mercredi 21 mai 2014

La Justice, ce n’est pas que Taubira [par Hector]

Ce blog est celui de l'abbé de Tanoüarn. Il accueille de manière exceptionnelle des posts signés Joël Prieur, ou écrits par Marie-Pierre, par le 'webmestre' (=RF) ou par d'autres encore. Pour éviter certains malentendus passés, les auteurs de ces posts sont désormais signalés par un 'tag' de type «[par RF]»

Les lecteurs du MetaBlog ont sans doute connaissance de la décision brutale et unilatérale du Conseil Général de Guyane, de ne plus rémunérer les prêtres – ce qu’il faisait jusqu’à maintenant. L’évêque fait appel, et l’affaire passera en justice. 
On a rappelé à ce sujet, dans nos milieux, que la Ministre de la Justice est justement la Guyanaise Christine Taubira – qui a conservé de sérieux liens dans sa terre d’origine, et qu’on ne peut guère soupçonner de sympathie pour l’Eglise catholique. 
Le sujet étant quelque peu technique, le MetaBlog a interrogé Hector qui nous apporte ses lumières :

[par Hector] De récents commentaires sur la décision du conseil général de Guyane de ne plus rémunérer les prêtres du diocèse de Cayenne ont suscité de légitimes réprobations. D’un point de vue juridique, il s’agit de dépenses obligatoires à la charge du département, lequel succède à la colonie. En effet, l’ordonnance du 27 août 1828 institue un régime spécifique qui n’a jamais été remis en cause, pas même par la loi de 1905 portant séparation des Églises et de l’État.

Autrement dit, la République a toléré dans ce qui était alors une colonie un financement public du culte. Cette situation a été confirmée par le Conseil d’Etat. L’ordonnance de 1828 s’applique donc toujours, elle fait partie du bloc de légalité, qui s’impose à l’administration, décentralisée ou non. Le conseil général de Guyane est donc soumis à cette législation.

La question est celle du recours. On sait qu’un tel contentieux relève du juge administratif. Mais voilà : on nous assène que «la justice c’est Taubira». En premier lieu, on rappellera que le juge normalement compétent n’est pas le Conseil d’Etat – il n’est compétent en premier et dernier ressort pour certains actes ; dans la plupart de cas, il demeure un juge de cassation -, mais bien le tribunal administratif de Cayenne, compétent pour les actes des collectivités locales de son ressort. C’est logiquement devant lui que devrait être déférée la décision litigieuse. Ensuite, on rappellera que le système juridictionnel compétent est la juridiction administrative, donc pas la juridiction judiciaire. Or, il n’existe donc pas liens comparables à ceux de la juridiction judiciaire avec le garde des Sceaux (parquets, etc.). Comme ces contentieux impliquent l’administration, celle-ci est appelée à présenter ses observations. C’est classique dans les recours portés devant le Conseil d’État à l’encontre, par exemple, de décrets ministériels. C’est donc un tout autre univers qui existe; les juges administratifs sont des hauts-fonctionnaires, recrutés et formés comme ces derniers. La logique en vertu de laquelle ils agissent est différente de celle des juges judiciaires.

Enfin, on rappellera aussi que le juge administratif a désavoué à plus d’une reprise les pouvoirs publics. Ce fut le cas sous Nicolas Sarkozy comme sous François Hollande. Ce fut même le cas sous le Général de Gaulle qui essuya un cuisant revers lorsque fut annulée la création d’une juridiction d’exception qui avait condamné à mort un activiste de l’Algérie française… Le Général osa même se plaindre et affirma – à tort ou à raison, je n’entre pas dans le débat – que le Conseil d’État était sorti du strict cadre du contentieux administratif. On se souvient que l’Etat gaullien avait la réputation de tout verrouiller et de contrôler les choses un peu plus sérieusement que François Hollande.

Enfin, on rappellera que la justice – je parle notamment des juges judiciaires – pour «persécuter» n’a pas besoin de prendre ses «ordres»: il lui suffit tout simplement d’être sensible à l’air du temps, de ménager les susceptibilités et les rapports de force. Le juge fait un peu comme chacun de nous : il a beau avoir la main lourde, il compose quand même devant l’élémentaire principe de réalité... Pas davantage. Rien ne lui interdit de désavouer le président du conseil général de Guyane. Et s’il confirmait la décision ? Il lui suffira alors de botter en touche, de trouver une astuce juridique: tout simplement, d’interpréter le droit. Pour cela, il n’y a pas besoin de Madame Taubira, ni d’instructions occultes, mais tout simplement du bon (ou mauvais) sens juridique. Tout simplement.

9 commentaires:

  1. Tout ce raisonnement est avancé promptement. Juger quelqu'un d' après ses relations, après une guerre fratricide entre chrétiens, Madame taubira en étant une, ce que je n' oublie pas. Qu'elle lise ces lignes, et si l' esprit du pardon la guide, j'ose, moi n' appartenant à aucune obédience particulière mais étant une chrétienne humaniste, je lui demande de faire un geste pour ses frères non seulement de sang mais dans la foi. Ce geste signifierait bcp pour tous les chrétiens et mettrait un point d' orgue à cette misérable affaire la touchant elle aussi depuis longtemps. J'espère que mon texte sera publié, nous sommes tous frères, non ? In Christo. Sincèrement.

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  2. Si c'était l'ab2T qui avait rédigé cet article et non pas Hector, sollicité par RF, je dirais que je ne sais pas si les ouvriers n'existent plus en france; mais je constate que les prêtres tiennent à leurs "acquis sociaux".

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    1. 3 lignes !...
      Mein Gott ce n'est plus un journal torrentiel .
      Mais c'est plus limpide.
      Merci

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    2. Évidemment, ils roulent tous en Porsche Cayenne - noire, comme leurs âmes - et trafiquent quelque peu leurs comptes en banque en Suisse ou Hong Kong...
      Vous en avez beaucoup des comme ça ?.

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    3. Dites donc, cher ami, il faut bien vivre, non ? Nous ne sommes plus dans l' ancien régime, où les pauvres petits prêtres de campagne mourraient de faim, Deo gratias ! In Christo. Sincèrement.

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  3. Pour une fois notre camarade blogueur nous a dispensé de la lecture d’une longue tartine avant de nous cracher son rouge venin. Ainsi les ecclésiastiques vont être les seuls guyanais à ne pas vivre de la charité publique, à la fois républicaine et métropolitaine. Le paradoxe lui a échappé.
    Il se serait quelque peu honoré en évoquant en regard les énormes masses de subventions, aides, donations, fondations qui sont allouées à des organismes aussi vitaux que les syndicats, les ligues, les associations de défense en tous genres, les merdiats, mais aussi tous les machins où prolifèrent les animateurs de tous poils : centres dramatiques, fonds d’arkon, orchestres bidons, spectacles de rue, etc…En un mot : tout ce qui fait vivre l’immense massif sociologique des «cultureux».
    Le plus beau fleuron en la matière, qu’il faut toujours citer, est et restera le C.E. de EDF et son milliard.
    Rappelons à notre camarade que tout cet argent gaspillé est prélevé sur des masses de gens qui se demandent s’ils auront de quoi se sustenter (frugalement) jusqu’à leur dernier souffle.

    Sur le fonds de la question je dirai cursivement que le seul reproche à faire à Christiane la catholique est d’avoir échoué dans le processus d’indépendance de la Guyane, ce territoire qui sert à envoyer des saloperies dans l’espace et dont l’utilité n’est plus évidente depuis que l’on a fermé cette sorte de Club Med réservé aux tarés sociaux.

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  4. Pardonnez-moi.
    J'ai beau lire et relire les explications d'Hector, je n'en comprends pas la démonstration juridique.
    Pourriez-vous les reformuler très clairement pour quelqu'un qui ignore le droit?
    Avec tous mes remerciements par avance

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    1. Je reformule donc. Cette histoire relève de la justice administrative, donc pas de la justice judiciaire, donc pas de Taubira, qui ne bloquera rien.

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  5. J’ai été injuste hier sur la contrée d’origine de notre gardeuse des sceaux. Injuste parce qu’incomplet. Ce Dom – comme on dit – est aussi la plus gigantesque clinique d’accouchement du continent sud américain.
    La Guyane est une terre où on naît.

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