lundi 31 mars 2008

Résistants et fossiles


Sur ce Blog, je voudrais au jour le jour et comme ça vient réfléchir avec ceux qui le souhaitent sur toutes les raisons de notre espérance, à nous chrétiens, dans cette société matérialisée, qui semble à première vue absolument contraire à ce que porte notre foi.

Il y a ceux qui entrent en résistance ouverte contre les compulsions abrutissante de la consommation à tout prix. Ils ont raison. Ils portent sans doute l'avenir du monde, au moins si je m'en remets à René Girard, qui ose écrire dans Celui par qui le scandale arrive (p. 70), que l'avenir du monde en général et l'avenir du christianisme en particulier a toujours été frayé par des minorités résistantes : "La révélation écrit-il est doublement rare. Non seulement elle est le fait d'une tradition unique (il s'agit évidemment dans l'esprit de Girard de la tradition chrétienne), mais au sein de cette Tradition, elle n'est vraiment vivante que dans de petites minorités récalcitrantes, des restes, trop infimes pour l'emporter au plan de l'histoire, assez influents toutefois pour dominer la rédaction de l'Ecriture sainte (Girard pense aux prophètes porte paroles du reste de Yahvé) et les grandes traditions ecclésiales" (toujours minoritaires et souvent combattues à leur naissance).

A la question : faut-il entrer en résistance ? je réponds donc : mille fois oui. La vérité n'est ni pacifiste ni facile. Elle se donne toujours à travers une forme de résistance au consensus : "Ne vous conformez pas à ce siècle" disait saint Paul, qui savait de quoi il parlait.

Mais ce n'est pas pour cela qu'il faut faire sauter tous les trains qui passent. Et ce n'est pas pour cela qu'il faut s'enfermer dans des guerres dépassées. Exemple ? La guerre de 70 est terminée (je parle des années 70). C'était le thème d'un Congrès à la Mutualité, il y a deux ans maintenant. Beaucoup de catholiques, absorbés dans des vieilles rivalités intestines, sont en retard d'une guerre et il ne s'en rendent même pas compte. C'est cela les résistants ? C'est cela les prophètes ? Ils nient l'évidence. Ils nient la demande du peuple chrétien. Ils ne veulent pas voir le travail impressionnant de Benoît XVI, travail doctrinal qui dure rappelons le, non pas depuis 2005, mais depuis le début des années 80. Dans ce déni de réalité, ils se donnent l'impression d'être d'authentiques résistants. Ils croient être des purs. Ils pensent toujours être des prophètes. Entre l'évêque d'Amiens qui joue à Monsieur Non à tout prix, et certain membre de la Fraternité Saint Pie X qui expliquait récemment qu'il n'adopterait pas la nouvelle prière pour les juifs, pour ne pas "accroître le désordre", on se demande qui est le plus ringard.

Résistance oui. Fossilisation, non.

Le vrai résistant ne résiste pas pour lui. Il ne s'enferme pas dans sa guerre. Il n'a jamais le temps de devenir un ancien combattant. Le vrai résistant espère toujours ne plus avoir à résister.

Dans cette perspective, résister ce n'est pas condamner tout le monde à prendre le maquis. C'est savoir que, providentiellement, le monde porte toujours en lui les germes de son relèvement. Quelqu'un parlait en ce sens de la sottise du désespoir. Il ne croyait pas si bien dire.

Oh ! Les signes peuvent être minimes. il faut s'exercer à les voir. L'autre jour, à l'exposition Marie Antoinette au Grand Palais (une merveille : courez-y), j'ai été frappé du nombre de jeunes adolescents qui s'attardaient et s'extasiaient devant les splendeurs du Rococo et l'éclat du baroque finissant. On sent bien que la mode n'est plus à un art abstrait, schématique ou automatique et que "la belle ouvrage" a retrouvé son prestige. Depuis quelques années maintenant, on assiste à un retour... aux choses ! Tout à l'heure je baptisai Alexandre, un artiste inclassable, que je situerais bien dans ce mouvement, parce qu'il n'aime que le travail bien fini, et pas l'inspiration du quart d'heure ou le ready made qui se vend des milliers d'euros. S'il traite sa foi nouvelle comme ses toiles, il risque de rentrer très vite dans la Résistance chrétienne, cet élan toujours nouveau vers les vérités anciennes qui seules nous façonnent.