lundi 13 juillet 2020

En état de mémoire...

La première prière après la consécration indique que, célébrant la présence réelle du Christ sous l'apparence du pain et du vin, nous faisons mémoire de sa passion, de sa résurrection et de son ascension, nous nous plongeons dans sa mémoire, comme il nous l'a expressément demandé, en même temps que nous agissons dans la consécration sacramentelle en mémoire de lui. Le mystère du Christ est un, c'est ce que nous observons. Réalisant sa présence sur l'autel, c'est sa mort, sa résurrection et son ascension - un seul mystère - que nous célébrons et dans lequel nous nous incorporons.
 
Pas de mort du Christ sans sa résurrection (ce serait insupportable, inadmissible en justice). Pas de résurrection sans ascension :"le corps du Christ semé corps psychique ressuscite corps spirituel" "et il est assis à la droite de Dieu". On a souvent cherché à partager le mystère du Christ, accueillant - tels les sociniens au XVIIème siècle - son enseignement moral, mais sans son invitation au sacrifice ; son invitation au sacrifice sans sa résurrection, son mystère d'homme mort et ressuscité mais sans sa nature divine qui lui donne sa place naturelle au Ciel. Enfin et surtout, nous ne pouvons célébrer la présence du Christ dans l'hostie si nous refusons le caractère surnaturel de son aventure de mort "toujours vivant pour intercéder à notre endroit". Le Mystère du Christ est Un et il est synthétisé dans le mystère de l'eucharistie. C'est Jésus mort pour nous que nous célébrons. Mais c'est Jésus vivant que nous adorons. 

Cette adoration n'est pas virtuelle, se souvenir n'est pas conceptuel; c'est la ressaisie du Christ vivant, parce que mort, ressuscité et finalement monté au Ciel comme en son lieu naturel. Il ne s'agit pas de se souvenir du Christ comme on se souvient d'un bon moment du passé. L'adjectif "memores" dans le texte latin, fait l'économie de toute action de se souvenir, action qui serait ipso facto marquée par le temps et qui donc pourrait se périmer. Nous sommes memores, en état de mémoire, Cet état ne se périme pas, il demeure semblable à lui-même, Cette mémoire ne change pas, c'est elle qui nous change : elle nous transforme comme parle saint Paul. Elle nous fait aspirer au banquet divin, elle suscite en nous un désir nouveau, qui est le principe de la foi, la première grâce qui nous fait désirer la communion eucharistique.

Elle nous permet de nous appeler nous-mêmes "serviteurs de Dieu", "peuple saint" et "peuple tien". Notre bien commun, c'est cette mémoire du Christ dans laquelle nous campons, où nous sommes installés, qui représente notre véritable patrie. Quand disparaît la mémoire du Christ au profit des impressions de l'aujourd'hui, quand nous ne savons plus prendre du recul face à la dictature de l'instant, alors disparaît en même temps le désir de Dieu

Tam beatae passionis... La passion est dite bienheureuse parce que c'est dans son sang versé que le Christ fait le bonheur de l'humanité. Je sais, cette vérité est ardue : depuis Fausto Socin, vers 1580, des chrétiens tentent de l'occulter. Il faut s'y tenir comme à la lectio difficilior/verior (la plus difficile et la plus vraie) de notre Évangile. Ce n'est pas parce que l'Evangile semble heurter notre sensibilité qu'il est faux, au contraire ! Si l’Évangile était le désir de l'homme, comme a dit Freud dans l'avenir d'une illusion, c'est à ce moment  qu'il deviendrait absolument faux, simple fantasme ou représentation aléatoire de ce désir. Vatican II qui a cherché à rejoindre le désir de l'homme, a appris à ses dépens que, depuis le péché originel, la vérité ne se trouve pas au bout du désir de l'homme, mais qu'elle fait naître un nouveau désir.
 
Necnon et ab inferis resurrectionis : de sa résurrection du séjour des morts : Jésus est descendu aux enfers  nous dit le Credo. Après sa mort il est allé prêcher aux morts, lit-on dans la Première Épître de Pierre (3, 19). Sa vérité est universelle, elle doit être connue même de ceux qui ont vécu avant lui sur cette Planète.
 
Sed et in caelos gloriosae ascensionis : son ascension est glorieuse, c'est de la gloire de Dieu qu'il s'agit. La gloire de Dieu et la gloire du Christ sont la même gloire. Qu'est-ce que la gloire ? La claire connaissance avec louange : on ne peut pas connaître le mystère du Christ sans être éclaboussée de cette gloire divino-humaine.

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