mercredi 6 juin 2012

La vérité n'est pas démocratique

Merveilleuse et très simple réunion autour d'Alain de Benoist, ce soir au CSP, chacun a pu poser les questions qu'il voulait sans aucune censure... Et nous nous sommes trouvés et des proximités et des distances, la discussion restant toujours cordiale. Si l'espace publique existait comme lieu d'amitié politique dans la diversité des points de vue (utopie d'Hannah Arendt), je crois qu'il ressemblerait au Centre Saint Paul ce soir...

L'un d'entre vous s'est signalé ce soir au CSP comme "lecteur de Métablog", venant de Belgique. Je le salue de nouveau virtuellement. A toutes fins, si vous êtes Parisien (d'occasion ou de résidence) et que votre mardi est libre, je vous signale que mardi prochain, en l'honneur du tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques (juin 1712), je donnerai une conférence sur la religion de Rousseau, dont j'espère qu'elle aura - je parle juste de la forme - la même qualité d'ouverture et d'interactivité...

Non, je ne tourne pas Bisounours. Mais je crois à cette transcendance particulière du vrai qui se vérifie en chacun de nous... Au stage Ennéagramme, que certains me blâment d'avoir fait, l'organisateur a commencé à me demander ce qui agaçait le plus. J'ai répondu: la connerie. Je voulais dire: l'inaccessibilité au logos commun. Il y a une autre définition de la connerie qui doit être de Desproges: "la décontraction de l'intelligence". Celle-là me semble en revanche très pardonnable.

Parmi les conneries au premier sens, il y a, massif, ce qui pourrait bien être l'hérésie du XXIème siècle, le démocratisme. J'en ai trouvé une confirmation en lisant l'extraordinaire recueil que Simon Leys a intitulé Le studio de l'inutilité (Flammarion éd.). Beaucoup de belles évocations de tel ou tel auteur. J'ai aimé le coup de chapeau à Chesterton, "l'homme qui était amoureux de la lumière du jour". J'ai goûté les réserves sur Victor Segalen, ce Breton dont j'aime pourtant les "Stèles" chinoises, mais qui, pour Leys, a le tort de faire dans "l'exotisme" - un exotisme qui est forcément de pacotille.

Simon Leys, qui a écrit Les habits neufs du Président Mao, nous parle aussi de la Chine post-communiste et toujours aussi totalitaire: un pouvoir maffieux qui supprime la démocratie méthodiquement au nom du Pèze et du Saint Bénéfice.

Mais le plus beau texte est celui que Leys a placé en conclusion, où il nous livre son opinion sur la démocratie. Il s'agit d'une leçon pour la réception du doctorat Honoris causa de l'Université de Louvain, dont il est un ancien étudiant. Je vous le donne sans commentaire. Il est limpide: "La démocratie est le seul système politique acceptable, mais précisément elle n'a d'application qu'en politique. Hors de son domaine propre, elle est synonyme de mort : car la vérité n'est pas démocratique, ni la beauté, ni l'amour - ni la grâce de Dieu".

Jean-Paul II a dit et répété - un peu dans le même sens - qu'une démocratie sans valeurs était totalitaire (Centesimus annus, Veritatis splendor et Evangelium vitae). Mettre les valeurs aux voix, comme on s'apprête à le faire en France, c'est flirter avec le totalitarisme.

Simon Leys parle de "la grâce de Dieu". Extravagant ? - "Des auditeurs [entendant parler de grâce] m'ont demandé si j'étais janséniste. Il n'en est rien. Je pensais seulement à la parabole des ouvriers de la onzième heure". Dieu sauve qui il veut, ce n'est pas janséniste que de l'écrire. Il faut ajouter que la volonté de Dieu n'est jamais ni absurde, ni excessive ni insignifiante. Elle est juste - Ça va sans dire? Mais pour certains, sans doute démocratistes et qui imaginent un Dieu à leur image, un Dieu absurde qui met l'éternité aux voix... cela va mieux en le disant!

10 commentaires:

  1. Et merci aussi de l'avoir invité sur Radio Courtoisie!

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  2. Cher Monsieur l’Abbé,

    Je suis le mystérieux visiteur d’hier soir. En fait pas belge du tout, notre interlocutrice avait mal compris : seul mon nom est flamand. J’ai grandi à Paris mais suis exilé au Royaume-Uni depuis de nombreuses années.

    J’essaierai de revenir mardi prochain. J’en profite pour vous remercier de votre accueil chaleureux au Centre. Je ne fais pas partie de la « mouvance » qui s’y réunit, ni intellectuellement ni spirituellement, mais s’il y a bien une chose que votre invité a dite avec laquelle je suis en accord parfait, c’est que parler avec des gens qui pensent exactement la même chose que vous, ça n’a pas beaucoup d’intérêt ! Continuons donc la discussion.

    Avec mes meilleures salutations,

    Le visiteur du soir

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  3. Oui c'est bien la "transcendance 'du Vrai' " ....Cela en jette dans les salons où l'on se pique de "spirituel" non identifié entre 2 whisky .
    La vérité , le vrai , la transcendance ....l'un(et le multiple),l'être , le bien et le beau . C'est bien de manier ses concepts mais il ne faut pas le faire à la légère(paresseuse et "détendue")sans prise avec le Réel .

    S'il existe un Vrai transcendant on pose immédiatement la question de Dieu si on ne tourne pas autour du "pot".

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  4. Ravie de voir apprécié Simon Leys dont la lecture facile et en même temps riche donne du bon temps et des "satisfactions intellectuelles".

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  5. Je pense que la volonté de Dieu est absurde pour nous et non pas en Dieu.Sa volonté n'est pas déterminé par le bien,le juste ou la raison,puisqu'il est le bien,le juste et la raison.Il veut non parce que c'est juste, mais c'est juste parce qu'il le veut.Absurdité pour les paiens ,absoluité pour les croyants.C'est pour cela que la foi nous conseille de croire parce que c'est absurde et que la raison nous le déconseille.

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    1. Oui, Dieu est le Souverain Créateur et Maître de toutes choses. C'est la doctrine du Christ-Roi. Ce n'est pas la doctrine de l'Homme chemin de Jésus-Christ, du culte de l'homme, de la théologie "anthropocentrique" toute basée sur la fausse philosophie allemande.

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  6. Alors là Pascal je ne sais pas d'où vous sortez cela .
    Serait ce une compréhension, un peu trop littérale et partielle , du "credo quia absurdum" de Tertulien ?

    Les mots nous sont utiles et Dieu , le Verbe ou l'Intelligence ou la Pensée, je ne sais comment traduire , s'est fait CHAIR et nous a parlé dans un langage d'homme . Dieu n'est donc plus , pour le chrétien , à chercher dans un au-delà inaccessible platonicien(et donc manichéen) d'une spiritualité gazeuse(cf le mythe de la caverne)très à la mode . Dieu n'est pas du coup un potentat totalement arbitraire comme dans l'islam.
    Il se dévoile à nous par l'intelligence utilisant l'analogie de l'être, du vrai et du bien et par la Révélation qui passe par nos sens par une annonce entendue , "fides ex auditu", et par ce que nous avons "vu", "touché" et "entendu" du Verbe de Vie .

    Alain de Benoist devrait donc aller au bout de sa recherche intellectuelle et comprendre qu'en Dieu monarchie, aristo-cratie et démo-cratie ne sont pas contradictoires si on ne les absolutise pas et si on ne refuse pas , a priori, un Etre intelligent transcendant Source et Fin de tout ce qui existe

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    1. Prions pour qu'il finisse par se convertir comme Louis Pauwels et qu'il cesse d'infecter la tradition avec son naturalisme pagano-gnostique. Patrice de Plunkett vient de sommer Mgr Fellay de ne pas signer l'accord car il a exprimé l'intention de venir semer la zizanie dans l'Eglise conciliaire, en voulant y diffuser les rites et la foi traditionnelles! Conciliarisons en toute tranquillité, pas de trouble-fête!

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  7. Moi, je suis bien d’accord avec Pascal. Peut-être faut-il juste préciser ce qu’il veut sans doute dire : Dieu ne se met pas en opposition avec la raison ni avec la parole. Il est seulement au dessus de notre entendement et de nos catégories de l’entendement. Ce n’est pas nouveau : « vos pensées ne sont pas mes pensées, vos voies ne sont pas mes voies (IsaÏ 55.8). Le reste, c’est St Paul qui le dit.
    La Révélation passe t-elle par nos sens ? Excusez-moi Hermeneias, si j’en doute. C’est même une phrase qui pourrait être ambigüe. Le Fils de Dieu est venu chercher le Fils de l’homme pour le ressusciter. Les 2 natures n’en font q’une seule. Cette Résurrection nous procure la nôtre. Elle transfigure notre corps et notre esprit, donc aussi notre chair et nos sens. On est bien d’accord ! La Foi, par contre c’est Dieu qui nous la donne. Le prologue de Jean nous le dit bien : « ceux-là ne sont pas nés du sang ni d’un vouloir de chair, ni d’un vouloir d’homme, mais de Dieu » Dieu nous donne la Foi, non pas dans le toucher ( toucher quoi, qui ?) ni dans la vue, mais dans le « sensus Fidei » qui est au-dessus de notre entendement et de nos sens mais que nous devons incarner dans l’amour à la suite du Christ. La démarche, qui n’est pas non plus un scoop, est une démarche qui, de Dieu vient vers nous et qui, de nous repart en Dieu dans l’acte d’amour. ‘le Seigneur n'est pas dans la commotion’ (3-Rois 19-2).
    L’être humain n’arrivera jamais à cerner Dieu ! Ni en ce qui concerne le bien, la justice ni même l’amour !
    Benoîte.

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  8. salut l'abbé! ca le fait grave de te lire parfois.keep the distance. 1 ami qui te veut du bien

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