Pas facile le titre de ce post. Pas de quoi attirer le client ! A ma décharge, l'expression que je trouve forte est d'Antoine et c'est à Antoine que je veux (essayer de) répondre ce soir. Et pas pour lui faire un dessin, quel qu'il soit, non ! Je vais essayer d'aller... au fond des choses... sur le sujet le plus difficile qui soit, mais aussi le plus essentiel et tant qu'on y est dans le vocabulaire théologique, le plus conssubstantiel... Ce sujet c'est...
Qu'allons nous devenir ?
Louis Rougier était un personnage extraordinaire, scientifique de haut vol, diplomate de talent et métaphysicien à ses heures. Il avait essayé de rabibocher le Maréchal Pétain avec Londres dans une romanesque mission secrète (ce qui ne lui a pas valu que des amis). Pour ce qui nous intéresse ici, il a écrit un gros livre sur la scolastique, dans lequel il dit en substance : si l'on parvient à montrer que la distinction essence/existence est du bidon le christianisme est mort. Rassurez vous il parlait beaucoup mieux que cela. Mais je tiens à ce livre, que je n'ai pas encore lu comme on lit quand on lit, mais qui m'a été offert en son temps, avec le commentaire ad hoc par mon ami Alain de Benoist, qui sait très bien, lui, où le bât peut blesser.
Quel rapport direz-vous entre Louis Rougier et ma question précédente : qu'allons-nous devenir ?
Nous sommes au coeur du sujet. Soit Louis Rougier a raison, il n'y a pas de distinction entre l'essence et l'existence, nous sommes ce que nous sommes (notre essence) et alors, simples mammifères supérieurs, nous sommes bons pour manger des pissenlits par la racine jusqu'au siècle des siècles (à moins que nous ne décidions de nous transformer plus poétiquement en fumée, reprenant involontairement la formule de l'Ecclésiaste : Vanité des vanités, tout est vanité et poursuite du vent).
Admettons, Antoine, que vous ne vous laissiez pas impressionner par l'Ecclésiaste. Vous me direz :
- Vous oubliez, M. l'abbé, que l'immortalité de l'âme, ça se prouve.
Je vous répondrai :
- Sans doute "ça" se prouve. Mais l'immortalité de chaque personne, l'immortalité personnelle de l'âme humaine, c'est plus compliqué (nonobstant ce qu'en dit Vatican I). On prouve facilement, parce que c'est un pléonasme, l'immortalité de l'esprit, cette étincelle promise en nous au Brasier de l'Esprit universel. Mais prouver que notre être personnel doive survivre... là...
A ce moment, il m'est difficile de me mettre à votre place pour continuer ce dialogue en votre nom. Je vais donc prendre votre place dans cet échange, tout en continuant à me répondre à moi-même... Et vous me direz si vous auriez réagi de la même façon... à ma place. Voici ce que je me dirais à moi même :
- Mais enfin, Guillaume, tu oublies que tous les hommes aspirent au bonheur, que ce bonheur, s'il existe, est nécessairement assuré pour toujours (qu'est-ce qu'un bonheur précaire ? Un malheur !) et que par conséquent, la vie éternelle pour ceux qui le méritent doit être au bout de tout cela.
- C'est manifestement, M. l'abbé, non seulement ce que dit saint Thomas d'Aquin (par ex. Ia Q. 2 a1 ad1m), mais ce que pensent les Egyptiens, avec leur idée du "kâ", pesé pour chacun par Anubis. C'est une aspiration humaine. Mais toutes nos aspirations doivent-elles être exaucées ? Moi j'aspire à être pilote de ligne... Mais il y a loin du voeux à la réalité...
- Cher Guillaume, tu la joues érudit, références et tout, mais ce jeu ne trompe personne... En réalité, l'Eglise enseigne que l'on peut démontrer par la raison l'immortalité de l'âme qui est un "praeambulum fidei". Cela doit nous suffire !
- Oui, M. l'abbé, l'Eglise l'enseigne. Mais l'Eglise n'a jamais dit qu'entre la certitude philosophique de l'immortalité de l'âme et l'évidence chrétienne de la résurrection des corps, on parle de la même chose. En réalité, seul le Christ, par sa propre résurrection, nous donne l'assurance de la résurrection de chacun, âme et corps : le corps dit saint Paul, semé corps psychique, ressuscite corps spirituel.
- Excuse moi, mais je crois que tu t'enfonces. Nous sommes partis de Louis Rougier...
- Et nous arrivons à Louis Rougier. Comment comprendre la résurrection des corps sans la distinction essence/existence ? L'essence ? C'est l'ensemble des déterminations qui font de nous ce que nous sommes selon la logique profonde qui est en nous. Ce n'est pas un scoop, nous sommes… des animaux (pas très) raisonnables. Mais si nous ne sommes que cela, il y a de fortes chances pour que tout ce qui est lié, dans notre vie à la matérialité de notre corps disparaisse. Que restera-t-il ? Si en revanche, nous admettons que notre essence se déploie dans la réalité selon son acte de connaître et d'aimer, selon la liberté qui nous anime. Bref, si nous reconnaissons que nous ne nous limitons pas à notre essence, alors nous pouvons supposer que Dieu, ressuscitant "nos corps de mort" (saint Paul), mettra en nous une puissance (exousia dit saint Jean dans le Prologue de son Evangile : potestas traduit la Vulgate), qui est une puissance de vie éternelle, que l'animal humain ne porte pas en lui...
Et là, Antoine, je vous repasse la parole, car cette parole est vôtre :
- Mais alors, la vie éternelle, est-ce une transsubstantiation à l'envers ? Saint Paul, que vous citiez à l'instant dit dans le même passage : "Nous ne mourrons pas tous, mais tous nous serons transformés". Qu'est-ce que cette transformation ? Va-t-on changer complètement ?
- Non. C'est tout l'intérêt théologique de la distinction essence existence. Notre essence individuelle (ousia en grec) demeure dans l’éternité. C’est notre existence, c’est notre vie qui est transformée… Nos désirs demeurent, notre vie intérieure demeure, c’est le milieu ambiant (le milieu divin dirait Teilhard) qui est différent et… qui va tout changer. Sur terre, nous étions toujours dans l’autoréalisation. Au Ciel, notre mode de réalisation est devenu un mode divin. Certes, nous vivons en Dieu dès ici bas (In ipso movemur et sumus dit saint Paul aux Athéniens citant le poète Aratus), mais nous n’en avons pas forcément conscience. De l’autre côté, lorsque se sera déchiré le voile de la chair, nous ne pourrons pas ne pas comprendre cela, soit en y adhérant et en nous laissant ainsi diviniser, en nous laissant emporter dans l’élan divin, en nous laissant conquérir par ce centre infiniment mobile qu’est Dieu, soit en le refusant et en nous condamnant nous mêmes au néant.
- Mais qu’est-ce que c’est votre néant ? Rien ! Berson disait que « l’idée de néant est un néant d’idée ». Si je vous suis, l’enfer (ou la damnation) n’est… rien !
- Il y a deux non-être, dit très bien Cajétan dans son Commentaire du De ente et essentia, tout comme il y a deux dimensions de l’étant (ens), l’essence et l’existence. Il y a donc le néant de l’essence et le néant de l’existence. Paradoxe : c’est le néant de l’essence (« l’idée de néant » dit Bergson lui-même) qui n’existe pas et qui est, de ce fait, un néant d’idée. L’enfer, c’est le néant de l’existence, c’est l’essence humaine individuelle, toujours semblable à elle-même, avec ses désirs et sa vie intérieure, mais cette essence ne peut exister en quelque sorte, elle n’est plus capable de s’actualiser, de se développer, de vivre. La damnation ou privation du Milieu divin conduit une essence humaine dans une non-vie et lui fait subir de ce fait un perpétuel déni d’elle-même. Rappelons, par parenthèses qu’il faut distinguer la peine du dam ou damnation et la peine des sens, qui n’en est que l’illustration ad usum animalium. Etre damné c’est d’abord vivre éternellement notre néant et l’éprouver comme néant à chaque instant.
- Vous nous montrer dans l’essence et dans l’existence deux catégories métaphysiques opératoires. Mais comment parvient-on à les distinguer ?
Qu'allons nous devenir ?
Louis Rougier était un personnage extraordinaire, scientifique de haut vol, diplomate de talent et métaphysicien à ses heures. Il avait essayé de rabibocher le Maréchal Pétain avec Londres dans une romanesque mission secrète (ce qui ne lui a pas valu que des amis). Pour ce qui nous intéresse ici, il a écrit un gros livre sur la scolastique, dans lequel il dit en substance : si l'on parvient à montrer que la distinction essence/existence est du bidon le christianisme est mort. Rassurez vous il parlait beaucoup mieux que cela. Mais je tiens à ce livre, que je n'ai pas encore lu comme on lit quand on lit, mais qui m'a été offert en son temps, avec le commentaire ad hoc par mon ami Alain de Benoist, qui sait très bien, lui, où le bât peut blesser.
Quel rapport direz-vous entre Louis Rougier et ma question précédente : qu'allons-nous devenir ?
Nous sommes au coeur du sujet. Soit Louis Rougier a raison, il n'y a pas de distinction entre l'essence et l'existence, nous sommes ce que nous sommes (notre essence) et alors, simples mammifères supérieurs, nous sommes bons pour manger des pissenlits par la racine jusqu'au siècle des siècles (à moins que nous ne décidions de nous transformer plus poétiquement en fumée, reprenant involontairement la formule de l'Ecclésiaste : Vanité des vanités, tout est vanité et poursuite du vent).
Admettons, Antoine, que vous ne vous laissiez pas impressionner par l'Ecclésiaste. Vous me direz :
- Vous oubliez, M. l'abbé, que l'immortalité de l'âme, ça se prouve.
Je vous répondrai :
- Sans doute "ça" se prouve. Mais l'immortalité de chaque personne, l'immortalité personnelle de l'âme humaine, c'est plus compliqué (nonobstant ce qu'en dit Vatican I). On prouve facilement, parce que c'est un pléonasme, l'immortalité de l'esprit, cette étincelle promise en nous au Brasier de l'Esprit universel. Mais prouver que notre être personnel doive survivre... là...
A ce moment, il m'est difficile de me mettre à votre place pour continuer ce dialogue en votre nom. Je vais donc prendre votre place dans cet échange, tout en continuant à me répondre à moi-même... Et vous me direz si vous auriez réagi de la même façon... à ma place. Voici ce que je me dirais à moi même :
- Mais enfin, Guillaume, tu oublies que tous les hommes aspirent au bonheur, que ce bonheur, s'il existe, est nécessairement assuré pour toujours (qu'est-ce qu'un bonheur précaire ? Un malheur !) et que par conséquent, la vie éternelle pour ceux qui le méritent doit être au bout de tout cela.
- C'est manifestement, M. l'abbé, non seulement ce que dit saint Thomas d'Aquin (par ex. Ia Q. 2 a1 ad1m), mais ce que pensent les Egyptiens, avec leur idée du "kâ", pesé pour chacun par Anubis. C'est une aspiration humaine. Mais toutes nos aspirations doivent-elles être exaucées ? Moi j'aspire à être pilote de ligne... Mais il y a loin du voeux à la réalité...
- Cher Guillaume, tu la joues érudit, références et tout, mais ce jeu ne trompe personne... En réalité, l'Eglise enseigne que l'on peut démontrer par la raison l'immortalité de l'âme qui est un "praeambulum fidei". Cela doit nous suffire !
- Oui, M. l'abbé, l'Eglise l'enseigne. Mais l'Eglise n'a jamais dit qu'entre la certitude philosophique de l'immortalité de l'âme et l'évidence chrétienne de la résurrection des corps, on parle de la même chose. En réalité, seul le Christ, par sa propre résurrection, nous donne l'assurance de la résurrection de chacun, âme et corps : le corps dit saint Paul, semé corps psychique, ressuscite corps spirituel.
- Excuse moi, mais je crois que tu t'enfonces. Nous sommes partis de Louis Rougier...
- Et nous arrivons à Louis Rougier. Comment comprendre la résurrection des corps sans la distinction essence/existence ? L'essence ? C'est l'ensemble des déterminations qui font de nous ce que nous sommes selon la logique profonde qui est en nous. Ce n'est pas un scoop, nous sommes… des animaux (pas très) raisonnables. Mais si nous ne sommes que cela, il y a de fortes chances pour que tout ce qui est lié, dans notre vie à la matérialité de notre corps disparaisse. Que restera-t-il ? Si en revanche, nous admettons que notre essence se déploie dans la réalité selon son acte de connaître et d'aimer, selon la liberté qui nous anime. Bref, si nous reconnaissons que nous ne nous limitons pas à notre essence, alors nous pouvons supposer que Dieu, ressuscitant "nos corps de mort" (saint Paul), mettra en nous une puissance (exousia dit saint Jean dans le Prologue de son Evangile : potestas traduit la Vulgate), qui est une puissance de vie éternelle, que l'animal humain ne porte pas en lui...
Et là, Antoine, je vous repasse la parole, car cette parole est vôtre :
- Mais alors, la vie éternelle, est-ce une transsubstantiation à l'envers ? Saint Paul, que vous citiez à l'instant dit dans le même passage : "Nous ne mourrons pas tous, mais tous nous serons transformés". Qu'est-ce que cette transformation ? Va-t-on changer complètement ?
- Non. C'est tout l'intérêt théologique de la distinction essence existence. Notre essence individuelle (ousia en grec) demeure dans l’éternité. C’est notre existence, c’est notre vie qui est transformée… Nos désirs demeurent, notre vie intérieure demeure, c’est le milieu ambiant (le milieu divin dirait Teilhard) qui est différent et… qui va tout changer. Sur terre, nous étions toujours dans l’autoréalisation. Au Ciel, notre mode de réalisation est devenu un mode divin. Certes, nous vivons en Dieu dès ici bas (In ipso movemur et sumus dit saint Paul aux Athéniens citant le poète Aratus), mais nous n’en avons pas forcément conscience. De l’autre côté, lorsque se sera déchiré le voile de la chair, nous ne pourrons pas ne pas comprendre cela, soit en y adhérant et en nous laissant ainsi diviniser, en nous laissant emporter dans l’élan divin, en nous laissant conquérir par ce centre infiniment mobile qu’est Dieu, soit en le refusant et en nous condamnant nous mêmes au néant.
- Mais qu’est-ce que c’est votre néant ? Rien ! Berson disait que « l’idée de néant est un néant d’idée ». Si je vous suis, l’enfer (ou la damnation) n’est… rien !
- Il y a deux non-être, dit très bien Cajétan dans son Commentaire du De ente et essentia, tout comme il y a deux dimensions de l’étant (ens), l’essence et l’existence. Il y a donc le néant de l’essence et le néant de l’existence. Paradoxe : c’est le néant de l’essence (« l’idée de néant » dit Bergson lui-même) qui n’existe pas et qui est, de ce fait, un néant d’idée. L’enfer, c’est le néant de l’existence, c’est l’essence humaine individuelle, toujours semblable à elle-même, avec ses désirs et sa vie intérieure, mais cette essence ne peut exister en quelque sorte, elle n’est plus capable de s’actualiser, de se développer, de vivre. La damnation ou privation du Milieu divin conduit une essence humaine dans une non-vie et lui fait subir de ce fait un perpétuel déni d’elle-même. Rappelons, par parenthèses qu’il faut distinguer la peine du dam ou damnation et la peine des sens, qui n’en est que l’illustration ad usum animalium. Etre damné c’est d’abord vivre éternellement notre néant et l’éprouver comme néant à chaque instant.
- Vous nous montrer dans l’essence et dans l’existence deux catégories métaphysiques opératoires. Mais comment parvient-on à les distinguer ?
- Comme le souligne Cajétan, la distinction réelle entre l’essence et l’existence se prouve par l'expérience immédiate : autre chose, souligne-t-il, est de penser la santé et les conditions de la santé et autre chose d'être en bonne santé. Lui-même étant de santé fragile, il savait bien de quoi il parlait. Comme dirait Kant : autre chose est d'avoir cent euros dans sa poche et autre chose d'y penser très fort (il parlait d'une autre monnaie mais peu importe, c'est la même idée, monnaie unique ou pas). C'est de ce point que nous sommes partis, au quatrième cours du vendredi au CCCSP, pour comprendre comment l'homme recevait, avec la grâce, une participation réelle et réellement nouvelle à l'être divin, auquel il communique par l'intelligence et par la volonté, en vertu d'un libre décret divin qui a voulu se montrer aux hommes. C'est dans cette participation à l'être divin auquel rien n'est impossible que l'homme semé corps psychique peut ressusciter corps spirituel. Il reste identique dans son essence mais il se réalise dans « la bonne terre » dont parle l’Evangile, celle de l’Eternité.
merci, c'est très intéressant, quoi que vous me fassiez poser des questions beaucoup plus pertinentes que je ne l'aurais pu !
RépondreSupprimerMais il faudrait approfondir, sans doute, et je vais y réfléchir car cela appelle plein de questions ! Notamment à propos de l'être en puissance que vous n'évoquez pas et qui doit sans doute être celui qui est "activé" par la grâce qui serait donc un accident ?
je vais méditer tout ça !
Je vais méditer cette notion de damnation, conçue comme le fait d'éprouver son néant pour l'éternité. J'ai comme une vague mais inconfortable réminiscence en lisant ces lignes.
RépondreSupprimerdur dur le matin mais enfin sûrement passionnant. Enfin l'abbé nous aide à jaillir dans la vie éternelle corps et âme.
RépondreSupprimerJ'ai rêvé que je rêvais que je dormais. C'est ça qui m'a réveillé !
RépondreSupprimerPère, vous avez mis beaucoup d'intelligence et d'amitié virtuelle, dans votre réponse à Antoine et si celui-ci nous accorde le privilège de la partager avec lui, je me risquerais bien à une réflexion, oh! certes, au ras-des-pâquerettes mais je trouve que nous devons répondre à vos efforts de vulgarisation si bienveillante (je dis ça parce que votre gentillesse naturelle ne parvient pas à cacher votre haute formation théologique mais nous la rend si accessible, que cela devient un vrai plaisir d'échanger nos interrogations contre vos certitudes).
RépondreSupprimerJe serais bien mal parti d'envisager présomptueusement, vous répondre à votre niveau de synthèse philosophique, "ontologique" (peut-être mon utilisation de ce mot, est-elle déjà inappropriée) peut-on dire?
Je me contenterai donc, telle une petite souris, d'en grignoter une petite partie et vous laisser peut-être, si vous l'estimez utile (et si vous en avez le temps, parce que nous ne devons pas oublier, que vous avez de multiples charges, et ne pas vous accaparer), préciser un point ou un autre.
Je relève deux phrases, extrêmement fortes: "être damné, c'est d'abord vivre éternellement notre néant, et l'éprouver comme néant, à chaque instant" écrivez-vous plus haut, et aussi "en refusant (Dieu)...et en nous condamnant nous-mêmes au néant"...
Une fraction de seconde, m'est apparu ce polyptique à couper le souffle (et à en frémir...heureusement que l'Enfer, ça n'existe...plus!), qui se trouvait, je crois, au couvent des Soeurs Ursulines (dans la partie où elles soignaient les malades mais je mélange peut-être avec le van der Weyden qui se trouve aux Hospices de Beaune) et qui est maintenant visible au musée d'Unterlinden, à Colmar, si mes souvenirs (lointains) sont bons: Le Jûgement dernier de Grünewald.
J'ai du mal, avec cette notion de se damner soi-même à l'Enfer, sans même avoir parfois, la sensation du péché. Ne sommes-nous pas beaucoup trop microscopiques, pour oser nous mesurer aux forces telluriques, encore moins aux puissances divines et prétendre qu'Elles s'intéressent à nos occupations qui ne laisseront pas plus de traces, ni plus longtemps, que les coquillages disséminés un instant par le ressac incessant des flots, sur le rivage, constamment en mouvement.
J'ai un ami, féru de Préhistoire, qui me sort de temps à autre, une dent fossilisée de requin ou une côte de crocodile, et qui s'amuse à me raconter qu'elles ont été trouvées en plein Bassin Parisien, et qu'elles datent de l'époque où celui-ci n'était qu'une vaste forêt tropicale, engloutie à présent, depuis des millions d'années...