[par Hector] On aura tout dit sur ce Synode, en tirant les conclusions dans tous les sens : pour le cardinal Pell et les évêques polonais, la communion des divorcés dits remariés a bien été écartée, pour Mgr Pontier ou Mgr Paglia, elle demeure, au contraire, possible. La question divise tout le monde, y compris le monde « tradi ». Les plus anti-bergogliens se réjouissent qu’une telle perspective ait été écartée, tandis que des wojtyliens sont circonspects et craignent une ouverture au nom de la « conscience ». On a entendu toutes les analyses. Je laisse aux spécialistes le soin de dire ce qu’il en est réellement, même s’il faut noter un aspect important : l’absence de référence à la communion et aux sacrements dans les trois paragraphes litigieux relatifs aux divorcés remariés de la relation finale. Par-delà les ambiguïtés et les interprétations médiatiques qui forcent le sens, il n’est pas neutre que certains termes soient absents.
Il y a cependant une chose évidente : ce n’est plus le Rhin qui se jette dans le Tibre, et depuis 3 ans, son débit s’est continuellement affaibli. Malgré les offensives de l’épiscopat allemand, présidé par le cardinal Marx - dont on peut se demander s’il ne gère pas la plus grosse ONG du monde -, l’affaiblissement continu des épiscopats européens dans le processus synodal est flagrant. Les paragraphes 84, 85 et 86 pourraient être les ultimes vestiges de ces tentatives occidentales, comme le décret sur l’œcuménisme Unitatis redintegratio de 1964 faisait encore référence à l’encyclique Humani generis de 1950 en mentionnant le « faux irénisme » dans les relations avec les chrétiens séparés. La comparaison entre la relation finale du 24 octobre 2015 et l’instrumentum laboris de 2014 (je ne parle pas de l’Instrumentum laboris de juin de 2015, mais du premier Instrumentum sur lequel planait déjà des ambiguïtés avant même que le premier synode ait eu lieu…) est assez éloquente. À tire d’exemple, la disparition d’une quelconque appréciation positive des unions homosexuelles ou d’un « cheminement pénitentiel » pour l’accès des divorcés remariés à la communion sont suffisamment révélatrices. En revanche, il y a un net refus de la théorie du genre ou une affirmation, sans ambages, d’Humanae vitae. Le « cheminement pénitentiel » s’est, au mieux, transformé en « coaching », où le prêtre peut très bien dire au divorcé dit remarié sa situation réelle, en lui faisant comprendre que s’il souhaite communier, ce sera à ces risques : l’Église vous aura prévenu et si vous communiez, vous devez en subir les conséquences (l’Église ne se substitue pas à notre relation à Dieu, mais elle nous éclaire). On ne vous empêchera pas physiquement de communier (vous pouvez vous noyer dans la foule ou aller dans une autre paroisse), mais il vous appartiendra d’en subir les conséquences étant donné que vous êtes en concubinage et que le premier mariage n’a pas été reconnu nul…
On peut se demander si, en réalité, le changement d’accent ne traduit pas le nouveau rapport de forces au niveau ecclésial : nord-sud, mais aussi est-ouest, voire atlantique-outre-atlantique.
On peut dire que Vatican II avait été marqué par une certaine prédominance intellectuelle des Eglises allemande, belge, hollandaise et française. Ces Églises rayonnaient, non seulement théologiquement, mais également au niveau missionnaire. Certains se souviennent de ces prêtres ou religieux aux noms imprononçables, finissant par « ein » ou « gue »… Sauf que ça, c’était avant. Il y a belle lurette que les missionnaires ne sont plus belges, allemands ou néérlandais. Maintenant, s’ils viennent d’Europe, ils peuvent venir de Pologne, sinon ils viennent même des territoires d’évangélisation, comme l’Afrique. Certes, il y a la légitimité de l’argent et des moyens : est-elle, pour autant, tenable à long terme? Si l’Église allemande est riche, elle n’est guère rayonnante. Va-t-on imaginer qu’elle puisse, dans les décennies à venir, continuer à peser dans les débats ecclésiaux des années à venir et les prochains synodes ? Il est peu probable qu’il en soit toujours ainsi. Au dernier synode sur la famille, il en est allé un peu différemment : d’autres forces épiscopales se sont révélées.
L’épiscopat africain a pu se faire entendre au synode 2015 et s’y est même mieux préparé (en 2014, les évêques ne s’attendaient pas au raffut synodal : en 2015, ils étaient prévenus). Outre le cardinal Sarah, la figure du cardinal Napier a marqué la salle. L’Église polonaise a tranché avec l’Église allemande, révélant, en Europe, un clivage Est-Ouest, que l’on a déjà vu dans les affaires de migrants. Quant aux Églises sud-américaines, leur trop forte dépendance théologique à l’égard d’un Occident moribond atteste qu’elles sont moins rayonnantes nonobstant le fait qu’elles soient situées dans l’hémisphère sud… Enfin, les pays de vieille Chrétienté que sont la France, le Royaume-Uni et la Belgique ont pu être secoués par l’épiscopat américain, dont certaines figures (le cardinal Dolan ou Mgr Chaput) ont marqué les séances synodales : un clivage entre les deux rives de l’Atlantique. Enfin, le Canada a révélé sa faiblesse et surtout le fait de ne pas être sorti de la « Révolution tranquille » qui eut lieu, au Québec, dans les années 1960 : on a pu assister à un contraste entre l’épiscopat américain et l’épiscopat canadien. Pourtant, l’épiscopat américain semblait sinistré dans les années 1980 et Jean-Paul II dut affronter une Église délabrée. Or, à partir du débat des années 2000, on constate un relèvement dans l’Eglise américaine : preuve que la crise d’une Église peut parfaitement être surmontée.
Au concile Vatican II, un évêque africain, Mgr Zoa, avait l’impression d’assister à des querelles entre européens. Au synode de 2015, on peut se demander si la véritable marque de l’actuel pontificat n’aura pas été un déplacement flagrant du balancier en direction de pays plus rayonnants. C’est peut-être l’aspect le moins relevé qui pèsera le plus lorsque les historiens se pencheront sur ces années houleuses. La désoccidentalisation de l’Église est peut-être un aspect encore passé sous silence, mais on ne voit pas comment les décennies à venir ne pourraient pas en être marquées. Et si la véritable révolution du processus synodal avait été la perte du poids de l’Église occidentale au profit des forces vives et rayonnantes ? C’est aussi en termes de géopolitique ecclésiale qu’il faut raisonner par-delà l’accouchement de certains textes et de leurs querelles d’interprétations.
Il reste que le Zambèze n'a pas vu les alluvions que charriait encore le Rhin. C'est Kasper qui doit rigoler. Il vient d'obtenir ce qu'il réclamait depuis 20 ans, condamné pourtant à plusieurs reprises par Ratzinger. Personne n'y a vu que du feu.
RépondreSupprimerAjoutons que le groupe "Germanicus" était le seul à être composé d'évêques théologiens, la plupart étant docteurs en théologie sinon anciens professeurs. Eux seuls ont pleinement mesuré la portée des affirmations qu'ils ont pu tranquillement distiller dans le texte avec toujours un coup d'avance, tandis que les autres évêques sans doute de bonne foi mais naïfs se réjouissaient d'avoir évité le piège précédent, sans se rendre compte qu'ils tombaient ainsi dans le suivant.
SupprimerBonjour Thomas
Supprimer"Evêques théologiens" mais quelle théologie ?
La question que je me pose et qui se pose , de plus en plus avec perplexité , est celle de la "théologie" , de la pensée et de la doctrine et donc de la possibilité d'un enseignement dans l'Eglise .
Casuistique jésuite et théologie sont-elles compatibles ?
Ne s'agit-il pas plutôt d'une anti-théologie ? D'une "déconstruction" chère à Derrida ?
Une théologie à l'école de Fuchs et de Bernard Häring, condamnée par Veritatis Splendor, et qui prend sa revanche. En face, des évêques pasteurs qui font souvent de l'anti-intellectualisme, qui ne mesurent pas pleinement les enjeux doctrinaux derrière les formules, et qui votent sans vraiment savoir ce qu'ils votent.
SupprimerFuchs et Haring ?
SupprimerPourriez vous nous éclairer ô brother ? Certaines "évolutions" ou dérives théologiques sont largement ignorées du commun des fidèles et produisent souterrainement leurs effets délétères sous couvert de "pastorale"...
En ces temps d'anniversaire de la fondation des dominicains , il est temps de revenir à la grande , vaste et sainte Tradition et aux "questions disputées" où les questions sont abordées et réellement traitées autant que possible et non escamotées
Rayonner quoi?????
RépondreSupprimerentendu un prêtre africain "en mission" aux annonciades...déclarer sans hésitation: heureusement qu'il y a la nouvelle évangélisation, car l'ancienne rimait avec colonisation..
Si la "désoccidentalisation " (géopolitique) de l'Eglise s'opère, on ne voit nulle part une "désoccidentalisation" métaphysique s'amorcer.
Au contraire !
Pour cela il faudra sans doute que l"occident" géopolitique boive jusqu'à la lie et au sang versé par tombereaux , fleuves et océans ...le désastre et la dérive de l'oubli de l'Etre et de la mort du Poème et du Sacré... nourri de "christianisme", de personnalisme et de "métaphysique"!
Hector, la Guerre d'extermination de Troie a à peine commencé!!!
Morituri te salutant ( et ça meurt déjà par fournées !!!) .Résurrection vainc toute mort !
Mouairf s'il faut faire de la géo-politique ( encore une "science exacte" qui pullule de bavasseurs impénitents ) pour interpréter les textes et enseignements ecclésiaux , on est mal !
RépondreSupprimerDéjà qu'on n'est pas super bien avec des textes approximatifs et la Bérézina théologique dans l'Eglise .
Que la "géopolitique" donne des éléments d'explication et de compréhension , je veux bien . Ensuite l'enseignement écrit et oral reste déterminant
A l’heure de la grand-messe télé du 20 h certains hésitent à se rendre dans un quartier peu famé même quand il s’agit de recueillir la meilleure des paroles. Mais grâce à la technique nous avons pu assister en différé à la dernière conférence d’un Abbé en grande forme.
RépondreSupprimerIl était évidemment question du synode et du mariage.
En premier il y a la foi. Mais cela ne se discute pas. Ensuite il y a les paroles du Christ.
Pour l’homme, le mariage c’est ce qu’il y a de mieux.
Pour l’homme et pour la femme, le mariage c’est ce qu’il y a de mieux.
Pour l’homme, la femme, l’enfant, les enfants c’est ce qu’il y a de mieux.
Pour la famille, les parents, les oncles, les cousins, le travail, les relations, la société, la nation, la paix, le mariage c’et ce qu’il y a de mieux.
Après vous faites ce que vous voulez. Et s’il vous arrive de dégonder vous aurez toujours à votre disposition, qui un curé, qui un évêque, qui vous concoctera un arrangement tel que vous continuerez à vous raser le matin sans que le reflet de votre image dans le miroir ne vous incline à faire un usage définitif de votre rasoir.
Ceci étant rappelé il convient d’évoquer les grandes peurs moyenâgeuses. Même pour le catho de stricte observance la déviation ce n’est pas forcément le pied. Perte du domicile, voire du boulot, problèmes pécuniaires, dégringolade relationnelle, recommencer la comédie avec un(e) autre- la même comédie, quitter sa rocoite vallée, perdre ses partenaires au jeu de boules et le pire qui est à venir : les enfants, le lien, le rapport, l’amour des enfants. Les voir un jour par semaine, un jour par mois, un jour par an, ne plus les voir. Les voir dans des circonstances particulières, inopportunes, désagréables, au cours de son activité professionnelle avec tous les risques.
Finalement la conférence de notre Abbé peut se résumer en une phrase : le mariage catholique n’est pas fait pour les bœufs.
Vous voyez? Ce qui me désole, Hector, C'est que dans votre chronique mondaine du déplacement du centre de gravité de la source du rayonnement de l'Eglise qui aurait cessé d'être européenne, vous vous réjouissiez qu'ait disparu "le cheminement pénitentiel" tout en banalisant que les préposés à la distribution du Corps du Christ que sont les prêtres ne s'opposent pas physiquement à ce que quelqu'un qui en est notoirement indigne mangent sa condamnation en le recevant de leurs mains, tout cela pour éviter un scandale public. Or le divin Maître n'était jamais avare d'un bon scandale public. Au contraire, Il a donné le pouvoir de délier, de lier et de relier en disposant du Sacrement à des hommes qui ne doivent pas se laver les mains de la condamnation du pécheur qui s'en approche indignement.
RépondreSupprimerIl y a moindre mal à séparer ce que Dieu a uni qu'à laisser manger dieu par un pénitent sans pénitence, dont le salut éternel peut ne pas s'en remettre. Du moins ppour quiconque est sérieux et ne fait pas de la discipline des sacrements une affaire géopolitique. Le "cheminement pénitentiel", où que ses promoteurs LE FASSENT s'arrêter trop tôt, a au moins le mérite de commencer avant de disparaître avec votre bénédiction. Et ce "cheminement pénitentiel" n'est que l'autre nom de la repentance, condition préalable de toute conversion, nous dit l'Evangile dès ses premières injonctions pour hériter du Royaume de Dieu qui s'est approché de nous.
N'avez-vous contre la repentance et le "cheminement pénitentiel" que d'être promus par de supposés laxistes? Vous êtes plus laxiste qu'eux en préférant voir disparaître la pénitence au profit d'un échange de mondanités sur l'origine ethnique de l'inspiration pastorale. Pardonnez-moi de ne pas vous suivre dans votre ethnocentrisme sacramentel!