samedi 13 septembre 2008

Benoît XVI recrute...

C'est en ces termes que le quotidien Libération, dans un article par ailleurs plutôt neutre, publié sur son blog, relate la messe de ce matin aux Invalides. "260 000 personnes à l'opération de recrutement de Benoît XVI". Et de citer le Saint Père, d'abord dans un style très wojtylien : "N'ayez pas peur de donner votre vie au Christ. Puis dans un style quasi-lefebrien, au terme d'une longue évocation du Saint Sacrifice de la Messe : "Rien ne remplacera jamais une messe pour le salut du monde".

Alors que le nombre des entrées au Séminaire de Paris diminue dangereusement, un tel appel en un tel lieu et à un tel instant (le plus solennel de sa visite) n'est pas fortuit. Le pape espère bien toucher quelques jeunes hommes en leur demandant d'être avant tout "les hommes de la messe", les hommes qui, selon le terme théologique, "confectionnent" et sont seuls capables de confectionner le sacrifice de la messe.

Et il donne la raison pour laquelle ces jeunes hommes doivent répondre à l'appel. Il ne s'agit pas d'une réponse intérieure. Il ne s'agit pas de faire le bilan d'une expérience intérieure, il ne s'agit pas de savoir si le Bon Dieu ou votre ange gardien vous a un jour tapé sur l'épaule droite pour vous inviter à le suivre. il s'agit d'un argument objectif, purement externe, que je serais tenté d'appeler "ontologique", tellement il est pesant, oui tellement il s'impose à notre considération : "Rien ne remplacera jamais une messe pour le salut du monde".

Pourquoi le jeune homme doit-il répondre présent à l'appel du pape ? Pourquoi l'appel du pape est-il l'appel de Dieu même ? Parce que Dieu même a voulu se contraindre à utiliser ce moyen humain qu'est le sacerdoce, reçu par une poignée d'hommes toujours indignes, pour sauver le monde.

Que faut-il pour devenir prêtre ? Un contact direct avec Dieu ? Bien sûr que non : ce serait condamner les prêtres à l'imposture à un moment ou à un autre... Qui peut se targuer, sans mentir, d'être en contact permanent avec Dieu ?

Vous me direz :" Personne ne donne ce qu'il n'a pas. Le prêtre qui donne Dieu doit donc avoir Dieu". Et vous conclurez peut-être : moi je n'ai pas Dieu en moi. je ne suis donc pas concerné par cet appel.

Mais cet argument est faux. Le prêtre ne donne pas ce qu'il a, comme le remarquait déjà Bernanos de manière poignante dans le Journal d'un curé de campagne. le prêtre donne ce qu'il est. Il donne le pouvoir surnaturel qui, au jour de son ordination, l'a fait être autrement. ce pouvoir nouveau qui est le sien, il n'en connais d'ailleurs pas lui-même toute l'extension. "Si le prêtre savait, il en mourrait" disait le Curé d'Ars. Non seulement le prêtre ne donne pas ce qu'il a, mais il ne sais pas ce qu'il donne. il donne toujours plus (au moins s'il est respectueux de son sacerdoce) que ce qu'il croit donner. il donne Dieu. il donne le pouvoir que Dieu s'est ménagé dans le monde créé pour le salut de ce monde, ce pouvoir (exousia, potestas) dont jouit sur le coeur de Dieu chacun de ses enfants, pouvoir de devenir éternel. Il communique aux chrétiens qui sont "un peuple de prêtres" ce pouvoir qui est devenu le sien par son ordination ministérielle. Il est préposé à donner ce pouvoir qui le dépasse, qui le transforme à son propre insu en un donneur de Dieu, donnant non ce qu'il possède mais ce qu'il est.

Qu'est-ce qui est nécessaire pour faire un prêtre ? Au-delà des voies inscrutables de la Providence, matérialisées dans l'appel de l'évêque qui conclut la période de formation, ce qui est nécéssaire à un prêtre, c'est l'esprit de service. Le prêtre est "ministre", essentiellement ministre, ministre des dons de Dieu. Qu'est-ce qui fait un bon ministre, sinon son aptitude (constatable, concrète, vérifiable) à servir celui dont il est le ministre. S'il y a une prédisposition au sacerdoce, c'est cette ressemblance particulière avec le Christ, qui a dit, lui-même, le soir de sa Passion : "Voici que je suis au milieu de vous comme celui qui sert". Le reste, tout le reste est providentiel, c'est-à-dire insondable.

L'appel si profondément surnaturel, si réaliste, si objectif qu'a lancé Benoît XVI aux jeunes de France tout à l'heure m'a paru conforme aux théories théologiques les plus extrinsécistes sur la vocation, celle par exemple que développa au début du siècle dernier le Chanoine Lahitton, avec la bénédiction (à l'époque) du pape saint Pie X. Puissance traditionnelle de benoît XVI, même en un domaine où on ne l'attendait pas.

On me dira que je ne parle pas ici des vocations religieuses en général et des vocations féminines en particulier. Je crois que ces vocations-là, vocations à la perfection par et dans les voeux, vocations à l'offrande totale, holocaustes spirituels, sont d'un autre ordre que les vocation sacerdotales. Elles manifestent non seulement l'esprit de service mais un amour fou, qui donne tout sans rien exiger en retour. Qui dira un coeur de jeune fille qui, silencieusement et dans l'incompréhension générale, s'offre à son Seigneur ? Ces choses me semblent trop hautes pour que quelques lignes suffisent à les élucider... La vocation sacerdotale est vocation à un service d'Eglise et l'Eglise, depuis le commencement, a réfléchi sur les conditions de l'appel et sur la réponse à lui donner. La vocation religieuse relève d'un ordre plus secret, amoureux, tellement personnel... A celle-là s'applique le mot célèbre du chapitre 12 du Livre de Tobie : "Il est bon de tenir caché le secret d'un roi"

6 commentaires:

  1. Merci, M. l'Abbé, de ce commentaire sur ce merveilleux sermon du Pape qui nous montre comment exprimer de façon moderne la doctrine éternelle de l'Eglise... loin de la praxis lefebvrienne, malheureusement, qui ne sait que répéter avec les mots du XIXème des vérités qu'elle déforme pour finir par les rendre rigides voire insupportables (désolé de cette pointe de polémique, mais il me semblait nécessaire de répondre à votre qualification des propos du Saint Père sur le Saint Sacrifice et l'expression de Messe pour le monde -ou sur le monde- est d'ailleurs plus theillardien que lefebvrien !)
    Oui, grâce à lui, ce Benedictus qui venit in nomini Dominus, nous comprenons enfin l'effort de l'Eglise pour se mettre à la portée d'un monde contemporain qui est arrivé à tout comprendre, sauf Dieu...
    Nous comprenons mieux la place et le rôle du Pape et scrutons désormais ses discours avec le coeur, au lieu de vouloir les passer au crible de ce que nous avons cru comprendre de la Tradition...

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  2. Encore moi... Pour dire que, après la lecture des sermons du Saint Père d'hier et de ce jour, il est évident qu'il connaît particulièrement bien son public français dans son Histoire et même ses névroses ! Son insistance à mettre en lumière la Croix, le Sacrifice eucharistique, la Rédemption du péché ici en France, montre sa parfaite connaissance des faiblesses du catéchisme gallican et des évêques chargés de l'enseigner !... Il répond aussi aux nombreux tradis qui estimaient que la dimension sautériologique s'estompait peu à peu dans l'enseignement officiel de la foi.
    Aux Vêpres, il faut noter l'insistance avec laquelle il souligne la nécessaire beauté de la liturgie (il a dû tomber par hasard sur le "Jour du Seigneur" et rester atterré du style local...)
    Bref, par ces rappels des fondements de notre foi, le Pape redonne les contours de notre espérance et l'avant dernier paragraphe aux Invalides répond en tous points à ceux qui douteraient le plus profondément : Il reste avec nous, par son Eglise, jusqu'à la fin des temps. Cette promesse du Christ si bien soulignée par Léon XIII dans Satis Cognitum, Benoît XVI la rappelle pour rassurer les plus extrémistes d'entre nous : l'indéfectibilité de l'Eglise est un dogme de foi.
    Quant aux propos sur la très Saint Vierge Marie, jusque dans l'angélus du jour, ils sont éblouissants de délicatesse pour la Patronne Première de notre Pays.

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  3. D'accord avec Antoine sur la " praxis lefebvrienne, (...), qui ne sait que répéter avec les mots du XIXème des vérités qu'elle déforme pour finir par les rendre rigides voire insupportables", notre Saint Père est aux antipodes de cette rigidité !
    Mais également très loin de l'arrogance de ces MM du "Pélerin" et de "La Vie" qui s'offusquaient dimanche soir sur KTO de l'amour du Pape pour les éléments de la liturgie traditionnelle comme le respect de la Sainte Hostie reçue à genoux, voire du fait que le Pape n'ait pas suffisamment souligné le rôle des laïcs dans l'Eglise, mettant en avant surtout les prêtres [rien de plus normal, dans le discours aux Evêques!mais ces MM n'avaient pas l'air de comprendre].

    Bref, la mesure en toute chose, bien que "personne ne soit de trop dans l'Eglise" comme dit le Saint Père, c'est Rome qui reste l'unique boussole pour nous faire garder le cap sur le Chemin, la Vérité et la Vie.

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  4. Quelle méchanceté gratuite (de la part d'Antoine et annonyme) à l'égard de la "mouvante" lefebvriste, dans la droite ligne des journaux anti-cléricaux.
    Ce ne sont pas vos paroles qui préparent la paix.

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  5. 'journaux anti-cléricaux' ?
    messages remplis de respect du rôle central du Successeur de Pierre, aujourd'hui notre Pape Benoît : antoine - très inspiré, anonyme - très équilibré. je suis étonné de cette évocation de la presse anti-cléricale, il suffit de regarder le 'canard enchaîné' voire l'article dans le 'monde' du week-end d'une protestante très agressive à l'égard du catholicisme pour voir la différence

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  6. Pour l'anonyme qui me trouve "méchant" !... faut-il lui rappeler que c'est la FSSPX qui vient, par la voix de son supérieur, de traiter d'entourloupette (sic !) les propositions de Benoît XVI pour trouver une solution de sortie de crise, qui vient de traiter très durement les instituts ED appelant leurs prêtres de ralliés et interdisant à ses fidèles d'assister à leur messe ?
    Franchement, si la FSSPX voulait la paix, ça se saurait, depuis le temps, non ?!
    Elle attaque tous azimuts comme si la vie de l'Eglise était un combat politique... Cette attitude est qualifié, à raison, de maurrassienne par certains et c'est tout le fond du problème qui n'est pas vraiment doctrinal, c'est de plus en plus évident...

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