mercredi 27 juillet 2016

Comment le christianisme est viril

Le psaume 30 brosse un tableau terrible de la condition humaine. Mais il est formel - au moins dans la version latine de saint Jérôme : Viriliter agite et confortetur cor vestrum, omnes qui speratis in Domino. Agissez de manière virile, dit l'Esprit saint aux croyants des deux sexes, et votre coeur s'en trouvera conforté. "Soyez viriles, mes filles" lançait en échos sainte Thérèse d'Avila. Il y a dans les écrits inspirés comme dans les écrits des saints la trace constante d'une mystérieuse logique de l'action : "Celui qui FAIT la vérité vient à la lumière" (Jean 3, 21). Cette logique de l'action renforce ceux qui la pratiquent avec foi, ceux qui vivent dans l'Espérance (omnes qui speratis in Domino, dit le Psaume). C'est véritablement ce en quoi consiste la virilité selon l'Ecriture, la capacité à mettre de côté tout état d'âme, toute peur, toute inquiétude, toute faiblesse, pour agir, quoi qu'il en coûte, de manière conforme à la foi qui est en nous. Cette action humaine rencontre, d'une manière indicible, la grâce de Dieu qui la fait être. Et c'est cette fusion sans confusion entre la grâce et la liberté, cet avènement de la liberté dans nos coeurs par la force adventice de la grâce qui fait le flamboiement de l'âme habitée par la foi.

Cela dit, attention : la virilité dont parle le psaume 30 n'a rien à voir avec la testostérone. Ou bien disons plus précisément qu'elle est son analogue surnaturel. Analogue ? C'est simple : lorsque Thérèse d'Avila enjoint à ses soeurs d'être viriles, elle ne leur demande en aucun cas de devenir des femmes à barbe ! Il y a c'est vrai, dans chacun des deux sexes, quelque chose de la perfection divine. Très tôt Dieu est comparé non seulement à un père (plus rarement qu'on ne le pense avant le Christ, qui est le premier Fils de Dieu) mais à une mère ("Si une mère pouvait oublier son enfant, moi je ne t'oublierai pas dit le Seigneur" Isaïe 60). Mais ni la féminité ni la virilité ne portent en eux-mêmes leur accomplissement ou leur perfection. Pas de perfection féminine sans une virilité qui la provoque. Pas de perfection virile sans une féminité qui l'adoucit. Dieu seul est parfait en lui-même.

La virilité spirituelle ou surnaturelle est donc analogique à la virilité naturelle. Mais, au moins si l'on fait confiance en ce schéma analogique que nous a légué Aristote et qu'a si bien illustré Cajétan, il faut reconnaître qu'en disant CELA, nous affirmons (c'est le secret de l'analogie) que la virilité spirituelle est vraiment virile, mais... autrement ! Elle n'est pas moins virile que la virilité naturelle et, en prime, elle est réellement accessible aux deux sexes, comme en témoigne Thérèse d'Avila. A l'opposé, notre société de femmelins (selon le néologisme cher à Proudhon) est une société qui a commencé par perdre, avec la foi et l'espérance, tout ce que j'ai appelé dans le premier paragraphe la virilité spirituelle. On y vit dans l'instant, sans fidélité à long terme, sans projet, sans destin, sans aucune manière de dominer le temps. La formule qu'Imre Kertesz avait découverte dans les camps de concentration nazis, "nous sommes des êtres sans destins" s'applique parfaitement à cette émasculation spirituelle que nous subissons tous dans la société instantanéique dans laquelle nous baignons.

Il est vrai que le christianisme a spiritualisé la virilité comme à peu près tout ce qu'il touche. Faut-il le regretter ? Non, puisqu'ainsi il a mis la virilité à la disposition des deux sexes.

Mais essayons d'aller au bout de l'objection. Il arrive fréquemment d'entendre : la religion chrétienne est une religion de femmes... Il est vrai qu'en tant qu'il est la religion du coeur, le culte de la charité, le christianisme a toujours été très ouvert aux femmes. L'amour est incontestablement naturel aux femmes. Il est, chez les hommes, plus volontaire (ne généralisons pas trop cependant !). Mais il suffit d'entendre à nouveau, dans saint Luc, les deux disciples d'Emmaüs disant au Ressuscité avec lequel ils font route depuis un petit moment, mais qu'ils n'ont pas reconnu : "Quelques femmes, qui sont des nôtres, nous ont il est vrai stupéfiés, nous disant qu'elles ont eu la vision d'anges qui le disent vivant". Ce sont les femmes qui annoncent la résurrection du Christ aux apôtres et, dans l'Ecriture, c'est Marie Madeleine qui le voit la première, au point qu'on l'appelle l'apôtre des apôtres.

Pour autant , si le coeur est notre féminité spirituelle à tous - homme et femme -, nous avons essayé de démontrer avec le psaume 30 que la foi et l'espérance sont des vertus viriles, qui parce qu'elles sont surnaturelles sont accessibles aux deux sexes. L'attitude du croyant - faite de foi, d'espérance et de charité - est donc spirituellement androgyne. Il retrouve ainsi une complétude qui existait dans le plan de Dieu avant que la sexuation ne devienne une coupure (selon le verbe latin secare), avant que le monde de l'homme et le monde de la femme ne deviennent deux mondes qui ne se rencontrent pas souvent.

Quant à ceux qui voudraient une religion virile au sens naturel de ce terme, ils sont effectivement servis avec l'islam : la polygamie (pas plus de quatre femmes légitimes dit le Coran) est une institution éminemment virile. Je dirais que l'homme est naturellement polygame. Par ailleurs (peut-être une musulmane me détrompera-t-elle) le paradis d'Allah me semble avant tout viril par les plaisirs qu'il offre. Troisièmement, la violence est la première manifestation du Sacré, comme Daesh entend nous en administrer la preuve presque chaque jour en ce moment. Enfin et surtout, cinquièmement, le Coran propose une foi sans la charité universelle qui va avec dans l'Evangile, la virilité de Dieu sans sa féminité avons-nous dit. Mais "la vérité sans la charité est une idole" comme dit Pascal. Isoler la virilité que représente la foi, en l'abstrayant de cette charité féminine, qui est pourtant le "seul accomplissement du précepte" dit saint Paul, c'est effectivement enfermer le Saint Esprit dans la testostérone. On a vu ce que cela avait pu donner le 14 juillet dernier avec Mohamed et sa virilité, au volant d'un camion de 19 tonnes.

Religion d'homme l'islam ? Assurément et c'est sa perte... Il n'est qu'une religion d'homme. Au contraire, dans le christianisme dit saint Paul, il n'y a ni homme ni femme car, spirituellement, il y a et la virilité intrépide de la foi espérante et la délicatesse féminine de la charité.

NB : Je parle ici du Masculin et du Féminin, le sujet que je me suis donné m'y oblige. Dans la réalité personne n'est le Masculin ou le Féminin. L'Homme ou la Femme archétypes n'existent pas. Ainsi, un couple n'est pas l'alliance de deux natures (masculine et féminine) mais de deux personnes, à savoir un homme et une femme, chacun comportant un étrange alliage de masculinité et de féminité spirituelles. 

mardi 26 juillet 2016

Le sacrifice du Matin

Le Père Jacques Hamel était un prêtre sans histoire, mais prêtre de toutes ses fibres. Ainsi la victime a-t-elle été choisie. C'est le prêtre qui était visé par les deux terroristes et le prêtre célébrant le saint Sacrifice de la messe, disant, matinal, sa messe quotidienne. Il ne s'agissait pas de tuer du chrétien : la messe dominicale aurait été le moment approprié pour cela. Il s'agissait d'atteindre, de toucher le sacerdoce catholique, en faisant du prêtre la victime. Il y a eu, d'après Soeur Danielle, celle qui a prévenu les secours, une sorte d'antiliturgie monstrueuse. Après une sorte de prêche en arabe, les deux hommes ont fait mettre le prêtre à genoux avant de l'égorger. Au couteau. Soeur Danielle n'a pas pu regarder, elle s'est échappée.

Qu'aurait-elle vu? L'un des deux jeunes avait dix neuf ans. Il habitait la commune. Ni son nom ni celui de son complice n'ont encore été donnés ce 26 juillet au soir. Nous n'avons que son prénom Adel et une initiale: K. Et pourtant les policiers locaux le connaissaient. Peut-être le Père Jacques aussi le connaissait-il... Et c'est parce qu'il le connaissait, dans une sorte de quête de l'intimité dans le crime, que ce terroriste sans nom l'a égorgé. Cette affaire en tout cas est avant tout une affaire locale. Syrie ou pas, cette petite messe du matin sent le terrorisme de proximité.

Qu'est-ce que cet égorgement signifiait pour Adel K?

Au bout de 2000 ans de christianisme, nous Occidentaux, nous ne comprenons pas ce geste parce que pour nous la Victime est toujours plus sainte que le bourreau. Lorsque Joseph de Maistre a écrit son Eloge du bourreau (après ses Eclaircissements sur les sacrifices) il avait conscience d'aller à l'encontre de l'idée reçue en christianisme qui est celle de la sainteté des victimes. Pourquoi les victimes sont-elles saintes ? Elles sont toutes, elles sont toujours des images du Christ crucifié. Mais le terroriste sans nom n'est pas un chrétien, il n'a pas reçu l'évangile, la bonne nouvelle de l'innocence des victimes.

Adel K vient d'un monde a-chrétien, d'un monde encore moralement archaïque, où les victimes sont toujours coupables, ne serait-ce que parce qu'elles sont des victimes. Il a voulu montrer au Père Jacques sa culpabilité et la Puissance d'Allah. Allah ouakbar s'est-il écrié. Allah est le plus grand, il est vainqueur. Dans ce sacrifice de mécréant, qu'il a commandé (voyez la sourate 9 du Coran) et donc en quelque sorte commandité, dans ce sacrifice réalisé en son honneur, Allah désigne le vaincu, celui dont le sang coule sous le couteau. Ce crime, pour les musulmans radicaux, est une sorte d'ordalie. Un jugement de Dieu, qui déclare la non-violence chrétienne périmée et sonne l'heure de la violence sacrée, au nom de l'islam.

L'islam (d'après les musulmans) est la dernière des religions, celle qui contient tout le message divin. Message simple : il n'y a pas d'autre Dieu qu'Allah et la terre est donnée aux soumis à Allah. Message efficace, qui produit immanquablement une dialectique par rapport à tout ce sur quoi il se surimpose, que ce soit les cultes non Bibliques, ceux du temps de l'ignorance, que ce soit le culte juif, que ce soit aussi le culte chrétien, qui ose faire de Dieu une victime en Jésus Christ... Pour le Coran, Jésus n'a pas été victime, il n'a pas été crucifié, Allah ne l'a pas permis. Il est le plus fort. D'ailleurs, les chrétiens ont tort de se victimiser. N'ont-ils pas donné le terrain (en 2000) sur lequel a été bâtie la mosquée salafiste de Saint Etienne du Rouvray? Bien fait pour eux! Ce sont des loosers! Des perdeurs professionnels, avec leur Dieu victime. Leur messe, sacrifice de la victime divine, est redevenue, grâce au jeune Adel K et au rituel qu'il a improvisé autour d'un couteau (il n'avait pas d'autre arme sur lui), un sacrifice "normal", le sacrifice des perdants.

Je suis sûr que dans notre monde déchristianisé beaucoup sont justement de l'avis d'Adel K. Oui, les chrétiens nous emm. avec leur sacrifice. Comment peuvent-ils mettre Dieu du côté des victimes ?

Eh bien ! Il me semble que le martyre du Père Jacques est une extraordinaire parabole sur l'histoire qui nous reste à vivre, sur la victoire programmée de ceux qui hurlent "Allah est le plus grand" et sur leur défaite finale. Ces gens confondent les martyrs et les tueurs. Mais leur "réalisme" est inhumain, il est monstrueux. L'Evangile apparaîtra plus que jamais comme la seule alternative à ce Pouvoir absolu des plus violents. "Heureux les doux car ils posséderont la terre". Le Père Jacques est mort sans un mot, mais il prophétise la victoire du Bien, par la médiation de la souffrance acceptée, le vrai sacrifice, le sacrifice du matin, celui qui annonce un jour nouveau pour l'humanité, enfin prête à reconnaître son incurable violence, et prête à s'en remettre au Christ qui la sauve d'elle-même.

samedi 16 juillet 2016

A propos de Radio-Courtoisie

Depuis un mois, Radio Courtoisie est la cible d’attaques de plus en plus violentes, dont le mobile apparent tient à certaines déclarations faites, à titre personnel, par son président Henry de Lesquen. Autant, les désaccords et les débats sont compréhensibles, entre personnes réellement libres, il faut s’y attendre. Autant leur mise en scène sur la place publique est difficilement acceptable quand elle nuit au bon fonctionnement de la radio et met en cause ses principes mêmes.

En effet, ce qui caractérise Radio Courtoisie, c’est la liberté d’expression et de pensée dans le respect des personnes et de leur dignité. Les responsables d’émission bénéficient d'une authentique liberté dans le choix de leurs invités et aussi dans leurs propos. Le corollaire de cette liberté, c’est la responsabilité des patrons d’émission, qui sont engagés par le contenu des émissions qu’ils dirigent.

Nous, patrons d'émission, tenons à souligner notre gratitude vis-à-vis de ceux qui, depuis plusieurs années à la tête de notre radio, ont pu faire en sorte que le risque permanent qu’il y a dans la liberté de pensée ne dégénère jamais en propos inadmissibles ou dégradants. Nous réaffirmons ici notre attachement à cette liberté qui nous a été donnée de mener nos émissions tout en ayant conscience des responsabilités qui nous en incombent.

C’est pour cela que nous tenons à souligner aussi notre attachement à ces principes fondamentaux qui sont ceux de ce que l’on appelait dans les années 80 les radios libres et qui sont encore ceux de Radio Courtoisie, tels qu’ils nous ont été communiqués lorsque nous l’avons rejointe et tels qu’ils sont pratiqués aujourd’hui.

Radio Courtoisie promeut les valeurs traditionnelles de notre culture française, en refusant toute inféodation à un Parti politique ou à une idéologie quelle qu’elle soit. Ni la radio, ni ceux qui la font vivre, ne peuvent être accusés de racisme ou autres insinuations infamantes en totale opposition avec ces valeurs traditionnelles. 

Nous lançons donc un appel à l'apaisement pour que cessent les déchirements stériles. L’heure est à l’union. Il faudrait aussi que les auditeurs de la Radio, en particulier ceux qui sont adhérents à l’association de Radio-Courtoisie, soutiennent leur Radio, sans aller imaginer, comme le souhaitent ouvertement certains, une Radio Courtoisie quittant la bande FM et trouvant un refuge (combien précaire !) sur Internet. Moyen de communication sans équivalent, symbole national de la liberté de pensée, radio de toutes les droites et de tous les talents, comme disait Jean Ferré, son fondateur, Radio Courtoisie ne doit pas devenir la cible d'appétits individuels ou le champ-clos de manœuvres douteuses, dont le risque objectif est d’entraîner volens nolens sa disparition. 

Ce courrier ne prend pas la forme d’une pétition, il n’est pas ouvert à d’autres signataires, refusant d’ajouter à la discorde entre responsables d’émission. Pas question d’accoler du désordre au désordre, alors qu’il y a aujourd’hui objectivement deux camps dans le milieu traditionnel : ceux qui, quelles que soient leurs préférences personnelles, soutiennent Radio-Courtoisie et ceux qui, au nom de chimères, s’y opposent. Nous refusons de jouer la vie de la Radio dans une telle dialectique. C’est ce jugement sur la situation, dont nous avons découvert qu’il nous était commun, qui nous a rapproché et qui nous a décidé de témoigner.

Le 13 juillet 2016 

Thierry Delcourt - Abbé G. de Tanoüarn
thierry.delcourt@gmail.com - gdetanouarn2@wanadoo.fr

[On lira ci-dessous des réactions à ce texte. Tout ayant été sans doute dit, il n'est plus possible d'ajouter de nouveaux commentaires.]