pourquoi Jésus est-il ressuscité "le troisième jour" ? C'est la question qui va nous occuper dans cette méditation.</p><p>On rapproche souvent ce "troisième jour" des trois jours que Jonas, dans le livre éponyme, a passé dans le ventre de la baleine. Mais Jésus n'est pas resté trois jours au tombeau ! Cela n'aurait eu aucun sens, nous le verrons. Les trois jours de Jonas signifient , au sens strict, son endurcissement dans le mal. Quel mal ? Malgré l'ordre de Dieu, à cause de son mépris en béton pour les païens de Ninive, Jonas refuse de leur prêcher la pénitence, comme Dieu le lui a commandé, parce que ce sont des païens et que, estime-t-il, Yahvé est le Dieu des juifs, en exclusivité ; et il maintient son refus, malgré l'ordre du Seigneur, en tentant de prendre un bateau pour s'éloigner de la Palestine, comme si le Dieu des juifs n'était pas le Seigneur de l'Univers, comme si sa puissance se bornait aux frontières d'Israël. Il est, on le sait, balancé à la mer par l'équipage. Trois jours dans l'eau, c'est l'expression de l'absurdité que représente pour lui le fait de résister, lui prophète, au commandement que Yahvé lui avait enjoint. Jonas est le premier intégriste de l'histoire : il sait mieux que Dieu ce que doit être la volonté de Dieu. Mais Dieu lui redonne une chance. Ces trois jours de mort physique l'ont marqué. Il finit, toute honte bue si j'ose dire, par saisir la chance, sa grâce à lui, qui est sa régurgitation par le poisson sur la terre ferme. Il prêche aux Ninivites, en montrant d'ailleurs qu'il fait le service minimum. Les Ninivites se convertissent après avoir fait pénitence. Et Dieu se contente de leur pénitence. </p><p>Yahvé s'est servi de la parole de Jonas, mais c'est bien lui qui a converti les Ninivites. Décidément c'est un vrai intégriste, ce Jonas : sa bénédiction est valide, apparemment, il dit ce qu'il faut dire même s'il le dit de mauvaise grâce. Pourquoii sa parole est-elle efficace ? Parfois (comme cette fois là) cela suffit, parce que Dieu le veut.</p><p>Pourquoi le Christ revendique-t-il pour lui "le signe de Jonas" ? C'est en Matth. 12, 38-41 : <span face="Roboto, sans-serif" style="background-color: white; color: #5e2a1b; font-size: 14px; text-align: justify;">"Génération mauvaise et adultère ! elle réclame un signe, et de signe, il ne lui sera donné que le signe du prophète Jonas. De même, en effet, que Jonas fut dans le ventre du monstre marin durant trois jours et trois nuits, de même le Fils de l'homme sera dans le sein de la terre durant trois jours et trois nuits. </span><span face="Roboto, sans-serif" style="background-color: white; color: #5e2a1b; font-size: 14px; text-align: justify;">Les hommes de Ninive se dresseront lors du Jugement avec cette génération et ils la condamneront, car ils se repentirent à la proclamation de Jonas, et il y a ici plus que Jonas !"</span></p><p>On remarque que comme toutes les vraies prophéties, aux dires de saint Jean Chrysostome, c'est-à-dire comme toutes les prophéties qui ont eu lieu avant l'événement qu'elles annoncent, cette prophétie du Christ n'est pas totalement exacte : il n'est pas resté sous terre trois jours et trois nuits. Le Credo le dit précisément : il s'est relevé des morts "le troisième jour". Il a été crucifié le vendredi, mis au tombeau le vendredi soir, son corps a passé shabbat sous terre, et il est ressuscité le dimanche matin. Cela ne fait pas trois jours et trois nuits ! C'est que le Christ n'avait pas besoin, lui, come Jonas, de connaître la mort pour ressentir la dureté du péché et se convertir. En effet, il est l'Innocent par excellence. Et puis cette dureté, cet endurcissement dans le péché, il l'a ressenti à ce moment précis, mais venant des hommes contre sa personne. Un exemple ? Qui dira le raffinement de cruauté qu'il a fallu aux bourreaux pour CLOUER sur la potence justement celui qui, sans conteste, était innocent, justement sans doute parce qu'il était l'innocent, face aux bourreaux barbares, qui ont dû vouloir lui faire payer son innocence ? (Je rappelle que "normalement" les corps des suppliciés étaient seulement attachés à la croix et les crucifiés mouraient d'asphyxie). </p><p>Jésus est ressuscité le troisième jour, parce qu'il fallait que soit clair son état de mort. Il ne serait pas ressuscité si l'on n'était pas sûr qu'il était mort. : "Avance, Thomas tes doigts, regarde mes pieds, mets ta main dans mon côté et ne sois plus infidèle mais croyant" (Jean 20, 25-27). Les signes de sa mort, ces terribles cicatrices, deviennent les marques les plus éloquentes de sa résurrection : elles convertissent le grand douteur qu'est l'apôtre Thomas. C'est parce qu'il est mort que le Christ est vraiment ressuscité. Voilà le paradoxe primal, qui autorise toutes nos espérances.</p><p>En effet, nous autres chrétiens nous l'accompagnons dans sa mort et dans sa résurrection, comme Jonas ; nous sommes baptisés dans sa mort et dans sa résurrection dit saint Paul aux Romains (6). Pas forcément comme des intégristes, mais en tout cas comme des pécheurs. Nous connaîtrons la mort, nous resterons trois jours et trois nuits dans le ventre du monstre marin, nous vivrons dans cette sorte d'utérus spirituel, dans une ultime expérience du mal (la mort) qui nous donnera un goût éperdu pour la vie. Nous supporterons notre finitude et nos péchés, pour mieux recevoir l'éternité : pas comme un dû, comme un don. </p><p>Et ce monstre marin qui représente la mort, dont tous nous avons peur, c'est en même temps comme une nouvelle matrice. "Faut-il entrer dans le sein de sa mère et en ressortir ?" disait Nicodème (Jean 3, 5). Il voulait faire l'intéressant sans doute, mais ne croyait pas si bien dire : la mort cette terrible matrice est comme un uterus terrifiant mais qui par grâce nous redonne la vie. Non que nous la méritions cette deuxième chance, mais dans le Christ ressuscité des morts, la mort est l'occasion de notre résurrection. Si nous le voulons. J'ai eu quelques fois l'occasion, comme prêtre, d'expérimenter la formidable paix de ceux qui meurent dans le Christ, une paix plus forte que tous les troubles que la mort ne manque pas de produire sur celui qui la subit, la paix de celui qui croit que la mort est une matrice.</p><p>Mais qu'en est-il de Jonas, ce pécheur, ce vieil intégriste sûr de lui et dominateur ? Il nous fait "signe", nous dit le Christ, qui nous attend, lui, au delà de la Mer, sur la terre des vivants !</p>l'abbé Guillaume de Tanoüarnhttp://www.blogger.com/profile/08887994816317506213noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8345216622203648980.post-322900376028883892022-02-25T20:30:00.003+01:002022-08-13T18:39:35.217+02:00Est descendu aux enfers<p> Le Christ est venu à un moment du temps, mais il est venu pour tous les temps. C'est ce que l'Eglise affirme lorsqu'elle dit que le Christ est descendu aux enfers.</p><p>Attention à bien distinguer les enfers et l'enfer en français. On a l'habitude de considérer que l'enfer au singulier est, d'après l'Evangile, le châtiment éternel auquel se condamnent ceux qui ont refusé Dieu durant toute leur vie, en fermant hermétiquement leur coeur, comme par exemple dans la parabole du pauvre Lazare, qui, mendiant à la porte des riches, a reçu la vie éternelle en héritage alors que ceux devant qui il mendiait et qui ne lui ont jamais adressé ne serait-ce qu'un sourire, sont précipité en enfer. A dire vrai, ils se précipitent eux mêmes en enfer. En enfer, il n'y a que des volontaires. Dieu n'est pas un flic qui condamnerait arbitrairement. Il entérine notre propre volonté devant lui.</p><p>Les enfers, cela signifie autre chose que l'enfer, en, rapport avec les croyances grecques. La mort est toujours la plongée dans l'Hadès, expression grecque pour signifier les enfers, ce lieu où les âmes attendent le Souverain jugement, qui actualise le leur. Depuis le commencement du monde, les âmes attendaient celui à qui a été confié le jugement (Jean 5) dans les enfers, ce lieu des morts. "En même temps, écrit saint Jean dans l'Apocalypse, je vis paraître un cheval pâle, et celui qui était monté dessus s'appelait la mort et l'Hadès le suivait" (Apoc. 6, 8). </p><p>Le Christ n'arrive pas aux enfers en triomphateur. Il n'est pas encore ressuscité, il est encore pour tous objet de foi et non de vision. C'est en tant qu'objet de foi qu'il va commencer aux enfers sa dernières prédication pour tous ceux qui n'ont pas eu l'occasion de le voir ou de l'entendre sur la terre. Nous avons une idée de cette prédication au chapitre 3 verset 19-20 de la Première épître de saint Pierre. Voici ce qu'explique le chef de l'Eglise à propos de la descente du Christ aux enfers : "Par l'Esprit aussi Jésus-Christ alla prêcher aux esprits qui étaient retenus en prison, qui autrefois avaient été incrédules, lorsqu'au temps de Noé ils s'attendaient à la patience et à la bonté de Dieu, pendant que l'on préparait l'arche dans laquelle peu de personnes, savoir huit en tout, furent sauvés au milieu de l'eau".</p><p>Les termes sont précis : l'oeuvre de Jésus aux enfers consiste à prêcher aux morts qui n'ont pas eu l'occasion de répondre au Seigneur durant leur vie. C'est une chance ultime qui leur est laissé de se prononcer pour Jésus devant les hommes pour que Lui se prononce pour eux devant son Père au plus haut des cieux. Il ne s'agit pas d'un sauvetage massif et indifférencié mais d'un appel à leur liberté, une proposition de délivrance adressée "aux esprits", grec : pneumasi. Il y a trois dimensions de l'être humain (cf. I Thess, 5, 11). Jésus prêchant aux morts dans les enfers ne s'adresse pas aux hommes qui ont vécu engoncés dans la matière, à la merci de leurs désirs animaux (les hommes hyliques, voilà pour la première dimension), ni non plus à ceux qui se contentant de leur psychologie ont passé leur vie à manifester leur volonté de puissance (les hommes psychiques, c'est la deuxième dimension). </p><p>C'est bien aux pneumatiques (pneumasi : aux spirituels) que s'adresse Jésus aux enfers, à ceux qui ont ouvert leur coeur et qui cherchent la lumière, ceux-là mêmes dont il a dit : "Qui cherche trouve et à qui frappe on ouvrira"(Matth. 7, 8 ; Luc 11, 10). Le Christ ne laissera pas une seule de ses brebis dans la prison infernale. Il libère tous les siens. Mais ses brebis ne forment pas la majorité, loin de là : "seulement huit en tout" dit saint Pierre, furent sauvés des eaux au moment du déluge. Il ne s'agit pas, sous la plume de l'apôtre, d'une référence historique : sait-on ce qu'a été le déluge ? Non, bien sûr. Mais il s'agit de nous faire comprendre que d'un côté du voile comme de l'autre, il reste vrai qu'"il y a beaucoup d'appelés et peu d'élus" (Matth. 20). Ce ne sont pas ceux qui se contentent d'une honnête moyenne qui seront sauvés : leur calcul ne les sauvera pas. Sont sauvés ceux qui se donnent sans calcul, " qui reçoivent la parole avec un coeur bon et excellent" et "qui portent du fruit avec abondance" (Lc 8, 15).</p>l'abbé Guillaume de Tanoüarnhttp://www.blogger.com/profile/08887994816317506213noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8345216622203648980.post-19407614163523761522022-02-19T01:58:00.002+01:002022-08-13T18:30:11.922+02:00A été enseveli<p> Jésus est mis au tombeau. Cet ensevelissement sonne comme une sorte de confirmation de l'article précédent : il est bien mort puisqu'il a été enseveli. De Lui qui est "le saint de Dieu", il ne reste pour ceux qui l'ont connu, ceux qui l'ont aimé, qui ont espéré et qui ont cru en lui, qu'un cadavre. Mais ceux qu'une telle perspective ne détourne pas de lui, celles qui, après le sabbat, dès le matin, sans se demander comment elles pourront embaumer ce corps aimé alors qu'une grosse pierre interdit l'accès au tombeau, sont encore là, sont revenus, sans doute espérant obscurément contre toute espérance, attendant alors qu'elles n'ont plus rien à gagner, aimant un mort d'un amour absolument gratuit. Ce sont des femmes, ce n'est pas un hasard, il y a dans leur démarche toute l'insistance ou l'entêtement de femmes amoureuses, qui suivent Jésus depuis la Galilée nous indique saint Luc et qui ne veulent pas admettre que c'est fini. Ces femmes voient la pierre roulée, le tombeau vide, des anges qui leur disent de retourner en Galilée; Elles ne le voient pas lui, mais cela leur suffit pour courir dire aux apôtres : il est ressuscité d'entre les morts. Les apôtres ne le prennent d'ailleurs pas très bien : "ce récit leur parut comme un délire et ils ne les crurent pas"(Lc 24, 11). La misogynie est la plus forte alors que ce qui leur est demandé, ils le sentent bien, c'est du courage. Il y en a une autre qui n'est pas satisfaite, c'est Marie Magdeleine. Pendant que les autres femmes essaient de convaincre les hommes d'aller voir (d'aller voir quoi pense sans doute la Madeleine : le tombeau vide ?), Marie Madeleine est revenu sur les lieux, elle erre comme une folle dans le jardin, cherchant ce corps qu'elle n'a pas pu toucher. Dieu lui envoie des anges, mais cela ne lui suffit pas, c'est Jésus qu'elle cherche, elle n'a pas besoin du baratin sur une résurrection qui serait purement spirituelle, elle veut toucher, reconnaître son Seigneur. Si elle ne le peut pas c'est qu'on a volé son corps. Elle aperçoit un homme dans le jardin : "Monsieur, monsieur, ils ont enlevé mon Seigneur et je ne sais pas où ils l'ont mis". Le jardinier ce retourne et il l'appelle par son nom : Marie !" Rabbouni répond elle : mon petit maître. Elle se précipitait dans ses bras quand elle entendit : "Ne me touche pas, car je ne suis pas encore retourné vers mon Dieu et votre Dieu, vers mon Père et votre Père". C'est Marie Madeleine qui décide Pierre, le chef des apôtres et aussi Jean, le mystérieux disciple. Parce qu'elle est revenue au tombeau, parce qu'elle a insisté, il lui a été donné d'être la première à voir le Seigneur en personne.</p><p>Lorsque Pierre et Jean accourront au tombeau, alertés par Marie Madeleine, qui a vu le ressuscité la première, Jean, le disciple qui est aussi cohen, qui sera bientôt élu grand prêtre, reste à l'extérieur. Il a couru plus vite que Pierre, il est arrivé le premier au Tombeau, mais, observant fidèle de la loi juive, il ne peut pas voir un cadavre sans se souiller. Il reste à l'entrée et ne pénètre dans ce tombeau qui était un tombeau neuf (où il n'y avait pas d'autres cadavres donc d'autres occasions de se souiller), que lorsque Pierre l'eut assuré que le tombeau était vide. Alors seulement il put s'avancer. "Il vit et il crut" dit-il à son propre propos dans son Evangile. La foi, dans son coeur avait définitivement remplacé la loi. Il regardait de tous se yeux, il écarquillait les yeux dans l'obscurité, vérifiait qu'il n'y avait plus de cadavre, que les linges étaient soigneusement pliés. Et lui revint la parole du Seigneur sur le fils de l'homme qui ressuscitera le troisième jour. Il crut à la parole que Jésus avait dite comme en énigme. Il crut à la vie : pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, la vie avait eu le dernier mot : "la vie est devenue en Jésus Christ la lumière des hommes" écrira-t-il dans le prologue de son évangile. Oui décidément, qui a le courage de la chercher la trouve.</p><p>Le tombeau est le lieu où envers et contre tout, contre tous, Marie Madeleine a cherché et à trouvé la vie.</p>l'abbé Guillaume de Tanoüarnhttp://www.blogger.com/profile/08887994816317506213noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8345216622203648980.post-3430329066847604712022-02-11T11:11:00.002+01:002022-08-13T17:14:37.016+02:00Est mort<p>Jésus est vraiment mort sur la croix et il est mort pour vivre cette agonie, cette lutte, cette tragédie en quoi consiste toujours notre mort, à nous ses créatures, il est mort pour nous montrer combien la mort est violente et combien malgré l'avis de quelque philosophe perdu dans ses concepts, l'homme n'est pas un être pour la mort. Il est mort d'une mort humaine lui le Créateur de l'Univers, l'Eternel, pour nous montrer combien en lui comme en nous, la mort est une horreur ; il a accepté, il a pris sur lui l'horreur du supplice et l'horreur d'un cadavre, le sien, pour que nous ayons moins peur de vivre notre mort, pour que nous ne craignions pas la poussière d'où nous provenons et où nous retournons. </p><p>Théologiquement, il est mort d'une mort humaine parce qu'il s'est fait parfaitement homme, et que dans l'unité de sa Personne divine tout ce qui touche l'humanité de Jésus est attribuable à l'unique sujet divin. Je ne veut pas dire que le Je suis qui constitue le Christ, ce Je suis divin, s'en soit trouvé modifié. Qu'est-ce qui peut modifier Dieu ? A force de réfléchir sur ce Dieu qui se trouverait modifié par sa mort sur une croix, qui se serait en quelque sorte vidé de sa puissance (c'est étymologiquement ce que l'on appelle la kénose dans la théologie orientale), qui se trouverait vulnérable, comme un homme ordinaire l'est face à la puissance du mal, on peut mesurer ce qu'est "la folie de la croix", ainsi que saint Paul la désigne au chapitre 2 de la Première épître aux Corinthiens. Folie ? Comme le dit avec beaucoup de force le Père Chardon, au premier chapitre de son livre La Croix de Jésus, Dieu, allant jusqu'à connaître dans son humanité, la mort d'un supplicié "a préféré qu'on doute de sa sagesse que de sa bonté". le vieux cantique l'affirme avec force : "En expirant sur ce bois il nous aima plus que lui-même". Telle est, exactement formulée, la folie d'amour du Fils de Dieu. Comment peut-on aimer d'avantage ces animaux plus ou moins raisonnables que nous sommes tous, plutôt que cette merveille créée et incréée tout à la fois qu'est le Fils de Dieu fait homme ?</p><p>Il faut chercher à la même profondeur le sens du célèbre verset de saint Jean (13, 1) : "Comme il avait aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu'à la fin". Grec ; eis telos. Jusqu'à l'accomplissement, l'achèvement, la perfection. Mais quelle est cette perfection ? Le même évangéliste l'affirme : "Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis"(Jean 15, 13). Voilà, d'après l'Evangéliste saint Jean la bonne nouvelle que le Christ est venu nous apprendre, la science d'amour qu'on chanté trouvères et troubadour,, le "gai savoir" : il n'y a d'amour manifesté que dans le sacrifice de soi. </p><p>Non pas le sacrifice de ce qu'on est vraiment, car l'amour de l'autre nous fait toujours advenir à ce que nous sommes. Mais assurément le sacrifice de cette potiche, de cette idole qui n'est qu'un tigre de papier : le Moi. Pour lui donner de l'importance on le nomme souvent en latin : l'ego. Ce n'est que le vaste piège que nous tend notre imagination, comme l'ont bien compris les lacaniens. "Le moi est haïssable" ? Non si par "moi" on entend les forces vives de la personne, mais oui si l'on comprend que le moi,, la plupart du temps, se réduit à une construction sociale, à un rôle professionnel, à un jeu de rôle attendu dans le couple. Sacrifier le moi, pris dans ce sens là, signifie parvenir à sauvegarder les vraies richesses de la personne, en jetant à la mer la construction à laquelle nous voulons que nos amis, nos proches, nos connaissances ou même le monde entier rende un culte : le moi. En ce sens, on peut dire non seulement qu'il n'y a pas d'amour sans sacrifice, mais qu'il n'y a pas de vérité sans l'apprentissage du sacrifice de soi. La croix, la mort sur la croix, est la voie d'accès obligée à la vérité de notre condition. Mais attention ! C'est la vraie croix qu'il nous faut embrasser. Il n'y a pas de vraie croix sans amour ! Le sacrifice pour le sacrifice est une diminution des forces vives de la personne. Il est parfaitement stérile. Le sacrifice pour le sacrifice est haïssable.</p><p>Aussi bien regardons le sacrifice du Christ : a-t-il été vain ? Il a mené, par l'amour à la victoire de la vie. Il a donné la vie à tous ceux et à toutes celles qui la désiraient.</p>l'abbé Guillaume de Tanoüarnhttp://www.blogger.com/profile/08887994816317506213noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8345216622203648980.post-48525594359859693972022-02-05T01:46:00.003+01:002022-08-13T16:39:01.171+02:00A été crucifié<p> De quoi la croix est-elle le nom ? Dans l'antiquité sans conteste d'un supplice horrible où chacun meurt étouffé par le poids de sa propre chair. Un supplice que jusqu'ici Rome réservait aux esclaves fugitifs, à Spartacus et à ses sbires, durant les guerres serviles. Jésus va s'identifier à ce supplice honteux, au point qu'on l'appelle aussi le Crucifié. Il s'est fait notre esclaves en mourant sur la croix, lui qui nous apprend à accepter la mort pour embrasser la vie.</p><p>Si les Romains ont fait du supplice de la croix un supplice honteux, les juifs, de leur côté l'ont immédiatement interprété comme tout aussi honteux, mais en se servant d'un verset du Deutéronome, l'un des cinq premiers livres qui composent la Torah : "Lorsqu'un homme aura commis un crime digne de mort et qu'ayant été condamné à mourir, il aura été attaché à une potence, il sera enterré le même jour, parce que celui qui est pendu au bois est maudit de Dieu"(Deut. 21, 22-23).</p><p>Dans l'épître aux Galates, saint Paul reprend ce texte qu'il assume au nom du Christ : "Jésus-Christ nous a racheté de la malédiction de la loi, s'étant rendu lui-même malédiction pour nous, selon qu'il est écrit ! maudit soit celui qui est pendu au bois" (Gal. 3, 13). La malédiction de la loi, cette expression est terriblement forte. Paul ne parle ici ni de la loi naturelle ni des dix commandements de Dieu. Il parle de la Torah, les 613 mitsvot, 313 négatifs et 300 positifs. Cette loi, tirée des cinq premiers livres de la Bible, qui entoure chaque juif du corset de fer de sa précision, le jeune Saul avait voulu naguère l'observer, alors qu'il était jeune étudiant en théologie judaïque, Il l'a observé au point, revenant sur ce passé observant, de se décrire lui-même à l'attention de ses chers Philippiens comme "irréprochable pour tout ce qui concerne la loi". C'est au nom de la loi, avec l'autorisation du Sanhédrin, que Paul avait bien l'intention, en prenant le chemin de Damas, de persécuter les juifs devenus chrétiens, jusqu'à les faire payer de leur vie cette impiété de leur conversion au Christ, comme avait payé Etienne, le diacre, qui avait été lapidé peu de temps auparavant. Lui Paul gardait les vêtements de ceux qui avaient lapidé Etienne. Manière de montrer hautement son approbation pour les gros bras qui rouaient le disciple du Christ à coup de pierres. En se rendant à Damas, il avait obtenu du Sanhédrin la permission de continuer ce massacres. Pour l'honneur de Dieu, croyait-il.</p><p>Pourquoi un tel fanatisme de la part du jeune Paul, qui, à l'époque porte le nom de Saul, celui que portait, avant David, le premier roi d'Israël ? </p><p>La première raison qui vient à l'esprit c'est que l'obéissance aveugle à la loi peut rendre littéralement fanatique, qui l'observe. Cet aveuglement crée toutes sortes de contradictions, dont saint Paul a dû prendre conscience, avec des questions comme : a-t-on le droit de tuer au nom d'une loi qui dit : "Tu ne tueras point" ?</p><p>La deuxième raison du jusqu'au boutisme de saint Paul doit être recherchée dans le supplice de la croix et dans la malédiction qui l'entoure. Il faut s'orienter vers l'épître aux Galates, et en particulier peser cette phrase : "Maudit est celui qui est pendu au bois". Dans la tête du jeune intégriste qu'était Saul, cette phrase résonne comme maudissant non seulement le Christ, pendu au bois de la croix, mais par contagion ou par contact, tous ceux qui croient en lui. L'enseignement qui capte ceux que l'on appelle alors simplement "les fidèles de la voie", les fait participer de l'impureté légale de leur maître. Ce pseudo-Christ est maudit pense le jeune Saul, et il partage cette malédiction avec ceux qui se disent ses fidèles et qu'au nom de la religion de Moïse, il faut éliminer avant qu'ils ne détruisent la religion de leurs pères au nom de la religion nouvelle, C'est alors qu'il est dans ses réflexions que Saul entends distinctement ces mots : "Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? - Qui es-tu Seigneur ? - Je suis Jésus que tu persécutes" (Ac. 9). On peut dire qu'à partir de cet instant, Saul, que la voix a séduit, pratique une véritable transmutation des valeurs, à laquelle préside le Christ en personne, le Christ qui sur la<span> croix, inverse les signes, en se faisant par la croix, le grand racheteur, le goël annoncé par les prophètes</span>.</p><p>Qu'est-ce qu'un goël ? Dans la loi juive le goël est obligatoirement un parent (père, frère) qui rachète entièrement la dette de son parent : "Tout le fonds que vous posséderez se vendra toujours sous condition de rachat. Si votre frère étant devenu pauvre, vend le petit héritage qu'il possédait, le plus proche parent pourra s'il le veut racheter ce que celui-ci a vendu" (Lévitique 25, 24-25). Il s'agit au fond de l'organisation légale, en cas de faillite, d'une préemption familiale, censée protéger le faillis. Ce qui est extraordinaire, c'est que dans Isaïe, cette prescription légale se sublime. Elle devient la parabole du destin de l'homme avec Dieu. Dieu se dit le racheteur des hommes, il est leur Père, il peut racheter leur dette pour leur conserver leur héritage. Voilà d'où vient le rédempteur, par exemple en Isaïe 41, 14 : "Ne craignez pas ô Jacob qui êtes devenu comme un ver qu'on écrase, ni vous ô Israël, qui êtes comme mort. C'est moi qui vient vous secourir dit le Seigneur, et c'est le Saint d'Israël qui vous rachète" (voir aussi Is. 59, 20). J'ai choisi cette référence, à cause de sa force imagée : Jacob est devenu "comme un ver qu'on écrase". Dans le psaume 21, c'est le Messie, le goël qui prend sur lui ce mépris qui plane sur Jacob (l'autre nom d'Israël) : "Je suis un ver et non un homme, fait dire le psaume au Christ. L'opprobre des hommes et l'abjection du peuple".</p><p>La leçon en tout cas est tout sauf bénigne : radicale. Il ne suffit pas de parler de la malédiction de la loi, comme nous l'avons vu. Il faut ajouter que c'est de cette malédiction de la loi que le Christ, qui est le goël annoncé dans l'Ancien testament, nous rachète, en devenant lui-même maudit et crucifié, pour nous arracher à cette malédiction. Sur la croix, il prend notre place. "Il se fait péché pour nous" dit encore saint Paul. "Il ne retint pas jalousement le rang qui l'égalait à Dieu, mais il se fit obéissant jusqu'à la mort et la mort de la croix" (Phil. 2, 6). Ce n'est pas pour rien que saint Paul insiste sur l'instrument du supplice. C'est le signe de la malédiction que Jésus prend sur lui pour nous en débarrasser.</p><p>Pour entrer dans cette contemplation de la croix, encore faut-il de notre côté, une seule chose : accepter de nous reconnaître nous mêmes en faillite;. Comment le Christ notre frère pourrait-il nous racheter si nous ne reconnaissons pas l'étrange malédiction de la loi et la nécessité où nous sommes de ne plus y croupir. Et donc de nous ouvrir à la foi, c'est-à-dire à l'amour de ce goël, notre frère divin, dont la richesse infinie nous rachète.</p><p><br /></p><p><br /></p><p><br /></p>l'abbé Guillaume de Tanoüarnhttp://www.blogger.com/profile/08887994816317506213noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8345216622203648980.post-91443434540824321862022-01-29T02:05:00.004+01:002022-08-13T16:28:47.847+02:00A souffert sous Ponce Pilate<p>Ni Caïphe, ni Anne, ni Hérode le grand, ni Hérode Antipas n'y sont même mentionnés, alors qu'ils ont tous été des persécuteurs de Jésus, qui depuis sa naissance et sa fuite en Egypte est poursuivi par toutes les polices. La mention est pour Ponce-Pilate ; ce païen, c'est lui qui se retrouve couché dans le texte du Credo. Il ne croit à rien. Devant le Christ, il se prend à grommeler : "Qu'est-ce que la vérité ?" En fait, nous le verrons, cette vérité, il contribue inconsciemment à l'élaborer pour les siècles des siècles, en envoyant Jésus subir ce supplice typiquement romain : la croix. Le persécuteur emblématique - celui à qui appartient la plus grande puissance, au point de s'être cru le maître de la vie et de la mort du Christ, c'est Ponce Pilate, gouverneur romain à Jérusalem. </p><p>Le très spiritualiste tenant de la thèse mythiste (thèse selon laquelle Jésus n'aurait jamais existé) au début du XXème siècle, Paul Louis Couchoud disait : rien ne me gêne dans le Credo sinon cette phrase "a souffert sous Ponce Pilate". Pourquoi cette exception si catégorique dans la bouche de ce grand chercheur ? Parce que toutes les autres parties du Credo, dans cette thèse mythiste, pouvaient à la rigueur, si le Christ n'avait pas existé, être interprétés comme purement spirituelles et Couchoud voulait dire par là qu'il n'avait rien contre la spiritualité chrétienne. Quant à l'expression "A souffert sous Ponce Pilate", à une époque où l'on datait les événement d'après le temps des règnes, il s'agit effectivement d'une indication circonstancielle de temps, "sous Ponce-Pilate", en référence au moment qu'a passé ce haut fonctionnaire romain, dont il est question dans Tacite, à la tête de la province romaine de Judée, en même temps que Jésus y a prêché et y est mort, condamné par lui. </p><p>Paul-Louis Couchoud n'avait rien contre le Credo, comme doctrine spirituelle. Il remettait seulement en cause son historicité, acceptant de parler du "dieu Jésus", tout en plaidant à la fois pour son inexistence et en même temps pour les valeurs qu'il a portées au monde. Finalement, après de longues conversations avec le philosophe chrétien Jean Guitton, Paul-Louis Couchoud revint, par la foi, sur sa conviction première, en acceptant, comme presque tous les experts non chrétiens d'ailleurs, de reconnaître à son tour l'historicité du Christ. </p><p>Paul-Louis Couchoud est mort en 1956. Il me fait beaucoup penser au philosophe contemporain Michel Onfray, qui, dans son Traité d'athéologie, a cherché à se débarrasser du personnage historique du Christ (quitte à s'appuyer en bibliographie, sur des livres parus naguère aux éditions de Moscou et dont la valeur scientifique est nulle). Quand on voit aujourd'hui le même Michel Onfray défendre la civilisation et les valeurs chrétiennes, on s'aperçoit que ce qu'il peut encore dire de l'inexistence historique du Christ, représente, pour lui comme pour Paul-Louis Couchoud, la dernière digue qui puisse lui permettre de continuer à affirmer qu'il n'a pas la foi. Il est conquis par le message, mais il refuse l'existence de celui qui le porte. Résultat ? Le mystère du Christ (pour emprunter une expression de Couchoud) se réduit à des expériences psychiques. </p><p>Quand on croit en l'existence historique du Christ, "qui a souffert sous Ponce Pilate" et qui est ressuscité, on est immédiatement concerné, on vit avec lui sa Passion. Par lui, avec lui et en lui, on croit chacun en sa propre resurrection. La vie chrétienne n'est plus simplement une morale, si élevée soit-elle. Elle est une aventure que nous vivons dans l'esprit du Christ, l'aventure de notre propre métamorphose, la transformation de nos actes les plus modestes en autant de manifestations de la grâce de Dieu et de la vie qu'il veut nous communiquer, au-delà, bien au-delà de ce que nous pouvons attendre de notre biologie. Ce don gratuit d'une vie sur-naturelle, c'est bien ce que Michel Henry, éminent philosophe chrétien, appelle l'amour de Dieu. Il y a, dit Michel Henry, un rapport intime entre la vie et l'amour ; "l'amour en effet n'est que le nom de la vie" (in Paroles du Christ p. 50). Lorsque l'on écrit le mot amour, il faut penser au mot vie. Lorsque l'on se saisit de la vie (et pas seulement pour en écrire le nom), on la rend amoureusement féconde, parce qu'on se saisit de la vie comme d'un trésor et que ce sentiment de posséder un trésor nous fait l'aimer.</p><p>Mais revenons à la passion du Christ. Cette souffrance, loin de diminuer la valeur de la vie, manifeste en elle la puissance de l'amour quand il est capable de se faire offrande. </p><p>Il nous faut d'abord comprendre dans quel esprit Jésus a vécu sa Passion, et pour cela citer l'Evangile du bon pasteur, qui déclare : "Ma vie personne ne la prend mais c'est moi qui la donne" (Jean 10). En consentant à vivre sa Passion, en consentant à offrir sa vie, le Christ veut deux choses : nous donner <b>sa</b> vie, c'est-à-dire nous montrer son amour, et nous donner <b>la</b> vie, c'est-à-dire nous rendre éternels. Il y a des gens qui ont donné leur vie pour une grande cause et parmi eux le Christ ; en ce sens, oui, il nous donne sa vie. Mais le Christ est la seule personne au monde qui en nous donnant sa vie nous a donné la vie qu'il portait en tant que fils de Dieu, la vie éternelle : celle-là, par sa bienheureuse passion, comme dit la liturgie, il nous la partage. </p><p>Je n'invoque pas ici la liturgie au hasard. La messe, nous dit-on, est le sacrifice du Christ sur la Croix. Mais on peut renverser la proposition : le sacrifice du Christ sur la croix manifeste au grand jour le sacrifice de la première messe, au cours de laquelle, devant ses apôtres interloqués, Jésus offre son corps et son sang - son corps livré son sang versé - pour leur montrer la signification de ce qui va se passer le lendemain : le pardon des péchés. Il y a le jeudi saint, où le Christ offre son sacrifice de ses propres mains et il y a le vendredi saint, où le sacrifice, tout aussi réel, devient un supplice horrible, au cours duquel le Christ n'aura pas un seul mot d'explication, ayant tout expliqué la veille de ce testament nouveau pour les siècles des siècles, ce testament sacramentel qu'il nous a laissé en partant.</p><p>Lorsque l'on parle de la souffrance de Jésus sous Ponce-Pilate, il faut d'un même regard embrasser le jeudi saint où il consent à ses souffrances par une offrande intérieure ineffable qui se poursuivra, après le repas, jusqu'au Jardin des Oliviers et dans un même temps surnaturel, le vendredi saint, où la versatilité du peuple fait payer à Jésus l'incompréhension qu'il a suscité à Jérusalem, par le plus horrible supplice, supplice commandité - c'est le comble de l'ironie - par Ponce Pilate, le procurateur, c'est-à-dire le garant romain de l'ordre en Judée, auteur du plus grand désordre qui soit, cela n'a pas échappé à Nietzsche : la mort (humaine) d'un Dieu.. </p><p>Ce désordre sans nom devient, par la messe, la première pierre de l'ordre nouveau, l'esquisse inversée d'un monde recréé : "Vous ferez cela en mémoire de moi".. Pas de Vendredi saint sans le Jeudi saint, qui nous donne le mode d'emploi pour chaque jour de cet horrible supplice : "vous ferez cela en mémoire de moi". De sa douloureuse passion, le Christ nous demande de ne pas détourner le regard, mais au contraire de l'accomplir à nouveau, de la célébrer nous-mêmes liturgiquement. Pascal a<span> résumé ce mystère à sa manière, toujours impérative : "Le Christ sera en agonie jusqu'à la fin du monde. Il ne faudra pas dormir pendant ce temps-là".</span></p><p><span>A l'image et dans la puissance du Christ, par le mal offert, nous sommes vainqueurs du mal subi, ce scandale du mal qui nous poursuit durant toute notre existence, parce que nous le transformons en sacrifice offert, oui : en amour.</span></p>l'abbé Guillaume de Tanoüarnhttp://www.blogger.com/profile/08887994816317506213noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8345216622203648980.post-19364678815047374752022-01-26T03:59:00.019+01:002022-08-13T16:17:42.594+02:00Est né de la Vierge Marie<p> Les premiers hérétiques, les docètes, estimaient que Jésus ne s'était pas vraiment fait chair, que son incarnation reposait sur un trucage "cinématographique", que quoi qu'il en soi de sa vie terrestre, il n'a pas pu mourir et qu'un ange au dernier moment l'a remplacé sur la croix. Jésus semblait un homme (verbe grec dokein, sembler paraître d'où les docètes), il avait l'apparence d'un homme mais, pour ces docètes, il n'en était pas vraiment un. Il était un "éon" spirituel, quelque chose comme un hologramme, mais pas un humain en chair et en os. </p><p>Cette hérésie se retrouve quelques siècles plus tard dans le Coran, par exemple à la sourate 4 : <span face="sans-serif" style="background-color: white; color: #202122; font-size: 14px;">« Or, ils ne l'ont ni tué ni crucifié ; mais ce n'était qu'un faux semblant [voilà l'hologramme] ! Et ceux qui ont discuté sur son sujet sont vraiment dans l'incertitude : ils n'en ont aucune connaissance certaine, ils ne font que suivre des conjectures et ils ne l'ont certainement pas tué [Au dernier moment un autre être a pris sa place : sa mort sur la croix fut un trucage]. Mais Allah l'a élevé vers lui [Mahomet aussi a été élevé vers Dieu à Jérusalem] Allah est puissant et sage » (</span><span face="sans-serif" style="background-color: white; color: #202122; font-size: 14px;">157-158)</span><span face="sans-serif" style="background-color: white; color: #202122; font-size: 14px;">. On voit ici comment les premiers musulmans ont repris avec enthousiasme les croyances des chrétiens docètes ou gnostiques, fermement rejetés comme hérétiques dès la primitive Eglise.</span></p><p><span face="sans-serif" style="background-color: white; color: #202122; font-size: 14px;">Ce qui vaut pour la crucif</span><span face="sans-serif" style="background-color: white; color: #202122; font-size: 14px;">ixion, vaut tendanciellement dès la nativité. Jésus n'est pas seulement "conçu de la vierge Marie". Il n'est pas seulement conception. Jésus n'est pas seulement une idée (compatible avec l'idée de Bouddha, l'idée de Mahomet etc). Il est né au monde. Au niveau des idées, on peut dire que l'on cherche toujours à faire des synthèses, en ajoutant ou en comparant toutes les idées les unes aux autres. Mais Jésus n'est pas une idée, qu'on pourrait ajouter à d'autres idées pour trouver une issue à la condition humaine. Il est une réalité unique en son genre, sa divino-humanité ne fait nombre avec aucun autre. Et c'est pour cela qu'il est si important de reconnaître qu'il est né : il est vrai homme. Dans ce sens, on peut comprendre la parole transmise par Dieu à sainte Angèle de Foligno</span><span style="background-color: white; color: #202122; font-size: 14px;"> : "Ce n'est pas pour rire que je t'ai aimée". Mon amour est tel qu'il m'a été impossible de faire semblant, nous dit Jésus. Le Fils de Dieu partage notre vie humaine "pour de vrai", il a, à lui tout seul, transformé notre histoire. Dans sa propre vie de triomphateur supplicié, il a pris plus que son lot de nos tragédies. En tant que Dieu, cela ne lui était pas possible, il ne pouvait expérimenter ni la souffrance ni l'amour sacrificiel. Il a bien fallu qu'il naisse au monde pour nous montrer son amour dans un langage que l'Infini divin ne pouvait pas utiliser, mais que le Dieu réellement fait homme a su nous tenir, de façon tellement éloquente !</span></p><p><span style="background-color: white; color: #202122; font-size: 14px;">Le Christ n'est pas seulement une Parole. Il n'est pas seulement le Verbe, il est le Verbe fait chair. Et c'est pourquoi sa parole est tellement belle, tellement complète. Elle est une sagesse immédiatement pratiquée, dont la croix est comme l'étendard. Cette sagesse, les docètes veulent se l'approprier, en en retenant les belles paroles. Dès le IIème siècle, Marcion, lui qui est prêtre (presbuteros), cède à la tentation cléricaliste, se voyant sans doute devenir quelque chose comme un gourou. En mettant de côté la réalité de cet enfant, en oubliant qu'il a pris chair de la Vierge Marie, en refusant de voir quel amour il y a dans une telle fragilité volontaire, les docètes comme les gnostiques espéraient bien faire à leur idée avec les belles paroles de ce message qu'ils ont pensé s'approprier grâce à l'éloquence qu'ils avaient apprise dans les Ecoles hellénistique de leur jeunesse. Marcion, prêtre gnostique, ne gardera de l'Evangile qu'une certaine idée (fortement hellénisée), dont il fera une pure spiritualité, en ôtant au Christ toute réalité historique.</span></p><p><span style="background-color: white; color: #202122; font-size: 14px;">Le grand théologien africain Tertullien a écrit tout un petit livre sur ce qu'il appelle la chair du Christ : de carne Christi. Il cite Marcion et critique cette gnose qu'est le marcionisme : </span></p><p><span style="background-color: white; color: #202122; font-size: 14px;"><span> </span>"Je nie, déclare Marcion cité par Tertullien, que Dieu ait jamais été changé en homme, jusqu'à naître et prendre un <span> </span><span> </span>corps, parce que l'être sans fin est nécessairement immuable : aussi se changer en un être nouveau, c'est détruire le <span> </span><span> </span>premier. Donc l'être qui ne peut finir [Dieu] est incapable de changement". </span></p><p><span style="background-color: white; color: #202122; font-size: 14px;">Son incarnation ne peut être qu'un (faux) semblant. Pour Marcion, chrétien mais grec jusqu'au fond de lui-même, l'incarnation n'existe pas. Ou alors, elle pourrait à la limite être l'une de ces métamorphoses que décrit le poète païen Ovide et qui changent seulement l'apparence des dieux et des déesses. Jupiter, pour mener à bien ses aventures galantes, était un champion de la métamorphose. "Selon Marcion, affirme Tertullien, on admettrait plus facilement un Jupiter changé en taureau ou en cygne, qu'un Christ fait homme", comme si l'incarnation, à l'image des métamorphoses de Jupiter, ne devait être au mieux qu'une apparence : Jupiter changé en taureau pour séduire la nymphe Europe. Le Christ de Marcion, changé en une apparence d'homme pour ne pas effaroucher l'humanité.</span></p><p><span style="background-color: white; color: #202122; font-size: 14px;">Le christianisme authentique n'a que faire de ce jeu d'apparence ou d'idéalisation, jeu que l'on retrouve d'ailleurs au XXème siècle dans la théorie de la démythisation chère à Rudolf Bultmann, comme elle a été chère d'une autre façon à l'idéalisme allemand du XIXème siècle, je veux dire par exemple au Fichte de L'initiation à la vie bienheureuse ou au Hegel de la Phénoménologie de l'esprit, deux penseurs qui ne retiennent du christianisme qu'une spiritualité a-dogmatique, une sorte d'idéal religieux, sans création et sans incarnation. Aux antipodes de cet idéalisme, le christianisme orthodoxe déclare que le Christ n'est pas une idée ou un Message, qu'il est vraiment "né d'une femme" comme dit saint Paul (Gal. 4, 4) . Si le christianisme ne revendique plus l'histoire des hommes comme théâtre et l'incarnation comme l'événement nouveau, humainement improbable qui fait basculer l'histoire du monde, il devient la propriété exclusive des rhéteurs et autres fabricateurs d'idées. Il n'est jamais qu'une idée de plus dans le grand magasin de la culture mondiale. C'est ce que le modernisme voudrait qu'il soit. C'est ce qu'il ne peut pas être.</span></p><p><span style="background-color: white; color: #202122; font-size: 14px;">L'incarnation n'est pas une apparence. La métamorphose grecque ne s'applique pas au fils de Dieu, comme si toute sa geste salutaire n'était qu'une apparence, simplement une idée et non une réalité. Le Concile de Chalcédoine qui conclut les conciles christologiques (le premier réuni à Nicée en 325) a ces mots définitifs sur l'incarnation : Verus homo vero unitur Deo. "Un homme véritable est uni au Dieu véritable". Ce que signifie l'adjectif verus ici, c'est d'abord la réalité de l'incarnation, qui renvoie à la réalité de la création d'un être absolument unique, à la fois Dieu et homme. Il y a dans le caractère humano-divin du Christ, un seul sujet une personne, qui est divine, qui est le "Je suis" proféré par Dieu devant Moïse au désert, ce Je suis que Jésus reprend à son compte à plusieurs reprises : "Avant qu'Abraham fut, je suis"(Jean, 8, 58) ; ou encore : "Si vous ne croyez pas que je suis, vous mourrez dans vos péchés" (Jean 8, 24). Quand le Christ dit "Je", c'est Dieu qui dit Je. Mystère insondable du Dieu qui a pris chair de la vierge Marie.</span></p><p><span style="background-color: white; color: #202122; font-size: 14px;"><span>C'est la subjectité du Christ, c'est l'existence divine du Christ, ce Je éternel, qui rend possible sa "subsistance infinie"(Cajétan), par laquelle il fait exister son humanité à lui, ainsi que l'humanité des sauvés qui par leur foi en lui, acquièrent eux-aussi cette éternité du Je suis. Cette </span></span><span style="background-color: white; color: #202122; font-size: 14px;">subsistence divine du Christ est la marque de la personne, assumant dans son infinie présence, la métamorphose des hommes sauvés en fils de Dieu. Cette subsistance (un infini d'existence) fait exister la nature humaine du Christ dans sa personne divine et elle fait exister tous les sauvés dans une nouvelle existence - surnaturelle, non pas biologique mais pneumatique - je veux parler de l'existence divine, qui appartient au Christ et qui circule chez les sauvés par la grâce du Christ tête de l'humanité nouvelle. </span></p><p><span style="background-color: white; color: #202122; font-size: 14px;"><span>Cette circulation de la grâce capitale du Christ fait que nous pouvons dire avec saint Paul : "Pour moi, vivre c'est le Christ"(Phil. 1, 20). Lorsqu'il nous dit cela saint Paul prend les mots qu'il emploie au pied de la lettre. Il ne nous dit pas seulement, comme pourrait le signifier un passionné que, pour lui, la vie <i>se réduit</i> à l'objet de sa passion, en l'occurrence le Christ (comme, pour d'autres la vie peut se réduire à leur collection de timbres). Il dit que la vie ne peut lui être donnée que par et dans le Christ et qu'en dehors de cette option pour le Christ, le dernier mot revient à la mort. Au contraire, dans le Christ, même "le fait de mourir m'est un gain" (Phil. 1, 21) comme le note saint Paul encore.</span></span></p><p><span style="background-color: white; color: #202122; font-size: 14px;">Le Verbe a pris chair, et comme le dit Tertullien, ce faisant, il a sauvé la chair. Plus personne ne peut dire que la chair est impure. Et personne ne peut plus dire que le but de la chair, c'est obligatoirement la pourriture (saint Paul, grec phtora Gal. 6 : "celui qui sème dans la chair récolte de la chair la pourriture" ). La chair a été sauvée de la pourriture par le Verbe : "Le corps semé corps psychique ressuscite désormais corps pneumatique" (I Cor 15, 45).</span></p><p><span style="background-color: white; color: #202122; font-size: 14px;">Ce réalisme de l'incarnation ne s'étend pas seulement au salut de toutes chairs. Il modifie la manière de voir la naissance du Christ lui-même. De la même façon, alors que, dans la Genèse, l'accouchement dans la douleur semble faire partie du châtiment de la femme après le péché originel, si matérielle que soit finalement la mise au monde de Jésus, car c'est en elle que l'on peut dire : le Verbe se fait chair, elle est différente de toutes les autres naissances. Elle se trouve purifiée par l'enfant. Bien avant la péridurale, elle s'est effectuée sans douleur. L'enfant divin respecte l'hymen de sa mère et par là son propos ferme de virginité. C'est ce que l'on appelle pudiquement la virginité de Marie "au cours de l'enfantement", virginité in partu (selon l'expression des théologiens, qui rappellent le caractère absolument surnaturel de cette naissance et de cet accouchement). </span></p><p><span style="background-color: white; color: #202122; font-size: 14px;"> De même qu'il faut avoir à l'esprit le caractère naturellement surnaturel du Christ, Dieu fait homme, il faut reconnaître que l'intervention comme mère de la Vierge Marie est quelque chose d'intrinsèquement surnaturel. Marie porte l'objet de sa foi caché dans son corps de vierge !</span></p><p><span style="background-color: white; color: #202122; font-size: 14px;">Vous me direz peut-être : tout cela n'est que vaticinations de théologiens. L'Ecriture ne dit rien de tel. Eh bien ! Les travaux d'Ignace de La Potterie ont changé tout cela (voir son livre : Marie dans le mystère de l'alliance). L'exégète jésuite invoque les dires </span><span style="background-color: white; color: #202122; font-size: 14px;">de Tertullien, pour souligner que ce fait (la virginité au cours de l'enfantement) se trouve affirmé au verset 13 du Prologue de l'Evangile de Jean. </span></p><p><span style="background-color: white; color: #202122; font-size: 14px;">Mais n'allons pas trop vite en besogne. D'abord, on constate que Tertullien, toujours lui, (vers 200) met en doute le contenu du verset 13 du premier chapitre de l'Evangile de Jean, texte dans lequel il soupçonne la possibilité d'une réécriture gnostique, comme cela se pratiquait souvent à l'époque. De fait, précise-t-il, en attribuant à l'ensemble des hommes sauvés le fait de "ne pas être né du sang ni de la volonté de la chair ni de la volonté de l'homme mais de Dieu", le texte actuel pourrait cacher une propagande gnostique, marquée par le dualisme entre ceux qui ne sont pas nés du sang et ceux qui, corrompus, sont des êtres matérialisés et définitivement pécheurs. Si on considère que le pluriel (ceux qui ne sont pas nés des sangs...) est en réalité un singulier, parce que seul le Christ vérifie cette phrase, comme l'explique Tertullien, les difficultés de lecture de ce passage vont se volatiliser. En effet, c'est le Christ et lui seul qui n'est pas né des sangs ni de la volonté de la chair mais de Dieu.</span></p><p><span style="background-color: white; color: #202122; font-size: 14px;">Le Christ n'est pas né de la volonté de la chair puisque sa mère est vierge, ni de la volonté d'un homme puisque sur </span><span style="background-color: white; color: #202122; font-size: 14px;">ce point saint Joseph est hors course (voir méditation précédente). Quant à l'expression ex aimasi en grec, ex sanguinibus, en latin, où le terme sang se trouve bizarrement utilisé au pluriel, la lecture que fait Tertullien en appliquant au Christ le verset 13 : "lui qui n'est pas né des sangs", fournit une explication christologique de cette apparente bizarrerie : sangs au pluriel, cela renvoie dans les langues sémitiques au sang menstruel et indiquerait donc une naissance miraculeuse. Dieu respecte tellement la virginité de Marie qu'il la lui a conservée dans la naissance de son fils, qui n'est pas né "des sangs". Qui est venu au monde miraculeusement. </span></p><p><span style="background-color: white; color: #202122; font-size: 14px;">Il est frappant de constater qu'un thème aussi difficile d'approche que la virginité de Marie da</span><span style="color: #202122; font-size: 14px;">ns l'enfantement bénéficie aujourd'hui, grâce aux travaux des exégètes, d'un ancrage solide dans l'Ecriture, qui en fortifie la position. N'est-ce pas de l'écriture que provient la Révélation, transmise droitement par l'Eglise ? Comment se fait-il que pendant presque deux millénaires, on a transmis le pluriel grec aimasi sans être capable de l'expliquer, mais sans pour autant, que les copistes ne se permettent de remettre ce mot "sang" au singulier ? C'est toute la tradition qui se trouve comme confirmée par les études scripturaires. Force est d'apercevoir que la Tradition mariale en particulier, possède toujours de solides expressions dans l'Ecriture. Je pense, pour prendre un autre exemple que celui qui nous occupe, au dogme de l'assomption décrété en 1950 par le pape Pie XII. Marie enlevée au ciel ? C'est justement ce que nous montre le chapitre 12 de l'Apocalypse, la décrivant (elle Marie et non une autre femme : voir le verset 5) comme "un grand signe dans le ciel, une femme revêtue du soleil" et se servant comme de parures des autres éléments du monde, la lune et les étoiles.</span></p>l'abbé Guillaume de Tanoüarnhttp://www.blogger.com/profile/08887994816317506213noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8345216622203648980.post-74927128421402605182022-01-20T01:13:00.003+01:002022-08-12T18:32:11.245+02:00Qui a été conçu du Saint Esprit<p> Après avoir donné à Jésus les titres à travers lesquels on peut essayer de comprendre son mystère divino-humain, le Credo remonte, avant même sa naissance à sa conception dans le sein de sa mère. Toute naissance est un miracle, mais, ordinairement, la conception, que l'on appelle aussi procréation, parce que le Créateur a donné à ses créatures un blanc seing pour croître et se multiplier, est le fait d'un homme et d'une femme. Cette fois, unique entre toutes les fois, parce que Marie a voulu rester vierge, c'est-à-dire rester disponible pour l'amour de son Seigneur, Dieu, respectant infiniment cette aspiration de sa créature, a modifié l'ordre habituel des choses. "Ne saviez-vous pas qu'il faut que je sois aux affaires de mon Père ?" avait dit l'Enfant à Marie et Joseph, médusés après sa fugue au Temple. L'ange de Dieu avait garanti ce point au jour de l'Annonciation : il n'y a pas contradiction entre son projet de virginité et la volonté divine selon laquelle Marie doit être la mère du Messie. Gabriel le lui a dit clairement : "L'Esprit saint surviendra sur toi et la puissance du très Haut te couvrira de son ombre, c'est pourquoi l'être saint qui naîtra de toi sera appelé Fils du Très Haut".</p><p>Ce goût de la chasteté qu'entretient Marie, ce voeu de virginité qu'elle a mystérieusement porté devant Dieu, on le note - il crève les yeux -dans son extraordinaire dialogue avec l'ange au jour de l'annonciation : Lorsque l'évangéliste saint Luc fait les présentations, il nous dit que Marie est "fiancée [ou promise] à Joseph; Lorsque l'ange lui annonce que sa postérité sera appelé "fils de David", alors que ce Joseph - les généalogies évangéliques nous le montrent en Matth.1 et Luc 3 - est justement descendant en ligne directe de David par les mâles (elle ne peut pas l'ignorer), mais elle répond sûre d'elle-même : "Comment en sera-t-il ainsi, comment serai-je mère, puisque je ne connais point d'homme ?". Dans la bouche de Marie cela signifie "Je ne veux pas en connaître". Il n'y a pas d'autre solution pour comprendre le texte.</p><p>C'est à ce moment que l'ange lui certifie que Dieu même prend en compte son désir de virginité, qu'elle concevra du Saint-Esprit. "L'Esprit saint surviendra sur toi et la puissance du très haut te couvrira de son ombre".</p><p>Pourquoi cette volonté de virginité dans le coeur de Marie ? Non pas parce que la sexualité aurait, dans le mariage quelque chose d'impur, au contraire : les époux dans l'acte sexuel participent quoi que de façon aléatoire à la création. Je crois qu'il y a deux raisons dans le coeur de Marie : d'abord, elle est habitée par Dieu, par la beauté et par la joie de Dieu. Le chant du Magnificat montre que comme dit Luther, "Marie a fait l'expérience de la joie", d'une joie qui vous remplit à mesure que vous vous consacrez à elle et qui s'éloigne si vous vous éloignez d'elle. Deuxième raison : son coeur est trop large pour se contenter de sa progéniture physique. Elle a été créée - c'est sa vocation de toujours - elle a été annoncée comme la nouvelle Eve, la mère de tous les humains (cf. Genèse 3, 15 et Apoc. 12, 5). Ce n'est pas pour réduire son coeur à un amour maternel, si beau soit-il. D'instinct, Marie (la première chrétienne dixit Luther, une chrétienne avant le Christ, à l'image de ses pauvres de Yahvé parmi lesquels elle a grandi)) a besoin de plus que d'une intimité purement charnelle avec quelques rejetons. Son coeur est universel. </p><p>N'est-ce pas le message que fait passer Jésus à sa mère de son côté : "Qui sont ma mère et mes frères ? Ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la gardent". Marie n'était p<span>as faite pour mettre au monde une portée de mouflets. Elle est mère du Christ, dans des conditions très particulières. Elle est aussi notre mère à tous, comme nous le révèle le chapitre 12 de l'Apocalypse, évoquant au verset 17, "le reste de la descendance de la femme".</span></p><p><span>Je garde une surprise lexicale pour la fin : dans Apoc 12, 17, l'original grec du mot descendance est sperma. Curieux d'affubler une femme d''un sperma. Cette curiosité on la trouve déjà, comme par hasard, dans Genèse 3, 15, texte auquel nous avons déjà fait référence, texte qui annonce la nouvelle Eve, ennemie personnelle du diable : Dieu dit au Serpent (qui est Satan) : "Je mettrai une inimitié entre toi et la femme, entre ton sperma de petits démons et son sperma, son germe rédempteur". Ces deux textes que l'on ne peut pas ne pas rapprocher l'un de l'autre (Gen. 3, 15 et Apoc 12, 17), nous montrent la fécondité de Marie dans son propos de virginité. Elle porte à tous les humains, qui constituent le reste de sa descendance, la semence recréatrice. Celle qui a conçu du Saint Esprit jouit d'une fécondité infinie, qui laisse comprendre et sa virginité dans l'enfantement du Messie et sa maternité sans limite, parce que c'est une maternité selon l'esprit, qui ne connaît pas les limites de la chair. Une maternité christique.</span></p><p><span>Je vous laisse méditer sur un rapprochement : Jeanne d'Arc a fait très tôt un voeu de virginité, à 13 ans dit-on. Parce qu'elle avait été fiancée à un jeune homme, elle a dû, toute jeune encore elle-même, soutenir un procès qui lui était fait de la part de ce jeune homme qui ne pouvait pas se résoudre à la perdre (on le comprend). En même temps son dévouement à la communauté des hommes était sans limite. Son coeur, à l'image de celui de Marie, n'avait pas de limite, elle l'a montré le jour de son brûlement. A son grand dam, l'Anglais qui était préposé à brûler totalement le corps de Jeanne ne put pas brûler son coeur. Il dut se contenter de le jeter dans la Seine. Que reste-t-il, jusqu'au bout de Jeanne la Pucelle, comme elle se nommait elle-même fièrement ? Son coeur que le feu dut laisser intact.</span></p>l'abbé Guillaume de Tanoüarnhttp://www.blogger.com/profile/08887994816317506213noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8345216622203648980.post-52193030443213413602022-01-11T10:53:00.002+01:002022-08-12T18:26:39.843+02:00Notre-Seigneur<p>Jésus prenant conscience de sa dignité de Fils unique, est appelé "Seigneur et Christ". "Ce Jésus que vous avez crucifié, Dieu l'a fait Seigneur et Christ" dit saint Pierre aux Juifs, dans les premières pages des Actes des apôtres (Ac. 2, 36). Dieu ! Il ne s'agit pas de je ne sais quelle hyperbole trop humaine. Il s'agit du plan divin.</p><p>Nous savons ce que signifie Christ (voir la méditation qui porte ce titre), et pourquoi pour désigner le Mashiah (messie) les chrétiens ont très tôt préféré à l'original hébraïque le terme grec, christos, qui signifie l'oint de Dieu. Un titre royal certes, mais qui renvoie, en grec, à la royauté spirituelle telle que la décrit le prophète Daniel à propos du "Fils de l'homme" (Daniel 7, 13-14). Le mot grec permet aux chrétiens qui l'utilisent, de ne pas confondre la messianité du Christ avec celle que professaient les juifs du temps de Jésus et - ce qu'il y a de plus fort - parmi les juifs les apôtres eux-mêmes. "Seigneur c'est maintenant que tu vas rétablir la royauté pour Israël ?"(Ac. 1, 6) demandent-ils collectivement 40 jours après la résurrection. Etrange question qui montre bien que le Messie est attendu par tous les juifs comme un roi temporel. Ce que les princes des prêtres et les anciens du peuple n'ont pas supporté au point de condamner Jésus à mort chez Caïphe le grand prêtre, c'est qu'"il se soit fait l'égal de Dieu" tout en refusant la dimension politique et militaire attaché au titre de Meshiah. L'élite juive n'a pas supporté que Jésus refuse cette mission politique, que le peuple attendait face aux Romains et monte sur un âne pour entrer dans Jérusalem. Quant à l'élite chrétienne (les premiers apôtres), ils n'ont tout simplement pas compris que cette royauté du Christ ne puisse être que spirituelle, et que, spirituelle, elle soit plus vraie, plus attirante, plus universelle. Ils montrent anonymement leur incompréhension, parce que, tous réunis, alors que le Christ, ressuscité des morts, s'apprête à quitter la terre, ils posent cette question renversante sur le rétablissement de la royauté pour Israël, comme un vieux chouan, demanderait à Jésus revenu au monde "chez nous", comme dans la chanson de Botterel, s'il n'était pas le grand Monarque.</p><p>Marie, elle, enferme le mystère spirituel du Christ dans son corps de vierge-mère. Elle avait reçu cette parole de l'ange Gabriel, qui fait ici écho au prophète Daniel : "Il règnera sur le trône de David son père et son règne n'aura pas de fin" (Lc 1, 30). Marie est la seule à comprendre l'identité surnaturelle de son fils : elle sait de la science certaine que donne la foi que son fils n'est pas roi de la même façon que les autres rois ; n'est pas le messie au sens où l'entendent ses proches, n'est pas un homme comme les autres hommes. C'est cette science surnaturelle à laquelle sa virginité la conduit tout simplement. On peut dire qu'elle en sait plus que les apôtres, qu'elle est la seule à savoir.</p><p>Comment l'appeler ce Christ ? Quel titre lui donner ? Comment s'adresser à lui ? Question que se sont posée les apôtres dès le début.</p><p>Nous constatons qu'ils l'ont résolue souvent en l'appelant le Seigneur : ho kurios. Voici une liste des références évangélique où lui-même, où ses apôtres lui donnent ce titre. Lc 2, 11 ; 7, 13 ; 10? 1 ; 10, 39 ; 10, 41 ;11, 39 ; 12, 42, 13, 15, 17, 5 etc. On a l'embarras du choix. Mais je citerai d'abord Matth. 12, 8 "Le Fils de l'homme est Seigneur (kurios) même du sabbat". Cette référence en Matthieu est précieuse parce qu'elle est rare chez lui, mais qu'il la met dans la bouche même du Christ, qui se donne à lui-même le titre de Fils de l'homme, voir plus haut). Le sabbat est le jour du repos divin. Si le Fils de l'homme est seigneur du Sabbat, ce ne peut être qu'au sens où lui-même il est Dieu, "Seigneur", comme maître du jour où Dieu se reposa. Dieu seul est maître de son repos... Ce nom, donné au Christ est rare chez saint Matthieu, mais il est parfaitement explicite ; il renvoie à Dieu même. Il ne faut pas oublier que l'expression "le Seigneur" renvoie au tétragramme sacré qui forme Yahvé, un nom que le Grand prêtre ne prononçait qu'une fois par an, pour le grand pardon, dans e saint des saints, un nom que l'on ne sait plus écrire, parce que dans la lecture de l'Ecriture, Yahvé était remplacé par Adonai. Traduit par les Septantes, cela donne Kurios en grec. Dans le latin de saint Jérôme : Dominus. En français : le Seigneur. C'est le mot qui renvoie à Dieu lui-même, le mot qu'utilise saint Etienne au cours de son martyr : "Seigneur ne leur impute pas ce péché" (Ac. 7, 59). Et c'est en même temps le mot qu'utilise les deux soeurs Marthe et Marie, pour définir la relation qu'elles entretiennent avec leur mystérieux ami (Lc 10, 39-41).</p><p>En même temps kurios est un nom utilisé par les païens, en particulier en Orient, pour désigner l'homme ou la femme de pouvoir et le caractère absolu de son pouvoir. Le Pharaon, le Roi des rois, l'empereur romain même sont des dieux. Saint Paul explique merveilleusement la chose dans sa première épître aux Corinthiens, 8, 4 sq. : je le cite assez au long, dans la traduction proposée par Lemaitre de Sacy : "Nous savons que les idoles ne sont rien dans le monde et qu'il n'y a nul autre Dieu que le seul Dieu. . Car encore qu'il y en ait qui soient appelés Dieu soit dans le ciel ou dans la terre et qu'ainsi il y ait plusieurs dieux et plusieurs seigneurs, il n'y a néanmoins pour nous qu'un seul Dieu qui est le Père de qui toutes choses tirent leur être et qui nous a faits pour lui ; et il n'y a qu'un seul Seigneur, qui est Jésus-Christ, par qui toutes choses ont été faites, comme c'est aussi par lui que nous sommes tout ce que nous sommes". Un seul Dieu Père de tout, un seul Seigneur, créateur du monde. Le Fils est la Pensée ou l'art du Père comme dira saint Augustin plus tard. Il est Seigneur, non pas au sens où il y a plusieurs seigneurs sur la terre, mais au sens où le comprend tout lecteur de l'Ancien Testament, au sens où Seigneur est le nom du Dieu unique : les juifs lecteurs de la Bible se gardent bien de prononcer le nom divin, que nous avons maladroitement vocalisé "Yahvé". Les juifs pieux lorsqu'ils aperçoivent le tétragramme imprononçable ne le lisent pas et ils disent : Adonaï ! Le Seigneur.</p><p>Pourquoi parle-t-on, dans saint Paul comme dans le Credo, de Notre Seigneur ? Il me semble que l'on peut faire le rapprochement avec le Nom divin que donne Isaïe, 7, 14 :"On l'appellera Emmanuel, c'est-à-dire Dieu avec nous". L'une des premières formules qui apparaissent dans la liturgie est celle-là : Dieu avec nous ! Le Seigneur avec nous ! Notre Seigneur. Dieu a emprunté le chemin des hommes en se faisant homme, mais c'est pour que les hommes puissent emprunter le chemin de Dieu, sans crainte de l'appeler "Notre Seigneur". "Si Dieu n'était pas notre bien, dit quelque part saint Thomas d'Aquin, nous ne serions pas obligés de l'aimer". Dieu notre Seigneur se fait nôtre. Il nous rend ainsi ses obligés, il nous oblige à lui rendre amour pour amour, à prendre la même voie que lui qui s'est fait homme, mais en sens inverse : pour que nous devenions Dieu. Il y a tout cela dans l'audace de cet adjectif possessif : notre Seigneur !</p><p> </p>l'abbé Guillaume de Tanoüarnhttp://www.blogger.com/profile/08887994816317506213noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8345216622203648980.post-33983913952785222122022-01-05T17:50:00.002+01:002022-08-12T18:15:07.270+02:00L'islam et les fils de Dieu<p> L'islam ne veut pas entendre parler de "fils de Dieu". Il n'admet aucune fécondité de Dieu. Dieu est ce qu'il est, inconnaissable, sinon par ses récompenses et ses châtiments, qui pourtant ne sont pas lui mais ce qu'il aura voulu donner - positif ou négatif - à qui il le veut. Parmi les plus anciennes sourates du Coran, la 112, qui déclare de façon lapidaire : "Dis : Allah lui est unique. Allah, lui l'impénétrable. Il n'a pas engendré. Il n'a pas été engendré. Il n'y a pas un qui lui soit égal". Le Dieu de Mahomet pourrait être celui de Parménide : "l'être est". Il ne se mélange pas au fini. Il reste "impénétrable", inconnaissable, au fond il est absent. Absent des événements terrestres pour lesquels il n'est qu'indifférence. Absent dans son propre paradis, peu sensible lui-même aux plaisirs qu'il y offre. Volonté pure qui nous laisse nous débrouiller "avec le mal qu'il a créé" (Sourate 113).</p><p>Le christianisme, en opposition avec ce monde parménidien qui est celui de l'islam, nous aide à concevoir un Dieu qui n'est pas impénétrable ni identique à lui-même à perpétuité, il nous offre un monde où l'éternité est construite par le temps, qui est lui-même, comme l'ont vu les philosophes, Bergson avant Heidegger et plus clairement que lui, la plus discrète, l'augurale manifestation de l'être comme créé. Dans cette métaphysique du temps, le dessein divin advient petit à petit à sa créature, où le mal ne vient pas d'un caprice divin mais, comme l'a très bien vu Malebranche, du côté non-finie de la création, c'est-à-dire paradoxalement de la fécondité éternelle de Dieu, qui ne cesse d'envoyer son verbe dans la matière infiniment pénétrable.</p><p>Le christianisme authentique se garde pourtant d'imaginer le changement dans la nature divine elle-même, comme peut y avoir tendance certaine théologie allemande d'aujourd'hui, théologie qui commence d'ailleurs très tôt, au XIIIème siècle en Italie, avec Joachim de Flore, condamné sous Innocent III, parce qu'il avait posé du mouvement en Dieu. Du point de vue de sa nature, Dieu est sans cesse égal ou identique à lui-même. "Il n'engendre pas, il n'est pas engendré. Il n'est pas communiqué", comme le précise le concile de Latran IV (cf. Denzinger Sch. 803-808). Ce n'est pas la nature divine, c'est la personne du Père qui engendre et dont le propre est d'engendrer, c'est la personne du fils qui est engendrée et dont le propre est de recevoir du Père ce qu'il est. Et c'est la troisième personne qui communique les deux autres dans le même Esprit. Ainsi Dieu trois personnes est-il essentiellement relations. Ce Dieu à la fois et rigoureusement un et trois, faisait dire au Père Congar : "La source est plurielle" (cf. Diversité et communion) et elle EST plurielle parce qu'elle EST une en trois. La source est plurielle, cela ne signifie pas qu'il y a trois sources ou trois sujets divins mais qu'au coeur de l'être-Dieu, s'affirme comme un nous, ce qui permet de comprendre pourquoi Dieu, le Dieu unique est amour en lui-même. Cette Histoire s'étend, en surplomb éternel de tout événement, comme le Christ l'a racontée (cf. méditation précédente) : paternité et filiation dans l'Infini divin.</p><p>Ce Mystère des trois personnes divines, même présenté avec le maximum de rigueur en distinguant (c'est classique dans la théologie romaine) le point de vue de la nature divine, qui n'engendre pas et n'est pas engendrée, et le point de vue des personnes, comme nous venons de le faire, ce Mystère l'islam le rejette absolument. Pas de fécondité en Dieu. Pas de fils, pas de fille, pas de compagne en Dieu. C'est que pour le Bédouin, il n'y a pas de fécondité autre que la sexuelle au fond : que l'humaine. Le Coran se permet même des tranches d'ironie à l'occasion sur ce chapitre: " Lui qui a tout créé, comment aurait-il un enfant sans avoir de compagnes ?" (Coran VI, 101). Ma foi... Je crois que la réponse est dans la question... S'il a tout créé, c'est qu'il n'avait pas besoin de compagne pour se montrer fécond. Et encore : "Que sa majesté soit exaltée, il n'a pris pour lui ni compagne ni fils" (Coran LXXII, 3). Pourquoi Dieu, qui a tout créé, aurait-il besoin d'une femme pour être fécond ? Ou bien, et c'est la question que pose Marie à l'inverse à travers sa virginité (reconnu par le Coran), est-il besoin d'un homme pour féconder une femme, dont le fruit des entrailles est le créateur du monde ? Mais non les musulmans n'en démordent pas, leur dieu n'est pas fécond par lui-même. Sa terrible solitude est stérile. Le monothéisme islamique (celui qui exclut que rien ne vienne rompre la solitude divine, celui du dieu impénétrable) est en réalité extrêmement dangereux, car il enferme Dieu en lui-même quitte à en faire un psychopathe.</p><p>La même chose en moins drôle sur la solitude d'Allah :"Ne mets point avec Allah d'autres divinités, car tu serais méprisé et délaissé" (Coran XVII, 23). On touche au thème des associateurs. De quoi s'agit-il ? La sourate 5, 72 est explicite sur ce dont il s'agit, sur le sort des associateurs d'abord :"O enfants d'Israël, adorez Allah, mon Seigneur et votre Seigneur. Allah interdit le paradis à quiconque attribue des associés à Dieu. Sa demeure sera le feu. Il n'existe pas de défenseur pour les injustes". Sur l'identité de ces associateurs ensuite : le verset suivant est parfaitement clair, ce sont les chrétiens : "Oui ceux qui disent Dieu est en vérité le troisième de trois sont impies"(5, 73).</p><p>Un système métaphysique qui enferme Dieu en lui refusant d'avoir un fils, ou en lui refusant d'avoir des fils (Sourate 5, 21) est un système qui condamne Dieu, en raison de sa perfection, à la stérilité. Stérilité spirituelle qui peut devenir aussi celle de ceux qui croient en lui, comme en témoigne la rigidification de l'islam depuis mille ans.</p>l'abbé Guillaume de Tanoüarnhttp://www.blogger.com/profile/08887994816317506213noreply@blogger.com0