mardi 29 septembre 2020

La fraction du pain

Dans cette dernière partie de la messe qu'est la communion, c'est le sentiment de paix qui domine, une paix venue de Dieu, la paix du Seigneur, la paix du Christ, celle qui vient de lui et celle qui étreint le coeur de ceux qui communient à lui. Dans l'ancien rituel, le prêtre ne se contente pas de souhaiter la paix aux fidèles présent, il la leur souhaite, après avoir rompu le pain, selon le geste de celui que les disciples d'Emmaüs reconnaitront eux-mêmes à ce signe de la fraction du pain. Le prêtre est concentré sur les espèces consacrées, comme pour dire que la paix ne vient pas de je ne sais quel agencement heureux des événements du monde qui traduirait une bénédiction divine, mais que cette paix est surnaturelle, qu'elle vient du Christ présent au milieu de nous sous les apparences du pain et du vin et qui nous a définitivement réconciliés avec son Père par le sang de sa croix auquel nous allons communier et auquel pour l'heure nous communions tous spirituellement, 

C'est en tout cas ce que traduit cette invitation du prêtre, qui vient de rompre le pain pendant la closule per Dominum nostrum, par notre Seigneur Jésus-Christ. En rompant le pain pour l'offrir à tous au nom du Père, qui nous libère, il en garde un petit morceau qu'il va mêler au vin consacré, pour que "cette commixion et cette consécration du corps et du sang du Christ s'effectue pour nous qui la recevons dans la vie éternelle". Sur l'autel, les espèces sont divisés entre le pain et le vin consacrés mais il y a un seul Christ vivant avec son corps, son sang, son âme et sa divinité. Celui qui communie au corps du Christ reçoit aussi son sang, s'unit à son âme et baigne dans sa divinité. Celui qui reçoit un fragment de l'hostie reçoit le Christ tout entier.

Voilà ce que signifie la réunion des espèces consacrées, l'unité du Christ. Où l'on voit que la communion sous les deux espèces offertes à tous est une fausse question, puisqu'en recevant le corps du Christ vivant, nous recevons aussi son sang, et en recevant son sang nous recevons en même temps son corps. 

Tel est le mystère que l'on appelle depuis le quatrième concile de Latran (1215), le mystère de la transsubstantiation, mystère le plus spirituel qui soit, mystère qui se manifeste dans la matière divinisée. La substance du pain devient la substance du Christ, qui nous montre son corps (et non pas seulement un symbole du corps du Christ) et la substance du vin devient la substance du Christ qui nous montre son sang. De même dans le petit morceau de pain consacré qui est uni au vin consacré dans le calice, il y a déjà le Christ tout entier et non, au motif que ce ne serait qu'un fragment de l'hostie, une partie du Christ. La présence du Christ se trouve "tout entière dans chaque fragment visible des espèces consacrées", ce pour quoi, lors de la communion du prêtre et des fidèles, les ministres doivent faire extrêmement attention à ce qu'aucune parcelle ne se perde. De la même façon que le Verbe de Dieu s'est vraiment fait chair et que la chair du Christ est divine, car elle est attribuée à un homme qui est Dieu, de la même façon Jésus se fait pain rompu pour nous et cette apparence de pain est divine sur laquelle le Christ a dit : Ceci est mon corps.

"Quel est donc cet homme qui peut donner sa chair à manger ?" demandaient les juifs après le discours sur le pain de vie (Jean 6). Ici c'est le cas de l'écrire le spirituel est lui-même charnel" et l'on comprend pourquoi les disciples d'Emmaüs "le reconnurent à la fraction du pain", dans le moment le plus spirituel du mystère où l'on saisit à travers la fraction du pain que le matériel est lui-même spirituel, pour renverser la formule de Péguy.


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