dimanche 15 août 2021

Voyage en Italie

Beaucoup de fautes dans mon dernier post que j'avais rédigé à la va vite juste avant de prendre un avion matinal pour Florence. Vous parler de ce voyage ? Evoquer le premier sédévacantiste de l'histoire Savonarole, dont finalement le pape Alexandre VI Borgia aura eu la peau et même le cadavre brûlé sur la place de la Seigneurie ? Vous parler de Dante auquel l'année 2021 est consacré, l'inventeur littéraire du désir de Dieu ? Chercher les raisons de la gloire des Médicis, grands duc d'Occident ? Parler de Pic de la Mirandole, provocateur à Rome, mort dominicain à Florence sous l'improbable absolution du même Savonarole ? Evoquer Machiavel, autre Florentin, et sa politique aussi réaliste qu'introuvable ? cela viendra en son temps. Parler de la Toscane, exalter le miracle de Sienne de son Dôme en noir et blanc et de son incroyable hôtel de ville sur la place duquel atterrit James Bond en personne. Penser aussi à la place des miracles qui est à Pise avec son incroyable tour penchée, le premier miracle de cette place sans doute. Ne pas oublier Volterra, la ville haute avec sa Piazza dei Priori, où l'on retrouve quelque chose des origines étrusques de la Cité et où j'ai pu goûter une Polenta divinement simple et apercevoir les plus belles vues de cette nature efflorescente de tous les verts du monde et pourtant, n'en déplaise aux écolos, absolument domestiquée par l'homme... C'est tout cela à la fois la Toscane tout cela et beaucoup d'autres choses encore. On comprend qu'elle ait offert à l'humanité les plus grands artistes - la sainte Trinité des Michel Ange Raphael et Léonard de Vinci, tous trois florentins - sans oublier les Mécènes les plus intelligents du monde : Côme de Médicis le découvreur de Filippo Lippi, qu'il surprit, enfant, à dessiner par terre avec dextérité, et qu'il sortit immédiatement de la rue, et Lorenzo dit le magnifique, dont le surnom n'évoque pas tant la beauté physique que, selon l'étymologie latine, la richesse en oeuvres de toutes sortes.

Je suis plongé dans Le génie du christianisme de Chateaubriand, heureusement réédité par Maxence Caron en collection Bouquins, et qu'il faudrait que nous relisions tous, tant il fait partie de l'état de la question de la crise du christianisme. Je suis tombé sous la plume de l'Enchanteur, sur des mots qui expliquent bien la complicité native entre l'art et la foi, telle qu'on peut la découvrir en Toscane : " Quand on ne crut plus à rien à Athènes et à Rome, les talents disparurent avec les dieux et les muses livrèrent à la barbarie ceux qui n'avaient plus de foi en elles. (...) Un écrivain qui refuse de croire en Dieu auteur de l'univers et juge des hommes, dont il a fait l'âme immortelle, bannit d'abord l'infini de ses ouvrages. Il renferme sa pensée dans un cercle de boue dont il ne peut plus sortir..." (p. 367).

Mais il faut aller plus loin et remarquer comment cette complicité entre l'art et la foi, en Toscane, correspond à une exaltation de la beauté féminine qui n'a pas de précédent. Je pense à Dante dont le personnage de Béatrice a rendu possible cette gynéphanie, si vous me passez ce néologisme, cette manifestation de la féminité en gloire. Je pense à cet échange de regard entre le pèlerin et sa dame au début du Paradis : "Après que mes yeux se furent offerts, révérents, à ma Dame, et qu'elle les eut rendus contents et assurés, ils se tournèrent vers la lumière qui avait tant promis...". Je pourrais citer le chant VIII plus au long. Il me semble que tout est dit et que la Madone de Filippo Lippi - la célébrissime, celle pour les beaux yeux de laquelle d'ailleurs, fra Lippi quittera, avec k(accord du pape, le couvent que lui avait assigné Côme - réalise, chez le fidèle, quelque chose de cette assurance du regard, exaltée par Dante : "Vous dont on n'a jamais entendu dire qu'aucun de ceux qui aient eu recours à sa protection ait été abandonné" comme l'avait chanté saint Bernard de Clairvaux, un siècle avant Dante, à propos de celle qu'il nous a appris nous Français, à nommer Notre Dame.

Le génie florentin, qui est aussi le génie de l'Eglise en l'occurrence, a constitué à montrer qu'en toute femme il y a une Béatrice, que Vénus n'est pas seulement la sulfureuse qui met les hommes à ses pieds, mais la médiatrice entre l'homme et le divin, décrite par Dante, et que sous une autre identité (Marie est Béatrice) fra Angelico a peinte en Annonciation dans les cellules du Couvent Saint Marc à Florence. Mais le peintre qui a su trouver le moyen de dire cette apogée historique de la féminité reste évidemment Sandro Botticelli, formé par Lippi à peindre des madones et qui formera son fils Filipino. A propos de Botticelli, on pense immédiatement bien sûr à la Naissance de Venus, mais c'est un autre tableau, Le printemps, qui reste le plus chargé en interprétations multiples. Sandro manifeste la beauté de celle dont il est amoureux, Simonetta Vespucci, en l'introduisant au ciel, Simonetta, sorte de météore morte à 23 ans (elle était morte quand le peintre a eu fini Le printemps) est représentée au Ciel, dans l'éternel Jardin, guidée vers une Venus pudique qui évoque étrangement la Vierge, pour des noces forcément éternelles. L'amour profane est signifié par le couple Zéphir-Flore à droite du tableau, Flore troublée par le souffle de Zéphir, voudrait, mais en vain partager son trouble avec Simonetta. L'amour sacré et l'amour profane s'opposent donc dans ce tableau à clés, mais dans ce paradis des fleurs (Florence), c'est l'amour sacré qui garde le dernier mot.

Pour nous chrétiens, l'apogée de la féminité n'est elle pas dans cette fête de l'Assomption ? Vous ferez attention aux paroles de l"Apocalypse dans l'introït de la messe traditionnelle ; "Un grand signe apparut dans le ciel, une femme revêtue du soleil, la lune sous les pieds et une couronne de douze étoiles sur la tête". Qui est cette femme ? Les artistes l'ont compris qui l'ont souvent représentée ainsi ; c'est Marie, c'est Notre Dame. Les exégètes qui veulent absolument que cette femme soit l'Eglise et non Marie auraient intérêt à lire de près le verset 5 du chapitre 12 qui me semble absolument décisif sur l'identité mariale de cette femme qui se pare des éléments du monde  : la lune sous ses pieds, la lumière du soleil est son vêtement, les étoiles sont ses bijoux. Attribuer une telle seigneurie à l'Eglise me semble céder à une vision pour le moins incomplète de l'Epouse du Christ. Mais cela permet aux derniers fidèles de se rengorger et surtout cela permet de remplacer Marie, une femme de chair et d'os, par l'Eglise une féminité abstraite, en oubliant que c'est à Marie qu'a été faite la promesse du salut du monde et que c'est par Marie, par son Oui joyeux et sans arrière pensée qu'advient dans le Christ le salut du monde.

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