samedi 7 août 2010

[brève] Ainsi disparaît notre patrimoine, par pans entiers.

«... J’éprouvais un sentiment extraordinaire de religion. Je n’avais pas besoin que La Villeneuve me dît de joindre les mains pour prier Dieu par tous les noms que ma mère m’avait appris. Ce que je ne vois aujourd’hui que par les yeux de la foi, je le voyais comme en réalité, Dieu descendant sur l’autel au son de la cloche sacrée, les cieux ouverts, les anges offrant nos encens et nos vœux à l’Eternel.»
(René de Chateaubriand – Mémoires de ma Vie)

«... Dieu descendant sur l’autel au son de la cloche sacrée…» - En 2010, parmi les étudiants en littérature, combien comprennent? Je ne dis pas «combien partagent» ni même «combien comprennent» l’émotion de Chateaubriand. Je demande combien «combien comprennent» ce dont il parle.

11 commentaires:

  1. Les résultats seraient effroyables. Savent-ils ce qu'est une messe, un sacrement ?... Ne parlons pas de la forme extraordinaire, largement ignorée.

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  2. C'est vrai que peu comprennent de nos jours ce qui se passe au son de la clochette lors de la messe.
    Fort heureusement que Dieu Lui, Comprends ceux qui comprennent pas. Donc, il nous est demandé (à nous qui pensons comprendre), de comprendre cela, c'est à dire de comprendre en se faisant compréhensibles et en cessant de pleurer sur les autres comme si c'était nous qui portait le monde.

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  3. Je pense que PERSONNE ne COMPREND mais il est vrai que trop peu CROIENT ce qui se passe réellement alors sur l'autel.Hélas!
    Jacques

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  4. L’avantage de cette perte de culture c’est qu’elle concerne aussi le blasphème. Quand l’ignoble Donatien de Sade parle du «plus redoutable de nos mystères» (que les monstres qui tourmentent Justine «osèrent consommer sur les reins de cette malheureuse»), je ne suis pas sûr que les lecteurs contemporains comprennent de quoi il s’agit.

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  5. Le divin Marquis avait de l'imagination et de la culture à revendre. Si au moins ses audaces pouvaient amener nos jeunes à le relire.
    Je conteste le qualificatif d'ignoble un peu facile.
    Sade fait aussi partie de la culture française ; certes il n'aimait pas la religion , mais il y avait de quoi après tout ce qu'il avait subi.

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  6. Le divin marquis n'était ni divin... ni marquis. Quand à ce qu'il aurait "subi"... je dis "attention!". Depuis une génération, on a aimé à voir dans Donatien de Sade un libertin, une victime de la pudibonderie de son époque. Mais son époque n'était pas pudibonde, et ses années de tôles, il le doit à ce qu'on nommerait aujourd'hui: "séquestrations", "viol sur mineure de 15 ans", "actes de barbaries"... avec récidives. En 2010, pour les mêmes faits, il serait condamné au moins aussi durement. Ne pouvais plus sévir (puisqu'enfermé) Donatien de Sale couche ses fantasmes sur le papier. Avec talent? et alors! Je ne vois pas que cela en diminue l'ignominie.

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  7. On peut se demander à quel point il est possible de transmettre une culture, littéraire notamment, dans une société désacralisée. Sans les repères religieux, y compris les plus discrets, qui imprègnent la culture classique comme un fluide vital, à quel dénominateur commun de sens appauvri se trouveraient soumis nombre de textes ! Même Rabelais ne ferait plus rire.

    Vous remarquerez, à ce titre, que dans certaines éditions récentes des classiques en format poche, les notes en bas de pages se font de plus en plus précises. Cette tendance à enfoncer le clou, pour la prose d'auteurs dont la clarté du discours est pourtant une exigence première, constitue bel et bien un symptôme. Celui du changement de civilisation qui s'opère à travers la représentation du monde de nos contemporains, non pas selon une saine critique de la tradition, mais en lui tournant résolument le dos. Cette béquille éditoriale le révèle, les lecteurs de fraîche date sont désormais partiellement privés des références communes, signes, et symboles qui relient les générations jusque dans les métaphores ordinaires et rendent ainsi possible ce dialogue fécond des esprits et des cœurs par-delà les frontières de la mort. Or, le sacré est un élément architectonique au sein de tout ce qui constitue ce langage du bien-vivre et du bien-mourir que l’on appelle culture.

    Sous l’Antiquité, même un poète matérialiste comme Lucrèce, pour se faire comprendre, eut naturellement recours à l’évocation des divinités qui structuraient la vision romaine du monde et soutenaient ainsi l’évidence commune dans la transmission des idées. Cette puissance de la transmission par le vecteur du sacré, le christianisme, quant à lui, l’élève à un niveau sans égal. En effet, depuis les paraboles concrètes de l’Evangile jusqu’à l’évocation d’un accomplissement dans la vie éternelle, la totalité du champ possible de l’existence humaine se trouve balayée. Le christianisme fournit à la méditation ou à la simple curiosité la plus vaste cosmologie envisageable, laquelle se déploie à l’extérieur, comme il se doit, mais aussi à l’intérieur de chaque personne, immense microcosme et pointe vive de la création (le « roseau pensant » de Pascal). La culture nourrie au fil des siècles par une telle perspective, offrant à la conscience le terreau de ses plus fortes interrogations, acquiert ainsi une plénitude qui n’épargne pas l’incroyant. C’est un fait, le christianisme a créé un langage universel. C’est aussi là son génie, pour le dire comme Chateaubriand. La survie de la culture profane en dépend.

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  8. Sade a été sadiquement persécuté pour des raisons politiques et accessoirement religieuses. Aujourd'hui ses oevres font sourire les collèiens boutoneux et les moniales des couvents les plus retardés. Ceci dit Sade écrivait bien, avait beaucoup d'esprit et les auteurs libertins de maintenant ne lui arrivent pas à la cheville.

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  9. La question de la transmission de la culture se pose dans toute l'Europe : il y a un auteur anglais qui a écrit en 2008 un excellent livre, très décrié par des libéraux britanniques (libéraux dans le sens aussi bien français qu'anglais du terme, càd business inculte et gauche libertaire pas trop cultivée) et qui préconise un retour vers une création des élites dès le plus jeune âge dans les écoles, afin de constituer des viviers des gens suffisamment cultivés pour réceptionner l'héritage mondial de la culture.

    Son constat est tout laïc, mais très vrai : aujourd'hui, vu l'état de culture des jeunes (=l'illetrisme à l'égard des humanités progressant à toute allure), on s'interroge avec effroi qui dans quelques années sera seulement capable de recevoir et transmettre le patrimoine des deux millénaires et demi (depuis Périclès) de culture ? l'art, l'histoire, la littérature, la philo, la musique classique etc - QUE VA DEVENIR TOUT CET HERITAGE si personne ne peut plus le déchiffrer ?

    Donc, et contre le politiquement correct, il préconise de repérer les enfants le plus doués et intéressés, et plutôt que de les niveller par le bas selon la tendance bien pensante, les regrouper et les préparer à ce qu'ils soient les recepteurs et transmetteurs de cet immense patrimoine.
    Proposition tout à fait rationnelle, mais vu le contexte idio-visuel marchand d'aujourd'hui, très mal reçu et critiquée même par le Financial Times.

    Pour les intéressés, l'auteur : Roger Scruton, titre "Culture counts - faith and feeling in a world besieged", en gros vers 2008 ou 2007 (?); bien sûr pas traduit en français, ils s'en sont bien gardé, recréer les élites, pensez-vous !

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  10. A l'anonyme du 19 aout à 18:02

    Rassurez vous, nous ne manquerons pas de gens cultivés. Jamais il n'y a eu autant de candidats à l'ENS, à l'Ecole des Chartes et je ne parle pas de la foule des postulants pour l'Ecole du Louvre ni de la masse des jeunes qui fréquentent les conservatoire et écoles de musique ou d'art dramatique.

    Les théâtres, les salles de concerts, les opéras refusent du monde ; le Louvre est saturé de visiteurs et pour accéder aux collections du Chateau de Versailles il faut réserver des semaines à l'avance sur internet.

    L'espace des Bernardins attire une foule de fidèles désirfeux d'apprfondir leur fois.

    Alors cessez votre discours misérabiliste : jamais la culture ne s'est mieux portée qu'aujourd'hui. Sortez un peu de votre milieu pseudo élitiste et regardez autour de vous.

    Surtout donnon notre chance à tous et pa seulement aux gosses de riches : re^érer mes enfants "les plus doués" dès leur plus jeune âge on sait ce que cela veut dire ; c'est la prime aux mileux socio-éducatifs privilégiés. Moi je suis pour les inégalités positives : dans les concours acceptons de donner plus de points aux enfants des banlieues et de faire passer Mohamed ou Malika avant Cédric ou Marie-Amélie s'ils ont un meilleur potentiel.

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  11. Les discours socialistes sur un blog tradi, décidémment, ces gens-là sont partout ! Après les écolos....

    Dans les concours, ce sont les meilleurs qui doivent passer, en fonction du nombre des points, pas du prénom.
    Heureusement les Ecoles veillent encore à recruter selon les critères d'excellence (bien que le niveau ait baissé), sinon, Cédric et Marie-Amélie n'auraient qu'à traverser au plus vite la Manche - Oxbridge ou LSE ont encore un processus de sélection équitable.

    Pour les places à l'Opéra, ne vous leurrez pas, il n'y en a en effet quasiment pas en vente libre, car tout est acheté par les voyagistes en vue de la clientèle asiatique essentiellement, voire des sponsors qui ont des loges réservées à offrir à leurs invités. Ce phénomène relativement récent (surtout 2009/10 où il n'y a pratiquement pas eu de places pour la Bayadère; on verra la même chose pour le Lac en novembre !) n'est pas un phénomène culturel, mais purement marchand. Hélas. Idem pour les musées, à voir ces groupes, ces cars entiers que l'on traîne dans les galeries du Louvre... Car il faut "rentabiliser" le voyage, "faire" le Louvre, Orsay, Garnier, Comédie Française, sans parler de ce malheureux Versailles où l'on vient voir les lieux du film de Sophia Coppola (vision US de l'ancien régime). Les visiteurs très XXIè siècle "assoiffés de culture" qui trempent leurs pieds dans le bassin d'Appollon des jardins soulagés que c'est fini....

    A voir aussi les lectures que l'on prescrit aux lycéens : qui a lu Chateaubriand évoqué par le webmaîstre ??? Il suffit de voir ce que l'on fait lire aux Terminales L, et surtout ce qu'on ne leur fait pas lire, à côté de combien d'oeuvres sont-ils passés ???

    L'optimisme béat, c'est comme la rentrée littéraire : chaque année plus d'ouvrages, bravo, l'édition florissante, la culture flamboie - sauf que,.... sauf qu'à regarder de près, combien de Chateaubriands, Dumas, Stendhal, Flaubert, Corneille, Racine... ?

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