Certains sur le Forum catholique se sont émus de ce que frère Roger puisse éprouver la même inquiétude que Mgr Lefebvre. Nous savons que la vérité du christianisme, qui ne peut pas être objet de recherche purement humaine, elle se découvre en Jésus Christ, c'est en Lui qu'elle est possedée et approfondie. Ceux qui font de la vérité chrétienne un pur objet de recherche humaine trahissent Jésus-Christ et se condamnent à ne jamais recevoir ce qu'ils prétendent orgueuilleusement chercher.
J'ai noté ces dix lignes dans la biographie de Chiron (p. 159), parce que je me suis posé la même question que lui quarante ans après lui. Frère Roger soulignait qu'il y avait hérésie formelle à imaginer lorsqu'on est chrétien, que l'on ne connaît pas toute la vérité et que l'on doit la chercher ensemble. C'est le thème majeur de mon livre Vatican II et l'Evangile (épuisé et disponible sur le net).
Mais c'est aussi le thème de la conférence que le cardinal Ratzinger donna à Santiago du Chili, en juillet 1988, quelques jours après les sacres d'Ecône. De sa part, il y avait là un hommage très conscient à l'évêque excommunié. La question de la vérité est d'ailleurs aujourd'hui au centre de son enseignement.
Il est surprenant de voir que le Père Congar 'celui-là même qui reçut la confidence de Frère Roger après sa première visite à Jean XXIII, est lui-même incapable de cacher son inquiétude au sujet de la Déclaration Dignitatis humanae. Sa lucidité manifeste un grand théologien, capable de mettr en cause l'une des principales réalisations de son parti au Concile :
"Notre Déclaration (DH) dont j'admets la doctrine, va avoir des conséquences imprévisibles pendant deux ou trois siècles (sic). Je suis convaincu qu'elle aura de bons fruits : elle dissoudra des amoncellements de méfiance envers l'Eglise catholique. Mais il ne faut pas nous illusionner : elle apportera pratiquement de l'eau au moulin de l'indifférence religieuse, et de cette conviction aujourd'hui si répandue que toutes les règles de la moralité sont dans la sincérité et dans l'intention subjectives.
"Cette disposition nous ne la créerons pas. Elle existe. Mais il nous revient dans le sentiment de notre responsabilité pastorale, de tout faire quant à nous contre ces dispositions fausses.
"Je n'ai pas grand succès. Je vois que mes collègues ne sentent pas les choses comme moi sur ce point. Je puis tout de même sauver un paragraphe sur la liberté de l'Eglise, en tant que droit divin positif, irréductible au droit commun, fondé, lui, dans la liberté et la dignité naturelle de la personne humaine" (Yves CONGAR, Mon Journal du Concile, éd. 2002, tome 2 p. 370).
Je ne prétends pas ici que l'on me comprenne bien, que Yves Congar était traditionaliste, mais je dis qu'il a saisi, l'un des premiers (et comme Frère Roger) le problème qu'il y a à mettre la liberté de conscience au dessus de la vérité chrétienne. En théologien chevronné, il insiste sur cette vieille thèse élémentaire que le droit de l'Eglise dans la société n'est pas le droit commun (le droit des associations en France par exemple), mais le droit que lui donne la vérité transcendante (sur Dieu et sur l'homme) dont elle est chargée.
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