mercredi 1 octobre 2008

Merci Antoine

de votre double remarque sur saint Paul, tellement importante que je fais de votre commentaire (voir message précédent) l'occasion d'un post.
A vous lire, écrivez vous, on a l'impression que c'est la foi qui sauve...
- Mais c'est bien l'Evangile cela : "Va, ta foi t'a sauvé".
Vous me direz : mais n'est-ce pas Luther surtout ? Ne sommes nous pas en train de devenir Luthérien cnq cents ans après ?

La théologie est un domaine compliqué, que Luther a voulu ouvrir à tout venant, dans sa perspective charismatique, l'Esprit saint selon lui parlant en n'importe quel chrétien, formé ou pas. En réalité la véritable théologie demande un long apprentissage, et cela d'abord parce que la logique qui gouverne la théologie n'est pas la logique ordinaire, celle de notre pauvre raison, qui fonctionne en base 2. Blaise Pascal avait bien vu cette logique différente lorsqu'il soulignait : "L'hérésie n'est pas le contraire de la vérité, mais l'oubli de la vérité contraire". Exemple : le Christ est homme, c'est vrai puisqu'il est vrai Dieu et vrai homme. Le Christ n'est qu'un homme, c'est l'hérésie arienne, qui a mis l'Eglise à feu et à sang entre le IVème et le VIIème siècle (excusez du peu). Les ariens n'ont rien dit de positivement faux en disant que le Christ est un homme. Ils sont tombé dans l'hérésie en refusant de voir Dieu en lui.

La remarque de Pascal se vérifie dans le cas qui nous occupe : la foi sauve : c'est vrai. il n'y a que la foi qui sauve et les oeuvres ne servent à rien, c'est faux. Nous n'avons pas à abandonner cette vérité à la dialectique luthérienne du sola fides, alors qu'elle est constitutive de l'Evangile et essentielle dans l'enseignement de saint Paul.

La solution proposée par Cajétan aux débordements théologiques de Luther est la suivante : la foi sauve, mais la foi qui sauve est une foi active (j'ai écrit dans le post précédent : une foi qui nous transforme et nous fait devenir ce qu'elle nous fait connaître). Ne sous estimons pas la foi : si elle est pure, elle renverse les montagnes du doute et de l'inaction. Elle nous installe, elle et d'une certaine façon elle seule, dans l'amour qui est le plérôme de tous les commandements (Rom.13, 10). Telle est la loi du Christ qui se substitue à toutes les observances civiles ou religieuses. La foi, en un mot, est le moteur qui manque à nos calculs horizontaux !

Inutile de préciser alors que cette foi qui nous installe dans le plérôme de l'amour n'a rien à voir avec la "vraie foi" crispée et revencharde dont certains intégristes croient pouvoir vivre, se sentant, à cause d'elle, dispensés de toute autre forme d'excellence. La foi véritable ne nous dispense pas de l'excellence, elle est le moteur qui nous permet de l'atteindre. Le moteur qui nous fait accomplir ce que saint Paul lui-même dans les Pastorales appelle "les belles oeuvres".

5 commentaires:

  1. Merci, M. l'Abbé, c'est très clair désormais !
    Avec "la vraie foi crispée et revancharde des intégristes" vous allez vous attirer qq foudres, mais c'est bien envoyé !

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  2. La grande erreur de la scholastique, et de Cajetan, c’est d’avoir reduit la theologie de St Thomas a la Logique ; Or St Thomas est revenu a Aristote qui ne commence pas sa philosophie par la logique (qui est pour lui un instrument) ni par la métaphysique contrairement a ce qui est enseigné d’une manière classique; Sa philosophie n’est pas l’application d’une méthode. Le philosophe est vraiment au service de l’homme dans la mesure où il l’aide premièrement à être plus humain dans ses activités; C’est pourquoi, Aristote commence sa philosophie par l’analyse des différentes activées de l’homme, cherchant à connaitre l’homme existant.
    De meme St Thomas, sa theologie est au service du croyant, pour l’aider a vivre du mystere. Seule une philosophie enracinée dans le réel, peut vraiment être au service de la Révélation, en nous protégeant de la tentation de ramener le mystère a ce que j’en comprends, mais tout en y découvrant un ordre, de rester mendiant ce Celui qui se révèle.
    Ainsi, les œuvres de la Foi : mais c’est l’œuvre du St Esprit en moi, dont je ne peux mesurer les resultats, mais qui m’oblige a etre mendiant de son desir sur moi… Qu’elle a été l’œuvre de la Vierge Marie ? D’avoir maintenu en elle un desir constant… Cela suffit nous dit la petite Therese…

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  3. Citons M. l'Abbé :
    "(...)la "vraie foi" crispée et revencharde dont certains intégristes croient pouvoir vivre, se sentant, à cause d'elle, dispensés de toute autre forme d'excellence. La foi véritable ne nous dispense pas de l'excellence, elle est le moteur qui nous permet de l'atteindre."

    Merci, quelle belle maxime pleine de bon sens ! A inscrire au fronton des écoles tradis où l'on est plus qu'"indulgent" à l'égard de l'inculture effarante de la majorité des élèves : lecture pas vraiment (l'amour débordant des pages de nos classiques, "cachez ce sein que je n'ose voir... "etc, péché!), théatre pas davantage (pour la même raison), cinéma jamais (vade retro !), opéra encore moins (univers feutré des loges attirerait-il des mauvaises pensées?)etc etc; comment voudrait-on que ces jeunes s'ouvrent au beau, au bien et au vrai, se construisent en être mûres, équilibrés, capables de construire une relation mature avec autrui, si on les enferme dans cet univers en effet "rigide et revanchard" avec les "Présent"s ou les "chardonnet"s pour seule nourriture ?

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  4. "La foi véritable ne nous dispense pas de l'excellence, elle est le moteur qui nous permet de l'atteindre." Ca veut dire quoi?? Quelle excellence?? La foi est-elle pour une perfection humaine???
    La foi: c'est l'effet en moi de Dieu qui se donne; La foi me met donc dans un contact immediat avec Dieu et ma cooperation c'est d'etre la bonne terre, de nourrir cette foi, ce don de la grace qui s'empare de mon intelligence..

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  5. Merci de la profondeur de vos commentaires. A propos de la remarque d'Anonyme qui dénonce le trop grand impact de la logique sur une scolastique post-thomiste, je réponds : c'est vrai de la scolastique des manuels, qui a fleuri à partir de la Renaissance thomiste voulu par Léon XIII. Ce n'est pas vrai chez Cajétan, commentateur de TOUTE la Somme théologique de Thomas et commentateur exact, rigoureux, plein de sel, de l'Ecriture sainte (il est mort en s'attelant à Esaïe comme il écrivait). Le problème c'est que tant Cajétan que la scolastique espagnole (qui culmine en Suarez) restent trop largement inconnus.
    A l'attention de ce cet autre Anonyme, qui trouve que parler d'excellence c'est naturaliser le message de l'Evangile en le réduisant à un message humain, je réponds que la parabole du Semeur à laquelle il fait allusion en évoquant lui-même la bonne terre, est expliquée ainsi par le Christ lui-même : "Celui qui reçoit la parole dans la bnne terre est celui qui la reçoit dans un coeur bon et excellent en sorte qu'elle donne 100 pour 1". Le Christ nous veut rentables (voir aussi la parabole des talents à faire fructifier). L'excellence surnaturelle est analogiquement comparable à l'excellence naturelle, elle est à la fois la même et une autre. Nous sommes tous sur la même route, même si nous n'avons pas le même moteur.
    Le problème de l'intégriste ? Sa foi n'est pas un moteur mais une attestation. Elle relève non de l'amour (Pascal : la vérité sans la charité est une idole), mais finalement de la loi. Mais si la foi n'est qu'une loi, saint Paul dirait sans doute : à quoi sert-elle ?

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