samedi 28 août 2010

Faut-il s'intéresser aux médias ?

Les prêtres peuvent-ils s'intéresser aux médias ? Certains pensent que non, comme si le sacerdoce, faisant concurrence à la "grande Muette de la République", comportait implicitement une sorte de devoir de réserve. Mais c'est tout le contraire ! Le prêtre n'a pas à rester sur sa réserve. Il est fait pour parler. Qu'est-ce qu'un prêtre ? L'homme qui confectionne les sacrements, et qui, ce faisant, agit dans la personne du Christ. Mais si l'on considère sa valeur ajoutée en tant que personne unique, aimée et choisie par Dieu, c'est évidemment dans la parole qu'il faut aller la chercher, cette valeur ajoutée. Le prêtre est, dans tous les sens du terme, un homme de parole. Si cette parole peut de surcroît utiliser tel ou tel porte voix, pourquoi s'en priver ?

Il y a un conditionnement humain qui est important dans la diffusion de la Parole de Dieu. Dieu a voulu avoir besoin d'apôtres, et cela dès le début. Et il a voulu que la parole des apôtres retentisse d'une extrémité du monde à l'autre. il n'est pas indifférent que le Christ soit venu "en ce temps là", où florissaient les communications, grâce aux voies romaines et aux énormes travaux qu'elles ont représenté d'une part, et grâce à des lignes maritimes fonctionnant sans être (trop) perturbées par les pirates d'autre part. L'Empire a offert au Message du Christ la Paix romaine, comme une condition circonstanciellement nécessaire de la diffusion de son message.

Eh bien ! La mondialisation technologique d'aujourd'hui nous offre d'autres moyens. Les Voies romaines d'aujourd'hui passent par Internet. Il serait criminel de ne pas s'en rendre compte. Grâce à Internet, nous sortons de ce que l'on appelait au temps de Mc Luhan, dans les années 70, les "mass-media" et nous entrons dans une époque où, moyennant un minimum de compétence (ou dans mon cas moyennant l'amitié de gens compétents : le webmestre que je remercie...), on peut contrôler sa propre communication. Lorsque Mac Luhan expliquait "le message c'est le medium" il avait raison. Il est dangereux de communiquer quand on ne contrôle pas le medium, qui peut faire n'importe quoi de ce que vous lui donnez.

C'est l'éternel pb des mass media comme la télévision de masse, cette déformation systématique de l'information, au nom d'un message standard à faire passer, dont le vôtre ne représenterait plus qu'un symptôme parmi d'autres. Lorsque vous êtes invités pour permettre aux organisateurs de l'émission de prouver quelque chose, vous n'êtes pas maître de la donne. Alors de deux choses, l'une. Si l'on a que sa personne à promouvoir, si l'on fait dans l'autopromotion, ce n'est pas forcément très grave. Quoi que vous direz, c'est vous que l'on retiendra et peu importent les conditions dans lesquelles passera votre message, du moment que personnellement vous tiriez votre épingle du jeu. Mais si vous vous sentez chargés de porter une parole qui n'est pas vôtre, là les données du pb sont très différentes. Caute ! comme disait Spinoza. Il faut user de suffisamment de précautions pour que le message dont vous êtes porteurs ne soit pas parasité dans une sorte de surimposition médiatique d'un autre message.

Mais ce qui est merveilleux aujourd'hui c'est que la télévision de masse elle-même s'essouffle, que l'on préfère choisir son film soi-même moyennant trois euros et le regarder sur son ordinateur portable que de regarder le film obligatoire à 20 H 30, avec les pubs qui n'en finissent plus. Quant aux talk show, sans rentrer dans le détail de chacune des émissions proposées, on voit bien que la veine s'en épuise et que trop souvent l'on réinvite tout un petit monde de parleurs, toujours les mêmes, qui sont là parce que l'on sait (et donc que l'on contrôle) ce qu'ils vont dire. Bref... La télé de masse, de moins en moins regardée,doublée par toutes sortes de chaînes plus spécialisées, ne me semble plus un endroit incontournable pour "passer" l'Evangile. D'autant plus que ne survivent à cette atmosphère, que des personnalités qui sont soit vidées de toute substance (comme le Père de La M. toujours d'accord avec ce qu'on veut lui faire dire) soit transformées en ravis de la crèche et possédés par un humanisme à la fois élémentaire et faux (comme Mgr de Parthénia), soit diabolisées et heureuses de l'être parce que cela au moins les fait exister.

Nous vivons une époque où la Culture de masse demeure pour tous ceux qui n'ont pas idée d'aller voir plus loin, mais où il est de plus en plus facile de la contourner, tant les offres sont nombreuses.Le pape nous exhorte (c'était à Malte je crois cette année) à considérer le message chrétien - non pas comme partie intégrante du conditionnement de masse - mais comme constitutif d'"une véritable contre-culture", antimatérialiste. Cette contre-culture, qui est une culture de vie, nous avons les moyens de la diffuser sans nous laisser asservir par le medium, grâce aux progrès prodigieux de la technologie.

A nous de comprendre et de faire comprendre que cette contre-culture ne doit pas être une nième culture tribale. Il y a l'universalité d'un matérialisme et d'un consumérisme de masse qui prend aujourd'hui la forme d'une culture et aspire au Monopole universel. Il y a les enclaves, qui maintiennent les lois de la tribu, tous les petits villages d'irréductibles que l'on peut imaginer. Et il y a une contre-culture qui aspire à l'universalité au nom de la vérité dans laquelle l'homme doit se transformer s'il veut échapper au néant (je veux dire : au nom du salut annoncé). Cette contre-culture, qui n'est pas une culture de masse mais qui est une culture universelle, c'est la culture de l'Eglise catholique dans le monde.

7 commentaires:

  1. "on préfère choisir son film soi-même moyennant trois euros"

    Choisir mon film tout seul, je sais faire, parmi des milliers de possibles, des 10aines de milliers pour peu que l'on parle autre chose que le français. Mais payer 3 euros... je ne vois pas comment faire.

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  2. Une diffusion plus large, moins enclavée, de la culture chrétienne grâce aux nouvelles techniques de l’information ? Perspective salutaire ! Cette possibilité offerte aujourd’hui, les chrétiens seraient d’autant plus avisés de la saisir pleinement, qu’elle s’inscrirait alors dans une tradition séculaire d’adaptation de l’Eglise dans ce domaine. En effet, lorsque le christianisme a décollé au IVème siècle, le siècle de Constantin, les clercs n’ont pas raté le véritable tournant dans la transmission et la production du savoir qu’a représenté à cette époque le codex par rapport au traditionnel volumen. Le codex, autrement dit le livre tel que nous le connaissons, avec son nouveau procédé de pages reliées, permettait une plus grande maniabilité du texte que le volumen (rouleau). En conséquence, beaucoup plus de livres, et beaucoup plus de bibliothèques (à Rome même : 28 à l’époque de saint Augustin, contre 3 seulement à l’époque d’Auguste, contemporain du Christ). Feuilleter au lieu de dérouler, cet accès immédiat à n’importe quelle partie du texte, constitua bien un progrès considérable, qui servit l’analyse et le commentaire de l’Ecriture. Pagination, renvois et donc mise en abîme de passages, éloignés entre eux, du Nouveau et de l’Ancien Testament, facilité de consultation du texte pour les lecteurs, donc relative démocratisation de l’écrit, tout ceci est à mettre au compte de cette technique. Au temps des Pères de l’Eglise, le codex fut donc aussi une autre voie romaine (de diffusion de la culture) pour une autre voix…romaine, elle aussi désormais.

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  3. Tout à fait d'accord avec vous, Monsieur l'abbé. Car, comme l'écrit Georges Dillinger dans un article publié dans "Présent" du 27 août 2010, "L'islam s'impose partout en France."...
    WILLY

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  4. Jean-vincent nous a parlé avec brio de la transmission écrite de la Parole de dieu. Quant à sa transmission orale, celle qui a été proclamée lors de sa première annonce "dans les conditions du direct", faut-il croire que le Christ, s'Il avait Vécu aujourd'hui, l'aurait pratiquée par les voies de la "culture de masse", ou l'aurait-Il réservé à quelques initiés au palais fin, à des "gastronomes en culotte courte", à des adeptes de la contreculture, à des fouineurs de samizdath? L'aurait-Il tambourinée "sur la place du marché" ou claironnée à la face du petit écran? Je reconnais à cette question son côté absurde. Elle est absurde comme le sont toutes les uchronies, et pourtant, de la réponse à cette question, dépendent les conditions de l'évangélisation telle que nous devons la pratiquer de nos jours. "choisir son film..." comme on choisit son rite ou le message auquel on est prêt à adhérer, ou la partie du message qui nous dérange le moins possible, n'est-ce pas le propre d'une société consumériste qui va au "supermarché culturel et religieux", dont le nouveau temple est le centre commercial? Enfin, comment expliquer que, plus des masses médias s'enrichissent en moyens, moins elles promeuvent la création? Assurément, le verbe, "qui était auprès de dieu" pendant la création du monde et par lequel tout a été fait",, n'aurait pas laissé Son expression Se perdre sous l'égide de médias spécialisées dans la déformation et qui auraient donné dans la décréation.


    Bien amicalement

    J. WEINZAEPFLEN

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  5. À propos de "nos" médias, si je puis me permettre, je suis bien triste que la connection avec l'IPB ROMA soit (provisoirement?) coupée, c'était magnifique ce début de blog et superbes photos de Rome, qui nous faisaient rêver...et pas la moindre explication pour vos pauvres forumistes, qui ne sont pas dans le secret des dieux....BIZARRE???

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  6. Figurez-vous, mon bon Thierry, que je me suis également posé la question. Mais il semble vraiment qu'il s'agisse d'un problème technique, les uns et les autres étant éparpillés en vacances. Si je ne le croyais pas, j'aurais bien sûr passé votre message à la trappe.

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  7. Il y a quand même un grand risque du communautarisme avec les nouveaux média.

    On s'influence très facilement par le même type de pensée, on s'enferme. Puis, on a l'impression que tout le monde partage les mêmes idées (les "nôtres") et l'on risque d'être très étonné en sortant de "nos" cercles.

    Pour garder l'ouverture d'esprit, il faut conserver une palette assez large des points de vues (sites différents) et en langues différentes, sinon c'est la sclérose et le monde des fantasmagories propres projeté sur la réalité.

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