O sacrum convivium in quo Christus sumitur. O le repas sacré dans lequel le Christ est la nourriture ! nous fait chanter saint Thomas à l'Office des Vêpres du Saint Sacrement. La messe a été instituée au cours d'un repas sacré et elle a été instituée comme un repas sacré, supplantant tous les autres repas sacrés, raison pour laquelle il n'y a pas trace de la manducation de la Pâque dans les récits des synoptiques (que l'on peut dater d'avant l'an 70), ni dans le récit le plus ancien des quatre qui nous soient parvenus, celui de saint Paul aux Corinthiens, que l'on s'accorde à dater de l'an 50.
Le repas chrétien n'est pas une anecdote ou un ajout par rapport au repas pascal juif. Il prend toute la place dans le récit évangélique. Ce sont les artistes - certains artistes : Albrecht Dürer dans telle de ses gravures - qui ont imaginé de dessiner un mouton devant le Christ maître de Maison, , mais dans le repas chrétien il n'y a pas de mouton ni d'agneau, le Christ est l'agneau de Dieu et c'est le Christ qu'on mange : "Si vous ne mangez pas ma chair et ne buvez pas mon sang, vous n'aurez pas la vie en vous" (Jean 6).
Ce repas est donc un repas bien particulier : Celse (et plusieurs graffiti redécouverts) accusait les chrétiens d'anthropophagie. Il s'agissait simplement du repas sacrificiel, qui caractérise tous les cultes païens, mais où, cette fois, ce ne sont pas des animaux qui sont mangés, mais le Christ est, qui est le centre unique de cette cérémonie, qui est l'agneau de Dieu. Louis Bouyer est précieux quand il nous redit le caractère sacrificiel de ce repas, même s'il le fait avec un peu de colère :
"Tous les sacrifices, dans leur matérialité, ont toujours été des repas. Bien sûr : des repas sacrés. Mais cela ne voulait nullement dire qu'ils n'en seraient plus vraiment, mais tout au contraire des repas ayant gardé et récupéré leur sens, leur réalité originelle".
"A cet égard, ajoute-t-il, rien de plus ridicule que la controverse qui, après le dernier concile, a si vivement opposé intégristes et progressistes. L'eucharistie, s'est-on demandé alors, est elle essentiellement repas ou sacrifice ? Mais la question est l'absurdité même. On ne peut même avoir l'idée de la poser que par un abâtardissement ultime de la pensée théologique ou se croyant telle. Il n'y a jamais eu en effet des sacrifices qui fussent autre chose que des repas" (Musterion jam cit. p. 361).
Il est donc absurde, à travers la thématique du repas eucharistique de chercher à échapper à la dimension sacrificielle de cet acte. Pas de repas eucharistique sans sacrifice, et pas de sacrifice qui ne se termine par un repas sacré. Mais le métabolisme sacré est inversé ; ce n'est pas notre nourriture qui devient ce que nous sommes, c'est ce que nous sommes qui se transforme dans ce qu'il reçoit. Nous verrons plus précisément dans Trois oblation, un sacrifice ce qu'il en est de la communion comme sacrifice.
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