lundi 9 novembre 2020

Oraison après la communion

 Il est difficile de trouver les traits communs entre les différentes communions grégoriennes chantées après que ceux qui le veulent aient reçu l'hostie. Dans une méditation précédente, j'ai avancé que la communion représentait l'action de grâce du prêtre, se reposant dans le mystère qu'il vient de célébrer et en remerciant Dieu. On peut dire la même chose des oraisons  récitées après la communion, ce que l'on appelle les post-communion. La plus universelle, parmi toutes celles que j'ai relues pour écrire ce texte, je l'ai trouvé dans le propre du samedi de la Passion : 

        "Rassasiés par le caractère somptueux (largitas) de cette cérémonie divine, nous demandons             Seigneur        Dieu, de vivre toujours dans la participation de ce mystère"

Notre destin est la communion avec Dieu. Nous en avons entre-aperçu un accomplissement somptueux (cf. largitas) dans la fonction litugique (munus), parce que cette fonction a quelque chose de divin (divinum munus). C'est en tant qu'elle est divine qu'elle nous a rassasiés, qu'elle a rassasié notre désir, en nous donnant accès à la lumière qui ne finit pas, que nous ne voulons pas voir finir pour nous. Cette lumière, nous la saisissons sous le voile du mystère. Tant que nous sommes sur cette terre, c'est en tant que mystère, dans un dévoilement inaccompli, que nous en jouissons.

Il y a différents types de post-communions, en particulier toutes celles qui correspondent à la fête d'un saint. Dans les fêtes de saints, la seule différence est que l'on associe l'intercession du saint ou de la sainte à cette prière de communion à Dieu. Ainsi la postcommunion du commun des vierges peut se traduire de la façon suivante :

    Tu as rassasié Seigneur ta famille par ces dons sacrés (munera au pluriel : offrandes, sacrifice dans le     latin chrétien), nous le demandons, réchauffe nous par l'intervention de celle dont nous célébrons la         solennité".

On retrouve l'allusion  au rassasiment spirituel. La demande est plus sobre : nous voulons être "réchauffés" par le souvenir de cette célébration en l'honneur de telle sainte. La prière peut être plus forte, elle peut demander plus qu'un simple réchauffement de nos relations avec Dieu . Ainsi la post-communion du samedi des quatre temps d'automne fait appel à toute la théologie des sacrements, demandant que nous soyons configurés au Christ :

    "Que tes sacrements, Seigneur, réalisent en nous ce qu'ils contiennent, pour que ce que nous             accomplissons sur un mode sacramentel par une représentation (specie), nous le recevions dans la         vérité des choses".

Que soit réalisé en nous le sacrifice du Christ, que non seulement il s'accomplisse sacramentellement en dehors de nous, mais qu'il s'accomplisse réellement en nous et pour nous. Et que cet accomplissement réel provoque en nous un désir toujours plus fort comme on le lit dans la postcommunion du Cinquième dimanche après Pâques :

        "Donne nous Seigneur, à nous qui avons été rassasiés par la puissance de la table céleste et de                 désirer ce qui est droit et de recevoir ce que nous désirons".

Mystère du désir mystique à mille lieues du désir charnel. Le désir charnel disparaît une fois satisfait pour renaître ailleurs insatiablement. Le désir mystique naît de la perception de notre faiblesse et de notre mortalité. Il est désir de vivre et désir d'être, jamais satisfait, mais qui peut saisir, dans le mystère de la messe, quelque chose comme un accomplissement possible, au-delà du voile. Cela dit, dès maintenant, nous sommes rassasiés par la puissance (virtute) de la table céleste. Le désir mystique est désir d'une puissance, non pas d'une puissance possédée pour soi, celle là est toujours précaire et insuffisante. Etr c'est pourquoi l'ego ne parvient jamais à satisfaire le moi. La puissance qui nous satisfait, puissance de la table  céleste dit l'Oraison, nous satisfait, nous comble dans la mesure où elle n'est pas attendue, où elle vient d'ailleurs, comme une nouvelle naissance dit le Christ à Nicodème, comme un souffle nouveau, comme un désir surnaturel, nous faisant naître à nouveau. La communion nous fait vivre ce monde nouveau et dans ce monde nouveau cette nouvelle naissance, qu'a réalisé le baptême en nous. Elle bouscule le vieil homme, avec ses habitudes et elle fait advenir une dynamique insoupçonnée, venant d'un désir nouveau, comme une renaissance. 

La communion est la fête et la vérification de ce désir nouveau, de ce désir de Dieu, qui n'est rien moins, comme le pressentait Sandor Ferenczi, psychanalyste dissident, qu'un retour à la naissance, une renaissance.

 

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