dimanche 10 septembre 2017

Réponse à Albert 76 sur François

"Mon Père, je m'interroge, mieux: j'ai interrogé des prêtres. Ils ne m'ont pas donné de réponse. Peut-être trouvaient-ils ma question oiseuse? impertinente? Ce n'était pas mon intention. Alors je réessaye, peut-être aurai-je une réponse avec vous. Je schématise, et voila la question: COMMENT SE FIER AU JUGEMENT D'UN PAPE QUI RÉPOND NE PAS ÊTRE LA POUR JUGER ?"
Cher Albert 76, votre question est très importante, parce qu'en disant "Qui suis-je pour juger ?" le pape François a donné l'impression à certains de ne pas vouloir faire le pape, de s'abstenir de tout discours normatif, en se contentant, comme il le répète souvent, "d'accompagner", c'est-à-dire au fond d'approuver. L'objection est de taille et l'on ne s'en débarrasserait pas d'un revers de main.

Il y a une deuxième objection, celle au fond que vous formulez : le pape pose des jugements sur des personnes. Je pense aux pauvres Franciscains de l'Immaculée. Cette congrégation parfaitement reconnue, il l'a persécutée et c'est bien au nom d'un jugement personnel qu'il portait sur une manière d'être religieux qui ne lui plaisait pas. On ne sache pas, par exemple, que le pape blanc s'en soit pris au pape noir, quand ce dernier a dit que le diable n'existait pas. Cette affirmation d'un homme qu'il a fait nommer à la tête des jésuites, manifestement... il ne la juge pas. Il est donc très clair que le jugement du pape sur telle ou telle personne est obéré par des présupposés, au point qu'on peut penser qu'il a raison de dire : "Qui suis-je pour juger ?" et que cette question, il devrait parfois se l'appliquer à lui-même.

Le pape, dans sa fonction de pape, doit pourtant, en nom Dieu, juger des personnes. Mais la plupart du temps, cela doit passer par une procédure canonique. La distinction des trois pouvoirs n'étant pas théologique, le jugement du pape peut en droit se porter sur des personnes, non seulement celles qu'il nomme à tel ou tel poste, mais surtout celles qu'il condamne. Voilà pour ce que j'ai appelé ici la deuxième objection.

Revenons à la première: le pape s'abstient-il volontairement de tout discours normatif? Il est clair que par tempérament il fuit de tels discours, mais par fonction, il doit en assumer quelques uns. Ces discours ne portent pas sur des personnes, mais sont supposés refléter un discernement, en départageant la vérité et l'erreur. Dans ces circonstances, non seulement le pape peut juger, mais il doit juger.

Au fond la formule: Qui suis-je pour juger? est profondément juste si l'on en définit correctement l'objet. "Seul Dieu sonde les reins et les coeurs" répètent les prophètes de l'Ancien Testament. "Le jugement a été remis au Messie" lit-on en Jean V. Seul le Christ possède le droit de juger les personnes, parce que seul, en tant que Dieu, il les pénètre et les connaît vraiment. C'est ce que l'on voit sur le porche de nos cathédrales: le jugement rendu par le Christ, seul juste juge. Comme je le propose plus haut, il faut distinguer ici : juger les personnes et discerner leurs actions. "L'homme spirituel juge de tout" dit saint Paul. Cela ne signifie pas qu'il juge les gens en pénétrant les recès de leur cœur. Seul Dieu peut le faire. Mais cela signifie qu'il juge de toutes les situations, qu'il possède une intelligence particulière des situations, celle que donne la sagesse.

Dernier point: il nous faut donc nous abstenir de juger les autres, puisque nous ne les connaissons pas vraiment. Mais pas seulement les autres : nous-mêmes. Nous avons le plus grand mal à nous juger nous mêmes, nous avons toujours tendance à exagérer nos qualités, parfois aussi à exagérer nos défaut. Laissons nous juger par le Christ, ne nous laissons pas impressionner par les jugements que nous portons sur nous-mêmes et enfin, d'un autre côté, n'hésitons pas à discerner à juger des situations dans lesquelles nous nous trouvons. C'est à cela que le Saint Esprit lui-même nous pousse.

4 commentaires:

  1. « Il nous faut donc nous abstenir de JUGER les autres ». Il serait plus exact de dire : « il nous faut nous abstenir de CONDAMNER les autres » ! Car, vous-même, cher abbé de Tanoüarn, vous venez de porter un jugement (laudatif) sur le Saint-Père en intitulant votre précédent article : « Un pape fabuleux » !...

    Plus sérieusement, le pape François ne s’abstient pas de juger (en fait de condamner) les « idéologies » ou les pratiques qu’il nomme « traditionalistes » : il le fait d’une façon superficielle, au moyen d’une « petite phrase » mesquine et partisane, qui ne le grandit pas mais qui lui assure une popularité facile auprès des médias politiquement et religieusement corrects… Certes, il ne juge personne expressément, mais tout le monde aura compris qui est visé … et qui est protégé !

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  2. J'ai lu avec intérêt (et peut-être avec profit) ce que vous écrivez. Je vous remercie: vous avez répondu à mon interpellation. Mais pas vraiment à ma question. Je vous la précise donc: Je pensais moins au pape juge-des-personnes qu'au pape juge-des-situations. Non pas «le pape juge Untel» mais «le pape juge que...». Non pas «juger/condamner» mais «juger/estimer».

    Quand je juge que... c'est juste mon opinion personnelle - rien de plus. Mais je ne suis pas pape. Le pape, lui, a une parole performative. Pour les copains qui ne connaîtraient pas le mot, je l'explique: certaines personnes, quand les conditions sont réunies, ont une parole «performative», c'est-à-dire que la chose advient, du fait même qu'elles la disent. Au moment où le prêtre prononce les paroles de la consécration, de par le fait même qu'il les prononce, il la réalise. Idem du maire qui marie, idem du juge qui condamne. Idem du pape, donc: ses jugements, rejoignent le magistère authentique de l’Eglise, au moment où il les exprime… du moment qu’il les exprime.

    C'est là qu'est l'os hélas: quand (de bonne foi) on ne comprend pas. Voyez Amoris Laetitia: des cardinaux -plus sages et plus savants que moi- se grattent la tête. Ils ne sont pas sûrs de ce qu’il faut comprendre, alors ils posent la question au pape pour savoir s'il juge que ceci ou au contraire que cela. On appelle cela des dubias. Mais lui ne leur répond pas. Il ne leur répond seulement pas qu'il ne leur répondra pas.

    Il faut suivre le pape, me dit-on. Je veux bien. Le vrai problème, c’est quand le pape se tait. Ou semble indiquer tantôt une direction, tantôt l’autre. Un exemple? François rend hommage à Emma Bonino, et à ses engagements – cette femme politique se vante d’avoir pratiqué en personne plus de 10.000 avortements, c’est cette performance qui lui donne l’aura dont elle jouit dans son milieu. Peu de temps après, le pape parle contre l’avortement. Je veux bien suivre un pape-boussole, et s’il indique le sud je veux bien croire au malentendu (de ma part). Mais je ne sais pas suivre un pape-girouette, un pape qui par exemple rend hommage aux traditionalistes puis les agonit le lendemain, puis les chérit le surlendemain.

    Là dessus, je vois arriver quelques-uns de vos confrères en clergyman strict, accompagnés de quelques laïcs, blêmes d’indignation. Je les vois me demander qui je suis pour me poser ces questions, et pour les poser en ces termes. Je leur réponds d’avance: je suis ce type pas encore vieux mais plus tout jeune, qu’ils n’ont pas évangélisé. Je suis celui qui n’a vu ses parents dans une église qu’un guide bleu à la main. Je suis celui qui a attendu l’âge adulte pour faire son premier signe de croix. Je suis celui qui n’est pas sûr d’être catholique, mais qui aimerait bien. Je suis celui qui se demande s’il n’est pas plus prudent pour lui de renoncer à comprendre. Je suis celui qui perçoit qu’il ferait pas mieux de se tenir à l’écart de «tout cela», de lire Dom Guéranger mais d’éviter La Croix, L’Homme Nouveau et Fideliter, s’il veut préserver le peu de foi qu’il a. Ils n’aiment pas ce que je dis? moi non plus.

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  3. "Je suis celui qui ne suis pas sur d'être catholique, mais qui aimerait bien ". J'aime beaucoup votre phrase . Moi j'étais sure et puis ... tant le manque évident de charité de certains clercs que le préoccupant manque de raison d'un pape apparemment charitable me troublent beaucoup . J'ai pensé fugitivement ce matin que je m'étais peut être trompée de religion . Donc nous en sommes au même point . "je suis celle qui ne suis pas sure .."L'important reste de " bien vouloir " sans doute . Dieu nous vienne en aide

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    1. On peut toujours suivre les enseignements, dans les 4 Evangiles, ceux de la Vierge Marie dans ses apparitions avec Jésus-Christ qui les confirment, et comprendre que tout homme est soumis à la tentation, c'est pourquoi la récitation quotidienne du chapelet ( Credo..., Notre Père..., je vous salue Marie..., Gloire au Père...)est importante pour tous les chrétiens, pour rester dans la Paix de notre Sauveur.

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