jeudi 12 novembre 2009

Identité catholique...

Je suis impatient de connaître l'enseignement de nos évêques sur l'identité catholique, thème principal de l'Assemblée de Lourdes cette année. On attend sur le sujet un nouveau "Rapport Dagens" de vingt cinq pages. Il n'est toujours pas rendu public, plusieurs jours après la clôture des travaux de Nosseigneurs.

Comment savoir ? Reste Internet. Je suis allé surfer sur différents sites, glaner telle ou telle déclaration publique de Mgr Dagens, pour essayer de comprendre ce qu'il entend par l'identité catholique.

Il faut reconnaître qu'aborder ce thème au moment où M. Sarkozy a demandé à Eric Besson d'organiser un débat franco-français sur l'identité nationale... c'est amusant. Tout se passe comme si, parti du thème de la visibilité de l'Eglise dans la société actuelle, Mgr Dagens avait rencontré, incontournable, comme une statue du Commandeur, le thème terrible de l'identité catholique.

Comment va-t-il héler le Commandeur ?

Il répète à plusieurs reprises que ce qu'il cherche ce sont "les exigences durables de notre foi". Merveilleux adjectif, si branché, et qui, se substituant à l'adjectif "traditionnel" dit néanmoins exactement la même chose : il faut transmettre ce qui est durable et oublier ce qui est circonstanciel.

Ce qui est durable? C'est "l'exigence de vérité" qui est en chacun de nous dit l'évêque. Magnifique programme! Le désir de vérité est en effet le seul désir qui ne s'anéantit pas dans sa satisfaction, le seul qui survive encore et encore à nos satiétés consuméristes. C'est avec le désir de vérité au coeur que l'on va au Ciel.

Le grand souci de Mgr Dagens? il apparaît très clairement dans son Discours de réception à l'Académie française le 14 mai dernier. Il faut laisser ce désir de vérité s'exprimer dans son authenticité native et ne pas le perturber en se crispant sur toutes formes d'"intransigeantisme".

Ah! L'intransigeantisme... Une belle invention des sociologues du catholicisme, René Rémond, Emile Poulat, Gabriel Le Bras et quelques autres. Les étiquettes font les hommes. L'intransigeantiste, vous le sentez, c'est celui avec lequel on n'aimerait pas partager un voyage au hasard d'un compartiment de chemin de fer. Celui que l'on ne cherchera pas, au dégotté, à inviter pour boire un verre au comptoir. Pourquoi ? Il est intransigeant. Il est fixe sur ses positions, raide dans ses bottes. Droit comme un piquet, il est tenu par son costume amidonné, plus encore que par ses convictions. C'est qu'il a souvent un uniforme, barbours pour les hommes, Cyrillus pour les femmes...

Personnellement, je ne me reconnais dans aucune forme d'intransigeance, car l'intransigeance est toujours l'attitude de quelqu'un qui est perdu en lui-même et qui ne sait pas échanger avec les autres. J'avoue que, combattant de toutes mes forces contre l'autonomie kantienne en morale, je ne me vois pas enfermé dans une forme quelconque d'intransigeance. On a toujours besoin des autres, comme le rappelait Mgr Rey au micro de RCF dernièrement. L'enfermement en soi, que traduit l'attitude intransigeante, est forcément de mauvais conseil. Il me semble que, lorsque cette intransigeance est consciente d'elle-même, elle est toujours un reliquat de ce kantisme moral qui a formé, peu ou prou, nos grands parents. L'intransigeantisme, en ce sens, n'est pas plus traditionaliste que progressiste, pas plus catholique que laïc, pas plus de droite que de gauche. Il est haïssable, comme le Moi de Boileau.

Mais je crois qu'en nous appelant à redécouvrir l'exigence de vérité qui est en nous, Mgr Dagens nous invite à un véritable radicalisme chrétien, à un retour à nos racines chrétiennes, prises au sérieux.

Quelles sont ces racines chrétiennes ? Nos racines chrétiennes sont dans le texte de l'Écriture, tel que la Tradition nous le présente. Il faut prendre au sérieux, savoir prendre au pied de la lettre les mots de l'Écriture. Exemple ? J'en donnerai un seul. Il me semble de poids. Les paroles de l'ange à Marie que nous répétons dans chaque Ave Maria : Le Seigneur avec vous. Quelle puissance dans cet "avec"! La liturgie s'en est saisi et fait dire plusieurs fois chaque messe : Dominus vobiscum. Revenir aux racines, cela peut signifier revenir aux mots eux-mêmes, ces mots qui sont de Dieu, et se garder des traductions. Qu'y a-t-il de plus dérisoire que le subjonctif présent - ajouté dans les traductions françaises : "Le Seigneur soit avec vous". Non : dans la liturgie il n'y a pas d'optatif, que de l'indicatif. La liturgie se réalise en mode réel, pas au subjonctif. Le Seigneur est avec nous... La foi commence là.

Nos racines chrétiennes sont aussi dans une culture, à la fois philosophique, artistique, politique, sociale... Elles sont tout simplement dans le langage. Notre grand allié dans l'œuvre de l'évangélisation (en particulier dans l'évangélisation des musulmans), c'est la langue française qui met des mots et donc des idées chrétiennes (l'idée de la responsabilité personnelle, du service public, mais aussi et simplement la grande idée de l'être) dans la tête et dans le cœur de ceux qui la découvre. Quand on ne connaît pas le barrage culturel du laïcisme, la conversion va beaucoup plus vite avec ce radicalisme de la langue, avec ce culte des racines de la langue.

On ne saurait trop remercier Mgr Dagens d'avoir osé héler la statue du Commandeur et de nous avoir donné le courage de le faire à sa suite.

3 commentaires:

  1. Moreno (pas Nadine, hein?!)13 novembre 2009 à 00:08

    Puisque vous évoquez la visibilité de l'Eglise, permettez moi de citer Emile Poulat. Sur la visibilité de l'Eglise, il écrivait dans France Catholique le 11 janvier 2008:

    +Pour une part, je trouve ce débat interne fallacieux. Je repense au débat ouvert par Maurice Druon en 1972, Une Église qui se trompe de siècle. Je pense qu’elle se trompe de cible. La question fondamentale pour elle n’est pas d’être visible, mais d’être audible, en sachant qu’il ne suffit pas de parler pour être entendu, mais qu’il faut trouver l’oreille d’autrui et lui dire des choses pour lui pertinentes.+

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  2. Excellent, le passage sur l'intransigeance; à conserver la définition de "l'intransigeant = enfermé sur soi" , c'est exactement ça!

    On n'aurait pas envie de l'avoir à nos côté dans un café, voilà, cela explique peut-être pourquoi il y a dans la société un certain "ostracisme" envers certains tradis, dont on ne garde que cette image-là : certitudes, certitudes, certitudes..... lire : moi, moi, moi, et si tu penses différemment (même si tu essaies d'aller à tâtons vers la vérité, la chercher)rien à faire, circulez!

    Un intransigeant ne comprend pas que l'on puisse douter, chercher, essayer de réfléchir différemment pour revenir plus fort vers le Vrai; il a tout compris,lui, il sait, il refuse tout échange verbal qui pourrait le perturber, tout comportement hors ses codes intransigeants ("haram!"=péché! - disent ses meilleurs "ennemis" musulmans dont il ne diffère que très peu finalement).

    Se plonger dans nos racines chrétiennes qui sont comme vous dites "aussi dans une culture, à la fois philosophique, artistique, politique, sociale... Elles sont tout simplement dans le langage" (de l'ensemble des langues européennes, j'ajoute pour ma part) nous sort précisemment de cette intransigeance aveugle, de cet enfermement sur soi, car la civilisation chrétienne est catholique= =universelle et c'est précisemment l'ouverture à cet "autre" qui n'en est pas un, car chrétien comme nous qui permet de découvrir que nos racines sont communes et que nous devons les cultiver ensemble pour les préserver.
    Chez nous en Europe d'abord, puis en tout occident, pour que cet Occident chrétien ne disparaîsse pas tout à fait...

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  3. Les intransigeants? Semetipsum (cherchez sur Google) a écrit pour eux:

    Demain, dès l’aube, à l’heure des sépulcres blanchis
    Vous partirez, je sais qu’on ne vous attend pas.
    Allant par les forets, allant par les maquis
    Vous resterez longtemps, le soir, dans les gravas.

    Vous marcherez les yeux fixés sur vos pensées
    Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
    Seuls, inconnus, le dos courbé, les mains croisées,
    Tristes, et le jour pour vous sera comme la nuit.

    Car vous n’avez pas vu ni l’or du soir qui tombe
    Ni les voiles au loin frappées du Sacré Cœur.
    Quand Il arrivera, nous couvrant de son ombre,
    Vous ne comprendrez pas et aurez toujours peur.

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