mardi 24 mai 2005

Mascaret/La Palombière: "A propos du Centre Saint Paul"

Repris du site du Mascaret, Bulletin Catholique Girondin

- M. l'abbé, sans vouloir vous offenser, quelle drôle d'idée avez-vous eu de créer un Centre Culturel Chrétien dans la capitale !

Je ne sais pas si, vu de Bordeaux, il s'agit d'une drôle d'idée, mais en tout cas, depuis l'ouverture, le moins que l'on puisse dire c'est que les Parisiens sont au rendez-vous. Malgré les vacances, nous avons eu le 1er mai, fête de Saint Joseph, une inauguration en fanfare, avec la communion donnée dans la rue par M. l'abbé Barthe, tellement les fidèles se pressaient à l'intérieur. Et l'on peut dire que le succès ne se dément pas, que ce soit à la messe ou aux conférences, avec sans cesse de nouvelles têtes aux diverses activités proposées...

- Pourquoi insister ainsi sur les « nouvelles têtes » comme vous dites ?


Parce que le but du Centre Saint Paul n'est pas de constituer une paroisse bis ter ou quater mais d'être un foyer ardent de vie chrétienne, un lieu où l'on vient se ressourcer, bref un Centre de passage. Nous avons bien sûr une petite communauté extrêmement soudée et chaleureuse, mais il ne s'agit pas de la laisser se refermer sur elle-même. Nous voulons accueillir quiconque se présente, qu'il vienne pour la première fois ou qu'il soit un visiteur occasionnel. La question qui se pose, c'est : comment évangéliser aujourd'hui ? Comment « passer sur l'autre rive » selon le mot de saint Paul dans les Actes des apôtres  ? Et la première chose que nous devons garder à l'esprit, c'est que l'apôtre n'évangélise pas pour lui-même : autre est celui qui sème autre le moissonneur dans le champ du Seigneur. Il me semble qu'un bon moyen de semer, c'est de diffuser la culture chrétienne, aujourd'hui largement mise sous le boisseau non seulement à cause des choix arbitraires opérés par l'enseignement laïque dans notre culture nationale, mais parce que ceux qui devraient être les champions de cette culture chrétienne sans complexes, ne la connaissent pas, n'en ont pas saisi la richesse ni le pouvoir d'attraction. Etre chrétien aujourd'hui, non seulement c'est nécessaire, d'une nécessité de salut, mais, c'est beau et noble ! Encore faut-il se donner la peine d'enraciner sa foi dans une culture, pour ne pas apparaître comme sans cesse sur la défensive ou dans une bulle de protection.

- M. l'abbé, je remarque que vous utilisez le mot “chrétien”. Est-ce pour ne pas employer le terme sans ambiguïté de “catholique” ?


Pas du tout ! Mais je reconnais que l'on m'a déjà posé la question lorsque j'ai parlé de Centre culturel chrétien. Au XVIIème siècle, Bossuet ne se gênait pas pour s'adresser à ses paroissiens en les appelant « chers chrétiens ». Se dire chrétien, christianus, c'est porter le nom du Christ. Il n'y en a pas de plus beau ! Puissions-nous être un peu ce que nous disons que nous sommes, puissions nous vivre en chrétiens et témoigner de ce nom, car « il n'y en a pas d'autre, au ciel et sur la terre, par lequel nous puissions être sauvés » ! 

- Pouvez-vous nous dire quels sont vos projets d'avenir ?
Il est un peu tôt pour dévoiler les batteries du Centre Saint Paul, les cours, les sessions, les groupes d'étude, l'observatoire chrétien de l'actualité etc Nous verrons cela à la rentrée. Je pense organiser dès le mois de juin une grande brocante de “livres autour d'un verre”, qui s'intitulera Livres en tête. Pour l'instant, nous avons un cycle de conférences spirituelles chaque dimanche après midi à l'occasion du mois de Marie. Si Dieu veut, au mois de juin, nous parlerons du Sacré Coeur. Outre ces Conférences spirituelles, nous proposons chaque mardi une Conférence sur des sujets plus ou moins brûlants, en toute liberté. Sur « Les défis de Benoît XVI », notre dernière conférence, M. l'abbé Aulagnier avait fait le plein, en communiquant à l'assistance un de ses enthousiasmes chaleureux dont il a le secret. Je voudrais souligner qu'avec toute sa fougue et sa jeunesse de coeur, l'abbé Aulagnier a accepté de devenir le chapelain de notre chapelle Saint Joseph, où il célèbre chaque dimanche deux messes, dont la grand messe. Son appui paternel et son amitié sacerdotale sont irremplaçables pour nous tous ! Personnellement, j'ai du mal aujourd'hui à séparer M. l'abbé Aulagnier de ce que vous appelez mes projets d'avenir...

Propos recueillis par Josiane Sauvêtre

lundi 2 mai 2005

"Le Centre Saint Paul" - par Yves Chiron - extrait d'Aletheia n°75 - 2 mai 2005

Hier 1er mai, en la fête de saint Joseph, l’abbé de Tanoüarn, exclu de la Fraternité Saint-Pie X en mars dernier, inaugurait le “ Centre Saint-Paul ”.

La messe a été célébrée, dignement et bellement, par l’abbé Aulagnier. Le sermon a été prononcé par l’abbé de Tanoüarn. L’abbé Barthe, autre exclu de la FSSPX[1], a aidé à distribuer la communion. L’abbé Guelfucci, qui fut mêlé à l’affaire de Bordeaux mais qui est toujours membre de la FSSPX – il est en fonction au prieuré de Tours – , assurait les confessions.

La chapelle, dédiée à Saint-Joseph, occupe le rez-de-chaussée du Centre Saint-Paul, dans le quartier du Sentier. Elle était pleine et plusieurs dizaines de fidèles ne purent y rentrer, tentant de suivre la messe depuis la rue.

Sans en faire la seule caractéristique du public nombreux qui se pressait à cette messe inaugurale, on dira qu’on y voyait plus de jeans que de mantilles.
Un “ foyer d’énergie spirituelle ”
Dans son sermon, l’abbé de Tanoüarn a présenté le Centre Saint-Paul. Il a parlé longuement, sans notes. Il n’est pas inutile, pour ceux qui s’interrogent sur les ambitions et les intentions de l’abbé de Tanoüarn, de rapporter l’essentiel de ses propos.

Il s’est défendu de vouloir créer une “ paroisse rivale ” (sous-entendu de Saint-Nicolas du Chardonnet), même si trois messes y seront dites chaque dimanche et jour de fête – à 9h, 11 h et 19 h. Le Centre Saint-Paul, a-t-il dit, sera “ plus et autre chose ” : un “ foyer d’énergie spirituelle ”. Dans une société déchristianisée, où “ nous, chrétiens, sommes en quelque sorte en terre étrangère ”, il y a “ nécessité de rayonner le christianisme ”. D’où le patronage de saint Paul, l’Apôtre des Gentils.

Mais, dans le même temps, la chapelle (aménagée en dix jours), a été dédiée à saint Joseph, parce qu’elle se trouve dans la rue Saint-Joseph, au numéro 12. L’abbé de Tanoüarn voit aussi un “ intersigne où la Providence se manifeste ” dans le fait que cet aménagement et cette inauguration se fassent aux premiers temps d’un nouveau Souverain Pontife, prénommé Joseph au baptême, devenu Benoît XVI.

Dans un beau parallèle spirituel, l’abbé de Tanoüarn a présenté la double vocation de la chapelle Saint-Joseph et du Centre Saint-Paul : saint Joseph, dans l’Histoire Sainte, est “ l’homme du dépôt ”, selon l’expression de Bossuet, “ il garde ce que Dieu a donné de plus précieux au monde : son Fils et la Mère de Jésus ” ; saint Paul, lui, “ diffuse, répand le dépôt ” de la Bonne Nouvelle. Double mission donc pour le Centre Saint-Paul : “ Pas de diffusion sans conservation, sinon nous serions dupes de nous-mêmes ”.

Ces belles et bonnes intentions spirituelles se concrétiseront par la prédication et l’enseignement. Outre les messes, il y a tous les dimanches de ce mois de mai, à 16 h 30, la prédication d’un Mois de Marie, par l’abbé de Tanoüarn. Il y aura aussi, tous les mardis de mai et de juin, à 20 h, des conférences. Au programme, le 3 mai, une conférence de l’abbé de Tanoüarn, consacrée à “ L’héritage spirituel de Jean-Paul II, ombres et lumière ” ; le 10 mai une conférence-débat entre l’abbé Aulagnier et Michel De Jaeghere sur “ Les défis de Benoît XVI ” ; le 17 mai, une autre conférence-débat entre l’abbé de Tanoüarn et un mystérieux interlocuteur pseudonyme (“ Petrus ”) : “ Le sédévacantisme, est-ce un débat tabou ? ”. Suivront, les mardis suivants, des conférences d’Aymeric Chauprade, d’Yves Amiot, de l’abbé Laguérie et de l’abbé Christophe Héry.
“ L’autre rive ”
L’abbé de Tanoüarn, en rassemblant autour de lui, en ce jour, plusieurs exclus d’hier ou d’avant-hier, n’entend pas lancer une sorte de “ Fraternité Saint-Paul ”, concurrente de la Fraternité Saint-Pie X et des autres fraternités qui se sont créées par scission. Pas une fois, dans son sermon, le nom de la FSSPX n’a été prononcé.

En même temps, sans y insister, il a exclu toute tentative de négociation d’un statut auprès des autorités ecclésiastiques diocésaines (et romaines ?) : “ pas de mesquines négociations juridiques ” a-t-il dit. 

Quand, dans la tranquille certitude de son sermon, l’abbé de Tanoüarn explique aux fidèles : “ nous ne sommes pas statiques, nous passons sur l’autre rive ”, que faut-il entendre ? La rive quittée est-elle celle où se trouve la Fraternité Saint-Pie X, d’où sont issus les quatre prêtres qui se trouvaient là hier ? Ou, “ l’autre rive ” est-elle celle de la réconciliation avec le Saint-Siège dont l’abbé Aulagnier est un ardent partisan depuis plusieurs années maintenant ?

Aux intéressés à répondre. Je ne me permettrai pas de préjuger des intentions des uns et des autres, intentions qui, d’ailleurs, ne sont peut-être pas convergentes.

Le Centre Saint-Paul deviendra, peut-être, un pôle supplémentaire de l’apostolat spirituel et intellectuel qui caractérise d’autres lieux attachés à la Tradition. On songe, par exemple, à la Fraternité Saint-Vincent Ferrier, qui existe depuis vingt-cinq ans maintenant, et à sa revue Sedes Sapientiæ [2].
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NOTES

[1] C’était en 1980, pour sédévacantisme.

[2] Dans le dernier numéro paru de la revue (Société Saint-Thomas d’Aquin, 53340 Chémeré-le-Roi), n° 91, 8 euros, on lit un long entretien avec le P. Louis-Marie de Blignières, Prieur et fondateur de la Fraternité. Une version, abrégée, de cet entretien avait déjà paru en janvier dernier dans L’homme nouveau. Le P. de Blignières s’explique, notamment, sur son changement de position, en 1987, sur la liberté religieuse et le sédévacantisme.