mardi 3 février 2015

Situations chaotiques / solutions cahoteuses [par RF]

[par RF] Christophe Deloire dirige l’association ‘Reporters Sans Frontières’. Le 15 janvier il déclarait : «Les responsables religieux doivent reconnaître qu'on puisse rire de ce qu’eux-mêmes considèrent comme sacré». Il est aujourd’hui dépité car pratiquement aucun n’a voulu signer sa déclaration. Divers réponses dilatoires lui sont données, dont aucune ne pose la vraie question: En tant que responsable de RSF, Christophe Deloire reconnaît-il qu’on puisse rire de ce que lui-même considère comme sacré?
 
En réalité, il y a une autre question: s’agit-il de rire? ou de moquer? ou de vomir? En s’en tenant au seul Charlie Hebdo, il y a eu l’époque des Choron, Siné et Cavana; ils n’y allaient pas avec le dos de la cuiller, mais leurs outrances (déplorables) n’étaient pas exemptes d’une certaine tendresse. Et puis il y a la période plus récente, celle du Charlie qui titre au lendemain du massacre de 300 manifestants islamistes, parmi lesquels des femmes et des enfants: «Le Coran c’est de la merde. Ca n’arrête pas les balles». Preuve que le ‘rire’ est à géométrie variable, un internaute est aujourd’hui dans le collimateur de la justice pour avoir détourné cette une (cette fois c’est Charlie Hebdo qui «n’arrête pas les balles».

Avant même de penser, il faudrait déjà redéfinir les mots. La «liberté d’expression», par exemple: tout le monde est pour. Mais expression… de quoi? dans aucun pays, même aux USA, il n’est permis de tout dire. Notre société s’en sort par une pirouette, en opposant ‘opinion’ et ‘délit’ – c’est évidemment idiot : une opinion même délictueuse reste une opinion, de la même manière qu’un acte délictueux reste un acte… dont il faudra éventuellement répondre devant les autorités.

François Rebsamen est ministre du Travail, il a déclaré récemment que nous jouirions en France d’«une liberté totale d'expression, la limite c'est Dieudonné». Dans cette phrase, ce qui est intéressant n’est pas de savoir où le ministre place la limite. Il dit ‘Dieudonné’, d’autres auraient dit ‘Le Pen’ ou ‘Boutin’ ou ‘Bayrou’ (on est toujours le facho de quelqu’un – si ça se trouve, Rebsamen lui-même est le facho de l’ultra-gauche). Ce qui est intéressant, c’est que le ministre assume tout à fait la contradiction de sa phrase: liberté totale et cependant limitée.

Liberté, laïcité, identité, etc : Comment faire coexister des exigences contradictoires? Ca n’a jamais été simple et encore moins quand vivent dans le même espace des groupes relevant d’univers mentaux différents (les visiteurs de ce blog par exemple n’ont pas forcément le même corpus de valeurs que ceux de liberation.fr). Au fond, la solution c’est peut-être… qu’il n’y en a pas, que nous sommes condamnés à bricoler des modus vivendi, des équilibres instables et des voies cahoteuses qui jamais ne nous satisferont pleinement et que toujours nous devrons réexaminer.

9 commentaires:

  1. Faire coexister des exigences contradictoires...où peut-être il n´ y aura pas ?
    Je pense que – au moins du point de vue de la religion- on devrait essayer de respecter la religion des autres...que nous respectons le christianisme, le bouddhisme, le judaisme, etc. Le problème semble être toujours le même : vouloir « imposer » une religion par rapport à l´autre... Personne ne croit pas par la force...
    Même dans le catholicisme, vouloir « imposer » une vérité ne fonctionnera jamais.
    Ce sont toujours les extrémismes ... les extrémistes (même dans le catholicisme) conduisent toujours à la haine, jamais à l´unité.
    S´il est difficile tolérer les extrémistes dans notre propre religion, beaucoup plus difficile sera tolérer les extrémistes d´autre religion...
    Mais qui veut vraiment valoriser la paix, devra donner l ´exemple de la paix avec leurs semblables.
    Vous avez écrit un très bon texte. Merci.

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  2. La religion dominante actuelle c'est le sacro-saint laïcisme qui tente, à travers les événements récents, d'en remettre une couche en pointant du doigt "les religions" au sens large au lieu de reconnaître que c'est son relativisme éhonté qui pose problème. Un héritage chrétien bien assumé et vivant n'a rien à craindre d'une certaine mixité.

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  3. Cela ressemble à corriger un défaut en vol d'un avion par un pilote novice et ce qui n'était qu'un désagrément devient une situation dramatique par une suite de talonnements et d'incohérences de comportement de l'appareil . Le pilote est dépassé , il est victime , selon les spécialistes de l'aviation , d'une liquéfaction mentale. La suite c'est le crash.
    Dira-t-on que le pilote s'est suicidé ?

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  4. L’élection législative partielle de Dimanche, malgré sa portée limitée, va contribuer à éclaircir un point d’histoire contemporaine.
    Le candidat PS a obtenu 7.416 voix.
    Appliqué aux 577 circonscriptions, ce résultat (*) permet d’obtenir, à l’unité près, le nombre des électeurs du PS au 1er Février.
    Nous sommes maintenant en mesure de préciser l’ampleur du phénomène historique qui s’est déroulé le 11 Janvier dans notre cher pays : plus de 4 millions de citoyens ont manifesté, dont 4.279.032 électeurs socialistes (**).

    (*)En posant, comme hypothèse de calcul, que la circonscription en jeu est dans la moyenne nationale relativement au nombre d’inscrits.
    (**) Une variation d’humeur, entre le 11 Janvier et le 1er Février, du panel considéré ne peut pas être sérieusement envisagée.

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  5. La paix sociale serait peut-être plus durable si les pays concrétisaient un lien raisonnable entre culture et religion, si bien que, tout en garantissant une certaine liberté de culte, ils donneraient privilèges à la religion la plus représentative, dont les fidèles seraient ainsi pratiquants sans contraintes.

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  6. La journée commença par un violent éclat du patron. Le trio des intérimaires, qui avaient géré la firme pendant son absence, avaient engagé un canasson qui n’avait même pas fini la course. Le voilà en demeure de parier sur des écuries concurrentes.
    D’autant que, Juppé, le meilleur socialiste d’entre eux, avait immédiatement indiqué le bon choix.
    C’était trop. Alors, en ébranlant le sol de ses talonnettes il lâcha un vocable monosyllabique guttural que les 500.000 politiciens du pays – du plus modeste adjoint au maire de la France profonde jusqu’au présidentiable le plus affirmé – entendirent avec effroi, car ils se reconnurent.

    Le soir, au terme d’un conseil d’administration interminable, une motion pilatienne fut adoptée par 22 voix contre 19.
    A la sortie, filmée de dos, on vit s’éloigner dans la nuit froide la frêle silhouette de NKM, les épaules tombantes, laquelle devait se dire dans ce moment que de la forme de son nez – trop long, court, épaté, rond, pointu, courbé, écrasé, crochu – avait surgi cette décision si contraire à ses vœux et que l’Histoire lui attribuerait pour l’éternité le grand retournement, celui qui débuta en 2022 par l’élection de Mr Ben Abbes, le premier des émirs du Septentrion.

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  7. Cher Maestro voilà comment l’Etat « bricole » de jolis Modus Vivendi ! (source : Bastamag)
    2006 : Décret : Les fournisseurs d’internet doivent mettre « à disposition » toutes les informations permettant d’identifier les utilisateurs, les destinataires des communications, les contenus avec date et durée.
    2011 : Loi Loppsi 2, légalise l’espionnage des ordinateurs privés par l’intermédiaire de logiciels mouchards. Le législateur appelle cela la « captation des données informatiques » déjà utilisés pour connaître nos goûts et nous suggérer des produits à consommer. Les mêmes algorithmes vous nous espionner et réagir à des mots et à notre réseau.
    Décembre 2013 : L’article 20 de cette loi autorise toute une série d’agences de l’État à accéder directement, sans passer par un juge, non pas au contenu d’un ordinateur ou des communications, mais aux données de connexions des internautes et aux relevés détaillés des communications téléphoniques.
    Novembre 2014 : Cette loi de novembre 2014 alourdit également la peine maximale quand le délit est commis sur internet. Attention, chaque parole sera retournée contre vous !
    2015 : surveiller les conversations sur Skype
    A partir de maintenant, ces services d’espionnages sur le Net vont être délégués à des entreprises privées telles que Youtube, Google et Facebook. La bonne vielle méthode de délation, sauf que ce sont des logiciels qui opèrent, des machines en quelque sorte et elles seront nos juges puisque le blocage administratif supprime le juge et la procédure judicaire.
    La lutte contre le terrorisme ? Une grande fumisterie puisque, en un clic, ceux-ci peuvent se rendre invisibles sur le net ! Et il semblerait que tous ces procédés n’aient pas permis de bloquer les tueurs de Charlie avant les attentats… A moins que…
    A quand Goulag et mines de sel pour discuter librement sur la liberté d’expression ?

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  8. Sommes-nous vraiment condamnés à bricoler des solutions cahoteuses? Oui, tant que nous nous complaisons dans l'incohérence. Non, si nous cherchons sérieusement à en sortir.

    La première incohérence, c'est que la laïcité, religion sans religion, affirmation par la négative, coquille vide, pierre angulaire du nihilisme, non seulement ne se reconnaît pas comme négation qui ne peut imposer des valeurs, mais voudrait, cette affirmation par la négative, s'imposer comme la seule norme positive.

    La deuxième incohérence, c'est que des religieux comme le prêtre qui nous ouvre ce cyberespace de liberté pour le dire, préfèrent, par haine religieuse, s'inféoder à la laïcité, choix du néant de préférence à l'être, affirmation de la préséance de l'existence sur la notion de Création, que reconnaître que, s'il y a une norme supérieure, ce n'est pas la loi naturelle comme ils l'ont récemment affirmé par homophobie, c'est le sacré. Le respect de cette norme commande qu'on ne touche pas au sacré et qu'on soit même prêt à défendre le sacré des autres pour défendre les droits du Créateur et l'idée qu'on se fait de "Dieu, premier servi", Créateur devant Qui Seul, nous devons nous incliner. La vie ne se met pas aux voi.

    La troisième incohérence, c'est, en revenant aux affirmateurs du néant que sont les laïcs et les républicains voltairiens qui font de l'antifanatisme en conchiant le sacré, qu'ils ne voient pas leurs propres contradictions. Eux qui ne croient pas au sacré, ils ont un sacré, la liberté d'expression, qui devient intouchable parce que sacré. Or toucher ce sacré-là, c'est précisément le pratiquer. S'exprimer contre la liberté d'expression, c'est pratiquer la liberté d'expression. Voilà à quoi ceux qui font de la liberté d'expression un absolu ne peuvent se résoudre. ET voilà ce que ne peuvent plus leur montrer leurs concitoyens religieux qui préfèrent leur haine des autres religions plutôt que de défendre les droits de dieu auprès de ces absolutistes des droits de l'homme.

    Or les choses étant ce qu'elles sont et l'homme ce qu'il est: ma liberté d'expression s'arrête là où elle empiète sur la liberté de réception d'autrui. Et c'est l'offensé qui fixe l'offense, même si c'est étouffant. Donc il s'agit de limiter la liberté d'étouffer, non pas d'ouvrir un droit à l'offense. Il s'agit de limiter la liberté de se victimiser, non pas d'ouvrir un droit au blasphème. Et il s'agit d'être intègre et cohérent, car il importe davantage d'être logique que d'être intelligent. La cohérence, la logique dévoilent mieux que l'intelligence et que de sinueuses allégeances interchangeables.

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