lundi 23 novembre 2009

Eugène Green et sa religieuse portugaise

Je me demandais si je pourrais aller voir La religieuse portugaise, un film d'Eugène Green, sorti voici 15 jours et qui passe encore (pour combien de temps) dans un seul cinéma Rue Rambuteau... Je pensais à La religieuse de Diderot. Rien à voir ! Ce film, janséniste dans ses moyens d'expression, est "simplement" superbe.

Je n'emploie pas l'adjectif "janséniste" au hasard. L'héroïne de ce film, Julie de Hauranne, porte, précisément, le nom de Jean Duvergier de Hauranne, abbé de Saint Cyran, auteur d'un sulfureux essai sur le duel et de lettres spirituelles, qui en font l'un des plus grands catholiques baroques. Ce personnage est à l'origine du mouvement janséniste, étant à Louvain camarade de chambrée d'un certain... Jansenius, dont il introduit l'oeuvre en France. Eugène Green, spécialiste par ailleurs de La parole baroque, n'a pas pu douer son héroïne de ce patronyme historiquement chargé sans quelque préméditation.

Il faudrait, pour vous présenter ce film et vous engager à aller le voir le plus vite possible (avant mercredi où il risque de disparaître de l'affiche) que je vous présente à la fois la forme cinématographique à laquelle Eugène Green a voulu sacrifier et le fond du récit, qui n'est rien d'autre que celui de l'aventure chrétienne de l'âme libre. Peut-être quelque liseur de ce blog pourra-t-il suppléer à mon incompétence...

- Vous cherchez quelqu'un - Je ne crois pas non.

Ce petit bout de dialogue, arraché au début du film situe la démarche de Julie. D'origine portugaise par sa mère, elle cherchait simplement à s'approprier la ville de Lisbonne, errant dans la nuit sans but. Ce "quelqu'un" qu'elle ne croit pas chercher, elle va le trouver, cette nuit-là, au fond d'une église ouverte en permanence et où prie justement... la religieuse portugaise. Elle entre. Elle sort presque aussitôt, troublée. Elle s'informe. On lui parle de cette religieuse comme de "la sainte". Elle revient irrésistiblement attirée par elle ne sait quoi, car sa démarche, signe de sa totale contemporanéité, n'est jamais explicitement religieuse et ne le deviendra pas. Elle revient encore, et cette fois, voit "la religieuse portugaise" disparaître de son champ visuel. est-ce un phénomène mystique ou médical ? Elle même, de peur, tombe en syncope. Lorsqu'elle revient à elle, la religieuse portugaise est penchée sur elle, attentive...

Le dialogue qu'elles ont à ce moment là est le coeur du film. On comprend que Julie a trouvé son double. La religieuse lui explique que les amours profanes, qu'elle enchaîne avec une véritable boulimie, sont, au moins comme symptôme, un même amour avec l'amour sacré qui attire toutes les nuit "la sainte" au pied de l'autel illuminé.

L'idée du double est orchestré de multiple façon : dans le scénario, Julie est actrice. Elle vient jouer dans un film (celui que nous sommes en train de regarder) le rôle d'une religieuse portugaise infidèle à ses voeux pour les beaux yeux d'un officier français de passage. Son face à face avec la religieuse portugaise lui fait comprendre la différence - qu'elle cherchait déjà obscurément - entre l'amour et les passades (elle dit : les passions et elle en souffre) qui sont les siennes. Mais c'est la religieuse qui lui donne le sens profond de l'amour : non pas disparaître en Dieu, mais enfanter. S'enfanter soi-même. Se découvrir. Et peut-être si l'occasion se présente, mais alors surtout pas au hasard, se donner. Quand on a compris cela et que l'on est Julie de Hauranne ou (c'est tout un) la religieuse portugaise) on ne peut se donner qu'à Don Sebastiaô.

Le caractère foncièrement janséniste du film se mesure dans les trois rencontres masculines que fait Julie en trois jours. Elle sauve le Comte par une sorte de grâce qu'elle n'a même pas conscience de lui donner. Mais a-t-on conscience de la grâce efficace quand on est janséniste ? Elle renvoie Martin à sa petite vie rangée (il n'est pas capable d'autre chose, le jansénisme version Saint-Cyran, est un aristocratisme), en l'engageant à ne jamais la quitter cette petite vie, et à ne pas quitter sa femme Marlène par la même occasion. Elle croise un beau jeune homme, "Don Sebastiaö" auquel elle inspire une passion foudroyante (est-ce la delectatio victrix des jansénistes) et elle remet leur union au caprice de la grâce et d'une troisième rencontre que les deux qui précèdent semble laisser nécessairement présager.

"Aller où Dieu mène et ne rien faire lâchement" disait saint-Cyran. Sa foudroyante découverte d'elle-même donne à Julie le courage d'adopter Vasco, le petit gamin qui va la sortir d'elle même et être son Amérique à elle.

Peu de temps pour vous parler de la forme si particulière de ce film, je veux souligner pourtant l'importance tout d'abord de la ville Lisbonne (magnifiques prises de vue), de sa musique, la Saudade, cette mélancolie qui même quand elle est chantée par une femme a quelque chose de secrètement viril et de non-sentimental. Il faut aussi dire quelque chose des techniques, les plus simples du monde, longs travelling sur les choses, qui affirment tranquillement leur masse d'ombre et de lumière, fréquent face à face des personnages, qui jamais ne pratiquent l'esquive.

En ai-je trop dit ? Ce film est suffisamment difficile pour que l'on puisse donner quelques clés. Eugène Green (qui se met lui même en scène comme le réalisateur du film que vient tourner Julie) a réussi là un chef d'oeuvre d'expressionnisme spirituel. Il ne parvient à cet expressionnisme qu'en sacrifiant toutes les facilités du quotidien, en supprimant les anecdotes et en se concentrant sur l'essentiel : les visages de ses personnages et les pierres de Lisbonne. La manière dont parlent les acteurs (en faisant les liaisons même lorsqu'elles ne sont pas nécessaires dans la langue courante) ajoute à cet expressionnisme une dimension rhétorique inhabituelle mais parfaitement maîtrisée, qui fait de ce film une "diaphanie" de lumière où triomphe encore une fois, au XXIème siècle,... la parole baroque.


[Note du webmaster] L'abbé de Tanoüarn me demande de mettre le lien vers la chanson Agua de Março de Elis Regina, dont parle Thierry ci-dessous, dans sa réaction. Les liens ne pouvant pas être activés lorsqu'ils sont en 'commentaires, je mets directement ici cette chanson.


9 commentaires:

  1. Mon Père, pourquoi êtes-vous aussi captivant, quel que soit le sujet que vous nous faîtes l'honneur et la plaisir, de partager avec nous? Quel est votre secret? D'où vous vient votre expérience? Vous avez tout vu de ce film, tout compris et je ne peux résister à embrayer, parce que depuis quatre jours et quatre nuits, par une coïncidence inouïe, j'écoute la Saudade, à très haute dose, et vous en parlez si bien, vous avez si parfaitement compris que cette mélodie va comme un gant au "sens profond de l'amour: non pas disparaître en Dieu mais enfanter, se découvrir"...cette Saudade dont la chanson-culte "Chauga de Saudade", paroles et musique de Vinicius de Moraes et Tom Jobim, exprime, sur un mode mineur, cette mélancolie, qui ne veut pas quitter l'esprit, puis sur un mode majeur, on se prend à rêver d'un retour joyeux de l'être aimé...."ma tristesse, dis-lui que sans elle, je ne suis plus rien, dis lui ma prière, dis-lui qu'elle revienne, je n'en peux plus de souffrir, j'en ai assez qu'elle me manque...La réalité, c'est que sans elle, il n'y a ni paix, ni beauté, juste cette tristesse, cette mélancolie qui s'accroche mais si elle revient, quelle merveille, quelle folie car il y a moins de poissons qui nagent dans la mer que de baisers que je poserai sur sa bouche".

    Et mon sang n'a fait qu'un tour, lorsque je vous ai lu, cher Père: "cette mélancolie qui même lorsqu'elle est chantée par une femme, a quelque chose de secrètement viril et de non sentimental" parce que LÀ, j'ai quelque chose à partager avec vous, et les ami(e)s lecteurs et lectrices de votre blog, on ne sait d'ailleurs si "blog" est le mot juste, pour une telle rencontre d'amitié, d'enrichissement. Je crois que plutôt que de vous donner le lien Daily Motion complet, qui risque de ne pas marcher, le mieux est que vous alliez sur Daily Motion, dans "recherche de vidéo", vous tapez "Elis Regina Aguas de Março 1973": une des plus belles chansons du monde, interprêtée, comme vous le dîtes si bien, mon Père, avec "quelque chose de viril et de non sentimental" par Elis, au nom de Reine, hélas disparue fort jeune, à l'âge de 36 ans, (barbituriques, je crois), si belle et qui ressemble comme une soeur, à l'inoubliable Falconetti, en Sainte Jeanne d'Arc, de Carl Dreyer (1928).

    Quelques mots, en français, de cette chanson, qui, je l'espère de tout coeur, vous fera plaisir à écouter:..."un pas, une pierre, un chemin qui chemine, un reste de racine, c'est un peu solitaire, c'est une éclat de verre, c'est la vie, le soleil, c'est la mort, le sommeil, un arbre millénaire...le mystère profond, la promesse de vie...c'est Joseph et c'est Jacques, un serpent qui attaque...c'est l'hiver qui s'efface, la fin d'une saison, c'est la neige qui fond, ce sont les Eaux de Mars (Aguas de Março), la promesse de vie...le mystère profond..." (Paroles de Tom Jobim (dont les ancêtres français, ont émigré au Brésil, au XVIIè. siècle, un héros, là-bas, et dont leur plus grand aéroport porte son nom: Airport Galeao Antonio Carlos Jobim, d'où a décollé le funeste vol AF447, le 1er.Juin dernier).
    Dernière précision, les Eaux de Mars, en hémisphère sud, les saisons sont inversées d'avec les nôtres, c'est donc la fin de l'automne, l'approche de l'hiver et toutes les sensations de la Saudade...
    Bonne écoute et excellente semaine, à vous mon Père et à tous les ami(e)s.

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  2. Oui, ben vous imaginez qu'au fond de ma campagne, ce filme n'est pas près de passer... Alors...

    En attendant, je n'ai pas eu ma réponse et mon dernier commentaire a disparu...

    En résumé, je disais que la foi est de l'ordre de la sensibilité... Est-ce possible ?
    Et sinon, "dis, M. l'Abbé, comment on devient Dieu ?"
    (voilà mes questions et vous, vous me dessinez un mouton...) ;-)

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  3. Particulièrement touché par cette attention, merci de tout coeur.

    Encore étourdi par la hauteur de vue de la réponse que le Père de Tanoüarn a faite à Antoine, et que je viens de découvrir, de bon matin - "Qu'allons-nous devenir?"- au point que je me demande si je suis vraiment bien tout à fait réveillé (mais attention, cher Père, ne doutez pas que nous avons pas mal de munitions et de vivres, pour "tenir" le siège), j'ai une petite rectification et précision secondaire, à apporter mais qui a son importance: en hémisphère austral, les mois "d'été" vont de décembre à Mars, chauds voire étouffants à Rio-de-Janeiro et Sao-Paulo, par exemple, accompagnés de pluies tropicales, soudaines et diluviennes; les mois "d'hiver", tempérés, vont de Juillet à Septembre.
    Plutôt que de nos quatre saisons classiques, on parle de "saison des pluies" et "saison sèche": Mars est donc plutôt, ce qui est pour nous la sortie de l'été mais pour eux fort pluvieux, et l'approche de la saison douce et agréable. Tout ce répertoire émotionnel des saisons, est donc presque impossible à comparer avec le nôtre.

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  4. [Note du webmaster - pour Antoine] Ce n'est pas moi mais Blogger (=le service qui nous héberge) qui a fait sauter votre commentaire: trop long! Je l'ai récupéré, scindé, et reposté dans deux messages, là où vous l'aviez mis en une seule fois.

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  5. Merci à l’Abbé de Tanoüarn de nous signaler cet extraordinaire film La religieuse portugaise. Qu’il se r assure ce film reste au studio Saint André des arts au moins jusqu’au début septembre. Et qui a même su inspirer en bien le critique de « Libé » qui sait le convertir ?
    Oui, quel beau film, qui nous lave d’abord le regard. Le rythme est très lent pour nous dépouiller de ce tout qui nous encombre aujourd’hui, et nous embarquer et mettre ainsi aussi notre âme à même de se libérer, la mettre à nue, mais il comporte aussi de superbes travellings sur Lisbonne, qui nous est restituée dans ses rues et ses pierre et dont on découvre le chant secret dont la fameuse Saudade, évoquée plus haut, qui …
    Sur le plan narratif ce film est aussi très astucieux, très rusé dans sa construction D’abord il nous relate une histoire dans une histoire. Une actrice d’aujourd’hui, qui sait aller dans les boites branchées, tourne en 2009 à Lisbonne, un film sur l’histoire vieille de plusieurs siècles , d’une religieuse portugaise, amoureuse d’un bel officier et infidèle à ses vœux. Bien sûr, elle se sent prise par son personnage, vite un peu écartelé entre elle et lui, thème déjà pirandellien maintes fois évoqué au 7 art, mais au cours du tournage elle va de plus rencontrer une vraie religieuse portugaise qui ,elle, prie, toute la nuit dans une chapelle. Nous sommes captivés doublement, par cette double transfiguration, celle de son rôle, l’identifiant à cette héroïne des siècles passées, transfiguration encore plus captivante, à partir de la rencontre de celle qui va peut être se révéler son double ou plutôt celle qu’elle cherche à être.
    Ce récit est se révèle profondément mystique parce que profondément sensible et charnel, comme d’ailleurs les films de Bresson auquel le réalisateur il fait référence dans son expression et son dépouillement. Par exemple, cette scène très proche de lui, , où les mains qui se joignent, annoncent la fusion des corps et des âmes. Cette rencontre, même si ce n’est que le temps d’une passade, va marquer les deux protagonistes et être une étape(. L’amour même charnel reste aussi une aventure mystique, n’en déplaise…).
    Comme l’a très bien dit l’Abbé, le cœur du film est la rencontre de cette femme en quête d’elle même qui change progressivement son regard sur sa vie avec la religieuse en oraison.
    Il y a là un moment de grâce extraordinaire où les deux âmes semblent se fondre l’une dans l’autre, non, un moment où une âme enfante une autre, la libère pour qu’elle enfante à son tour. Comment ? Allez donc voir et revoir ce film , et vous aussi serez pris…
    La seule clé du film c’est finalement notre regard ou plutôt notre oreille, car il a un rythme musical

    PS : Personnellement, je ne qualifierais pas ce film pas de janséniste, (ni dans les moyens ni dans le fond) même si je ne suis pas expert en la matière ! Un film baroque oui, qui sait restituer la beauté et le mystère des visage de ses héroïnes et héros, ( en faire un opéra ) comme seuls s les grands cinéastes savent le faire . Dreyer, Hawks, Hitchcock, Rohmer sont ils jansénistes ? Bresson, on l’a dit, mais le journal d’un curé de campagne ne me parait pas une œuvre janséniste ? Un cinéaste en quête de la grâce et d intériorité est il toujours janséniste ? A mon humble avis, Ma nuit chez Maud de Rohmer n’est pas un film janséniste mais exigeant.

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  6. « Prends garde à la douceur des choses/ Lorsque tu sens battre sans cause/ Ton coeur trop lourd ». C'est bien ce que semble sussurer, à l'instar des vers de Toulet, la mise en scène raffinée d'Eugène Green. La lumière des collines de Lisbonne, un petit escalier de pierres, la voix d’une chanteuse de fado, un mot, un sourire, le tremblement d’une flamme, ici tout conspire à la grâce. Dans ce film évoquant le mystère des métamorphoses intérieures, porter attention aux choses pour mieux révéler les êtres, c’est aussi rappeler qu'il n'y a de spiritualité qu'incarnée.

    Il faut d’emblée prendre acte de l’originalité de la mise en scène. Mûrement choisie pour créer une distanciation féconde, elle donne accès, grâce au jeu permanent des correspondances entre les scènes, les dialogues, les lieux et les personnages, à ce qui se joue d’essentiel tout au long du film : une rédemption. Il est rare de voir ainsi se peindre sur un écran, avec toutes les nuances d’une subtile palette, une vérité en train de naître dans un cœur blessé mais toujours tendu vers l’amour.

    Pas de mièvrerie dans tout cela. Green ne s’accorde aucune des facilités qu’on pourrait s’attendre à voir surgir. C’est la noblesse des sentiments qui caractérise son propos. Elle habite profondément ses personnages, depuis le grand seigneur jusqu’à la femme du peuple qui vit d’humbles ménages. Même l’enfant a de la grandeur.

    Retrouver sa grâce première, telle est la quête secrète de Julie de Hauranne. Elle accueille peu à peu en elle l’évidence du lien entre l’amour et le don, la passion et l’enfantement. Dans cette nouvelle voie, ses rencontres lui servent de révélation.

    Le spectateur, lui aussi, bénéficie de ces rencontres lumineuses. En particulier, celle de "la religieuse portugaise", elle qui évoque, dans une rare alchimie de force et de pudeur, son intimité avec Dieu comme un bel exercice d'art militaire. On n’oublie pas sa présence conquérante, ni ses paroles à l'ineffable écho d'outre-monde.

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  7. Un dernier mot à propos de Julie de Hauranne. La splendeur visuelle de ce film est éloquente à plus d’un titre. Aussi, ce qui contribue à la rédemption de l’héroïne, ce qui provoque et guide constamment sa recherche, outre les autres personnages, c’est le mystère palpable de la beauté qui l’environne. Celle-ci lui donne, à chaque étape de sa démarche, « une secousse salutaire qui la fait sortir d’elle-même, l’arrache à la résignation, au compromis avec le quotidien, la fait souffrir aussi, comme un dard qui blesse, mais précisément ainsi la réveille », pour reprendre ces propos si justes de Benoit XVI.

    C’est à ce titre également que « La religieuse portugaise » est un film chrétien.

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  8. Qu'est-ce que j'entends à la redif. nocturne du Journal du Cinéma, sur 95.6 FM ( our favorite radio...lol), dans la bouche de Philippe d'Hugues en personne: "La religieuse portuguaise" est un chef-d'oeuvre...
    On peut dire que le Metablog a coupé l'herbe sous les pieds de cette charmante équipe (Hugues et Ariotti, accompagnés, hier, par Jean Tulard, aussi drôle que savant, ce qui n'est pas peu dire). Bon je retourne écouter Elis, qui me donne envie de me mettre au portuguais.

    P.S. Ne vous inquiétez pas, Antoine: si vous souhaitez voir ce film, je pense que vous n'aurez pas besoin de venir à Paris, j'imagine qu'il sera bientôt disponible sur un support dvd.

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  9. Je reviens sur la religieuse portugaise, « après les très belles et fine remarques de Jean Vincent, Antoine et Thierry qui ont dit l’essentiel après la magistrale intervention de Guillaume de Tanoüarn ( il faudra un jour revenir sur le jansénisme qui de prime abord n’est pas tasse de thé) J’ai un peu l’impression de me retrouver dans mon ciné -club de l’adolescence, à part que les échanges étaient plus vifs, parfois ! et je poursuis la discussion ……
    Il y a trois rencontres d’hommes pour l’héroïne, (en mettant à part le petit garçon et sa mère)
    La première avec ce cardiologue qu’elle sauve de lui-même , en lui apprenant, elle même étant déjà en quête à ce moment, que chaque moment de vie est un moment de grâce et donc d’éternité, incarné par ce très beau si émouvant et si chaste baiser, et l’offrande de sa tendresse ; inutile d’aller plus loin. Le suicide n’est donc plus de saison, n’a plus de sens. Je me demande si ce film ne pourrait pas aider ceux d e nos contemporains désorientés et tentés par le suicide ? )
    La seconde est plus ambigüe, avec cet acteur, qui croit vivre un amour étriqué, popote avec sa compagne. En allant plus loin, jusqu’à accepter l’aventure, une transfiguration momentanée, elle le renvoie à sa propre incapacité à transfigurer son propre couple et tente ainsi de lui faire subtilement comprendre qu’il n’a pas à chercher ailleurs , l’aventure qui le transporte, alors qu’il l’a sous la main, avec sa compagne ou épouse. . Va-t-elle le sauver de cette fuite et médiocrité, lui montrer qu’à chaque instant la vie de couple ne se sclérose pas, mais se renouvelle, se creuse et triomphe des difficultés et des passages à vide, que l’aventure ailleurs est vaine, si on n’accepte pas celle qu’on s’est donné en toute liberté, ou que la grâce surabonde avec la vraie liberté, celle incarnée par le couple. Ici, elle sait déjà que ses passades passées sont sans issue parce que sans fruit, elle se sacrifice et offre plus que sa tendresse, (Peut-être qu’avant, elle n’a rencontré que des hommes inconsistants, non enfantés. immatures, bref les hommes d’aujourd’hui …et que c’est un adieu à cette vie là ? )
    La troisième rencontre avec Don Sebastiaöe, le beau jeune homme, est la plus subtile et la plus profonde. Don Sebastiaöe est d’ailleurs joué par un acteur qui incarne l’acteur » people » d’aujourd’hui. Elle est propédeutique de la rencontre amoureuse et ce n’est qu’après avoir été ré-enfantée, par cette sublime religieuse, qu’elle pourra dire à la seconde rencontre, je serai à toi. à la grâce d’une nouvelle et probable rencontre. Et ces trois mots vont bien au delà de la possession physique, ils sonnent comme un chant de victoire sur le temps …
    C’est la conclusion du film, mais ce qui est merveilleux, c’est que le spectateur n’a pas besoin de la voir, il est déjà comblé, car c’est ici que grâce à l’alchimie de la projection, ’ « une nouvelle histoire » commence pour lui aussi (C’est déjà la conclusion de « Crime et châtiment où le héros Raskalnikov lui aussi est ré-enfanté par Sonia, l’ancienne prostituée.)
    Dans ce film donc, et c’est sa magie très forte, cette nouvelle histoire, cette transfiguration s’impose à nous, devient la notre. C’est pourquoi tout spectateur de bonne foi, c'est-à-dire attentif, ne peut qu’être ému et touché au vrai sens du terme. Film à voir, à contempler, à écouter et à revoir. , qui ne va pas disparaître de sitôt, si nous prenons la peine de le faire savoir par le bouche à oreille.

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