mardi 24 février 2009

[IBP-Roma] "Benoît XVI a regardé le reportage de KTO..."

Nous vous avions parlé du reportage de KTO sur l’IBP-Roma. Le 18 février l'abbé René-Sébastien Fournié a écrit sur son site:

Le reportage de KTO sur l’IBP-Roma rencontre un succès grandissant et inattendu. Ce sont plusieurs milliers de visionnages, des mails et des appels de félicitations de tous les pays. Les journalistes de la chaîne nous ont confiés que c’était la vidéo la plus regardée avec celle portant sur la mort de Sœur Emmanuelle, et qu’eux-mêmes recevaient de nombreux commentaires élogieux.

Et depuis quelques jours… il nous était demandé de transmettre une copie du reportage au Vatican afin qu'il soit visionné par le Pape en personne. Aussi, grâce à la diligence de KTO, le CD est arrivé par porteur à notre maison, puis repartit aussitôt pour le Vatican afin qu'il soit confié à Mgr Renato Boccardo, le Secrétaire Général du Vatican, qui le remit à Mgr Georg Gänswein, le Secrétaire personnel du Pape. C’est ainsi que depuis quelques heures, nous avons appris que Benoît XVI avait eu le reportage de KTO sur notre communauté de l’IBP-Roma… Nous vous tiendrons très prochainement au courant de la suite de cet épisode…

lundi 23 février 2009

Premières réactions du pape

Trois extraits importants du salon beige me renvoient à la Une du dernier numéro de Monde et Vie : "Colères cardinalices, haro sur le pape". Monde et Vie décrit l'offensive des cardinaux allemands que l'on sait de longue date hostiles au pape. L'archevêque de Vienne a joué le rôle de supplétif. Pour toutes ces Éminences, la gravité de "l'affaire Williamson" autorisait des attaques à découvert. Mais l'opposition cardinalice à Benoît XVI n'est-elle pas sortie trop vite de ses retranchements ? L'avenir le dira. La réaction extrêmement sereine, avant tout spirituelle et chrétienne, du Pontife, qui dès son discours d'intronisation avait prévenu qu'il attendait "les loups" lui donne aujourd'hui toute la supériorité du dogme (je parle du dogme de la Primauté) et de la foi (je parle de la foi en l'unité de l'Eglise qui l'anime) sur les supputations politiques hâtives de certains hommes rouges qui s'imaginent un peu vite en rivaux potentiels de l'homme en blanc, alors qu'ils doivent être avant tout ses soutiens, parce qu'ils constituent sa garde rapprochée.

Certains diront sans doute que je parle de manière trop crue de ces réalités feutrées... Eh bien lisez ces deux textes de Benoît XVI. Il se retranche derrière l'Epître aux Galates et derrière le dogme catholique de la Primauté de Pierre. Cela donne à ses commentaires des allures de mise au point, qui n'échapperont pas au lecteur attentif.

Premier texte, c'était vendredi, au terme d'un discours sur la liberté prononcé au Grand Séminaire Romain. Le Pape a déclaré sans élever la voix :

"Et pour finir, après ces belles choses, il y a encore une fois dans la Lettre, une allusion à la situation un peu triste de la communauté des Galates, lorsque Paul dit : «Si vous vous mordez et vous dévorez mutuellement, prenez garde au moins à ne pas vous détruire entièrement les uns avec les autres… «Marchez selon l'Esprit». Il me semble que dans cette communauté - qui n'était plus sur le chemin de la communion avec le Christ, mais sur celui de la loi extérieure de la «chair» - émergent naturellement aussi des polémiques et Paul dit : «Vous devenez comme des bêtes fauves, l'un mord l'autre». Il fait allusion ainsi aux polémiques qui naissent là où la foi dégénère en intellectualisme et où l'humilité est remplacée par l'arrogance d'être meilleur de l'autre.

Nous voyons bien qu'aujourd'hui aussi il y a des choses semblables où, au lieu de s'insérer dans la communion avec le Christ, dans le Corps du Christ qui est l'Église, chacun veut être supérieur à l'autre et avec une arrogance intellectuelle, veut faire croire qu'il serait meilleur. Et ainsi naissent les polémiques qui sont destructrices, ainsi naît une caricature de l'Église, qui devrait être une seule âme seule et un seul cœur.

Dans cet avertissement de Saint Paul, nous devons aujourd'hui encore trouver un motif d'examen de conscience : ne pas penser être supérieur à l'autre, mais nous trouver dans l'humilité du Christ, nous trouver dans l'humilité de la Vierge, entrer dans l'obéissance de la foi. C'est réellement ainsi que le grand espace de la vérité et de la liberté dans l'amour s'ouvre aussi à nous."Cette information opportune sur le Salon Beige est signée Michel Janva.

Deuxième texte, tout aussi clair. Aujourd'hui, en la fête de la Chaire de saint Pierre, Benoît XVI a demandé la prière des fidèles pour son ministère de Successeur de Pierre :

"Ce dimanche coïncide aussi avec la fête de la Chaire de saint Pierre, une fête liturgique importante qui met en lumière le ministère du Successeur du Prince des Apôtres. La Chaire de Pierre symbolise l'autorité de l'évêque de Rome, appelé à accomplir un service particulier vis à vis de tout le Peuple de Dieu. Chers frères et sœurs, cette fête m'offre l'occasion de vous demander de m'accompagner de vos prières, afin que je puisse accomplir fidèlement la haute tâche que la Providence divine m'a confiée en tant que Successeur de l'apôtre Pierre. Immédiatement après le martyre des saints Pierre et Paul, l'Eglise de Rome s'est en effet vue reconnaître le rôle primatial dans toute la communauté catholique, rôle attesté déjà au IIe s. par saint Ignace d'Antioche.

Ce ministère singulier et spécifique de l'évêque de Rome a été rappelé par le concile Vatican II : "De là vient aussi l'existence légitime, dans la communion ecclésiastique, des Eglises particulières qui jouissent de traditions propres, sans préjudice du primat de la Chaire de Pierre qui préside à toute l'assemblée de la charité, qui protège les légitimes diversités et, en même temps, veille à ce que les différences ne nuisent point à l'unité, mais la servent"(Lumen gentium, 13)".Ce deuxième post est encore signé Michel Janva, qui nous donne également une information importante sur les positions du Père Lombardi, soutenant désormais clairement la ligne du pape, alors que, toujours à en croire notre ami Romain Bénédicte dans le dernier numéro de Monde et Vie, décidément riche en révélations, celui qui, à la tête de la Salle de presse du Vatican devait être l'homme lige du gouvernement pontificale s'était permis d'attaquer nommément le cardinal Castrillon Hoyos et son rôle dans la levée des excommunications.

"On ne doit attribuer au «Saint-Siège» que les publications officielles publiées par la salle de presse du Saint-Siège. Le P. Federico Lombardi, directeur de la salle de presse du Saint-Siège, déplore que des propos soient abusivement attribués au «Saint-Siège», ou au «Vatican», alors qu'ils ne sont que des propos de personnes appartenant à la Curie.

"Assez souvent, les moyens d'information attribuent au ‘Vatican', entendant par là le ‘Saint-Siège', des commentaires et des points de vue qui ne peuvent pas lui être automatiquement attribués. En effet, lorsque le Saint-Siège entend s'exprimer de façon autorisée, il utilise les moyens qui lui sont propres et des modes adaptés (communiqués, notes, déclarations). Tout autre prise de position n'a pas la même valeur. Récemment encore, on a constaté des attributions inopportunes. Le Saint-Siège, dans ses organes représentatifs, manifeste du respect envers les autorités civiles, qui, dans leur autonomie légitime ont le droit et le devoir de pourvoir au bien commun".

Le P. Lombardi fait probablement allusion à des titres comme ceux employés vendredi 20 février pour un article de l'agence italienne Ansa à propos du dernier décret du gouvernement sur la sécurité : «Vatican : Non aux rondes, pas d'état de droit », confondant l'avis d'un prélat de la Curie, avec le Saint-Siège, qui n'a fait à ce sujet aucune déclaration officielle, souligne Janva.

On peut penser aussi que la ligne pontificale est très clairement déterminée dans le tohu bohu provoqué par l'affaire Williamson et qu'il n'est pas question d'usurper l'autorité de la Curie pour attaquer la volonté du pape.

Certains ont reproché à Benoît XVI "son individualisme" dans cette affaire. il me semble qu'il agit plutôt en Monarque, persuadé que l'immense majorité du peuple chrétien soutient et soutiendra ses initiatives pour la paix de l'Eglise et pour l'unité des chrétiens.

On s'est résigné un peu vite à reconnaître en Benoît XVI un pontife de transition. Tout se passe au contraire comme si, mettant de côté son âge et se confiant dans "la Providence divine" qu'il invoque explicitement dans le deuxième texte que je cite plus haut, le pape allemand nourrissait un grand dessein, un dessein qui bouscule les routines de certains fonctionnaires de Dieu mais qui fera de son passage sur la Chaire de Pierre un moment clé pour le siècle à venir.

Une lumière non seulement pour les chrétiens enfin réconciliés avec leur Eglise, mais aussi, je crois, pour tous les hommes de bonne volonté que sa piété et sa science théologique aura touchés au plus profond.

dimanche 22 février 2009

"Bienvenue du radio J..."

Guy Rozanowicz et Edwar Amiach recevaient le 15 février 2009 sur Radio J (94.8 à Paris) "un invité tout à fait passionnant": l’abbé Guillaume de Tanoüarn. Le sujet étant bien sûr l'affaire Williamson. Il y a deux écueils dans ce type d'échange. Le premier c'est de tomber sur un journaliste qui a un compte personnel à régler avec le catholicisme de son enfance. Tel n'est évidemment pas le cas sur Radio J. Le second écueil est de rester sans relief. Shoah, négationnisme? On condamne et on s'en tient là. En bon prédicateur qu'il est, l'abbé a su aller plus loin. Peuple déicide? "L'enseignement chrétien est très clairement de dire à chaque homme qu'il est pécheur, et à chaque homme que ses péchés ont crucifié le Christ" répond-il. "Émission magnifique, qui mériterait beaucoup plus de temps" soupire le journaliste. Chiche? -- Ecouter l'émission

jeudi 19 février 2009

Faut-il canoniser Louis XVI?

« Faut-il canoniser Louis XVI?» - tel est le thème de l'après-midi du 21 mars 2009 au Centre Saint Paul, (conférence, table ronde, et cocktail - à 19H00 messe de requiem). Cliquez ici pour le programme et les infos.

D'habitude les choses s'enchaînent ainsi: l'évènement, une recension sur le web, vos réactions, chers lecteurs. Eh bien la partie 'commentaires' est d'ore et déjà ouverte à vos contributions, dont il sera fait part aux intervenants.

Et pour amorcer, voici ce qu'écrivent les organisateurs de cette après-midi:
Si elle paraît provocante, la question s’appuie pourtant sur plusieurs faits : et en premier lieu sur la déclaration de Sa Sainteté Pie VI, lors d’un Consistoire secret, le 17 juin 1793 : « Qui pourra jamais douter que ce Monarque ait été principalement immolé en haine de la Foi et par esprit de fureur contre les dogmes catholiques » et «Nous célébrerons (une messe) avec vous pour le repos de l’âme du Roi Louis XVI, quoique les prières funèbres puissent paraître superflues quand il s’agit d’un chrétien qu’on croit avoir mérité la palme du martyre, puisque Saint Augustin dit que l’Église ne prie pas pour les martyrs, mais qu’elle se recommande plutôt à leurs prières… »

Mais, pour autant le Pape n’a pas immédiatement introduit sa cause. Il est vrai que nous ne sommes pas dans notre ère de surmédiatisation où l’on sait dans les minutes qui suivent quel écrivain ou chanteur a fait une chute de vélo au Bangladesh, ou une rupture d’anévrisme à la Mamounia : on a vu sur la place Saint-Pierre, lors des obsèques de Jean-Paul II, des banderoles revendicatives : « Santo subito ! »

La cause du roi Louis XVI a été introduite à Rome une dizaine de fois depuis la duchesse de Berry jusqu’aux Girault de Coursac. Elle n’a pas abouti pour l’heure.

Les questions que nous poserons à nos intervenants seront : Le roi a-t-il été un mauvais roi ? et si oui, est-ce parce qu’il était, suivant la tradition française, un roi très-chrétien, et Louis XVI a-t-il transformé cette règle de conduite en « roi TROP chrétien » ? or peut-on être trop chrétien ?

Documents: On trouve sur ce site le discours du Pape Pie VI prononcé au Consistoire secret du 11 juin 1793.

mercredi 18 février 2009

Deux vidéos, deux émissions remarquables.

Un petit mot pour vous signaler deux vidéos, deux émissions remarquables, la seconde surtout, qui changent agréablement des centaines d'articles, réactions, communiqués etc dont nous avons été surabreuvés depuis un petit mois.

La première, c’était sur KTO du 5 février: «Benoît XVI et la Tradition: Parlons-en». Un parlons-en qui ne se réduit pas à parlons d'eux, ni même à parlons avec eux, mais qui est bien une parole plurielle. On progresse. Avec sur le plateau Mgr Bernard Podvin (Conférence des Evêques de France), l'abbé Vincent Ribeton (FSSP), Dom Philippe Piron (abbaye Sainte-Anne de Kergonan), le Père Jean-Robert Armogathe (revue Communio), Jean-Pierre Denis (La Vie), Christophe Geffroy (La Nef), avec une interview de l'abbé Lorans (FSSPX), avec un reportage sur la maison romaine de l'IBP (nous vous en parlions il y a quelques jours) et avec un autre sur l'application du Motu Proprio. C'est visible sur le site de KTO.

La seconde: le 10 février sur la chaîne Histoire. «Benoît XVI, l'unité à tout prix?». Grand débat (et pas seulement par sa durée: 55 minutes) animé par Michel Field et Eric Zemmour. Les invités ? Luc Perrin (historien), Jean-Pierre Denis (La Vie), Frédéric Mounier (La Croix), Laurent Dandrieu (Valeurs Actuelles). Sur son blog Laurent Dandrieu nous dit sa surprise (« l’hostilité ambiante vis-à-vis de la Fraternité Saint-Pie X y était bien moindre que ce à quoi je m’attendais ») Il y voit un effet secondaire de l’affaire Williamson : les propos de l’évêque ont obligé la FSSPX à des clarifications. Lesquelles devraient, nous dit Dandrieu «contribuer à dissiper, à terme, les amalgames qui les ont longtemps empêchés d’être audibles». Vrai, mais pas suffisant. Pour faire cette émission, il a aussi fallu la qualité des participants (en premier lieu: des animateurs). C'est à voir, absolument, sur le site de la chaîne Histoire.

Réponses pour l'Ouvrier du pain

Cher webmestre à plein temps, qui vous dites intégriste de (certains) dimanches, l'Ouvrier du pain (ainsi se désigne-t-il) me posait, voici quelques jours déjà, une question abyssale sur le Forum catholique, une question qui met en question... le dimanche.

Au nom de considérations très justes sur la nécessité où nous sommes de travailler toujours plus (il y a en France deux catégories de personnes : celles qui ne travaillent pas et celles qui travaillent toujours plus), ce jeune Rastignac qui ne doute de rien (je lui dis cela avec beaucoup d'affection) insiste pour que nous abandonnions les liturgies interminables du dimanche matin et que nous nous mettions à lire la Bible. Après avoir rationalisé le travail pour le rendre toujours plus productif, il pense rationaliser le culte pour le rendre plus efficace. Voici sa question in extenso :
Bonjour, monsieur l’abbé de Tanoüarn,

Ma question va vous paraître surprenante ainsi qu’à l’ensemble du Forum mais surfant depuis un an sur cette toile j’ai découvert en le Forum Catholique, « un lieu de débat entre catholique ». Que personne ne se choque tout reste du débat.

J’ai beaucoup réfléchi sur l’impact qu’à la vie sociale moderne sur notre vie de chrétien et en particulier de catholique romain. Nous somme entrés dans l’ère de l’homonuméricus ainsi le développement du télétravail ainsi que l’internationalisation du travail, des échanges et de vie professionnelle rend « le territoire » disons traditionnel exigu, insulaire et inadapté à l’épanouissement de l’individu dans la société. La vie professionnelle est de plus en plus exigeante de même pression et stress sont les décors quotidiens des travailleurs. « Travailler plus pour gagner plus » devient le crédo du XXIe siècle. Parallèlement on vit plus vieux et on est mieux soigné. Le travail pénible disparait par la robotisation et le machinisme. Le travail du dimanche devient de plus en plus souhaitable dans une France endettée en quête de relance économique.

L’homme n’a plus besoin d’un jour de repos comme aux temps médiévaux ou après « six jour de labeur » dans les champs ou dans les ateliers il était moulu. De plus les possibilités du travail en astreinte ainsi que en télétravail développent une nouvelle culture du travail dont les congés et jours fériés deviennent archaïques. Dans la culture dominante l’homme n’a ni la culture ni le temps de se consacrer à un rite qui le dépasse (Messe St Pie V).

Nous sommes dans le monde de la flexibilité. L’homme est à la recherche de ses origines et Dieu est sa quête hors cela ne passe plus par la Messe comme jadis mais par la libre lecture des textes sacrés (Bible, St Evangile). Après la levée des excommunications des évêques traditionnels celles de Calvin et Luther seraient les bienvenues.

En effet, réconcilier les catholiques avec les protestants permettrait de donner une armature à la Rome Chrétienne sans précédent en la réconciliant avec la modernité qu’elle a manqué au XVe siècle. Les protestants sont adaptés à la vie du XXIe siècle : ils se sont débarrassés depuis cinq siècles du carcan dogmatique des messes dominicales (pardonnez moi ces propos dur) et ont fondé leur Foi en NSJC sur l’essentiel : la lecture des St Evangiles pour vivre sous l’exemple du Christ.

Qu’en pensez-vous ? Cordialement, merci.

Ouvrier du pain
Merci du ton très direct de vos questions. Il me semble que, au milieu de diverses analyses, vous en posez particulièrement deux. La première : à quoi sert une liturgie le dimanche ? La seconde : Pourquoi ne pas se rapprocher des protestants ?

On sent que ces deux questions sont motivées chez vous par un profond amour de l'Eglise et par une attention à l'homme dans sa vie concrète. Il y aurait beaucoup de réponses à vous apporter. Je me contenterai de tenter de vous dire l'essentiel.

Le dimanche ? Dans les 10 commandements Dieu insiste déjà pour qu'un jour lui soit consacré, jour où l'on ne travaillerait pas. Chez les juifs, c'est le dernier jour de la semaine : le samedi. Chez les chrétiens, c'est le premier, en l'honneur de la Résurrection du Christ qui a eu lieu, comme disent les Evangiles, à l'aube du premier jour de la semaine.

Un jour de repos, cela fait travailler moins. Mais je crois que cela permet de travailler mieux, au moins si l'on sait faire du Jour du Seigneur non pas le morne dimanche d'hiver que nous passons aujourd'hui mais vraiment dies dominica, le jour du Seigneur, jour de joie. Voilà une application du slogan publicitaire qui illustre en ce moment la marque FIAT : Moins c'est mieux !

Pourquoi la liturgie ? Les prêtres aujourd'hui justifient la liturgie en insistant sur le fait qu'elle permet de "faire communauté" ou de "réunir l'assemblée chrétienne". Je crois que c'est un motif insuffisant. Ce motif seul vous donnerait raison : mieux vaut lire la Bible chacun à son rythme que de faire communauté pour le principe.

En réalité, la liturgie c'est toujours cette prière qui n'est pas la sienne, mais celle de l'Eglise et donc celle du Christ lui-même. Pourquoi y a-t-il des rites ? Pourquoi y a-t-il des règles ? Pourquoi l'Ordinaire ? Pourquoi le propre ? Parce qu'à l'origine, la liturgie n'est pas une prière personnelle, humaine, trop humaine. Comme dit très joliment ce grand protestant qu'est Karl Barth : "La grâce c'est l'obéissance". Entrer dans une liturgie, c'est... obéir pour recevoir la grâce. Mais parler ainsi, c'est indiquer la puissance de la liturgie traditionnelle, beaucoup plus précise et normée que l'autre. La connaissez-vous ?

Quant à la Bible, personne ne vous empêche de la lire. Mais cette lecture est difficile. Le drame du protestantisme, lorsqu'il s'est contenté de la Bible, c'est une forme d'intellectualisme, très sensible dans un pays comme la France.

C’était déjà le débat qui existait au début du XVIème siècle entre mon cher Cajétan et Luther. Ils aimaient la Bible autant l’un que l’autre, mais pour Luther il suffisait d’une lecture pneumatique ou charismatique de l’Ecriture . Dans chaque famille chaque père de famille sachant lire devait enseigner l’Ecriture. Pour Cajétan, en revanche, la vérité du texte biblique nécessite de connaître la culture biblique à laquelle la théologie nous introduit et les langues sacrées (il apprend l’hébreu et le grec à l’âge de 60 ans et il aura le temps de commenter presque toute l’Ancien Testament selon la veritas hebraïca, comme il disait). Remettre une Bible à un père de famille lambda, c’est ouvrir la porte à tous les subjectivismes et s’exposer à des lecture décontextualisées, trop littérale au mauvais sens du terme. Et surtout c’est s’enfoncer dans tout un tas d’analyse particulière, en perdant de vue la synthèse du catéchisme et de la théologie. La foi analytique qui en ressort risque d’être une foi parcellaire et remise à chaque subjectivité.

Cher Ouvrier du Pain, votre recherche de rentabilité ou de productivité religieuse devrait vous aider à comprendre qu’on apprend plus vite dans le catéchisme qui fait la synthèse que dans la Bible, où Dieu, en 1000 ans d’histoire, pose les jalons de la révélation de Jésus Christ.

Mais le catéchisme lui-même ne suffit pas. Les connaissances ne suffisent pas. La foi seule ne suffit pas. Ce qui doit épanouir notre réponse à l’invitation du Seigneur, c’est de vivre dans « la foi active par la charité » (Gal. 5, 6).

Où donc puiser cette foi qui nous fait aimer ? Où découvrir cet amour qui nous fait agir ? La messe est la représentation efficace (ou sacramentelle) du Mystère de la foi et de cette effusion de charité qui fait dire au Christ : Ceci est mon Corps, Ceci est mon sang versé pour vous et pour une multitude en rémission des péchés.

Au moment de l’élévation, deux sentiments nous habitent et peut-être nous submergent : l’adoration de Jésus présent et la gratitude pour le pardon de nos péchés dont il nous offre le gage en laissant à notre portée son corps et son sang.

L’adoration d’abord. Adorer ne veut pas dire « aimer beaucoup », comme l’usage courant nous fait dire : j’adore le chocolat. Adorer signifie s’anéantir devant la Plénitude divine. C’est dans l’abime de l’adoration que naissent les grandes résolutions et les grandes ambitions spirituelles.

Le pardon ensuite. Le sacrifice de la messe nous rend Dieu propice comme on disait autrefois non sans raisons. La participation à la sainte messe est comme le carton d’invitation que nous recevons pour la fête éternelle en Dieu.

Assister à la messe ne signifie pas participer à une session de formation chrétienne. Assister à la messe signifie nous mettre en route vers le Seigneur. Commencer l’œuvre de notre transformation intérieure. Entreprendre notre conversion. Bref : agir. Commencer à agir en chrétien.

Aucune lecture de la Bible, si attentive soit-elle, ne vous offre l’équivalent.
Merci encore à Ouvrier du Pain du caractère direct de ses questions. Aux prochaines !

samedi 14 février 2009

L'intégriste du dimanche

Il y a les peintres du dimanche, il y a les promeneurs du dimanche, et moi je suis l'intégriste du dimanche. Oh, pas de tous les dimanches, rassurez-vous, seulement des quelques dimanches de l’année où je vais dans une chapelle de la Fraternité Saint Pie X plutôt qu'au Centre Saint Paul.

Longtemps j'ai cru que c'était la même messe, que les familles (familles de fidèles - familles de prêtres) pouvaient se répartir de part et d’autre, que le statut canonique du prêtre ne me regardait pas. A ce sujet j’avais écrit à Rome, Mgr Perl m’avait répondu qu’en assistant à la messe dominicale d’un prêtre de la FSSPX je remplissais mes devoirs de catholique. Il n’avait pas ajouté d’étiquette.

J'ai appris récemment qu'il y a d'une part les traditionalistes. D'autre part les intégristes. C’est ainsi que La Croix du 21 janvier pense devoir différencier entre «35.000 intégristes» et «45.000 traditionalistes» en France. (Selon quelle clé de répartition m'ont-ils partagé, et ont-ils tenu compte des une ou deux messes ordinaires auxquelles il m'arrive d'assister? mystère)

Le site du diocèse de Nanterre nous explique cette différence: «On peut appeler 'traditionalistes' les prêtres attachés à la messe en latin et au rite de St Pie V, mais qui sont unis à Rome et appeler 'intégristes' les prêtres qui font partie de la Fraternité saint Pie X et qui sont coupés de Rome.»

Nicolas Senèze est chef adjoint du service Religion à La Croix, et auteur de «La Crise intégriste» aux éditions Bayard (le titre en lui-même résume bien le problème). Il a fait récemment un petit papier sur le sujet (Intégriste, lefebvriste, traditionaliste : quel mot utiliser?) Lefebvriste n'est pas assez précis. Traditionaliste, c'est trop d'honneur. "Reste donc intégriste" nous dit Nicolas Senèze. CQFD.

Vous me direz que le distinguo est un peu facile, qu'il rappelle le sketch des Inconnus dans lequel Pascal Légitimus et Didier Bourdon s'énervent qu'on puisse confondre mauvais et bons chasseurs - les uns sont des 'viandards' les autres des 'poètes en communion avec Dame Nature'. Comment les distinguer? Le mauvais chasseur «a un fusil... bon... il voit un truc qui bouge, il tire». Le bon chasseur, au contraire, «a un fusil, il voit un truc qui bouge... bon... il tire».

Un peu facile mais combien efficace. C’est ce qu’explique Christophe Geffroy: «Comment entrer sereinement dans une nouvelle étape de réconciliation si l’on commence par employer un terme assassin qui disqualifie déjà a priori aux yeux de l’opinion ce mouvement dissident ? Vous avez envie, vous, de discuter avec des 'intégristes' et de les réintégrer dans la pleine communion ecclésiale?» C'est à lire sur le blog collectif que La Croix consacre à la levée de l’excommunication. Geffroy est l'un des posteurs agréés, j'aurais aimé que d'autres traditionalistes d'autres chapelles le soient aussi, mais on ne va pas mégoter: c'est une bonne surprise.

jeudi 12 février 2009

Position de l'IBP suite aux propos de Mgr Williamson

Tiré du site institutdubonpasteur.org
La série des événements qui ponctuent l'actualité religieuse depuis ce fameux 21 janvier, où le Pape, dans un geste splendide, a levé l'excommunication des quatre successeurs de Mgr Lefebvre, parait noire. Le diable se déchaine tous azimuts et, comme d'habitude, on peut l'interpréter de deux manières. Il s'agite en vain parce qu'un grand bien se fait. Il détruit à l'avance les bienfaits d'une paix tant attendue...

Les scandaleuses et inadmissibles déclarations de Mgr Williamson, d'abord. Et sa récidive, qui me fait sortir du bois. L'Ecriture nous a prévenus: "les puissants seront puissamment châtiés" (Prov.). Ou encore "j'ai vu tomber les cèdres du Liban". L'hypocrisie qui préside à ces élucubrations sur la hauteur des portes, les impossibles cadences infernales ou la contamination des assassins, voudraient nous faire éluder le fait brutal d'un fou furieux décidé à exterminer la moitié de la terre et passé aux actes. Dans sa folie furieuse, Hitler a envoyé au tapis 17 millions de soviétiques, 6 d’allemands, 5,5 de polonais, 570000 français... Et le fait reste là, massif et incontournable, qu'il s'en est pris massivement aux juifs en tant que tels, ce qui ne fut pas le cas des autres.

Qu'un chrétien, un prêtre ou encore un évêque cautionne cela ou semble vouloir en atténuer l'horreur est scandaleux, oui, et inadmissible. Et il devra en rendre des comptes devant Dieu, dans la proportion de sa responsabilité terrestre. On ne se moque pas de Dieu et ce qu'on sème, on le récoltera. Les juifs auraient tendance à se faire passer pour les seules victimes ? Il faut bien reconnaître qu’ils ont été exterminés pour le seul fait d’être nés juifs, comme les Tziganes. Que l'Occident et ses "journaleux" marxisés aient mis 40 années pour s'apercevoir enfin que le communisme a été aussi sauvage, sanguinaire et meurtrier, ne change rien à l'affaire. Un train peut en cacher un autre. Mais une horreur ne saurait en disculper une autre!

Et quand une gangrène aussi funeste se met dans un corps, on coupe le membre et on le retranche. Ça aussi c'est dans l'Evangile: "si ton œil est pour toi une occasion de scandale: arrache-le et jette-le loin de toi. Mieux vaut pour toi entrer borgne dans la vie que d'être jeté avec tes deux yeux dans la géhenne de feu". C'est assez clair, non?

Car le risque de faire passer les fils de Mgr Lefebvre, (dont je suis, ne vous déplaise, et ce m'autorise cette violence), pour une bande de cinglés aux relents nauséabonds de recels complices, est bien réel et fait la joie de nos adversaires théologiques. Pas de demi-mesure, s'il vous plait ! Que les choses soient claires. Beaucoup d'entre-nous ont perdu un parent dans les camps de concentration, dont Mgr Lefebvre. D'autres, comme les Laguérie à Solignac (les trois Franckel: vérifiez en Mairie) ont planqué des juifs pendant toute la guerre et leurs ont sauvé la peau avec fierté. Comme fit le Pape Pie XII à grande échelle. Il s'agit d'être catholique, à tout le moins chrétien, voila tout. Au fond, les divagations de Mgr Williamson le rabaisse dans le camp des pires modernistes qui militent contre la canonisation de ce grand pape. Nos différends avec les uns ou les autres ne sont que d'ordre doctrinal et théologique: les transposer sur un autre registre est inique.

Qui ne voit que la récidive de Mgr Williamson à "Der Spiegel" est le moyen le plus assuré de faire échouer toute négociation entre Rome et Ecône. Nos adversaires s'engouffrent tête baissée dans la brèche, avec une joie malsaine qui devrait nous faire réfléchir. Une chose est sûre: le Bon-Pasteur entend se démarquer avec la détermination requise. J’ajouterai à titre personnel : mon ancienne amitié avec Mgr Williamson n'a plus rien à voir là dedans. Seulement, je mesure à présent combien son apparitionisme constant (fustigé, en son temps, par Mgr Lefebvre , son trop facile marketing "apocalypse now" et sa fréquentation sélective des sedevacantistes l’ont peu à peu détourné du service du bien commun de l’Eglise auquel un évêque se doit tout entier.

Je prie ardemment pour la Fraternité Saint Pie X, pour son supérieur général, pour tous mes anciens confrères. Je mesure combien la violence de l’attaque de Mgr Williamson a pu les déstabiliser. Je suis sûr que Mgr Fellay saura lui aussi se désolidariser efficacement de cette boue, pour ne pas laisser mettre en cause l’œuvre de Mgr Lefebvre qui n’a rien à voir avec les élucubrations sordides de Mgr Williamson.

Abbé Philippe Laguérie +

Messe pour trois séminaristes

Trois séminaristes de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X sont décédés accidentellement. La messe du vendredi 13 février (19H00) au Centre Saint Paul est dite à leur intention. On peut s'y associer par la prière.


Faire-part de décès, par le supérieur du district de France de la FSSPX

Suresnes, le 12 février 2009

Chers fidèles, Chers amis,

Nous avons la profonde douleur de vous faire part du décès accidentel, survenu au cours d’une promenade en montagne hier 11 février, de trois membres de la Fraternité Saint-Pie X, Messieurs les abbés Jean-Baptiste Després, Raymond Guérin et Mickaël Sabak, tous trois séminaristes de troisième année au séminaire d’Ecône.

Nous recommandons à vos prières le repos de leurs âmes ainsi que leurs familles si durement éprouvées par ce drame. Une messe de Requiem sera célébrée à leurs intentions dans chacune des Maisons du district.

Demandons à Notre-Dame de Lourdes, fête au cours de laquelle a eu lieu cet accident, d’accueillir bien vite dans le Ciel de gloire nos trois jeunes lévites pour qu’ils agrandissent la famille céleste des membres de la Fraternité. Demandons lui de consoler leurs familles si vivement atteintes par une telle épreuve.

Nous recommandons également à vos prières notre Fraternité, elle-même bien cruellement éprouvée en cette circonstance.

Dès que nous le pourrons, nous vous communiquerons les informations concernant les funérailles de nos trois séminaristes.

Je vous prie de bien vouloir agréer, chers fidèles, chers amis, l’expression de mon dévouement sacerdotal dans le Cœur Douloureux et Immaculé de Marie,

Abbé Régis de CACQUERAY

mercredi 11 février 2009

Et maintenant l'apocalypse...

Quel est donc "cet être qui retient", dont parle Rilke, dans les vers cités par notre ami HP (voir post précédent) ?

Sa piété lui suggère que cet être est la Vierge Marie. Marie est effectivement le ministre de la miséricorde dans le gouvernement divin. Mais le texte allemand, cité par un lecteur en commentaire (Merci !), semble indiquer plutôt un personnage masculin.

Comment comprendre le Poète ?

Cette expression de Rilke est une citation de la Deuxième Epître aux Thessaloniciens (2, 7) : "Déjà le mystère d'iniquité est à l'oeuvre. Que seulement soit écarté celui qui retient, et alors se révèlera l'Impie, que le Seigneur détruit du souffle de sa bouche". Et un peu plus haut, on trouve déjà : "Ne vous souvient-il pas que quand j'étais parmi vous, je vous disais ces choses. Vous savez bien maintenant ce qui retient (l'homme de péché) et le contraint de ne se révéler qu'en son temps" (2, 5).

Ce passage a fait couler beaucoup d'encre. L'alternance du masculin (celui qui retient) et du neutre (ce qui retient) n'est pas pour rien dans la perplexité des interprètes.

Dans Le Nomos de la Terre, Carl Schmitt avance bravement que "ce qui retient", c'est... l'empire romain. Et il en profite pour justifier son pessimisme politique par... saint Paul. Si il n'y avait pas d'Empire, dit-il (s'il n'y avait pas de Führer pense-t-on), où serions nous ?

Il me semble évident pour saint Paul qui répète à l'envi qu'il n'a rien voulu savoir, au milieu de ses fidèles, que Jésus et Jésus crucifié que "celui qui retient" -"vous le savez maintenant" précise-t-il à ses correspondants fraîchement convertis - ce ne peut pas être l'empire romain ; c'est évidemment, ce ne peut être que le Messie que l'on appelle Christ en grec.

Mais, demanderez-vous peut-être, qu'est-ce qu'il retient ? Regardez le texte : c'est ce que saint Jérôme appelle "le mystère d'iniquité". Le mot latin iniquitas cache un vocable grec très éloquent : anomia, l'absence de loi. Le mystère de l'absence de loi est déjà à l'oeuvre dans l'humanité. Le mal poursuit sa terrifiante carrière, commencée dans les sifflement du Serpent au Jardin d'Eden, continuée par le meurtre du frère (tellement plus fréquent que le meurtre du père)... Anomia, l'absence de Loi : Dans la Genèse, ce mystère d'anomie culmine avec la Tour de Babel, cette grande illusion d'une humanité qui n'aurait plus besoin de dieu parce qu'elle serait devenu capable d'être à elle-même sa propre providence.

Le Christ est désigné comme "celui qui empêche" ou comme "ce qui empêche", au masculin et au neutre, car le Messie est souvent désigné aussi au neutre comme "le germe" ou "la semence" dans l'AT.

Le Christ est celui qui empêche l'humanité de se retourner contre elle-même, dans ce vertige de l'heautontimoroumenos, qu'avait chanté Baudelaire : "Je suis la plaie et le couteau et la victime et le bourreau". Lorsque le Christ disparaît, le Mystère de l'anomie prend sa place. Cette manifestation de l'Iniquité (de l'anomie) advient à chaque génération, comme semble nous prévenir le Christ dans une phrase célèbre qui a donné des sueurs froides aux exégètes : "cette génération ne passera pas que tout ne soit accompli". Le Christ n'évoquait pas la fin du monde, mais le déchaînement du mal, qui intervient à chaque génération. Il me semble que c'est ce déchaînement que pressentait le positiviste Jacques Bainville, avec sa fameuse formule : "Tout a toujours très mal été".

Et il me semble que dans cette répétition obsessionnel du Mystère d'iniquité, à l'oeuvre depuis le commencement, sont annoncées toutes les grandes catastrophes de l'histoire. C'est le drame de tous les spiritualistes optimistes, genre Leibniz : l'histoire humaine n'est pas cette sorte de pente douce qui conduirait sans heurt l'humanité vers une sorte d'apogée rationnelle. C'est plutôt une succession de catastrophes. Chaque génération connaît la sienne.

Face à la fatalité catastrophique, le Christ est celui qui retient. Dans sa Loi à lui, les pires maux deviennent des biens ("heureux ceux qui pleurent"), ce que saint Paul - encore lui - avait perçu, lorsqu'il écrivait aux Romains et la pitoyable impuissance de l'homme ("je ne fais pas le bien que j'aimerais faire etc.") et l'extraordinaire espérance qui nous soulève vers le Christ : "Tout coopère au bien pour ceux que Dieu aime, eux qui sont ses élus selon son libre dessein" (Rom. 8, 28).

Le spectacle du Mal à l'oeuvre dans le monde doit être un extraordinaire stimulant à cause de "Celui qui retient" : "Où le péché avait abondé, la grâce a surabondé" (Rom. 5, 20)... Les tornades de l'iniquité annoncent un printemps de paix dans la grâce.

Il me semble que les circonstances présentes, en ce qu'elles peuvent avoir de proprement sataniques ou apocalyptiques, supportent bien que l'on se rappelle se B.A BA de l'espérance chrétienne : de par Dieu, le mal n'existe que parce qu'il peut se transformer en bien...

mardi 10 février 2009

Qui est cet être dont les mains retiennent notre chute? - H. P.

H. P. nous envoie ceci:

Suite à ma conférence sur Graham Greene et le rôle du prêtre je vous envoie ce poème de Rilke que j'ai trouvé dans le roman "le fond du problème" poème traduit en anglais et en français, (je n'ai pas trouvé l'original allemand) qui me rappelle le débat sur l’enfer que nos avons eu :

Juste avant de décider de sa mort, Scobie, le héros du fond du problème, écoute le poème tiré de Rilke que lit sa femme:
"Tout est chute en nous ; Cette main même tombe
Et le mal incurable de la chute nous a tous frappé
Mais il est un être dont les douces mains
Retiennent cette chute universelle"
Qui est cet être dont les mains retiennent notre chute, qui est invoqué, sinon la Vierge Marie et j’avoue qu’à la lecture de ce poème je comprends d’une autre manière les paroles de la Vierge aux enfants sur les âmes qui tombent en enfer, citées par l’abbé Pagès. Il ne s’agit pas d’éviter l’enfer pour nous, en restant bien au chaud ou derrière la vitre, mais de retenir avec elle ces âmes. Donc cet avertissement peut être interprété aussi comme une désolation et un appel de Vierge pour l’aider dans cette tâche, si je comprends ainsi ce poème de Rilke qui ne se revendiquait pas comme chrétien, à ma connaissance.

Cordialement - H. P.

dimanche 8 février 2009

La vérité et mes vieux démons... métaphysiques

Antoine, dans le poste consacré à la prochaine livraison du Spiegel, me demande de vous parler de la vérité. Il rejoint sans le vouloir les vieux démons de l'analogie qui sommeillent en moi.

Analogie ? Qu'est-ce à dire ?

Le mot se trouve chez Aristote, qui, au Livre XII de sa Métaphysique (chapitre 5) définit l'analogie en cinq mots : "Autre dans les choses autres". Cette formule vaut particulièrement pour ce que les logiciens médiévaux appellent les Transcendantaux : l'être, l'un, le vrai, le bien.
Exemple d'application : la bonté. On emploie le même mot remarquait déjà Platon, misogyne à ses heures comme chacun sait, pour parler d'une belle femme et d'une belle casserole (voir Hippias majeur). On dit aussi bien : une bonne casserole, une bonne femme, un bon homme, le bon Dieu. C'est le même mot, "autre dans les choses autres". Il est impossible de donner une définition une du bien. Contre Platon, il n'y a pas d'idée du Bien. Ou bien encore : le bien (divin) est toujours un autre.

Cela vaut aussi pour l'être (il n'y a pas d'idée de l'être) pour l'un ou pour le vrai.

Mais dans le cas du vrai (celui que vous me mettez sous les yeux, Antoine), les choses se compliquent encore.

On peut en effet dire que telle ou telle chose est vrai, mais, explique mon cher Cajétan, dans ce cas, on n'emploie pas le mot 'vrai' au sens propre. La relation de vérité se termine toujours dans un esprit (cf. aussi, saint Thomas De Veritate, Q1 a2). Au sens propre, c'est l'esprit qui est vrai, lorsqu'il entre en relation avec tel ou tel objet.

On voit dès lors se dessiner le paradoxe : au sens propre, seuls les esprits sont vrais. Je ne connais que des esprits humains, et je peux mesurer chez les autres ce que je constate chez moi, avec quelle fragilité notre esprit s'attache à ce qui est. La relation de vérité est fragile : essentiellement subjective, elle suppose toujours d'abord l'expérience sensible, ensuite l'abstraction, la formalisation, le jugement, le raisonnement, autant d'opérations qui sont de nature à masquer au moins autant qu'à montrer la vérité. Chacune est en même temps l'instrument de la vérité et l'occasion de l'erreur.

Ces approximations successives supposent néanmoins quelque chose dont on s'approche, une vérité absolue, semblmance de toutes les ressemblances, qui ne soit pas un objet (puisque l'objet en lui-même n'est ni vrai ni faux comme nous venons de le dire), qui soit donc un sujet, le Sujet absolu : une vérité qui dit Je et qui soit totalement une autre par rapport à tous les esprits vrais que je peux croiser et qui sont tous dans l'effort d'approximation que je viens de décrire.

Cette vérité qui dit Je et qui se présente comme vraie absolument ("Je suis la vérité"), historiquement c'est le Verbe fait chair, à la fois semblable à nous et absolument un Autre, à la fois créature et Créateur, connaissant "les choses cachées depuis la fondation du monde", esprit vrai par antonomase, puisqu'il connaît cette vérité - qui est autre par rapport à toutes les approximations humaines et qui, en même temps contient le destin de l'humanité.

Cette vérité absolue, qui nous offre la clef de notre destinée, en proférant la parole qui nous fait échapper à la vanité essentielle de notre nature d'animaux pas très raisonnables, cette vérité qui est le Christ périme toutes les autres. Elle n'interdit rien cependant. A sa lumière, la recherche humaine visant toutes les vérités partielles, reste indéfiniment libre. Mais par rapport à ces vérités partielles, parce qu'elle est posée dans une Altérité irréductible à un concept humain (ce que l'on appelle la vie éternelle), cette vérité qui dit Je est toujours nouvelle.

Lorsque, comme prêtre ou comme évêque, on se met au service de cette vérité de manière irrévocable, comment peut-on comparer ce service, merveilleusement transcendant, toujours nouveau, avec une recherche humaine quelle qu'elle soit ?

Approximations que les vérités humaines, toujours défaillantes étant donné les esprits qui les portent.

Servir Dieu, c'est avant tout comprendre que sa vérité ne fait nombre avec aucune autre, qu'elle ne peut se comparer à aucune autre. C'est comprendre également que cette vérité qui dit Je n'est pas réductible à la représentation que nous pourrions nous en faire.

Pour cette raison, on peut dire que la Vérité divine, toujours une Autre, ne s'oppose pas aux vérités partielles et autres approximations que sont les représentations scientifiques humaines. Elle est d'un autre ordre. Ainsi la science, en régime chrétien, même à l'époque de Galilée, a toujours été parfaitement laïque.

Dans cette perspective, il n'est pas permis de dire : en cherchant la vérité botanique, archéologique, historique etc. c'est directement le Dieu vrai que je cherche. Non ! Pas immédiatement Lui (sur ce point je ne serais pas tout à fait en accord avec certains accents du discours des Bernardins, malgré la beauté et l'audace de ce discours).

Mgr W., qui s'est établi pour longtemps précise-t-il, dans la recherche de la vérité concernant les chambres à gaz n'a pas le droit de dire que, vérité pour vérité, il est dans son office. La vérité divine périme toutes les autres. Qui veut la servir comme prêtre ou comme évêque est tenu de la préférer à toute autre. Ou alors il abandonne ce service. Lorsqu'une recherche humaine met en danger le service divin, il n'y a pas à balancer, il faut choisir. Mgr W. ne veut pas choisir ? Il est en train de choisir sa recherche plutôt que son ministère.

Dans le spectre de l'analogie, il me semble que l'on peut aller jusque là. S'adressant au Spiegel, Mgr Williamson le fait avec préméditation. Il cherche le scandale le plus grand. Il me semble donc qu'il a passé les bornes de l'admissible pour un évêque. Se prévaloir d'une comparaison en acte entre sa "vérité recherchée" et la vérité divine, pour se croire autorisé à ce scandale, cela signifie concrètement avoir troqué l'une pour l'autre.

Mais si l'on se détourne de ce spectacle navrant, pour contempler le spectre étincelant de l'analogie, on doit constater la puissance de ce modèle logique et métaphysique, qui est capable de nous dire, en toute rigueur intellectuelle, deux choses apparemment antithétiques :
1- la recherche de la vérité, dans l'ordre humain, est absolument laïque, puisque chaque réalité se donne à l'esprit qui la pense par le truchement de l'abstraction, de la formalisation, du jugement, du raisonnement, sans qu'interfère aucune forme d'absorption dans une vérité majusculaire, qui serait cannibale. ("la vérité est autre dans les choses autres").
2- L'irruption de la vérité divine dans le langage humain par le truchement de la Révélation périme toutes les vérités approximatives issues de la recherche humaine et les équipare en quelque sorte à des non-vérités. (Parce qu'elle se tient dans le champ de l'Autre, la vérité qui dit Je est proprement in-comparable).

Cette défense simultanée de l'immanence (position 1) et de la transcendance (position 2) a pour beaucoup quelque chose que Cajétan lui-même appelait ironiquement "un blasphème".
Mais en réalité, le blasphème consiste à refuser le champ de l'Autre et à mettre sur le même plan toutes les vérités divines et humaines, au risque de confondre les genres en un cocktail dégueulatoire, que l'on se paiera le luxe d'appeler : le vrai.

Je m'excuse auprès de mes lecteurs de cette fantaisie métaphysique inaboutie...

samedi 7 février 2009

Et maintenant der Spiegel !

Le 28 janvier dernier, sur ce Blog, j'avais souligné que, pour Mgr Williamson, la double casquette d'évêque catholique d'une part, de prédicant mythologico-politique du négationnisme d'autre part n'était pas possible. "Il faudra qu'il choisisse".

Il me semble qu'il a choisi, en envoyant à l'hebdomadaire allemand Der Spiegel, par mail depuis l'Argentine, une interview vérifiée par ses avocats, dans laquelle il confirme tenir ces thèses négationnistes depuis les années 80. Il demande "du temps pour travailler" et fait état de la commande d'un livre de Jean Claude Pessac, démontrant l'impossibilité scientifique des Chambres à gaz.

Bref il est mûr pour un stage de perfectionnement de quelques mois à Teheran ! Mais qu'il ne s'y trompe pas : l'islamisme, dans ses composantes radicale est exterminationiste. J'ai pu vérifier cela de mes propres oreilles dans un taxi, entre la Gare de Lyon et la Gare Montparnasse : un colosse barbu, se disant algérien naturalisé français, m'a expliqué posément que l'extermination des juifs était dans le Coran. "Il ne faut pas le dire aux journalistes" a-t-il ajouté. Lui répondre qu'il n'y a pas trace d'extermination (le mot qu'il a employé) dans le Coran ? Je l'ai fait sans entamer sa foi. Là encore malheureusement tout est une question d'interprétation : si l'on prend tel verset de la sourate 9 à la rigueur, c'est tous les infidèles qu'il faudrait tuer... Et je crois que mon chauffeur se fondait aussi (quelqu'un a-t-il des références là dessus ?) sur des traditions plus ou moins anciennes concernant une eschatologie musulmane, assez effrayante et que les âmes simples prennent évidemment au pied de la lettre : "C'est la volonté de Dieu".

Mais revenons à Mgr Williamson. Il ne faut pas tout mélanger ! Je ne le crois pas du tout personnellement exterminationiste. Etant directeur du Séminaire de Winona, il entretenait, paraît-il, d'excellentes relations avec quelques rabbins new-yorkais, qu'il recevait dans cette citadelle de l'intégrisme catholique avec les honneurs... au grand dam de certains. Il dit au Spiegel que son problème est la vérité. Mais la vérité, pour un évêque catholique, c'est le Christ, qui efface et qui périme toute autre vérité. Prétendre chercher la vérité, tout en se rendant incapable de prêcher le Christ, comme il est en train de le faire, en soutenant l'insoutenable, c'est simplement absurde. Prétendre chercher la vérité dans Jean Claude Pessac, alors qu'il existe une imposante bibliographie sur ce que Raul Hillbert appelle "la destruction des juifs d'Europe", c'est, pour Mgr Williamson, tourner en dérision ses propres paroles.

Je suis persuadé que pour lui le fond du problème n'est pas là. J'allais dire : manifestement sa religion est faite sur le sujet. Parler de recherche de la vérité dans son cas n'a donc aucun sens.

Après cet entretien au Spiegel à paraître lundi, mais dont les bonnes feuilles circulent déjà un peu partout, il montre que ses excuses au Saint Père étaient de pure forme. A mettre ainsi gratuitement de l'huile sur le feu, il montre que l'avenir de la FSSPX, menacé d'interdiction en Allemagne, ne le concerne que de loin.

Quel est son objectif, car cette fois on est bien obligé de qualifier cet entretien au Spiegel d'action préméditée. Je dirai aussi : à quelle tentation est-il en train de succomber ?

Son objectif immédiat est d'empêcher le "ralliement" de toute la Fraternité Saint Pie X à Rome, en demeurant, comme évêque, en dehors du mouvement de retour à Rome, qui, lui, semble encore irréversible, grâce aux réactions courageuses de Mgr Fellay (la dernière : l'expulsion de l'abbé Abrahamowicz, qui, pour se solidariser avec Mgr Williamson, avait prétendu dans un journal italien que dans les Camps les fours ne servaient qu'à la désinfection).

La tentation à laquelle il succombe ? Après avoir été si longtemps mis de côté par Mgr Fellay, prendre à 68 ans la tête d'un combat planétaire, qui lui permettrait enfin d'accéder à une notoriété, sans doute diabolisée mais éclatante.

Je ne lis pas dans les coeurs, mais le choix prémédité du Spiegel me paraît particulièrement révélateur d'une démarche qui n'est plus celle d'un évêque catholique attentif au bien des âmes, mais celle d'un chef de Parti (le Parti de la négation), décidé à faire le maximum de scandale, dans le pays où cette histoire est forcément encore pour les goïm, la plus douloureuse du monde. Juste pour faire avancer son combat. Quel mépris des âmes, pour un Pasteur !

Je disais le 28 janvier : Mgr Williamson doit choisir. Il a choisi le Spiegel. Il a choisi le scandale. Il doit renoncer à son épiscopat. Le scandale est un motif canonique pour cela.

jeudi 5 février 2009

Signer la lettre de soutien à Benoît XVI

Chers amis, il n’est pas dans nos habitudes de vous proposer de signer une pétition. Cette fois, étant donné les attaques réitérées contre le pape, parce qu’il fait miséricorde à ceux que la correctness avait excommuniés, je vous demande de signer la pétition de soutien, au nom de tous ceux qui ne se résignent pas à voir régner dans la chrétienté mourante des syndics de faillite sans vision d’avenir, au nom de tous ceux qui veulent, avec Benoît XVI, un nouveau visage – « décomplexé » – pour ce Royaume de Dieu sur la terre qui est l’Eglise.

Il s’agit pour nous, non seulement de remercier Benoît XVI, mais de lui manifester la présence, à ses côtés de milliers et de millions de chrétiens, séduits par la nouveauté de son action et près à accueillir l’élan si personnel et si profondément catholique (c’est-à-dire universel) qu’il donne à l’Eglise.

« Personne ne doit se sentir de trop », avez vous dit à Lourdes, très saint Père. Nous reprenons avec vous cette formule libératrice, contre toutes les idéologies qui ont déformé le visage de l’Eglise.

Ennéagramme: "Je retiens trois perles..."

L'animateur de notre journée "ennéagramme" nous envoie ceci:


Je retiens trois perles de ces réactions :

Dans le premier post : Vous écrivez « Travailler sur nos faiblesses ou les présenter humblement au Seigneur ? ». Que signifie ce « ou » ? Pourquoi cette opposition ? Cette distinction me paraît plus qu’injuste: grave. Sous-entendez-vous que présenter nos faiblesses humblement nous dispense de travailler nos faiblesses ? Encore faudrait-il savoir de quelles faiblesses vous parlez ? A quel niveau vous situez-vous ? Psychologique, spirituel, moral ?

Dans le second post, vous parlez de votre point d’achoppement « une possible confusion de niveaux ». Effectivement, votre post confond les niveaux du début à la fin. Distinguez-les et vos objections tombent. Appliquez-vous le remède que vous préconisez…

Toujours dans le second post, votre raisonnement concernant le péché est étonnant. Le péché est un acte et non une tendance. L’enjeu psychologique est de connaître nos tendances pour les apprivoiser, les rectifier, les développer (en fonction de la nature de ces tendances). L’enjeu moral, ce sont les actes que nous posons. L’ennéagramme décrit des tendances, positives et/ou négatives et/ou neutres. Ces tendances ne gomment en aucun cas la moralité des actes que nous posons.

Dans le troisième post : vous demandez de démontrer une « compatibilité entre la foi et l’enseignement de l’Eglise ». Demandez-vous de démontrer la compatibilité entre la recette de la tarte aux pommes et l’enseignement de l’Eglise ? Quelle confusion ! et pourtant, la tarte aux pommes peut être la source d'actes peccamineux...

Vous posez la question : « Qu’est-ce qui détermine les actes de l’homme ? » Cette question comporte un implicite : il y a quelque chose qui détermine les actes de l’homme et vous demandez quoi ! Et bien je vous réponds: le problème, c’est votre question. Il n’y a un problème qu’à condition de se poser le problème en ces termes. A problème mal posé, mauvaise réponse ! En tout cas, l'ennéagramme, tel que nous l'avons envisagé samedi ne détermine rien du tout.

L’ennéagramme est un outil. Un outil n’existe que par rapport à sa fonction. Ne reprochez pas à l’outil de ne pas remplir d’autres utilités que celles de sa fonction propre ! ce serait comme de reprocher à un couteau de ne pas écrire. Est-ce le seul outil ? Non ! C’est UN outil efficace… et c’est son efficacité qui fait son danger : comme pour tout outil le caractère moral de l’ennéagramme tient à la fin poursuivie par l’utilisateur.

L'animateur.

Le salut est... personnel !

C’est le hasard des rééditions qui m’a fait connaître le De vocatione gentium de Prosper d’Aquitaine (vers 390-vers 450). Un joli petit livre pour éclaircir ce concept central en christianisme : l’appel.

On a trop tendance à réduire l’appel à la question – tristement rebattue – de la vocation sacerdotale et religieuse. Comme si Dieu n’appelait que les parfaits ! Ou comme si le seul appel de Dieu était l’appel à la perfection sacerdotale et religieuse, que quelques personnes hors du commun auraient entendu un beau matin résonner à leurs oreilles.

En réalité, nous explique ce théologien laïc bien de chez nous, qui, comme son nom ne l’indique pas, a passé sa vie entre Marseille et Rome, l’appel de Dieu est universel. Chacun d’entre nous, nous sommes appelés à donner le meilleur de nous-mêmes. Non pas ce que nous voudrions donner. Mais ce que Dieu a prévu que nous devrons donner : « Si on ne peut se prononcer sur aucun homme avant sa fin, c’est parce qu’il sera dans la gloire des élus, écrit Prosper, à condition qu’une crainte salutaire lui donne la persévérance dans l’humilité » (II, 37). Le salut n’est pas un don que Dieu aurait fait à toute l’humanité, prise comme une seule nature (thèse du salut universel). Le salut n’est pas un don que Dieu aurait fait à une partie de l’humanité, et qu’il n’aurait pas fait à l’autre (prédestination protestante). Le salut est un appel personnel adressé à chacun des drôles d’animaux que nous sommes. Le salut est une aventure personnelle. Un appel à sortir de l’animalité, qui suppose, pour être suivi d’effet, « l’union entre celui qui apporte la lumière » (le Christ) et celui qui en bénéficie » (le fidèle) (op. cit. I, 6).

C’est autour de cette notion d’appel, emprunté bien sûr à saint Paul, que Prosper d’Aquitaine défend l’augustinisme. Il le défend d’abord contre les traditions que l’on appellera plus tard semi-pélasgiennes et qui sont cultivées par les moines de l’île de Lérins, centre d’un traditionalisme agressif. Il le défend ensuite, cet augustinisme, contre ses propres excès. Il défend un augustinisme qui sera l’augustinisme romain contre l’augustinisme africain, contre l’augustinisme noir qui vaticine sur « la masse des damnés ».

Comment caractériser son approche ? Prosper maintient avec Augustin que « en dehors du culte du vrai Dieu, même ce qui semble vertu n’est que péché » (I, 7). Mais il insiste, plus que ne le fait l’augustinisme ordinaire, sur la dimension personnelle du salut. Le salut n’est pas un fait qui serait attribué par hypothèse à toute l’humanité, en sorte qu’il devienne quelque chose comme un droit de l’homme. Le salut est un appel, qui est universel parce que Dieu l’adresse à chacun, dans les méandres secret de son existence.

Jusqu’à Vatican II, telle sera, sur ce sujet, la position pastorale de l’Eglise de Rome. Il est juste de se souvenir qu’historiquement elle est d’abord celle d’un Gaulois, qui voulut terminer sa vie à l’ombre des Palais romains.

mercredi 4 février 2009

Une pastorale qui ne marche pas

Cela fait très longtemps que je le sens. Cela fait un moment que je me le répète : dans l'Eglise dite conciliaire par ses propres représentants, le problème immédiat n'est pas dogmatique. Pour les tenants de ce Concile pastorale qu'est Vatican II, le pb est pastoral.

Tout à l'heure, j'ai participé à un enterrement (sans messe) que l'on a refusé que je célèbre, au fin fond d'une banlieue. Le Père R., d'origine africaine est un type sympathique. Il sait dire la foi... Mais hélas, dans cet enterrement... il est à côté de la plaque. Commentaire des Béatitudes, qui ont été lues. Quelques formules. beaucoup de mots. Et au bout de tout cela, après un petit couplet (très bien pensant d'ailleurs) sur la justice sociale... rien ou presque, je ne dis pas sur la défunte (il avait assimilé, en bon professionnel que nous essayons d'être les uns et les autres quelques bribes de cette vie), rien ou presque sur la mort de la défunte, sur ce que signifie cette mort pour chacun d'entre nous, pour la mise en question radicale qu'impose cette séparation d'avec un être cher. tout à l'heure au cimetière, la fille de la défunte lira un beau poème : "Je suis dans la pièce d'à côté". rien de cela dans le sermon du prêtre. Plein de bonnes choses, mais rien qui accroche, rien qui morde sur la vie, rien qui impose silence réflexion, prière.

Vous avez sans doute assisté, les uns et les autres, à ces enterrements sans messe qui traînent en longueur, parce que l'essentiel n'est pas dit. "Il importe à toute vie de savoir si l'âme est mortel ou immortel" disait Pascal. La mort est un tabou dans la société actuelle. Nous vivons aujourd'hui sous le régime de ce que Philippe Ariès appelait "la mort interdite". Interdit d'en parler. Interdit d'y penser. Et, par la vertu de puissants sédatifs, interdit de vivre sa mort !

On attend d'une Eglise vraiment pastorale qu'elle sache lever ce tabou, qu'elle sache aider les hommes et les femmes qui franchissent le seuil de la maison du Seigneur à tutoyer la camarde, à la regarder en face, en articulant une prière.

Ce qui m'est apparu comme dramatique dans cette cérémonie, c'est qu'elle soit si... bien pensante, si pleine de considérations chrétienne et si vide de réalité. Oui décidément, il y a sans doute des problèmes doctrinaux. Mais immédiatement le pb est pastoral. Il est tellement clair pour tout le monde que passé l'heure du téléthon rituel, les bons sentiments n'intéressent personne.

Gide disait paraît-il : on ne fait pas de bonne littérature avec des bons sentiments. Eh bien ! Je crois que l'on ne fait pas une Eglise avec des bons sentiments.

Si l'on veut construire la demeure de Dieu parmi les hommes, impossible de faire l'impasse sur la vie, la mort, la souffrance (dont on ne se débarrasse pas d'une larme rituelle), le péché. Impossible de faire l'impasse sur la métamorphose qui nous attend tous. Au temps où il croyait encore à une fin des temps relativement proche, saint Paul disait aux Corinthiens : "Nous ne mourrons pas tous, mais tous nous serons transformés". Auprès des Galates, il caractérise cette métamorphose de la façon suivante : "Celui qui sème dans la chair récolte de la chair la corruption. Celui qui sème dans l'Esprit récolte de l'esprit la vie éternelle".

C'est déjà tout le sens du rite classique du baptême :
- Que demandez-vous à l'Eglise ? - La foi. Que vous procure la foi ? - la vie éternelle ".

Pas de parlure comme dirait Claudel. C'est bref. Mais tout est dit. Le secret de notre destinée, le miracle attendu de notre métamorphose. Si l'on oublie cela, où est la pastorale ?