Après la conférence de Sylvie Chabert d'Hyères sur la tradition manuscrite des textes sacrés (40 personnes pour un sujet difficile d'accès), je reste ébloui par les prodigieuses potentialités de la lecture de l'Évangile. Prodigieuse potentialité ? Cela signifie une merveilleuse liberté d'interprétation. Non pas l'interprétation dite spirituelle dont, si on sait où elle commence (dans le texte), on ne sait jamais où elle s'arrête (à contre texte, à contre sens aussi peut être). Mais une interprétation littérale qui n'est pas littéraliste, qui prend acte de ce que saint Thomas d'Aquin appelait déjà à la fin de la Première Question de la Première Partie de la Somme théologique la multiplicité des sens littéraux. En l'occurrence, la conférencière, spécialiste du Codex Bezae (un codex lyonnais antique, sauvé par Théodore de Bèze, qui l'a arraché des mains fanatiques de son coreligionnaire le Baron des Adrets), milite sans doute même pour une certaine pluralité scientifique de la lettre elle-même, puisqu'on trouve dans ce Codex de Bèze la version dite "occidentale" que l'on n'a ni dans le Vaticanus ni dans l'Alexandrinus.
Il faut aimer la lettre de l'Évangile et faire saillir les richesses de sens qui s'y trouvent cachées. Il faut veiller, avec un soin jaloux, à la scientificité, à l'exactitude de cette lecture, non par littéralisme ou par fondamentalisme, mais parce que le sens spirituel est décidément trop flou pour nous renseigner sur ce que Dieu nous demande vraiment et sur "ces choses cachées depuis la fondation du monde" qu'il nous fait découvrir dans la lettre du texte biblique.
Il y a un paradoxe à le dire mais allons-y gaiment : j'ai toujours préféré le Père Lagrange, de l'Ecole biblique de Jérusalem, à saint Augustin et au concert patristique... comme exégète. Saint Augustin est un éloquent maître théologien, mais la signification symbolique qu'il donne au 153 poissons de la deuxième pêche miraculeuse, au terme d'une savante arithmétique, ne m'a jamais vraiment intéressé. Le Père Lagrange s'est trompé parfois, mais sa lecture exigeante du texte sacré a toujours augmenté ma foi, en me donnant le bonheur de comprendre quelque chose du texte que je n'avais pas saisi par moi même.
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