samedi 28 avril 2012

Ai-je grâce d'état ?

"La politique, M. l'abbé, avez-vous grâce d'état ?" me demande un anonyme à 3 H du matin sur Métablog. La question vaut d'être posée, d'autant que le même anonyme semble y répondre : autant il aime la mise au point que je propose sur le moindre mal en politique, autant il me reproche de ne faire aucune considération (mais alors aucune, c'est vrai) sur la politique de M. Sarkozy, durant le dernier quinquennat. Il ne lui vient pas à l'idée que justement, si je ne fais aucune allusion au bilan politique du quinquennat, c'est tout simplement parce que je n'ai ni grâce d'état ni compétence pour faire cela. Je ne fais pas de politique, la politique ne me démange pas (mais alors pas du tout). S'il fallait que je me définisse, disons que, du point de vue des compétences, je suis un apprenti philosophe qui aspire à être théologien. Du point de vue de la grâce d'état, je suis prêtre, en remerciant Dieu tous les jours de la beauté de ce sacerdoce qu'il m'a confié. Mon travail (c'est le mien, je ne peux pas me dérober) est donc d'éclairer les consciences. Non pas en tant que spécialiste de la chose politique, que je ne suis pas, mais en tant que prêtre et aussi, en tant qu'électeur, en tant que citoyen.

J'ai aussi un petit plus en tant que philosophe, qui me fait dire que si mon interlocuteur ne voit pas la différence entre se faire couper un bras et se faire couper les deux bras, moi, au nom de ma philosophie, au nom de mon envie de réel, je la vois très très bien...
 
Je mets sur le même pied philosophie et envie du réel et je sais bien que l'envie de réel n'est pas forcément partagée par tous les philosophes et qu'heureusement il n'est pas nécessaire d'être philosophe pour l'éprouver. Cela dit "tout le monde a une métaphysique patente ou latente ou alors on n'existe pas" disait Péguy dans Notre jeunesse. Vivre en homme (chercher le réel) c'est déjà philosopher, d'une certaine façon.

De façon plus générale, je dirais à  ce sympathique contradicteur ce que j'ai déjà dit à Benoîte : la réalité est une et ce que l'on nomme "spiritualité" n'est pas une échappatoire ni une Tour d'ivoire, ni un Aventin secret. Etre spirituel, c'est faire confiance à l'Esprit qui habite dans nos coeurs par le baptême (ou par le désir du baptême) pour affronter sans ciller les questions qui sont à notre portée. "Faire face" comme disent les héros de Bernanos constamment. S'appuyer s'adosser aux évidences que nous avons pu arracher à la complexité des circonstances et aux déceptions de l'existence pour faire face.

Qu'est-ce donc que cet Esprit demanderez-vous peut-être ? - L'Esprit saint, l'Esprit de Dieu qui s'unit à notre esprit pour nous donner une liberté surnaturelle, que notre psychologie, étroite et pleine de carences, ne nous donne pas toujours par elle-même et que notre raison, enfermée dans ses constructions et dans ses précompréhensions n'est pas forcément capable de percevoir, lorsqu'elle se limite à son fonctionnement ordinaire.

N'oublions pas cette phrase étonnante de la Première épître de Jean, que nous avons lue dimanche il y a quinze jours dans l'extraordinaire rite que j'ai l'honneur de célébrer : "Ils sont trois qui rendent témoignage dans le Ciel : le Père, le Verbe et l'Esprit saint et ces trois ne sont qu'un. Et ils sont trois à rendre témoignage sur la terre : l'esprit, l'eau et le sang et ces trois ne sont qu'un".

L'Esprit règne par le Christ "sur la terre comme au ciel". Quand donc comprendrons-nous que les chrétiens et les chrétiennes sont forcément des hommes et des femmes d'esprit ? Les autoproclamés esprits forts ont jalousé l'esprit chrétien, ils n'ont réussi qu'à le caricaturer (de Don Juan à Nietzsche et à Georges Bataille). Qu'est-ce qui rend témoignage sur la terre : l'eau, qui est celle du baptême ; le sang qui coule à chaque eucharistie et l'Esprit, qui seul nous fait renaître par l'eau et le sang, l'Esprit qui nous donne une nouvelle intelligence de la vie.

vendredi 27 avril 2012

Ces cathos contre le réel...

Le dernier livre d'Elisabeth Lévy, La Gauche contre le réel, se vend comme des petits pains. J'ai dû faire trois librairies et l'ai trouvé finalement (pub gratuite) à La Procure, rue de Mézières. Au nom du vieil adage selon lequel il faut commencer par balayer devant sa porte, je me permets de démarquer son titre : Ces cathos contre le réel. Rien à voir avec une quelconque repentance. Juste un petit examen de conscience. Ca ne peut pas faire de mal! Rappelons que l'hostilité au réel a plusieurs sources (maladie psychique, esprit irrémédiablement "poétique" ou lunatique etc.). Mais au XXème siècle, la plupart du temps, l'hostilité au réel a été le fait d'idéologies qui ont cherché (contre toutes raisons) à temporaliser le Royaume de Dieu, à construire un (impossible) paradis sur la terre. C'est la réaction de Baudelaire - un ami de 30 ans - sur le Forum Catholique qui m'a donné envie de ce titre. Envie? C'est le mot : je pense que le réel, on en a envie ou on en a peur. Les néothomistes au XXème siècle ont souvent revendiqué pour eux "l'attention au réel", le sens de l'induction (à partir de l'expérience sensible sans cesse renouvelée). En réalité, avec leur manière de mettre un "isme" au réel, avec leur revendication de "réalisme", ils ont souvent été plus idéologues que leurs adversaires. C'est le Père Chenu (on a les références qu'on peut) qui m'avait mis la puce à l'oreille en titrant son dernier livre : La Doctrine sociale de l'Eglise, une idéologie ? Si Raymond Aron a raison, si l'idéologie est bien un produit de la sécularisation du religieux, alors une religion qui se sécularise elle-même, qui volontairement oublie sa dimension mystique et les exigences que cette dimension implique ou importe dans le quotidien dérive forcément vers ce produit de substitution, vers cet ersatz qu'est l'idéologie. Il y a eu les chrétiens de gauche, adepte du marxisme light, il y a eu les centristes, adeptes d'une sorte de messianisme technocratique dont Jean Monnet fut le prophète. Mais les chrétiens de droite ? Je crois qu'avec le néothomisme, ils ont trop souvent fabriqué eux-mêmes le cordon sanitaire qui les protégeait du réel. Je galège? Prenons l'exemple d'abord de nos amis de Civitas. Ils ont fait il y a quelques mois une campagne Tout sauf Hollande, que j'avais relayée sur Radio Courtoisie en invitant Alain Escada. Mais entre les deux tours, ils restent obstinément muets sur le sujet, s'occupant avant tout de... Jeanne d'Arc et laissant Renaissance catholique prendre leur place et scander à leur tour sur le net : TSH. Que faut-il penser de cette manière de se consacrer à Jeanne d'Arc justement entre les deux tours? Jeanne d'Arc, c'est important. Jeanne d'Arc c'est un grand motif d'espérance politique. Mais tous les discours sur Jeanne d'Arc ne remplaceront pas une claire consigne de vote, surtout pour un mouvement qui se veut avant tout politique et non mémoriel ou religieux. Jeanne devient pour eux en cette occurrence, le cordon sanitaire contre le réel. Et je n'ai rien contre Jeanne, vous le savez. La meilleure preuve : il y a aussi ceux qui appellent à voter "Jésus 2012", eh bien ! c'est... Jésus lui-même qu'ils utilisent comme cordon sanitaire contre le réel. Et je n'ai bien évidemment rien (mais alors rien Seigneur) contre Jésus. Il me semble, tant que je suis à mettre les pieds dans le plat (en toute amitié d'ailleurs) que le long texte que l'ami Baudelaire a bien voulu consacrer à mes essais internautiques sur le moindre mal relève du même genre littéraire : c'est aussi un cordon sanitaire contre le réel. Cordon érudit, mais peut-être pas assez informé sur ce point précis de la doctrine du moindre mal chez Thomas d'Aquin. Pour le résumer brièvement, il estime que Thomas, laissant à ses lecteurs le choix entre divers régimes politiques ne nous invite à choisir qu'entre des biens, car pour Aristote, repris par son Commentateur, le regnum, l'aristocratia et la politia (je cite en latin pour éviter d'insolubles querelles de traduction) sont toujours des bons régimes, du moment qu'ils ont en vue le bien commun. Mais ils l'atteignent plus ou moins efficacement. Thomas, en cette occurrence ne nous donnerait donc le choix qu'entre un bien et un moindre bien, en acceptant le moindre bien s'il est plus facile à réaliser. Conclusion (sur notre sujet) : Thomas ne nous ouvre pas réellement la possibilité du moindre mal, mais seulement du moindre bien (ce qui est... contraire à l'expression qu'il emploie : minus malum... et donc pas très convaincant comme exégèse).
 
Conclusion générale sur notre engagement en politique : que ce ne soit pas même un Bulletin de vote, nous dit Baudelaire. Tant que nous sommes gouvernés par la femme sans tête, pas la peine de nous déranger pour aller voter! Vive la pêche à la ligne (celle qui vivait très bien avant la candidature avortée de Frédéric Nihous essayant de faire voter les pêcheurs). Surtout ne nous salissons pas les mains! Ne prenons pas position et continuons à philosopher! Mon ami Bernard Antony, que j'ai appelé au téléphone hier, ne décolère pas contre ces philo-théo-cathosophes et il a raison - comme il a raison, de son côté, de défendre "le moindre pire", répondant d'ailleurs ainsi très exactement (quoi que sans l'avoir voulu) à Baudelaire 2000. Baudelaire oublie deux choses dans son exégèse :
 
Il y a un autre passage de l'oeuvre de Thomas d'Aquin où il est question du moindre mal en politique, c'est le Commentaire du Psaume 18, §5. Sur le verset, Lex Domini immaculata convertens animas, Thomas souligne que c'est la loi du Seigneur qui est immaculée et que la loi humaine ne l'est pas. La loi humaine, en effet, peut tolérer le moindre mal, "sicut usuram et prostibulum". Thomas donne deux exemples : l'usure, non pas le crédit, mais cette manière de jouer sur la pauvreté des gens en leur prêtant au lance pierre avant de leur faire rendre gorge avec des taux d'intérêt... usuraires. Quant à prostibulum, il ne s'agit pas du plus vieux métier du monde, mais de la structure qui abrite ces activités, que saint Louis de France fit installer, sur les conseils de Thomas au... bord de l'eau, d'où le nom qui lui est resté. Certains contesteront l'historicité de ce fait, qui est pourtant dans le domaine public (sur Internet), mais l'on ne pourra pas contester ma référence au Commentaire du Psaume 18. Or je ne sache pas que le... bordel soit... un moindre bien. L'exégèse de Baudelaire s'effondre donc.
 
Quant à sa référence à la royauté sacrée, elle ne me semble pas du tout dans le texte du De regno. A ma connaissance, il n'est pas question de "sacre" royal dans les textes de Thomas d'Aquin. Le fait qu'il emploie "regnum" au lieu de "monarchia" montre simplement que la monarchie est en son temps une structure familière que l'on désigne par le terme latin le plus usuel et non par un terme savant issu du grec. Je crois qu'être chrétien,c'est forcément être à l'aise avec le réel tel qu'il est, même moins beau, même décevant, même... démocratique (notre démocratie, avec l'avènement des technostructures mondialisées, il va bientôt nous falloir la défendre !). Le réel est toujours le lieu de notre sanctification, chère Benoîte. Nous ne sommes pas saints dans l'abstrait mais ici et maintenant, comme nous pouvons. Comme disait le Père de Caussade, admirable jésuite (quoi qu'un peu trop fénelonien à mon goût) : "Les événements sont les ambassadeurs de la grâce divine". Ainsi notre envie de réel est un désir de Dieu.

jeudi 26 avril 2012

Un devoir de voter ? Réponse à la réponse de La Hire

La Hire, le bretteur du Salon beige, répond indirectement au Post précédent sur le moindre mal en politique, que je remercie le Salon d'avoir repris. Voici cette réponse :
"Il serait souhaitable pour éclairer les consciences, que le débat qui se focalise pour l'instant sur le pragmatisme facile du choix entre les deux candidats - calcul des "plus" et des "moins" - se déplace en amont sur la problématique du droit légal de vote transformé par une opération inconnue en devoir moral. En effet, tout le monde, clercs compris, s'autorise à démontrer que Nicolas Sarkozy est plus catho-compatible que François Hollande. Pas très compliqué. Mais personne ne se prononce sur ce droit devenu devoir. C'est pourtant de là que tout démarre".
Essayons donc d'éclairer les consciences, puisque c'est la demande de La Hire... 

Il faut souligner d'abord que la question du "devoir de voter" nous fait entrer dans une casuistique, je veux dire : une morale du cas par cas. Le devoir de voter n'est pas un absolu. Par exemple, si l'on est moralement certain de la victoire d'un candidat qui est le sien, il me semble licite de ne pas participer au vote, du moment que l'on a une raison à faire valoir (même frivole). Par ailleurs, si les candidats parmi lesquels il est loisible de choisir ne se distinguent en rien et n'apportent rien, alors pas besoin de faire le calcul du moindre mal que je préconisais dans le post précédent.

En ces temps de pensée unique et d'idéologie obligatoire, il est évident que les candidats se ressemblent tous. Savez-vous qu'Eva Joly avant de rejoindre Les Verts, avait fait des appels d'offre à François Bayrou ? Etrange. Alors pourquoi voter ?

Parce que comme le remarque La Hire, qui n'y est probablement pas très enclin, pour ce deuxième tour, l'un des deux candidats est manifestement - de facto - plus cathocompatible que l'autre. Il suffit de faire le calcul.

Mais qu'est-ce qui transforme ce calcul de fait en un devoir de droit, voilà la question de La Hire. Je vais y répondre, mais je voudrais en profiter pour recevoir d'abord une autre objection, celle portée par Henry de Lesquen.

Henry de Lesquen semble donner raison à La Hire lorsqu'il estime que le drame de la politique française à toujours été le "ralliement" des catholiques au "moins pire" (comme dirait ma concierge). Il est vrai que les ralliements ne font pas et ne peuvent pas faire une politique, sur ce point Henry de Lesquen a absolument raison. Mais...

Sans le vouloir sans doute La Hire et lui confortent les catholiques dans leur réflexe séculaire, qui est de se contenter de jouer les émigrés de l'intérieur, de s'entretenir dans le souci de présenter une belle conscience (toujours malheureuse cependant comme l'expliquait Hegel à propos des "belles âmes"), tout en donnant surtout des "réponses de Normands" dans un jeu mortel de Ni oui ni non. C'est Péguy qui disait des belles âmes [kantiennes) qu'elles ont les mains pures mais qu'elles n'ont pas de main.

Je crois qu'il y a dans l'argument de Lesquen quelque chose de foncièrement vrai : depuis la Première Restauration jusqu'à Marc Sangnier, il n'y a pas eu de proposition politique en provenance des catholiques. Et lorsque cette proposition a été faite (par Marc Sangnier, Francisque Gay et quelques autres) elle a consisté en un ralliement à la laïcité ambiante. Oh ! Avec juste un petit plus au niveau des (bonnes) intentions personnelles. Le catholique revendiqué François Bayrou critiquant les drapeau français en berne le jour de la mort de Jean Paul II au nom de la laïcité est exactement dans ce créneau du Ralliement sans condition et je sais qu'il a pourtant, il le proclame d'ailleurs à qui veut l'entendre, de très honnêtes intentions ! N'a-t-il pas déclaré ces derniers jours qu'il irait à la messe après avoir voté ?

Mais cet argument foncièrement vrai devient concrètement une raison pour justifier le désengagement et pour entretenir le désert politique catho (qui a remplacé Montalembert, mort en 1870 ?). Il est tout aussi clair en effet que l'abstention  (que l'on propose aujourd'hui pour faire pièce au supposé Ralliement) n'est pas une politique, mais alors pas du tout. L'abstention, c'est le domaine des pécheurs à la ligne, et encore, avant qu'ils ne s'organisent en un Parti, avant que, sous la cane bénigne de Frédéric Nihous, ils ne constituent le CPNT, sans doute pour ne plus s'abstenir...

Je reviens vers La Hire et sa question du passage du fait au droit, pour demander : a-t-on le droit d'être un pécheur à la ligne, quand on peut contribuer (pour une petite part : la sienne) a améliorer un scrutin ? Pour moi, il est très clair que non. Le vote dans certains cas, est non seulement un droit mais un devoir.

Je suis bien conscient que ce qui gêne nos mentalités déontologiques, c'est cette petite incise : "dans certains cas". Avons nous des devoirs dans certains cas, que nous n'aurions pas toujours ? Vieux problème philosophique. Kant, qui nous a éduqués que nous en ayons conscience ou non, estime lui que la maxime d'une action concrète doit toujours pouvoir être une loi universelle. Il n'aime pas (mais alors pas du tout) la casuistique. Je crois quant à moi que dans une perspective traditionnelle (et catholique) les circonstances sont décisives pour nous indiquer quels sont nos devoirs. Certes le droit de vote n'est pas TOUJOURS un devoir, comme je l'ai indiqué plus haut. Mais, en cette circonstance, où virtuellement FH est donné gagnant, ne pas voter SERAIT voter pour l'actuel rapport de force. Nous avons donc le DEVOIR de faire ce qui est en nous pour inverser les chiffres.

Concluons donc : du point de vue de la philosophie traditionnelle (qui est aussi je crois le point de vue de notre salut éternel), il n'existe pas deux mondes : le monde des faits, purement pragmatique où le plus malin l'emporte et le monde des devoirs, purement déontologique, qui serait le domaine réservé de la morale. Non ! Il n'y a pas de domaine réservé de la morale. Tous nos actes sont moralement appréciables, tous nos actes sont bons ou mauvais et donc susceptibles de devenir des devoirs. Il est donc vain d'exclure a priori le droit de vote du domaine de la morale sous prétexte que c'est un droit et que cela ne pourrait donc pas être un devoir. Ne sait-on pas justement que les droits que nous avons correspondent toujours à des devoirs ?

Du double point de vue de la philosophie traditionnelle et de notre salut éternel, nous avons toujours le devoir de faire le bien que nous pouvons raisonnablement accomplir.

Paris/Chartres

Le Centre Saint Paul organise un chapitre pour le pèlerinage de Paris à Chartres, les 26/27/28 mai 2012. Réunion d'information le mercredi 9 mai à 20H00, au Centre Saint Paul - Contacts: Henri (O6.63.81.54.7O) et Sébastien (O6.19.65.O3.61) - également: saintpauldebonnenouvelle@gmail.com -  Les pèlerins s'inscrivent directement auprès de Notre-Dame de Chrétienté, tarif préférentiel jusqu'au 29 avril 2012.

mercredi 25 avril 2012

Réflexions sur le moindre mal en politique

J'avoue que je me suis pris au jeu de la conférence de ce soir. Ce moindre mal... Saint Thomas en parle deux fois (pour le recommander), mais en termes extrêmement précis, comme un vrai moraliste. il est toujours interdit de choisir le mal - même moindre. Mais poser un acte bon (le vote) d'où sortira la situation la moins mauvaise possible, non seulement c'est moralement correct, mais c'est un devoir moral ! Dans le De regno, saint Thomas me semble assez près du cas que nous avons à traiter. Il se demande s'il vaut mieux choisir... non pas Sarkozy ou Hollande, mais la monarchie ou la démocratie. Bref il s'agit de poser un choix politique, comme chacun des électeurs français aura à le faire le 6 mai.

Lequel ? Celui qui rationnellement sera le moins lourd.

Je vous cite en latin la formule de saint Thomas dans le De regno, elle est irréprochable : "Cum autem inter duos ex quorum utroque periculum imminet, illud potissime eligendum est ex quo sequitur minus malum" (chap. 6 Marietti n. 764). Chaque mot est à peser. Voici ma traduction : "Entre deux possibilités qui comportent, chacune, leur danger, il vaut mieux choisir celle de laquelle va s'ensuivre un moindre mal". Saint Thomas parle du choix entre différentes constitutions, monarchique ou démocratique. Aucune de ces constitutions n'est mauvaise en soi. De même : le vote en lui-même n'est pas un mal. Chacun des deux candidats représente un certain nombre de périls. Il importe de choisir celui qui est le moins dangereux. C'est du bon sens. Uniquement du bon sens. Qui a dit que voter, c'était comme prendre la pilule ? Voter est un bien. Aucun des deux candidats n'est irréprochable. Ma concierge vous dira donc qu'il faut prendre le "moins pire".

Ma concierge... Mais le "moindre pire" dont on entend parler ici et là me semble une expression très maladroite. Ou c'est le pire (et le pire n'est pas "moindre" ou... pire, il est pire) ou c'est simplement mauvais, et le mauvais est toujours moindre que le pire... Parlons donc de moindre mal et pas de moindre pire ! "Ce qui se conçoit bien...".

Rationnellement, alors que la morale n'est pas directement en jeu dans l'acte posé - à savoir un vote - il suffit de calculer ce qu'apportent et ce que retirent les deux propositions de vote. Pas besoin d'être grand clerc.

mardi 24 avril 2012

Des curés communiquent

Chers amis de Métablog, je me suis associé aux abbé Ribeton et Coiffet pour signer ce Communiqué. Les enjeux de cette élection en effet sont trop graves pour être instrumentalisés par des stratégies partisanes
Communiqué du 24 avril 2012 - Présidentielle : réflexions autour des exigences du Bien Commun
« Il ne faut pas oublier que, lorsque les Eglises et les communautés ecclésiales interviennent dans le débat public, en exprimant des réserves ou en rappelant certains principes […] Ces interventions ne visent qu’à éclairer les consciences, en les rendant capables d’agir de manière libre et responsable, conformément aux exigences de la Justice, même si cela peut entrer en conflit avec des situations de pouvoir et d’intérêt personnel. » (Benoît XVI - 30 mars 2006)

Les présentes réflexions ne visent en aucun cas à imposer pour qui voter ou à donner des consignes de vote, mais plutôt à considérer le Bien Commun pour notre pays.

Il est nécessaire d’établir ce qu’un catholique doit connaître et savoir pour mieux le défendre dans sa pratique. Il est clair qu’il doit refuser toute forme de collectivisme marxiste, qu’il soit radical ou présenté de manière édulcorée. Si ce point est évident pour tout catholique conséquent, il faut également souligner que, dans les circonstances présentes, les programmes des candidats qui demeurent en lice en vue de l’élection présidentielle sont à examiner attentivement d’après les exigences du Bien Commun et de la loi naturelle. Or, de manière patente, l’un des programmes proposés, porté par le candidat socialiste, démontre une volonté évidente de rupture avec les éléments premiers du Droit Naturel ; les conséquences de l’application d’un tel programme seraient dramatiques pour la vie quotidienne comme pour l’avenir des Français.

• Le respect de la vie, déjà fort malmené, va totalement disparaître : avortement et euthanasie, manipulations et expériences diverses sur l’embryon : non seulement leur autorisation sera plus largement étendue, mais il est clair que tout sera fait par voie d’autorité pour formater les consciences dans la « culture de mort ».

• De même pour la famille : le programme socialiste établit clairement la fin de la famille naturelle par l’acceptation de l’union homosexuelle et l’adoption des enfants par les tenants de ce genre d’union ; sans oublier le projet de scolarisation obligatoire des enfants dès l’âge de 3 ans, manifestant implicitement la volonté de réduire et faire disparaître peu à peu la responsabilité essentielle des parents vis-à-vis de leurs enfants. Dans la même ligne, les parents seront impuissants pour contrer « l’éducation sexuelle » imposée à leurs petits.

• Quant à l’école, seront tués dans l’œuf tous les efforts consentis ces dernières années pour proposer aux familles des écoles dignes de ce nom : les écoles hors contrat peuvent légitimement s’inquiéter de leur avenir. Elles seront sinon interdites, du moins asphyxiées financièrement par le retrait des avantages fiscaux pour leurs bienfaiteurs.

Ces points essentiels ne peuvent être soumis à un quelconque marchandage, car ils sont l’expression même de la Loi Naturelle dont dépend le Bien Commun de la société.

A travers le vote, chacun doit exprimer dans la liberté sa responsabilité. Mais cette liberté n’est véritable que dans le respect des points soulignés ci-dessus, car ils engagent l’avenir de notre patrie comme de chacun de nous.


Abbé Denis Coiffet
Abbé Vincent Ribeton
Abbé Guillaume de Tanoüarn

Conférence : le nationalisme chrétien

C'est un oxymore, me disait un ami embarrassé par l'expression. je crois au contraire - avec Jean Paul II - que les nations de ce qu'il appelait la Vieille Europe sont nées du Génie chrétien.

Ce soir, mardi à 20 H 15 au Centre Saint Paul, à l'occasion de l'élection présidentielle, je proposerai une réflexion sur ce que peut être la politique chrétienne, si l'on met à part le grand combat civilisationnel des trois points non négociables du respect de la vie, de la famille fondée sur un couple hétérosexuel et du choix de l'éducation par les parents.

Je crois, sans avoir peur des mots (on peut en changer si cela vous fait plaisir) que le nationalisme authentique est issu du christianisme et qu'il est la seule forme réelle (et non idéologique) de la laïcité, car il suppose une distinction claire entre la culture chrétienne et les convictions ou la foi personnelle.

Que nous le voulions ou non, même si nous ne sommes pas d'origine chrétienne ou de foi chrétienne, en tant que Français, nous sommes tous, sans discrimination, de culture chrétienne... C'est le Pacte social qui nous unit, les "notions communes" que nous partageons, il serait temps d'en prendre conscience.

J'espère le débat : viendrez-vous ? Ou préférez-vous discuter ici ?

vendredi 20 avril 2012

Les masques tombent

C'est de manière discrète que Mgr Fellay vient d'accepter le Préambule doctrinal que le pape lui demandait de signer. Il l'a fait non sans apporter quelques modifications, qui, manifestement, comme l'indique Andrea Tornielli, ont été jugées "non substantielles". Ce point est extrêmement important, mais il passe inaperçu pour la plupart des (nombreux) observateurs du Tradiland. C'est que le mouvement traditionaliste dans tous ses états est celui qui dans l'Eglise comporte la plus forte proportion de laïcs, comme si les traditionalistes, sur ce point, avaient été les seuls à exaucer Vatican II. Ironie de l'histoire!

Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que l'acceptation de Mgr Fellay marque la fin non pas du débat doctrinal (appelé à croître et embellir), mais la fin des discussions doctrinales tenues ès-qualité entre Rome et la Fraternité Saint Pie X. Nous n'avons pas le texte de ce Préambule, ni non plus le texte révisé par le staff de Mgr Fellay ; nous savons qu'au Vatican, une Commission de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi va se pencher attentivement sur ces quelques corrections. Mais le fait qu'Andrea Tornielli ait pu annoncer dans la Stampa une acceptation du Vatican signifie que le pape a défini d'emblée une attitude résolument positive vis-à-vis des discussions en cours. L'idée de Benoît XVI apparaît clairement : il faut passer de la problématique des discussions doctrinales à celle de l'accord pratique. Signer le Préambule, cela signifie justement, pour Mgr Fellay, passer à la phase des accords pratiques : le sujet n'est plus Vatican II. Pourquoi ? Parce que la FSSPX reconnaît désormais le n°25 de Lumen gentium et le "respect" dû au magistère authentique non infaillible. Sur ces sujets tous les débats restent possibles, mais non les discussions. Sauf coup de Trafalgar de dernière seconde, les discussions porteront désormais sur la construction juridique qui devra formaliser la réintégration officielle de la FSSPX dans le périmètre visible de l'Eglise.

L'importance de cette nouvelle phase explique largement ce que l'on découvre aujourd'hui : alors que l'Eglise tout entière semble bifurquer en se réconciliant avec elle-même, comme j'ai tenté de l'expliquer en parlant à ce sujet de "divine surprise", on peut dire que, malgré les atermoiements de ceux qui ne veulent pas voir ce qui se passe, les masques tombent... et vont tomber. Quidquid latet apparebit. Il y avait ceux qui, dans la FSSPX envisageaient une très longue séparation et qui avaient construit la-dessus leur plan de carrière : du nettoyage Internet en perspective pour eux ; il y avait les sédévacantistes non-déclarés, qui se trouvent brusquement en face d'une réalité qui n'est plus la leur, obligés de faire un choix entre le pape pape et le pape pas pape ; il y avait les intrigants et les frustrés, qui, dans certaines communautés ED, rêvaient d'être "la Fraternité Saint Pie X dans l’Église" (comme si l'on pouvait reproduire ce miracle historique qu'est la FSSPX) et qui découvrent... la FSSPX dans l’Église, mais alors la vraie, l'originale ; il y avait tous ceux qui dans l’Église avaient construit leur christianisme non sur cette grande ouverture du cœur qu'est la foi mais sur un rétrécissement idéologique et rationalisant : ceux là aussi sont inquiets et menacent même parfois de s'en aller : il serait tellement beau qu'ils redécouvrent la véritable amplitude de leur foi, qui comme le disait Pascal (pas vraiment mou du genou pourtant) comporte toujours la vérité contraire.

Jean-Pierre Denis, dans le dernier numéro de La Vie, pointe, "le risque de découragement de nombreux prêtres, évêques ou fidèles", ceux qui se situent de l'autre côté de l'échiquier catholique par rapport à la Fraternité Saint Pie X. Je note l'ordre dans lequel il énonce la méfiance probable : elle est avant tout clérical : prêtres, évêques... et fidèles. Mais ces catholiques de gauche (par lesquels, peu ou prou j'ai été moi même formé il y a trente ans), qui ont toujours prôné l'accueil, ne trouveront-ils pas dans l'accueil de leurs frères catholiques de droite, une occasion de montrer la sincérité profonde de leur positionnement?

J'avoue que ma plus grande crainte n'est pas la réaction des troupes de Jean-Pierre Denis. Elle sera finalement positive, j'en suis certain. Aujourd'hui, de gauche ou de droite, les catholiques qui le restent serrent les rangs et ouvrent leur coeur à leurs frères. Je crains plutôt le cléricalisme dans l’Église et, de part et d'autre, la difficulté à admettre la concurrence. Pendant quelque 40 ans (à partir de 1976) la FSSPX a mis en cause la légitimité de toutes les messes qui n'étaient pas célébrés dans le cadre qu'elle offrait aux fidèles. De l'autre côté, les prêtres qui tiennent à bout de bras des communautés paroissiales et qui constatent une "dérive droitière" de la jeunesse, risquent de ne pas voir d'un très bon œil la possibilité d'une concurrence ouverte. Et si le vrai problème n'était pas, avant et après Vatican II, le cléricalisme dans l’Église?

Points non négociables : pas si simple

Puisque l’abbé de Tanoüarn ne vous parlera pas des «points non négociables», je m’y colle. De quoi s’agit-il? A lire divers blogs catholiques conservateurs, on a presque l’impression que Benoît XVI nous fournit un filtre au travers duquel passer les programmes des candidats, sur les seuls points suivants: respect de la vie humaine, mariage naturel, et liberté éducative. Le choix de l’électeur catholique serait hélas bien facilité, puisque peu (ou pas ?) de candidats survivraient à l’exercice.

Et l’on nous donne fréquemment la source de ces «trois points non négociables» : le discours du 30 mars 2006. Amis lecteurs, je vous suggère d’aller le lire (sur le site du Vatican) vous verrez que cela va tout de même plus loin. Le pape s’adresse à des députés du Parti Populaire Européen. Il consacre la plus grande part de son allocution à la reconnaissance des racines chrétiennes de l’Europe. En dépendraient les réponses (politiques, éthiques, économiques) aux grands défis actuels. Bref, le pape nous dit que pour un chrétien en Europe, faire de la politique demande de prendre au sérieux l’héritage chrétien.

Quant à l’Eglise, elle n’intervient que lorsque la dignité de la personne est en jeu, sur des «principes qui ne sont pas négociables». Le pape en cite trois : protection de la vie, structure naturelle de la famille, et droit des parents d'éduquer leurs enfants. Le pape cite ces trois-là parce qu’il s’adresse à des Européens, dans les premières années du XXIe siècle. A une autre époque, et à d’autres personnes, le pape eut signalé d’autres points, tout aussi importants, toujours en fonction des «principes … inscrits dans la nature humaine».

Car de toute évidence il y a de nombreuses autres manières pour un pays de contrevenir à ces principes: ne serait-ce qu’en maintenant une partie de sa population dans la misère, ou en agressant ses voisins. De toute évidence, le «témoignage crédible et cohérent» auquel nous exhorte le Saint Père va bien au-delà des trois points cités pour l’occasion, qui sont anecdotiques dans le sens littéral du mot.

Reste qu’aujourd’hui et maintenant, à l’avant veille de l’élection, c’est bien ces trois points que nous pouvons examiner. Pas si simple non plus! Vu du milieu conservateur, les trois points veulent dire : non à l’avortement, non au mariage homo, oui à l’école catholique – et la discussion se résume à savoir si Nicolas Sarkozy est crédible quand il s’oppose au mariage homo, ou si Marine Le Pen en fait assez quand elle suggère de dérembourser l’avortement en cas d’abus.

Mais un catholique de gauche, prenant le pape au sérieux, pourrait aussi bien faire une autre lecture de ces «points non négociables». Pour notre catholique de gauche, le respect de la vie ce pourrait être par exemple de continuer à soigner les immigrés pauvres, même sans papiers. Le respect du mariage, ce pourrait être de maintenir le regroupement familial, avant lequel un immigré passait sa vie éloigné de sa femme. Et la liberté éducative, ce pourrait être également celle des familles faisant le choix de l’école publique, qu’il faudrait maintenir.

Bref : pas si simple.

mercredi 18 avril 2012

Divine surprise : c'est fait

Pas tout à fait Minuit, ce 17 avril, alors que le pape est au lendemain de son anniversaire, la nouvelle tombe dans La Stampa, sous la plume d'Andrea Tornielli, l'un des vaticanistes les plus sérieux : Mgr Fellay a signé le préambule que lui propose Benoît XVI, "avec quelques modifications non substantielles". Nous n'avons pas le détail bien sûr et l'on peut penser que le préambule n'est qu'un préambule, que le modèle canonique n'est pas encore sorti des cartons de la Commission Ecclesia Dei où il dort et qu'un long chemin sera nécessaire pour s'habituer à cette idée : la Fraternité Saint Pie X, grâce à la persévérance humble et obstinée du Pontife romain, s'est réconciliée avec la papauté post-conciliaire, reconnaissant pleinement non seulement dans les paroles mais dans les actes, sa légitimité primale.

C'est une grande date pour l'Eglise, qui ne se réconcilie pas seulement avec des trublions plus ou moins indisciplinés prêts à tout pour défendre leur amour et leur foi, mais qui se réconcilie ainsi pleinement avec elle-même. Maintenant l'Eglise de Dieu va pouvoir se lever unanime, en ordre de bataille pour la nouvelle évangélisation du Continent européen, terre de mission. Grâce à un modèle adapté, la FSSPX rentre pleinement dans le "périmètre visible" de l'Eglise. Nous sommes loin du régime de chrétiens à deux vitesses, les officiels et les officieux, ceux que l'on avait affublés de l'étoile jaune de l'intégrisme... Pour l'enfant prodigue, le pape compte bien tuer le veau gras, surtout que cet enfant prodigue-là, ce n'est pas avec les prostituées qu'il s'est dépensé comme celui de l'Evangile, mais dans un amour inconditionnel de la Tradition ecclésiale mise à mal. Cet enfant prodigue-là a été prodigue de sa foi et de son amour des formes de la Tradition catholique. Cette prodigalité bonne trouve une forme de reconnaissance dans la grandeur d'âme (mais aussi la hauteur de vue) du pape Benoît XVI.

Cet événement est un signe fort pour les orthodoxes : ils vont pouvoir constater que Rome souhaite pleinement exercer son Primat, non comme une fonction qui la rendrait tatillonne et uniformisante mais comme l'Instance salvatrice grâce à laquelle les différences de formes liturgiques ou théologiques sont possibles dans l'unique Foi apostolique ; l'Instance salvatrice grâce à laquelle une vraie défense de la foi est possible face au maelström de la Modernité dans tous ses états.

Cet événement est un signe fort pour les Communautés ED, qui cesseront de souffrir du syndrome de "Plus extrême (ou plus pur) que moi tu meures. Plus besoin de défier les autorités romaines - pour montrer sa "résistance" - par exemple en publiant sur son blog un texte confidentiel issu d'une Visite apostolique. Ceux qui, psychologiquement, continueraient à avoir besoin d'exhiber leur pureté doctrinale parfaite pourront frapper ailleurs... Le fait d'avoir comme rite propre le rite traditionnel et de pratiquer saint Thomas aperto libro n'implique absolument pas que l'on doive mettre en cause la légitimité du Novus Ordo Missae et se couper du monde tel qu'il est. Les charismes que portent les formes de la Tradition catholique fièrement pratiquées pourront ainsi se manifester pleinement et pour tous, à charge pour chaque petite communauté d'avoir à bien définir sa spécificité.

Cet événement est un signe fort pour tous les catholiques "ordinaires" (puisque certains ont souhaité se faire appeler ainsi). La suspicion qui pesaient sur les formes traditionnelles parce que c'était les formes pratiquées par des dits "schismatiques" tombe désormais complètement et il apparaît toujours plus clairement que le Motu proprio Summorum pontificum du 7 juillet 2007 a été écrit pour toute l'Eglise. Il aurait suffi de le lire sans passion pour le comprendre. Le processus de réintégration, enclenché enfin, fait tomber les passions, fait cesser la diabolisation (arme du diable comme chacun sait). Il établit la paix à l'intérieur de l'Eglise en invitant chaque chrétien à se saisir des Traditions qui ont pétri ses ancêtres, je pense ici en particulier aux jeunes qui n'ont pas osé DECOUVRIR les trésors de la Tradition catholique au nom d'un dictatorial esprit du temps, alors que, rappelons-le, cette tradition culturelle catholique est sans conteste et de l'avis général la plus riche, la plus complète, la plus variée et la plus belle du monde. Je parlais récemment de tout cela avec deux jeunes ménages versaillais : pour eux, j'en témoigne, ce processus empathique a déjà largement commencé.

Cet événement est un signe fort pour la Fraternité Saint Pie X. Ses implantations internationales, expressément voulues par Mgr Lefebvre, dans son génie de l'organisation et son sens de l'Eglise, permettront à cette Société de trouver immédiatement toute sa place au coeur de l'Eglise.

Je ne cultive pas un optimisme béat, ce disant. Je suis conscient qu'il faudra sans doute du temps pour que tout ceci se mette en place sur le terrain et plus encore dans les coeurs. Mais Dieu, quel appel d'air ! Quel souffle spirituel ! Quels beaux changements en perspectives !

lundi 16 avril 2012

Parce que tu as vu, tu as cru...

C'est un post de 2009 sur le miracle qui vient de retenir l'attention d'un lecteur de passage ; il nous envoie ce texte, sur lequel je voudrais m'attarder, car le temps liturgique y est propice :
"Essayer de convertir quelqu'un par des miracles est une profanation de l'âme" (R.W. Emerson, Allocution aux étudiants de dernière année de la faculté de théologie de Cambridge, 15 juillet 1838. Pierre a suivi Jésus parce qu'il avait les paroles de la vie éternelle, et non à cause des miracles (Jean VI, 68)
Dans l'extraordinaire rite que j'ai la chance de célébrer chaque jour, nous nous attardons en ce dimanche dit de Quasimodo sur la figure - noble - de Thomas, l'apôtre : Didyme, c'est-à-dire "le jumeau" pour les intimes. Pour "l'Evangile de Thomas, apocryphe gnostique, si Thomas est appelé "le jumeau", c'est parce qu'on le considère comme le jumeau du Christ. Gnostique ou pas à l'origine, cette considération porte. N'y a-t-il pas dans la renaissance baptismale un mystère de gémellité avec le Christ ? Ne sommes-nous pas tous des Thomas, tellement proche du Christ par la grâce offerte, tellement proche du Christ par le coeur, que nous nous mettons à douter, comme Naaman le Syrien, auquel Elisée recommande d'aller se baignersept fois dans l'eau du Jourdain : c'est trop simple, c'est trop facile, il est trop près de moi, il est trop... Oui : trop...

Thomas est celui qui, au début du chapitre 11 dit : "Allons et mourons avec lui s'il le faut". Il est chevaleresque. Mais justement : la Croix, le scandale de la Croix l'a touché en plein coeur. Il a été comme anéanti. Cet anéantissement, voilà l'origine de ce doute proclamé très haut pour que nul n'en ignore "Si je ne mets pas ma main dans ses plaies, je ne croirai pas". Ce grand coeur blessé avait besoin de voir. Il a vu.

Et il a cru. En qui ? Dans ce Jésus ressuscité qu'il appelle (seul dans tout l'Evangile) non seulement "son Seigneur" mais "son Dieu". "Mon Seigneur", c'est l'appellation que donnaient les disciples au Christ : "Ils ont enlevé mon Seigneur et je ne sais pas où ils l'ont mis" dit Marie (Magdeleine) à celui dont elle pense qu'il est le jardinier. L'apôtre douteur est celui qui fait la plus belle profession de fàoi dans l'Evangile. Preuve que loin d'être étranger à la foi, le doute lui est... consubstantiel. "Croire et savoir sont deux choses différentes" dit Thomas (d'Aquin). Le savoir exclut le doute. La foi le trouve toujours sur son chemin.

La question c'est : quel doute ? Si c'est un doute vague, généralisé comme le cancer du même nom, si c'est un brouillard plus ou moins opaque, alors il ne faut pas discuter avec ce doute-là qui est une asthénie de l'âme. Mais si c'est un doute précis, alors la question porte vers des réponses. Elle force le croyant à chercher, à désirer, à progresser dans la connaissance de Dieu. Ce doute-là est salutaire.

Thomas n'est pas dispensé de la foi par ce qu'il a vu, le Crucifié avec ses plaies des mains et des pieds. Au contraire : sa foi augmente. Il voit le ressuscité et, rempli de foi, il appelle son jumeau spirituel : mon Dieu. Pierre, après la Pentecôte, l'appellera lui "l'auteur de la vie".

Et c'est en ce point que j'en viens au miracle, c'est-à- dire à la prise de position de l'anonyme cité plus haut. Beaucoup d'entre nous, nous connaissons des miracles. Il suffit d'aller à Nevers et de contempler le corps conservé de sainte Bernadette... La question n'est pas de voir ou de ne pas voir. La question est de savoir ce que nous en faisons. Thomas, parce qu'il était noble de coeur a immédiatement cherché le solide. Pas question de faire comme les autres. Mais en s'appuyant sur ce qu'il avait vu, il  s'est élevé dans la foi à un niveau officiellement jamais atteint.

dimanche 15 avril 2012

Si je votais pour un discours...

Non je ne vous parlerai pas ici des fameux "points non négociables", tant abordés par les blogs catho et totalement désertés par l'ensemble des candidats. Que nous reste-t-il dans ce désert, après cette désertion ? La France. La réalité française, l'exception française, la nation française, qui fait son grand retour dans le discours des deux candidats attendus au Deuxième tour, Sarkozy, comme d'habitude sur le mode lyrique, et François Hollande, qui évoque à plusieurs reprises "le drapeau" et "ses plis".

Cette référence unanime à la France me semble un fait intéressant de cette campagne. Tout est perdu parce que les vérités fondamentale du droit à la vie et du droit de la famille sont désertées ? Non. D'abord cette désertion ne peut être que provisoire : il y aura forcément un retour de balancier. Ensuite et dès maintenant, il nous reste la France à transmettre et à faire aimer, non pas comme une théorie, mais comme une réalité charnelle et comme un idéal spirituel.

"Le changement... c'est maintenant"... Je laisse les jeunes socialistes danser sans conviction sur cette scie rapeuse et rappée (pauvre rap) pour essayer de rassembler quelques idées à votre intentions.

Je viens d'écouter François Hollande (grâce au site Nouvelles de France - publicité gratuite) après avoir entendu Nicolas Sarkozy. Je crois vraiment que ces deux candidats attendus au Second tour ne sont pas "bonnet blanc et blanc bonnet". Il suffit de les regarder. Il suffit de sentir où va leur discours respectif. Nous n'avons aucune évidence ? Eh bien ! Imaginons-nous sans préjugés... Après tout Descartes pense que c'est possible, au moins du point de vue de la méthode. Essayons !

Il y a d'un côté le souffle du Président en exercice. Il a cité Malaparte parlant de la Place de la Concorde comme d'une idée (l'idée France, l'idée de la France) et évoquant l'histoire vue par les Français : non pas un fait accompli comme pour les Anglo-saxons, mais une volonté. Sarkozy a cité encore Péguy et Victor Hugo. Mais Malaparte, quelle... bonne idée ! Décidément son mentor Patrick Buisson a une belle culture. Et il n'en est pas avare.

Dans Le Bal du Kremlin (roman inachevé), Malaparte pose avec une force saisissante l'utopie communiste face à l'idéal libre et aristocratique de la vraie droite. Oh certes ! Malaparte, cet aventurier des arts et lettres n'a pas toujours un positionnement impeccable (gageons pour le dire d'un mot qu'il aurait aimé être Mussolini), mais dans ce petit ouvrage posthume, il montre de façon saisissante les lignes de fracture, les oppositions insurmontables. Opposition entre ceux qui aiment la liberté personnelle et ceux qui, collectivement, lui cherchent des ersatzs à Moscou. Opposition entre ceux qui disent que la souffrance ne sert à rien (les nihilistes modernes) et ceux qui pensent qu'elle est utile (d'une façon ou d'une autre les chrétiens, disciples du Crucifié). Opposition entre les snobs (que ce soit à Paris ou à Moscou) et les hommes de bonne volonté. Citer Malaparte dans un discours de campagne (même quand on ne l'a pas lu), c'est montrer que l'on n'a rien à faire du terrorisme intellectuel, en tant que président en exercice.

Je n'aime pas toujours ce qu'a fait Sarkozy, je me sens souvent floué par ses discours, trompé par ses réalisations et ses promesses non tenues, horrifié par sa politique extérieure de boute feu (le Mali indirectement c'est lui puisque la Libye c'est lui), mais j'aime la liberté de ses références. Elle, en tout cas, plaide pour l'homme.

J'ai ensuite écouté François Hollande. Il est crédible lorsqu'il se glorifie de son équipe de campagne, de tous ces gens qui ont planché sur son programme, mais pas vraiment rassurant quand dans l'énumération des grandeurs de la France, il n'oublie pas Lionel Jospin (sic), après avoir commencé en 1789 et énuméré : 1830, 1848, 1871... Sa France est pour le moins hémiplégique.  Et puis, il n'est vraiment pas sexy quand en bon technocrate il dévide un chapelet de mesures catégorielles en une sorte d'inventaire à la Prévert. Qu'est-ce qu'on peut bien trouver à ce petit homme toujours en train de forcer sa voix et qui a l'air arc-bouté sur son pupitre, le derrière en arrière ? Ah ! Le langage du corps... J'ai compris le succès de Mélanchon en regardant Hollande sans préjugés. Mélanchon est rétro. Mélanchon est archaïque, mais son archaïsme révolutionnaire en fait 'encore rêver beaucoup en France. Le techno-socialisme... Eh bien non ! Flanby ne fait pas rêver.

Il nous dit qu'il veut être "juste", que c'est la justice qui le guidera. Mais qui croit à LA justice en politique ? On sait bien que d'une certaine façon chacun à sa justice et que le responsable de l'exécutif est celui qui doit arbitrer entre les différentes conceptions de la justice, au nom de valeurs supérieures.

La valeur supérieure de Hollande c'est l'égalité" dont il s'est encore débrouillé pour répéter qu'elle est "l'âme de la France". Mon Dieu quelle horreur ! Parler d'égale dignité, oui, mais d'égalité : que restera-t-il de la liberté si l'égalité est obligatoire ?

La valeur supérieure pour Hollande c'est l'esprit des Lumières, dont il ne craint pas de dire dans son Discours : "C'est ce que nous avons de plus cher". Depuis deux siècles, il n'a donc rien trouvé de nouveau. Les Lumières ont engendré le chaotique XIXème siècle et le cruel XXème siècle. Et, avec Hollande, on en serait encore à devoir les recevoir... sans examen, comme une nouvelle charte politique, celle d'une laïcité rigide et pétrifiée dans son passé.

Si j'avais à voter pour un discours, pour le deuxième tour en tout cas, je crois que je n'aurais... aucun doute, même si je ne nourris aucune illusion.

mardi 10 avril 2012

Le sens des mots

C’est l’histoire d'un jeune diacre – il vient d’être ordonné et prêche pour la première fois: sur l’«essence de la foi». Après la messe un vieil ami de sa famille le félicite. Mais patatras! Il apparaît assez vite que le vieux monsieur a cru qu’on parlait de ‘carburant’ – de cette énergie qu’il faudrait aujourd’hui plus qu’avant pour être chrétien.

Plus personnel maintenant – il y a des années un ami me demande pourquoi je préfère la liturgie traditionnelle. Je lui dis que j’y ressens mieux que la messe est un sacrifice. Il a effectivement entendu dire que la messe est un sacrifice, et trouve que c’est parfois vrai, et sans doute plus en latin. Parfois? De fil en aiguille je comprends que ce qui est sacrifié, dans son esprit, c’est son dimanche matin.

Présence réelle: du latin res, la chose. Le mot s’est affaibli. Le Christ réellement présent? Je crains que l’adverbe n’ait pour nos contemporains guère plus de force que lorsqu’on dit, par exemple, que Dieu existe réellement.

Il faudrait sans doute revisiter quelques expressions classiques – si l’on veut être compris. Et puis, éviter quelques raccourcis peu satisfaisants.

Prenez l’expression «herméneutique de la continuité», attribuée à Benoît XVI, et voyez son fameux discours du 22 décembre 2005. Il y parle en fait d’«herméneutique de la réforme… dans la continuité». Autrement dit, il ne s’agit pas d’une herméneutique qui serait une possible clef de lecture pour recoller la réforme (Vatican II) avec la Tradition. Ce que nous dit Benoît XVI avec son expression (complète et non tronquée), c’est que la réforme elle-même s’inscrit dans la continuité. A prendre ou à laisser.

dimanche 8 avril 2012

La violence et la vérité ne peuvent rien l'une sur l'autre.

Mon ami Roga n’a pas aimé mon texte contre l’agression subie par Jean-Michel Ribes. J’écrivais que cette attaque allait contre toute dignité: celle de la victime mais également celle des auteurs. Mon ami Roga me répond que mes considérations ne servent qu’à masquer scrupules et couardise, que suivre sa bonne éducation revient à se châtrer soi-même, et qu’une certaine violence (relativement symbolique) serait libératrice et saine. Roga convient qu’un seau d’eau (bénite?) eut été préférable à une assiette de crottes. Mais il me cite le Frère Jean des Entommeures.

Frère Jean des Entommeures! C’est un moine créé par Rabelais, et voilà dans quelle situation: une armée de brigands vient de piller le bourg, ils s’en prennent maintenant au monastère, et...
«Les pauvres diables de moines ne savaient auquel de leurs saints se vouer. A toutes aventures firent sonner ad capititlum capitulantes. Là fut décrété qu'ils feraient une belle procession, renforcée de beaux préchants et litanie contra hostium insidias et beaux répons pro pace.
En l'abbaye était pour lors un moine claustrier nommé frère Jean des Entommeures, jeune, galant, frisque, de hait, bien à dextre, hardi, aventureux, délibéré, haut, maigre, bien fendu de gueule, bien avantagé en nez, beau dépêcheur d'heures, beau débrideur de messes, beau décrotteur de vigiles, pour tout dire sommairement vrai moine si onques en fut depuis que le monde moinant moina de moinerie, au reste clerc jusques ès dents en matière de bréviaire.»
Or voici que les pillards s’en prennent à la vigne («ils vendangeaient leur clos auquel était leur boire de tout l'an fondé») – ce qui fâche plus que tout Frère Jean des Etommeures, qui court à l’église haranguer ses frères.
«Vertus Dieu ! que ne chantez-vous : Adieu paniers, vendanges sont faites? je me donne au diable s'ils ne sont en notre clos, et tant bien coupent et ceps et raisins qu'il n'y aura, par le corps Dieu ! de quatre années que halleboter dedans. Ventre saint Jacques! que boirons-nous cependant, nous autres pauvres diables ? Seigneur Dieu, da mihipotum!»
Le prieur s’indigne de cette intervention («Troubler ainsi le service divin!») Frère Jean des Entommeures lui répond:
«Le service du vin, faisons tant qu'il ne soit troublé, car vous-même, monsieur le prieur, aimez boire du meilleur si fait tout homme de bien. Jamais homme noble ne hait le bon vin c'est un apophtegme monacal, Mais ces répons que chantez ici ne sont, par Dieu ! point de saison. […] Écoutez, messieurs, vous autres qui aimez le vin : le corps Dieu, si me suivez ! Car hardiment que saint Antoine m'arde si ceux tâtent du plot qui n'auront secouru la vigne ! Ventre Dieu, les biens de l'Église! »
Et commence la bataille:
«Ce disant, mit bas son grand habit et se saisit du bâton de la croix qui était de cœur de cormier, long comme une lance, rond à plein poing, et quelque peu semé de fleurs de lys, toutes presque effacées. Ainsi sortit en beau sayon, mit son froc en écharpe, et de son bâton de la croix donna si brusquement sur les ennemis qui, sans ordre ni enseigne, ni trompette, ni tambourin, parmi le clos vendangeaient. […] Il les renversait comme porcs, frappant à tort et à travers, à la vieille escrime. Ès uns écrabouillait la cervelle, ès autres rompait bras et jambes, ès autres délochait les spondyles du col, ès autres démoulait les reins, avalait le nez, pochait les yeux, fendait les mandibules, enfonçait les dents en la gueule, décroulait les omoplates, sphacelait les grèves, dégondait les ischies, débezillait les faucilles.»
Bigre. Il y a quelque chose de jouissif dans cette frénésie («il leur transperçait la poitrine par le médiastin et par le cœur ; à d'autres donnant sur la faute des côtes, leur subvertissait l'estomac, et mouraient soudainement ; ès autres tant fièrement frappait par le nombril qu'il leur faisait sortir les tripes»). En gros, ça fait du bien? Oui, répondè-je à mon ami Roga, mais ça ne dit rien sur la justesse de la cause. Et je lui cite Pascal («la violence et la vérité ne peuvent rien l'une sur l'autre»), en sa Douzième Provinciale :
«Je vous plains, mes Pères, d'avoir recours à de tels remèdes. Les injures que vous me dites n'éclairciront pas nos différends, et les menaces que vous me faites en tant de façons ne m'empêcheront pas de me défendre. Vous croyez avoir la force et l'impunité, mais je crois avoir la vérité et l'innocence. C'est une étrange et longue guerre que celle où la violence essaie d'opprimer la vérité. Tous les efforts de la violence ne peuvent affaiblir la vérité, et ne servent qu'à la relever davantage. Toutes les lumières de la vérité ne peuvent rien pour arrêter la violence, et ne font que l'irriter encore plus. Quand la force combat la force, la plus puissante détruit la moindre : quand l'on oppose les discours aux discours, ceux qui sont véritables et convaincants confondent et dissipent ceux qui n'ont que la vanité et le mensonge : mais la violence et la vérité ne peuvent rien l'une sur l'autre. Qu'on ne prétende pas de là néanmoins que les choses soient égales : car il y a cette extrême différence, que la violence n'a qu'un cours borné par l'ordre de Dieu, qui en conduit les effets à la gloire de la vérité qu'elle attaque : au lieu que la vérité subsiste éternellement, et triomphe enfin de ses ennemis, parce qu'elle est éternelle et puissante comme Dieu même.»
Mon ami Roga me dit que puisque la vérité ne peut rien contre la violence, peut-être à la violence convient-il d’opposer une autre violence? Se battre, éventuellement, mais pourquoi la vertu devrait-elle utiliser les armes du vice? C’est la problématique du début de Ferdydurke. Pour ce qui ne connaissent pas ce livre: Witold Gombrowicz y oppose deux caractères dans les premières pages, Mientalski (dit «Mientus») et Pylaszczkiewicz (surnommé «Siphon» - peut-être par égard envers le lecteur occidental).
 
Mientus représente le vice, l’esprit bravache et ‘gaillard’, il est à la tête d’une bande de congénères - même s'il a d'autres attirances qu'eux.
«Ils avaient des gestes maladroits, des visages boutonneux et brouillés ; quant à leur thème fondamental, c’était pour les plus jeunes les organes sexuels et pour les plus âgés les rapport sexuels, ce qui, ajouté au jargon archaïsant et latinisant, produisant un cocktail nauséabond ».
Siphon («un grand garçon solide») représente l’idéal, la pureté.
«Parfaitement, je suis innocent et je ne connais pas les choses amoureuses, et je ne vois pas pourquoi j’en rougirais. Chers camarades, aucun d’entre vous ne va sérieusement prétendre que la saleté vaut mieux que la pureté»
Alors que le mot même d’innocence irrite les vicelards, Siphon le défend:
«Pourquoi devrions-nous avoir honte de ce mot? Serait-il pire que d’autres? Pourquoi devrions-nous, au sein de notre partie bien-aimée, avoir honte de nos vraies jeunes filles? Et je vous demande au nom de quel cynisme artificiel nous devrions avoir honte de beaux mots comme ‘adolescent’, ‘feu de camp’, ‘devoir’, ‘vertu’, ‘boy-scout’, ‘jeune fille’ – plus proches, à mon avis, de nos cœurs juvéniles que le vocabulaire de caserne qui salit l’imagination de Mientalski.»
C’est plus que ne peut en entendre Mientus, qui provoque alors Siphon en duel, mais un duel asymétrique:
«Les adversaires se tiendront face à face et feront tour à tour des mines. A chaque mine de Pylaszczkiewicz émouvante et belle, Mientalski opposera une contre-mine vilaine et révoltante. Lesdites mines, les plus personnelles, individualisées, frappantes et blessantes qu’ils pourront, seront produites sans faiblesse jusqu’au bout.» 
Bref, le combat du vice et de la vertu, mais chacun restant lui-même, sans que la vertu ne s’abaisse ni que le vice ne s’élève. Ami Roga, tu veux peut-être savoir qui gagne? Je te passerai le livre, il se termine de curieuse manière.

samedi 7 avril 2012

Joyeuses Pâques !

"Quand l'ange a renversé la pierre, c'est toute la prison des hommes qui a tremblé sur ses fondations : la lézarde est désormais si large, si profonde, elle ne sera jamais plus réparée. Car cette joyeuse et victorieuse résurrection de Jésus Christ change définitivement le sens de la vie et de la mort, de notre vie et de notre mort pour chacun d'entre nous. Jésus Christ a ouvert la brèche, il a crevé la digue, il a enfoncé le rempart, qui l'aime le suive, après lui et par lui, la ville est à nous ! Quelle ville ? La Jérusalem céleste, la vie éternelle pour nos âmes et pour nos corps. Les tombeaux ne sont plus fermés, la carapace d'acier qui enfermait dans la mort le destin de l'homme a volé en éclat. C'est cela que veut dire la résurrection de Jésus-Christ, ou bien elle ne veut rien dire".
RL Bruckberger, Histoire de Jésus Christ, p. 534
Chers métablogueurs, merci des mots d'amitié et d'estime que vous avez postés pour notre millième. Le webmestre et moi-même, nous souhaitons à tous de redécouvrir Pâques, la véritable fête de la Liberté, liberté par rapport à la mort, la seule liberté qui vaille ! Que Jésus ressuscité, "libre parmi les morts" comme dit le Psaume, vous aide à faire bel usage de ce cadeau sans prix, qui rend chacun d'entre nous absolument singulier dans son humanité.

vendredi 6 avril 2012

Le millième message publié

Chers amis, vous êtes très nombreux à nous lire, mon cher webmestre et moi-même. Je crois que c'est pour cela que metablog, en ce vendredi saint, fête son millième message publié. Mille fois nous sommes allés vers vous. Sans fard. Sans rien à vendre. Pour le plaisir d'échanger avec vous des intuitions, des idées, des manières de voir et notre amour de l’Église. Et vous répondez, avec la même liberté que nous voulons avoir nous-mêmes. Un certain nombre d'entre vous sont des habitués, qui ont un nom de plume ici ou qui écrivent sous leur nom, Julien, Thierry, Antoine, mais aussi depuis quelque temps Benoîte (à laquelle je précise que je ne suis pas misogyne comme elle l'insinue quelque part avec son alacrité habituelle). Il faudra bien faire ressortir ces échanges si fructueux et si divers, ces perles de culture ou de naturel... Merci, cher tous, chers anonymes, chers pseudonymes de toutes vos réactions qui font vraiment de ce blog un bel échantillon de la catholicité dans tous ses états. Notre webmestre ne censure qu'en dernière extrémité, et c'est bien ainsi. Quant à moi, c'est la première chose que je fais lorsque je rentre chez moi : consulter ma boîte-mails, dans laquelle se trouvent tous vos nouveaux messages. Pourquoi le nier ? Les compliments font du bien. Mais les critiques aussi. Même lorsque je donne l'impression de rester silencieux, il me semble que j'en tiens compte.

Il ne me semble pas anodin que ce millième message tombe dans vos boîtes aux lettres un vendredi saint : jour de fécondité. Il y a de ces anniversaires qui sont des ordres. Nous voulons continuer à rayonner et à faire rayonner vos paroles et vos avis. Ce blog n'est pas un blog d'actualités. Pour les actualités, vous avez notre jumeau, tradinews. Que faisons nous sur métablog ? A quelle constante obéissent tant de messages en tant d'occasions différentes ? Je citerai volontiers pour ma part un passage de Spe salvi, la deuxième encyclique de Benoît XVI, précisément le n°22, qui donne bien l'esprit dans lequel nous sommes tous unis, au delà des chapelles : « Il convient que à l’autocritique de l’ère moderne soit associé aussi une autocritique du christianisme moderne, qui doit toujours de nouveau apprendre à se comprendre lui-même à partir de ses propres racines ». Je pense effectivement que la vraie tradition est critique, nous essayons d'en faire la preuve ici presque chaque jour. Quant à la vraie modernité elle ne peut être qu'autocritique. Je ne crois pas à l'antimodernité (ça n'existe pas : nous sommes tous modernes). Mais je crois à l'autocritique de la modernité.

Notre critique et notre autocritique ne sont pas extérieures, froides et méchantes. Elles sont la marque d'une exigence, c'est-à-dire d'un amour, amour que je souhaite partager avec le plus grand nombre de lecteurs en publiant des critiques qui ne sont pas des polémiques personnelles, qui ne renvoient pas à des idées convenues ou conventionnelles (celles d'une secte ou d'un parti dans l’Église), qui ne relèvent ni de la complaisance ni de la débine mais qui vérifient toujours plus ou moins la formule évangélique : "Celui qui fait la vérité vient à la lumière" (Jean 3, 21). Nous essayons d'argumenter tous dans le respect des personnes et dans la souveraineté de la Lumière.

jeudi 5 avril 2012

Mgr Simon et Vatican II 10 ans ou 50 ans après

« Les fondateurs de cet Institut n’ont pas vraiment choisi de revenir au sein de l’Église romaine. Ils ont été tout simplement mis à la porte de la Fraternité Saint-Pie X et Rome les a réintégrés ensuite, à leur demande ».
Ainsi parle Mgr Simon, évêque de Clermont-Ferrand, à propos des fondateurs de l'Institut du Bon Pasteur. Je ne peux évidemment parler ni pour l'abbé Laguérie, ni pour l'abbé Aulagnier, ni pour l'abbé Héry. Mais je peux parler en mon nom propre. J'ai, quant à moi, très clairement choisi depuis toujours cette Eglise universelle que l'on nomme catholique en grec. J'ai aimé l'oeuvre prophétique de Mgr Lefebvre, qui en 1976, dans l'euphorie postconciliaire, se battait seul pour la liturgie latine et contre les mauvaises lectures du Concile. J'ai cru à "l'opération survie" qu'ont représenté les sacres de 1988 : il y avait une telle paix ce jour là sur la prairie, à Ecône. Manifestement ces sacres étaient de Dieu. Ils ont créé électrochoc nécessaire à l'Eglise universelle, qui s'endormait dans ses pseudo-réformes. Ils ont également permis un essaimage de la Fraternité Saint Pie X en sa jumelle, la Fraternité Saint-Pierre. Ils n'ont, en eux-mêmes, créé aucun schisme puisque les quatre évêques sacrés ce jour là (sans compter le cinquième Mgr Licinio Rangel) ont été désexcommuniés sans autre forme de procès le 21 janvier 2009.

Pour ce qui est de l'affaire Laguérie en 2004 (muté sans explication en Amérique Latine comme l'abbé Mercury aujourd'hui), il était clair pour moi dès le départ (je l'ai écrit dans Pacte, qui doit être disponible sur ce site) que le droit de l'abbé Laguérie était de faire appel à l'instance supérieure et que si la Fraternité Saint Pie X lui déniait ce droit, il devait aller à Rome. Je me suis solidarisé avec lui dans cette démarche romaine que je lui ai fortement suggérée dès le départ, car le dysfonctionnement de la FSSPX, livrée à l'arbitraire d'un homme, était trop clair pour que cela soit supportable. L'esprit sectaire montait. Je crois que l'affaire Laguérie a aidé beaucoup de personnes à en prendre conscience, et cela jusque dans la FSSPX.

Notre recours à Rome est dès l'origine un recours filial. Nous savions bien que l'Eglise est à Rome pas à Ecône, comme semble l'imaginer à notre sujet Mgr Simon. Mgr Lefebvre a servi à une réception critique du Concile, mais il n'est pas l'Eglise. Il se serait offusqué qu'on le considère comme dépositaire de la légitimité ecclésiale. Il ne voulait même pas passer pour "le chef des traditionalistes". Son opération est ponctuelle : il l'a lui-même baptisé "opération survie". Le motif de son opération survie est évidemment fondamental : c'est la vérité, le droit absolu de la vérité surnaturelle sur nos esprits. Un certain cardinal Ratzinger, en juillet 1988, le dit presque en ces termes dans une conférence prononcée à Santiago du Chili qui restera célèbre et laisse présager les grandes encycliques de la deuxième partie du pontificat de Jean Paul II Veritatis splendor (1993), mais déjà Centesimus annus (1991). J'ai essayé de développer ce thème dans un livre épuisé mais disponible sur Internet Vatican II et l'Evangile.

Et justement je tombe sur l'épilogue d'un gros livre qui vient de paraître en français, toujours du même Joseph Ratzinger (pas encore cardinal), qui nous livre sa vision des choses "dix ans après Vatican II". Les formules sont roides. J'espère qu'elles ne choqueront pas Mgr Simon. Je les cite quand même...

Il faut vous procurer Dogme et annonce, publié cette année chez Parole et silence. Citant l'écrivain français Daniel-Rops, le futur pape souligne qu'au moment où l'on convoque Vatican II, "aucune crise ne se profile à l'horizon". Dix ans après (en 1972), "que s'est-il passé ? Le Concile a-t-il créé la crise, puisqu'il n'y en avait pas à résoudre. Beaucoup partagent cette opinion. Elle n'est certainement pas tout à fait erronée, mais elle ne reflète qu'une partie de la vérité". Opinion nuancée du théologien : il y a du vrai (mais pas toute la vérité) dans l'opinion de ceux qui disent que le Concile a créé la crise. J'en parlais tout à l'heure avec un confrère après la concélébration de la messe chrismale, je dirais que Vatican II a révélé une crise qui couvait depuis fort longtemps... Au lieu de l'éteindre, il a constitué un signal d'intensification, il lui a donné une force inouïe en apparaissant comme "un signe des temps", libérant les germes de rationalisme religieux et politique, que le néothomisme maritainien n'avait pas su conjurer (et avait peut-être même laissé grandir).

Dans ce texte, le futur pape met en cause avec violence le cléricalisme. Au lieu de s'occuper de ce qu'il faut dire aux hommes (selon la belle formule d'André Charlier), le Concile s'est occupé des intérêts des clercs avec "un égoïsme qui passe à côté des hommes". Je cite ce texte, magistral : "J'ai l'impression que de plus en plus de gens commencent à comprendre que le pragmatisme épuré des réformes structurelles ecclésiastiques néglige précisément ce qu'il faudrait donner aux hommes ; en fait le fanatisme des réformistes structurels est un nouveau cléricalisme, un égoïsme clérical qui passe à côté des hommes et se préoccupe surtout de ses propres intérêts. Les contrepoids de ces soi disant progrès sont encore faibles, mais ils se constituent et laissent apparaître lentement, du milieu de cette fermentation en gestation dans laquelle nous nous trouvons dix ans après le Concile, un renouveau digne de ce nom".

Josef Ratzinger donne des exemples de cet égoïsme clérical qu'il met en cause comme caractéristique de l'après-concile : la fin de l'espace sacré ; la fin d'une liturgie qui permette de s'échapper du quotidien ; l'obsession d'un "ministère fonctionnel". Quant au renouveau, il le voit non comme une application de l'esprit de Vatican II mais comme un "contrepoids". Le terme est fort. J'allais dire, on sent qu'il a été... pesé ! Il constitue un encouragement pour tous ceux, évêques et prêtres, qui tentent, de leur côté, de faire contrepoids.

mardi 3 avril 2012

Il nous a rachetés cher - mardi de la sixième semaine

"Mais dira-t-on le Créateur n'aurait-il pas pu réparer son oeuvre sans que ce soit si difficile ? - Il aurait pu, mais il a préféré le faire à ses dépens, pour que le vice détestable et odieux de l'ingratitude n'en prenne pas occasion pour s'introduire en l'homme. Oui, il a assumé de grands travaux et par là l'homme lui devrait un grand amour, la difficulté de la Rédemption éveillant en lui une action de grâces que la facilité de la Création n'avait guère suscité (...) Rappelle-toi que s'il t'as fait de rien, il ne t'a pas racheté pour rien !"
Saint Bernard, Sermon 11 sur le Cantique des cantiques, in Carême pour les cancres 2012 (P. Huot de Longchamp)
Susciter la générosité, comme une arme absolue contre l'étrange, contre l'affreuse puissance du Mal. Voilà ce qu'est l'oeuvre historique de la Rédemption. Susciter la générosité dans l'homme pour qu'il se mette à ressembler à Dieu qui "est charité" (I Jean 4, 8). Tel est le salut apporté par Jésus-Christ. "Dieu qui nous a créé sans nous ne nous sauvera pas sans nous" dit saint Augustin en un éclair. C'est peut-être à cette formule que pense saint Bernard lorsqu'il écrit ce texte. Nous n'avons pas participé à notre création : je n'ai pas demandé à naître, dit celui qui ne veut pas avoir de dette vis-à-vis de Dieu. En revanche, nous devons participer à la recréation, qui fait de nous des fils et des filles de Dieu. Comment s'effectue cette participation ? D'une part nous sommes sauvés sans notre aval et par le Christ, qui mérite pour nous la Route du Ciel. D'autre part, nous sommes sauvés dans le Christ (in Christo capite explique Cajétan) car lui et lui seul peut donner une valeur infinie à toutes les actions que nous accomplissons, parce que nous les faisons dans sa "Piété". En lui, nous ne sommes plus seulement des animaux plus ou moins raisonnables, mais des enfants re-nés, qui agissent comme leur Père.


C'est difficile ? Saint Bernard le revendique. "Mon joug est doux et mon fardeau léger" dit le Christ. Mais enfin, joug il y a, et fardeau. La Croix est une manière de nous prévenir : "Je ne vous promets pas d'être heureuse en ce monde mais dans l'autre" disait la sainte Vierge à Bernadette. C'est sans doute ce que saint Paul voulait insinuer lorsqu'il écrivait : "Nous sommes les disciples d'un Maître crucifié". Depuis l'Evangile, tout le monde sait que "le disciple n'est pas au dessus du Maître". La Croix est forcément au programme d'une vie.

Nous sommes exhortés à transformer la difficulté qui se présente et qui bloque, en une générosité qui agit et se déploie. Comme le dit saint Paul, le Christ "nous a acheté cher" (I Co 6, 20). Il a mis le prix, pour que de notre côté nous recevions la bonne nouvelle, cet évangile qui nous est prêché, non pas comme une charge mais comme une perle de grand prix. Rendre amour pour amour : c'est le secret de l'Evangile et de toutes les âmes re-nées.

lundi 2 avril 2012

Horaires de la semaine sainte au Centre Saint Paul

Nous avons fait le plein d'activités ces derniers temps, avec la Retraite Saint Ignace en cinq jours de 18H00 à 21H30 et le Congrès Jeanne d'Arc (de très belle venue : riche, variée, historique et politique). Mais voici la semaine sainte dont je vous donne les horaires... avec un peu de retard !
Mercredi à 19H00: Messe (abbé Mallet) Passion selon saint Luc (récitée)

Jeudi à 10H00 : Matines du Jeudi Saint (Ténèbres) - et à 19H00 : Fonction de l'Après-midi, Lavement des pieds, Mandatum, Messe chantée, Adoration au reposoir (abbé de Tanoüarn)

Vendredi à 10H00: Matines du Vendredi Saint - à 15H00: Chemin de la Croix médité (abbé Baumann) - et à 19H00: Messe des Présanctifiés, Impropères, Passion chantée selon saint Jean

Samedi à 10H00: Matines du Samedi saint - et à 21H30: Veillée pascale, chant de l'Exsultet, consécration de l'eau baptismale, baptême d'adulte, Messe de Pâques. Réveillon amical

Dimanche de Pâques - Messes à 10H00, 11H00, 12H30 et 19H00 comme tous les dimanches. La messe de 9H00 n'a pas lieu. Vêpres à 18H00.
Très joyeuses fêtes de Pâques à tous ceux qui aiment trop la vie pour penser qu'elle se finit dans un trou : le Christ, notre Pâque, est ressuscité.