Je pose la question en m'inspirant de la distinction que fait opportunément l'anonyme qui intervient en commentaire du post sur Auschwitz et la culture.
Dans le langage courant, une voiture banalisée c'est une voiture de police que rien ne distingue des autres voitures, une voiture de marque française, de couleur blanche etc. La plus ordinaire.
Eh bien ! La banalisation du mal est souverainement dangereuse. Il s'agit de faire comme si le mal n'était pas le mal, comme s'il s'agissait de la chose la plus naturelle du monde etc. Cette banalisation du mal est sans doute la suprême ruse du diable, qui, quand il ne sait plus quoi inventer se banalise et, comme dirait Baudelaire, fait croire qu'il n'existe pas. Elle est tellement dangereuse que l'on peut se demander (c'est ce que j'avais fait en quelques lignes) si elle est possible sans un fond de mauvaise foi.
Expliquer Auschwitz et la terreur bolchevique par la banalité du mal, c'est au fond renoncer au scandale du mal, c'est accepter que le mal puisse se banaliser. Je crois que les analyses de Sartre sur la mauvaise foi (cette faculté qu'a l'homme de se mentir à lui-même) seraient de circonstance. Il me semble que parler de la banalité du mal, c'est accepter qu'on le maquille... comme on maquille une voiture volée ou comme se maquille une fille qui a trop servi pour jouer encore les produits d'appel.
Le Christ dans l'Évangile vient nous révéler non pas la banalité mais la gravité du mal. C'est dans la mesure où nous comprenons cette gravité que nous aspirons à la rédemption. Au contraire, si nous consentons à la banalité du mal (version Arendt au Procès Eichmann ou version Polnareff "On ira tous au paradis, on ira"), nous nous ôtons toute chance de considérer que le salut est proche de nous ou que, comme dit saint Paul "là où le péché a abondé, la grâce surabonde".
Aussi étonnant que cela puisse paraître aux Pharisiens, c'est le péché qui descelle les verrous de l'âme et l'ouvre à la grâce. Le péché, si vous l'extrayez à la hâte d'un catalogue, peut être parfaitement banal. Mais si vous avez le courage de reconnaître votre péché comme un acte personnel, qui dénote telle faiblesse ou telle faille, si vous avez le courage, ce péché, de le regarder un instant, non seulement il n'est pas banal mais toujours atroce, mais il devient salutaire parce que la conscience de notre faiblesse nous pousse dans les Bras de Dieu.
Ne cédons jamais à la mauvaise foi qui nous fait banaliser le mal lorsqu'il vient de nous et parce qu'il vient de nous.
Ne cédons pas non plus au péché d'orgueil en nous permettant de juger des péchés des autres sur les apparences, comme si le mal n'était pas toujours au-delà des apparences, dans les intentions. N'oublions pas qu'en dehors de nous et plus exactement que nous même pour nous mêmes, le seul juge est Jésus Christ, à qui "le jugement a été remis" (Jean 5). La banalisation des jugements téméraires, de la diabolisation et des foules lyncheuses est le piège ultime.
Dans le langage courant, une voiture banalisée c'est une voiture de police que rien ne distingue des autres voitures, une voiture de marque française, de couleur blanche etc. La plus ordinaire.
Eh bien ! La banalisation du mal est souverainement dangereuse. Il s'agit de faire comme si le mal n'était pas le mal, comme s'il s'agissait de la chose la plus naturelle du monde etc. Cette banalisation du mal est sans doute la suprême ruse du diable, qui, quand il ne sait plus quoi inventer se banalise et, comme dirait Baudelaire, fait croire qu'il n'existe pas. Elle est tellement dangereuse que l'on peut se demander (c'est ce que j'avais fait en quelques lignes) si elle est possible sans un fond de mauvaise foi.
Expliquer Auschwitz et la terreur bolchevique par la banalité du mal, c'est au fond renoncer au scandale du mal, c'est accepter que le mal puisse se banaliser. Je crois que les analyses de Sartre sur la mauvaise foi (cette faculté qu'a l'homme de se mentir à lui-même) seraient de circonstance. Il me semble que parler de la banalité du mal, c'est accepter qu'on le maquille... comme on maquille une voiture volée ou comme se maquille une fille qui a trop servi pour jouer encore les produits d'appel.
Le Christ dans l'Évangile vient nous révéler non pas la banalité mais la gravité du mal. C'est dans la mesure où nous comprenons cette gravité que nous aspirons à la rédemption. Au contraire, si nous consentons à la banalité du mal (version Arendt au Procès Eichmann ou version Polnareff "On ira tous au paradis, on ira"), nous nous ôtons toute chance de considérer que le salut est proche de nous ou que, comme dit saint Paul "là où le péché a abondé, la grâce surabonde".
Aussi étonnant que cela puisse paraître aux Pharisiens, c'est le péché qui descelle les verrous de l'âme et l'ouvre à la grâce. Le péché, si vous l'extrayez à la hâte d'un catalogue, peut être parfaitement banal. Mais si vous avez le courage de reconnaître votre péché comme un acte personnel, qui dénote telle faiblesse ou telle faille, si vous avez le courage, ce péché, de le regarder un instant, non seulement il n'est pas banal mais toujours atroce, mais il devient salutaire parce que la conscience de notre faiblesse nous pousse dans les Bras de Dieu.
Ne cédons jamais à la mauvaise foi qui nous fait banaliser le mal lorsqu'il vient de nous et parce qu'il vient de nous.
Ne cédons pas non plus au péché d'orgueil en nous permettant de juger des péchés des autres sur les apparences, comme si le mal n'était pas toujours au-delà des apparences, dans les intentions. N'oublions pas qu'en dehors de nous et plus exactement que nous même pour nous mêmes, le seul juge est Jésus Christ, à qui "le jugement a été remis" (Jean 5). La banalisation des jugements téméraires, de la diabolisation et des foules lyncheuses est le piège ultime.
Je suis peut-être hors sujet, mais je voudrais réagir sur votre utilisation de l'expression "banalité du mal".
RépondreSupprimerM. l'abbé, ne faites vous pas un contresens ? Je n'ai pas relu Hannah Arendt depuis fort longtemps, mais il me semblait qu'elle comprends "banalité du mal" au sens de "vulgarité du mal". Entendons par là que la capacité à commettre le mal le plus atroce n'est pas réservée à une petite élite de criminels "monstrueux", "inhumains", mais est le propre de l'ensemble des hommes (un chrétien ajoutera "depuis la Chute").
Le cas d'Eichmann, qui n'a rien d'un psychopathe, est édifiant : un homme "banal", qui n'a pas l'impression de commettre des crimes graves, seulement de la lâcheté, se retrouve, du fait de la "structure de péché" mise en place par le régime nazi, à participer activement et consciement à la destruction des Juifs d'Europe. Ce qu'Arendt nous apprend, c'est qu'entre nos "petits péchés" d'hommes moyen et ceux des criminels, il n'y a pas de différence de nature. Juste de circonstances et d'intensité.
Bref, il ne me semble pas que la pensée d'Arendt soit choquante pour un chrétien. N'oubliez pas que si elle parle de "banalité du mal" dans Eichmann, elle parle aussi de la "radicalité du mal" dans Les origines du totalitarisme.
Bien à vous,
vhp
L'avortement, voila un mal banalisé.
RépondreSupprimerL'avortement n'est jamais banal pour autant.
Or nos gouvernants en banalisant l'avortement par la loi on fait un mal plus grand certainement que tout ce qui peut avoir été.
Première banalité du mal: l'existence, en plus de gros péchés "énormes", de plein de petits manquements, d'occasions ratées, de micro-lâchetés. Pris isolément, rien de dramatique. Mis bout à bout, on obtient trente ou cinquante ou quatre-vingts ans d'une vie somme toute très banale.
RépondreSupprimerDeuxième banalité du mal: que le péché énorme, quand on le commet, ne s'accompagne d'aucun grondement de tonnerre. Madame X trompe son mari, monsieur Y commet une forfaiture pour avoir une promotion. La veille encore ils ne s'en savaient pas capables, et pourtant. Ni vu ni connu. Le sol ne s'entrouvre pas sous leurs pas, autour d'eux la vie des autres continue, et la leur aussi, banale.
Troisième banalité du mal: les grands criminels de l'histoire (Hitler, Staline, Eichmann puisque vous donnez cet exemple) sont des gens normaux. Ils organisent la mort de millions de personnes mais à part cela si l'on ose dire, ce sont aussi respectivement: un tonton affectueux, un papounet gâteau, un mari attentionné (et quand bien même ils seraient infects? leur crime est sans échelle commune avec leur méchanceté). A part ça, donc, ce sont des gens comme vous et moi - et réciproquement, et c'est ça qui est effrayant. Ils sont banals.
Pour faire passer une idée on peut écrire un gros livre de philosophie, on peut aussi écrire un roman. C'est la technique de Georges Steiner dans Le transport d'A. H., il raconte comment quatre agents israéliens retrouvent Hitler nonagénaire caché en Amazonie, ils le ramènent sur leur dos au travers de la jungle. Un des sujets du livre, c'est qu'en plus d'être LE criminel, c'est aussi un vieux monsieur ("...Laissez le vous adresser la parole et c'est un homme que vous entendrez alors. Couvert de plaies, les viscères en besoin, suant et affamé comme vous et manquant de sommeil. S'il réclame à boire, remplissez sa gourde. S'il devait répéter sa demande, il ne serait déjà plus un étranger...".) Bref: c'est aussi un vieux monsieur pour ainsi dire banal.