mardi 10 avril 2012

Le sens des mots

C’est l’histoire d'un jeune diacre – il vient d’être ordonné et prêche pour la première fois: sur l’«essence de la foi». Après la messe un vieil ami de sa famille le félicite. Mais patatras! Il apparaît assez vite que le vieux monsieur a cru qu’on parlait de ‘carburant’ – de cette énergie qu’il faudrait aujourd’hui plus qu’avant pour être chrétien.

Plus personnel maintenant – il y a des années un ami me demande pourquoi je préfère la liturgie traditionnelle. Je lui dis que j’y ressens mieux que la messe est un sacrifice. Il a effectivement entendu dire que la messe est un sacrifice, et trouve que c’est parfois vrai, et sans doute plus en latin. Parfois? De fil en aiguille je comprends que ce qui est sacrifié, dans son esprit, c’est son dimanche matin.

Présence réelle: du latin res, la chose. Le mot s’est affaibli. Le Christ réellement présent? Je crains que l’adverbe n’ait pour nos contemporains guère plus de force que lorsqu’on dit, par exemple, que Dieu existe réellement.

Il faudrait sans doute revisiter quelques expressions classiques – si l’on veut être compris. Et puis, éviter quelques raccourcis peu satisfaisants.

Prenez l’expression «herméneutique de la continuité», attribuée à Benoît XVI, et voyez son fameux discours du 22 décembre 2005. Il y parle en fait d’«herméneutique de la réforme… dans la continuité». Autrement dit, il ne s’agit pas d’une herméneutique qui serait une possible clef de lecture pour recoller la réforme (Vatican II) avec la Tradition. Ce que nous dit Benoît XVI avec son expression (complète et non tronquée), c’est que la réforme elle-même s’inscrit dans la continuité. A prendre ou à laisser.

4 commentaires:

  1. C'est la sémantique.
    Quand la culture évolue, avec l'arrivée de cultures étrangères, l'appropriation des mots par d'autres sensibilités et parfois des idéologies contestatrices et le développement universalisé des médias emportant l'uniformité des discours avec son nivellement automatique, il y a "glissement" de la sémantique, réinterprétation des messages, falsification des représentations.

    On y "perd son latin", on "n'y reconnait pas les siens", la Religion étant en première ligne du risque que cela comprend, très vulnérable avec ses canons, ses rites, ses dogmes.

    Peut-être cela permet-il à l'Eglise de redéfinir ? d'aller au fond, de délivrer le message dans sa pureté perdue et dans sa fraîcheur toujours neuve, de redonner du sens ?

    Il se trouve que les jeunes générations saisissent désormais fort bien ce que veut dire "sacrifice", ce que ce mot recouvre, ce qu'il entend. Il est très "illustré" en ce moment dans le monde !
    Le mot "réel" aussi, redéfini par contraste avec "virtuel", donc au contraire, le concept "réel" prend toute sa force.
    Quand à l'hérméneutique, tout-le-monde a bien saisi ce que Benoît XVI voulait dire quels que soient les discours qui se sont greffés sur le message. Le nombre de messages mal compris ou mal entendus ou tronqués ont creusé l'obligation, la soif, l'attente et même donc la compréhension de la véritable définition. Aujourd'hui, plus personne n'ignore que Benoît XVI parlait de continuité par contraste avec les nombreuses, fallacieuses, trompeuses ruptures.

    Au fond, plus il y a de glissements, de contrefaçons, de dissolutions, plus il y a d'occasions de ré-affirmer, de re-dresser, de re-définir, de re-établir. Plus il y a d'illustrations "en creux" de la Vérité.

    Oui, c'est un rétablissement sémantique que l'Eglise doit opérer. C'est toute la mission que Benoît XVI s'est donnée semble-t-il. Jamais ce rétablissement n'a été attendu de façon aussi universelle.

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  2. L'hymne du saint sacrement pour la Fete-Dieu inauguré par le Pape Urbain IV et écrit par saint Thomas d'Aquin dit :l'une et l'autre espèces ne sont que des signes(signum) et non des choses(non rebus), elles voilent(velatum) un réel divin.

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  3. la question ouverte est bien plus vaste, voire immense...
    Qu'est-ce qui nous prouve que les "mots" de saint Jean ( parole, vie, pain, donner etc ) ou les mots de Paul( loi, péché, chair etc) ont le moindre rapport avec ce qui s'en est traduit en grec, puis en latin, puis en langues vernaculaires...?
    Ce n'est pas une affaire de "relativisme", mais d'entente juste dans le contexte des cultures où la bonne nouvelle de la Résurrection-Pardon a été écoutée, reçue, traduite etc .
    Certains d 'ailleurs qui, accrochés au latin de saint Thomas, se croient dans "l'universel catholique"...pourraient peut-être découvrir un jour qu'ils sont dans l"universel occidental à 90%...
    L'Evangile, qui n'est pas une culture, mais qui ne parle que dans les mots des cultures, leur fait faire, à ces mots, le même chemin qu'à nous: celui de la croix-résurrection...tous nos mots ont un trajet pascal à accomplir ...
    C'est un très long chemin, une longue persévérance..Et cela n'empêche pas d'annoncer la Bonne Nouvelle, au contraire, mais avec à l'esprit que nous la véhiculons dans nos propres bagages, avec leurs formes, leurs poids, leur matériaux etc

    .Bref, du pain sur la planche. (je n'ai rien inventé dans ces lignes, j'ai tenté de résumer les tentatives qui commencent à donner matière à discrète publication ici ou là...)

    Resurrecturi te salutant ...

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  4. Trop mignonnes, les deux petites grenouilles en illustration...

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