lundi 23 juin 2008

Paganisme et christianisme


Le christianisme s'est heurté au paganisme. Il y a eu les martyrs chrétiens d'une part, les dégâts architecturaux et artistiques commis par le christianisme triomphant d'autre part. Mais surtout il y a eu cette assimilation du paganisme au christianisme, qui représente bien le catholicisme romain. Il existe par exemple une lettre de saint Grégoire, pape à Rome, à Augustin de Cantorbery, le moine qu'il a envoyé évangéliser l'Angleterre. Redoutable ! C'est d'une manière parfaitement consciente que Grégoire demande d'utiliser les anciennes fêtes païennes, de s'installer sur les lieux sacrés des païens etc. le christianisme exauce sans complexe l'attente de l'âme humaine. Il est, disait déjà saint Paul, une sorte d'accouchement pour l'humanité qui, avant lui, gémissait dans les douleurs de l'enfantement (Rom. VIII). Il est la bonne nouvelle du Dieu fait homme qui prélude à la divinisation de l'homme.


Saint Augustin dans la Cité de Dieu distingue après Varron trois types de religion avant le Christ, la religion poétique ou mythologique, la religion civique et la religion cosmologique. Les païens relèvent de telle ou telle de ces dimensions religieuse. leur religion est peut-être juste un rite (religion mythologique), elle pourrait aussi n'être qu'au service de la Cité (religion civique). Mais elle peut être encore une sorte de contemplation commencée du cosmos, qui finit par une allégeance au Dieu qui a fait le cosmos. Le paganisme cosmologique (ou philosophique), pour reprendre la classification d'Augustin, est évidemment le premier qui soit gagnable par la prédication chrétienne. Saint Paul déjà l'avait compris à Athènes, lors du fameux discours sur l'Aréopage (Actes des ap. 17). Les Pères de l'Eglise parlent très vite de semences du Verbe (saint Justin) ou de préparation à l'Evangile (S. Eusèbe de Césarée), même si certains d'entre eux comme Tertullien, savent voir les incompatibilités qui demeurent entre foi et philosophie. Ecoutez le dans le De praescriptionibus : "Qu'y a-t-il de commun entre Athènes et Jérusalem, l'Académie et l'Eglise, les hérétiques et les Chrétiens. Notre secte vient du portique de Salomon qui nous a enseigné à chercher Dieu avec un coeur droit et simple. A quoi pensaient ceux qui voulaient nous imposer un christianisme stoïcien, platonicien, dialecticien ?". C'est évidemment contre les gnostiques qu'il en a, parce que leurs groupes pratiquent l'inculturation du message chrétien à la culture grecque, au point d'oublier le premier Testament et de renier l'idée de l'unicité de Dieu. Saint Augustin, au livre VI de ses Confessions, saura à la fois rendre hommage à la pensée néo-platonicienne et souligner que ces païens-là ne comprennent pas l'humilité du Dieu qui est venu dans la chair.


Entre paganisme et christianisme, il y a donc des rapports complexes, faits d'admiration pour la culture grecque (saint Paul déjà cite le poète grec Aratus) et de méfiance pour l'hérésie.


Et puis il y a ce que j'appellerais le néopaganisme d'un Julien l'Apostat. Elevé en chrétien, ce lointain cousin de l'empereur Constantin (celui qui s'est converti et qui a converti l'empire d'occident par l'Edit de Milan en 313) est redevenu païen. Et il rend obligatoire dans l'empire le culte du Soleil invaincu. Il y aura sous son règne beaucoup de martyrs. Il initie de haut ce que Pierre de Labriolle appellera de façon assez parlante la réaction païenne.


Païens natifs ou païens réactionnaires s'opposent au christianisme, mais trouvent très vite en face d'eux de grands esprits qui incorporent l'hellénisme au christianisme. Je pense à Origène, qui a à Alexandrie, le même maître que Plotin, Ammonius Sakas. Plotin parlera toujours de son condisciple avec respect... (voir sa Vie par Porphyre). Et il faut bien dire qu'historiquement, entre ces deux géants, la victoire revient à Origène.


En un autre sens, à Ratisbonne, en 2006, le pape Benoît XVI parlera de la déshellénisation du christianisme. Un christianisme qui aurait perdu la source grecque ne serait plus que l'ombre de lui-même. Sa défaite historique serait programmée.

5 commentaires:

  1. Une question qui me chiffone et dont lq réponse aidera ma petite apologétique personnelle:
    - Qu'est ce que le Christ a prévu pour ceux qui sont morts avant lui? On peut imaginer que les Juifs qui respectaient la Loi étaient un peu avantagés, mais quid des autres?
    - Et le néo-païen habituel non baptisé, qu'est ce qui l'attend?
    En principe, l'Enfer, mais est-ce que c'est Charité pour des gens qui n'ont jamais entendu vraiment parler du Christ?

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  2. S'il y a bien un pape coupé des Grecs, c'est Benoît XVI. Sauf de Platon, comme tous les Allemands et... saint Augustin.

    Ce n'est pas le premier Allemand qui confond Athènes avec le pastiche que constitue l'Empire romain.

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  3. Pour anonyme : sur ceux qui vivaient avant le Christ, voyez comment d'après la première épître de Pierre III, 19, le Christ est allé prêcher aux enfers à l'attention des justes qui l'y attendaient.
    Quant aux néo-païens... leurs polémiques antichrétiennes les rendent plus proches qu'ils ne le pensent du christianisme. Ce qu'ils trouveront de l'autre côté du voile ? La justice. Dieu rendra à chacun son dû. Pas de loi générale, quand c'est le Christ qui juge (Jean V et le tympan de nos cathédrales). Le jugement ? Une intense épreuve personnelle. Le Christ nous prévient de ne pas nous mettre à la place du Juge : Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés.

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  4. Pour lapinos :
    Pastiche Rome ? Comme vous y allez. Quelque chose qui a duré dix siècles (sans compter l'empire byzantin qui a continué à exister jusqu'en 1453 ne peut pas être du pastiche !
    Quant à la Grèce... Chacun la sienne. C'est sûr que si vous en excluez Platon, votre Grèce est bien particulière...

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  5. "Pierre III, 19, le Christ est allé prêcher aux enfers à l'attention des justes qui l'y attendaient."

    Je lis:
    " il est allé prêcher aux esprits en prison, qui autrefois avaient été incrédules, lorsque la patience de Dieu se prolongeait, aux jours de Noé"

    'prison' signifie-t-il vraiment 'Enfer'? Ou bien il ne s'agirait plutôt pas d'une espèce de Limbes, pour ceux qui n'ont pas pu connaître le Christ (Enfants non baptisés, handicapés cérébraux, etc... )

    Ou alors, on pourrait imaginer que les personnes n'ayant pas connu le Christ (Pour des raisons chronologiques ou géographiques) mais ayant la capacité mentale de le connaître, seraient jugés sur les bases de la Loi Naturelle (Celle du Bon Samaritain, en quelque sorte), qui serait une forme d'équivalence permettant d'intégrer le Paradis, le Purgatoire ou les Enfers.

    Ce qui me gêne toutefois est cette espèce de relativisme qui fait que des âmes seraient jugées sur des critères éventuellement différents.

    Ce qui me gêne aussi à propos des Limbes est qu'elles opérent un tri binaire entre ceux qui peuvent pécher et ceux qui ne le peuvent pas. Or, en pratique, la limite est floue, et donc sujette à l'arbitraire, ce qui est inimaginable de la part de Dieu.

    Faut-il en conclure qu'il existerait entre les Limbes d'une part, et les Enfers+Paradis+Purgatoire d'autre part, une zone floue, variant progressivement de l'ignorance du mal, à sa pleine connaissance?

    Un peu loufoque, mais ça a l'air de se tenir, non ?

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