Je n’ai pas tout lu, non pas encore. Mais je puis vous donner ma sélection, qui n’a pas grand chose à voir avec celle du Goncourt. Des livres à lire. Des livres qui racontent notre monde et le voient sous une lumière que nous n’avions pas forcément saisie, qui ne nous avait pas nécessairement impressionnés.
Je proposerais d’abord le livre de Thomas B Reverdy, Il était une ville (éd. Flammarion). Cette ville c’est la grande capitale de l’automobile américaine, le symbole mondial du fordisme et de la révolution industrielle au XXème siècle : Detroit. Aujourd’hui, des quartiers entiers sont devenus autant de friches industrielles où s’ébattent bandes et gangs. Une image de cette catastrophe mondiale, le néo-libéralisme. Mais l’amour fleurit sous les décombres, un amour délicatement évoqué, comme un poids qui incline ceux qui se le portent… Et voici une phrase de Reverdy… sur la communion des saints : « Georgia prie souvent sainte Rita et Marie aussi ; elle est catholique, c’est une religion où l’on peut s’adresser à des gens, de vraies gens comme elle, qui ont vécu et souffert, c’est important pour Georgia : elle ne saurait pas quoi dire à Dieu… »
Deuxième recommandation qui n’est pas un deuxième choix : c’est du grand ! Sorj Chalandon travaille au Canard enchaîné, mais son livre, Profession du père (éd. Grasset), ne fait pas dans l’humour. C’est une bombe d’émotion. Le père ? Il est sans profession mais il prend toute la place : « - C’est la guerre ! Mon père a claqué la porte d’entrée. Il a crié ces mots sans enlever son manteau. Il a répété « la guerre » sur le seuil de chaque pièce. Le salon, la salle à manger. Nous étions dans la cuisine, ma mère et moi. - C’est la guerre. Mon père, immense, occupant tout le chambranle. J’épluchais trois carottes, ma mère préparait un poireau. - Qu’est-ce que tu racontes ? Il l’a regardée, sourcils froncés. Ma mère et ses légumes. Il était mécontent. Il annonçait la guerre, et nous n’avions qu’une pauvre soupe à dire. » Le vrai sujet du livre, on l’aura compris, n’est pas cette guerre annoncée (pour l’Algérie française), mais la tyrannie d’un père fou auquel Sorj Chalandon a sûrement donné quelques traits du sien qui communique sa folie à ceux qui l’aiment. La mère en devient autiste à force de soumission… Et le fils aurait pu finir comme un petit fou, à force de ne jamais rire de rien. Un roman sur la folie où il n’y a pas un mot de trop.
Troisième proposition : L’inconstance des démons (Robert Laffont) par Eugène Green, un livre qui touche au sublime, c’est-à-dire à la foi, par le « détour » du mal… Il s’agit d’un polar métaphysique qui a pour cadre le Pays basque, un pays où les sorcières des temps jadis sont toujours là, avec boucs et balais, car nul ne pense plus à les brûler. Un pays qui vit de la bienveillance de Mari, la déesse Mère que le christianisme n’a jamais vraiment voulu éradiquer, un pays aussi dans lequel on va rencontrer l’esprit du mal, car, pour Eugène Green, penseur baroque de la dualité, le bien lui-même ne trouve tout son prix et ne découvre sa paisible constance que lorsqu’il est mis en face de l’inconstance des démons. Satan dans les Lettres ? C’est un grand classique, que l’auteur traite ici avec cette intelligence profonde du réel qui surpasse nos monstrueuses et plates « raisons ».
C’est tout simplement incroyable : dans La nuit de feu (Albin Michel) Eric-Emmanuel Schmitt nous fait le récit circonstancié de sa conversion. Conversion à quoi? A qui? A la foi en Dieu. Pas une demi conversion ni une demi croyance : « Je suis né deux fois, une fois à Lyon en 1960, une fois dans le Sahara en 1989 ». Ce livre est l’histoire circonstanciée de cette deuxième naissance. Imaginons au départ un improbable duo, un rédacteur (Eric Emmanuel) et un producteur débarquant à Tamanrasset pour faire un film sur Charles de Foucault, l’officier sybarite, devenu ermite dans les monts du Hoggar. Au programme du séjour une semaine de trekking dans le désert avec l’ascension du Mont Tahat, sur le toit du Sahara, à 3000 mètres d’altitude... Au retour l'agnostique prof de philo est devenu croyant. Il gère l'après : « Lorsque l’on a connu la sollicitation de l’invisible, on se débrouille avec ce cadeau. Le surprenant dans cette révélation, c’est que malgré l’évidence éprouvée, on continue d’être libre. Libre de ne pas voir ce qui s’est passé. Libre d’en produire une lecture réductrice. Libre de s’en détourner. Libre de l’oublier. Je ne me suis jamais senti si libre qu’après avoir rencontré Dieu, car je détiens encore le pouvoir de le nier. Je ne me suis jamais senti si libre qu’après avoir été manipulé par le destin, car je peux toujours me réfugier dans la superstition du hasard ». Ainsi est ce livre : franc, sans apprêt, irréfutable et pourtant absolument libre. Dieu est comme une aventure entrevue, qu’Eric-Emmanuel a accepté de vivre.
« Les frontières c’est la paix » est incontestablement la proposition la plus stupide (restons correct) depuis que le peu regretté président Mitran a balancé « Le nationalisme c’est la guerre ».
RépondreSupprimerNous laissons à ceux qui ne craignent pas les ciseaux du censeur maison d’en faire la démonstration.
J'ai du mal à saisir le sens de votre commentaire qui ne semble pas correspondre aux livres cités dans cet article.
RépondreSupprimerS'il se rattache au flot des migrants qui sont en train de se répandre sur la vieille Europe, on pourrait vous répondre que le contrôle du respect et de la sureté des frontières serait bien une garantie pour la paix civile.
François
C'est un des titres du dernier Monde et Vie dont l'abbé G2T est rédacteur en chef.
SupprimerSans frontières c'est bien La Pétaudière !