vendredi 5 novembre 2021

Significations du récit de la création de la femme

"Homme et femme il les créa" dit la Genèse. On ne peut pas se poser validement la question :Qu'est-ce que l'homme ?, comme on le voit dans le psaume 8,  si l'on ne se pose en même temps la question : Qu'est-ce que la femme ? Pourquoi de telles différences entre les deux sexes ? Pourquoi une telle attirance ?  Et enfin pourquoi cela marche si difficilement ? Pourquoi l'amour est-il à, la fois et sans contradiction apparente, une évidence et un petit miracle ?

On connaît tous la remarque du livre de la Genèse selon lequel Eve est tirée de la côte d'Adam, alors qu'Adam est tiré de la poussière du sol. Ceci comme pour montrer qu'Eve est essentiellement humaine, qu'elle ne peut naître comme femme que dans une nature humanisée. C'est peut-être après tout ce qu'entendait Simone de Beauvoir pastichant le théologien Tertullien : "On ne naît pas femme, on le devient". Ce devenir-là, c'est en même temps l'humanisation de l'homme. Au fond, c'est la femme qui a rêvé la première à la civilisation, voilà pourquoi Eve est essentiellement humaine. J'aime bien dire que c'est la première femme qui a dit non à un homme qui a inventé la civilisation. Mais il faut ajouter contre les ultra-féministes : sans les femmes non seulement les hommes n'ont pas d'avenir, mais ce que l'on appelle la civilisation n'existe pas.

Maintenant me direz-vous, pourquoi Eve a-t-elle été créée de la côte d'Adam ? D'après les spécialistes de l'hébreu, dont je ne suis pas (Daniel Lys), on pourrait traduire : Eve a été créé non pas de la côte mais du côté d'Adam, comme pour indiquer qu'il manquera toujours à l'homme un côté qu'il ne trouve que dans la femme, et que la femme est unilatérale (c'est son charme) dans son origine même. Ce disant, on retrouverait dans la Bible le mythe platonicien de l'androgyne où l'homme et la femme ne font plus qu'une seul chair, un seul être (cf. Gen. 2, 23-24 et Matth. 19, Mc 10, 8)... 

Dans la Genèse, c'est Adam qui est le plus éloquent à propos d'Eve son épouse. Alors que Dieu le plonge dans une sorte de sommeil extatique, pour lui prendre une côte ou un côté, à partir duquel il allait créer Eve, il reprend conscience. Eve est là, rayonnante. Aussitôt, parce que l'amour commence toujours avec des mots, parce qu'aimer c'est d'abord parler, il en fait l'éloge, avec une éloquence qu'on ne lui connaissait pas jusque là et qu'on ne lui trouvera plus guère. Comme s'il n'avait pas su entretenir la flamme, il ne saura plus, après avoir eu ce beau morceau d'éloquence, qu'accuser sa compagne pour mieux se protéger de ce qu'il croit être la colère de Dieu après le premier péché. Adam n'est pas un héros, mais son premier regard sur sa femme était le bon : un véritable coup de foudre, qui autorise tous les autres jusqu'à la fin du monde. 

Tel fut en effet son discours, lorsque "le Seigneur lui amena Eve" : "Voici l'os de mes os et la chair de ma chair. Celle-ci s'appellera femme (icha) parce qu'elle a été tirée d'un homme (ich). C'est pour elle que l'homme quittera son père et sa mère. Il s'attachera à sa femme et tous deux ne feront qu'une seule chair" (Gen. 2, 23-24). Le Christ, citant ce passage, ajoute : "Donc ils ne sont plus deux mais une seule chair. Que l'homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni" (Matth. 19).

Ainsi le lien amoureux devient le lien matrimonial. Cela certes ne va pas de soi mais l'échange de leur consentement dans un rituel social et sacré devient le point fixe qui permet aux couples de soulever le monde, comme disait Archimède, de faire mentir le temps en lui arrachant des poussières d'éternité, et de pro-créer, prenant la place de Dieu, des petits humains auxquels ils auront donné une véritable éducation, une civilisation..

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