samedi 12 juillet 2014

Mgr Dagens nous adjure de croire que l'Evangile c'est... ce qui ne marche pas

Je voudrais simplement citer la fin de l'article de Mgr Dagens dans La Croix du 8 juillet. Elle est extrêmement inquiétante dans sa perspective évangélisto-doloriste obligatoire. C'est pour le souligner que je me permets de le citer assez longuement : notre académicien explique qu'il est plus parfait pour un diocèse de ne pas avoir de séminaristes plutôt que d'en avoir.
Soyons plus clairs, au risque d’être quelque peu simplistes ! Il y a là deux conceptions de l’Église, et peut-être deux formes de représentation de Dieu. Ou bien l’Église est un système de pouvoirs dont il faut assurer l’efficacité, et l’on mettra l’Esprit Saint, sans le dire, au service de ces projets de rentabilité spirituelle et pastorale, en se satisfaisant des résultats obtenus et des chiffres encourageants, en comparant les riches et les pauvres, et alors malheur aux pauvres, aux diocèses sans séminaristes ! Et Dieu, dans cet ensemble très construit, devient un principe d’ordre supérieur, le promoteur suprême d'un système qui marche et qui s’impose par ses réussites visibles.
Je continue la citation avec la deuxième conception de l'Eglise, celle à laquelle manifestement se rattache Mgr Dagens :
 Ou bien l’Église est le Corps du Christ, toujours blessé, mais vivant, et vivant de la charité du Christ qu’elle reçoit comme un don et qu’elle manifeste en paroles et en gestes ! Et, dans ce Corps du Christ, nous, les évêques, nous apprenons à être non pas des chefs triomphants, mais des veilleurs et aussi des lutteurs, oui, des lutteurs pour que rien n’empêche la charité du Christ d’être l’âme de l’Église, dans toutes ses activités et ses missions. Et le Dieu dont nous sommes les témoins désarmés et passionnés est Celui qui ne cesse pas de se donner et d’envoyer son Fils Jésus dans le monde « non pas pour le juger, mais pour le sauver » (Jean 3,16).
Voici enfin le Credo mystique de l'évêque sans séminariste et fier de l'être d'ailleurs, d'autant que - disons-le tout de même - il vient - divine surprise - de "rencontrer trois jeunes hommes" qui se posent la question de la vocation :
Au risque d’aggraver notre cas, faut-il redire alors que nous nous référons à Jésus Christ non pas comme à une valeur à défendre, comme on défend des produits financiers, mais comme à une personne que nous n’en finissons jamais de connaître et d’aimer ? Alors « la joie de l’Évangile » n’est pas un vain mot. C’est une belle expérience et je souhaite que des hommes qui veulent aujourd’hui suivre le Christ en fondant leur vie sur Lui connaissent dès maintenant cette joie, que personne ne peut nous enlever.
Mgr Dagens aggrave son cas ? Non pas en disant qu'il aime Jésus-Christ comme une personne. On serait forcément un peu étonné du contraire puisqu'il est évêque. Ce qui est inquiétant c'est la dialectique qu'il instaure entre... Lui, qui aime Jésus Christ comme une personne et ceux qui ne sont pas comme Lui, qui, eux, n'aggravent pas leur cas et qui, donc, si l'on suit le mouvement de la pensée épiscopale, n'aiment pas Jésus-Christ comme une personne. Qu'est-ce qui est vraiment grave ? Il appartient à l'évêque de désigner ces "autres", il les désigne d'ailleurs dans son article de La Croix, comme ceux qui "obtiennent une rentabilité spirituelle et pastorale", qui ont des séminaristes, alors que le diocèse d'Angoulême "n'en a pas depuis plusieurs années".  Mais "eux" en ont parce qu'ils cherchent la rentabilité. Lui n'en a pas parce qu'il est "un témoin passionné et désarmé"

Sur un mode mineur et même funèbre, le mode du syndic de faillite, cette rhétorique de l'exclusion rappelle les pires heures de la guerres civile entre catholiques qui a si péniblement marqué l'après concile. Apparemment Mgr Dagens n'est pas guéri d'avoir à désigner des adversaires, et à stigmatiser ses frères et ses fils, qui sont catholiques comme lui, mais juste un peu plus efficaces que lui pour leur... plus grand tort.

Quant à moi, j'en reste sur tout cela à la brutalité de l'Evangile : "C'est à leurs fruits que vous les connaîtrez". Le discernement spirituel n'est pas toujours facile, mais malheur à ceux qui ne portent pas de fruits. Malheur à ceux qui se veulent stérile par perfectionnisme. Jésus maudit le figuier qui ne porte pas de fruits. Et pourtant note l'Evangéliste, "ce n'était pas la saison des figues". Que veut dire Jésus à travers cette parabole ? Les figuiers, c'est nous, évêques ou sans grades, prêtres ou laïcs, qu'importe. Nous ne sommes pas des saisonniers de Dieu et c'est en toute saison, jusque dans l'obscurité de ce monde matérialisé qu'il nous faut non pas nous glorifier de notre stérilité mais prendre les moyens qui nous permettront, chacun à notre place, de porter notre fruit.

12 commentaires:

  1. Dans toute l´église, (moderne ou traditionnel) il y a um système de pouvoirs.Des jeux d´intérêts...Le Credo mystique est intéressant, sans doute...Mais « ceux qui obtiennent une rentabilité spirituelle et pastorale » ne seraient pas beaucoup interessés à cette rentabilité ?... Je parle en sens général.C´est ici le problème. On ne peut pas vivre de l ´air, disons. Mais on ne peut pas mettre cette « rentabilité » par-dessus tout.
    Vous parlez à la fin «..prendre les moyens que nous permettront , chacun à notre place, de porter notre fruit. « Cela c´est très bien. Que les religieux (modernes ou traditionnels) s´inquiètent plus avec ces fruits et moins avec la rentabilité.
    (Je doute fort que vous allez publier ce que j´ai écrit, car quand on parle de « rentabilité » et mots similaires, en France...un tabou.)

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    1. J'ai rien compris à ce que vous écrivez.
      Souvent les commentaires éclairent le texte, ici , rien de tel .
      Je crois cependant après lecture que Mgr Dagens serait une vedette soucieux de rester dans les feux de l'actualité, d'où un certain goût du paradoxe.
      C'est , si je ne me trompe,une coquetterie d'avocat( des djihadistes auxquels n'ont rien compris les chrétiens de Syrie).
      Encore une petite provoc' et il ira briller au petit journal de Canal +

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    2. Ce n´est pas pour comprendre même....

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  2. Et pourtant, je ne peux pas m'empêcher de lire Mrg Dargens sans être un minimum d'accord avec lui. Non, il a raison, on ne peut pas réduire l'Église à «un système de pouvoirs», avec des «projets de rentabilité spirituelle et pastorale», où Dieu ne serait que «le promoteur suprême d'un système qui marche et qui s’impose par ses réussites visibles.» C'est quand même un peu plus …
    Je ne peux pas m'empêcher de lire dans ces phrases les paroles d'un évêque d'un diocèse sinistré, qui nous rappelle que lui aussi, il aime Dieu, pas juste le Dieu tête du système Église, mais Dieu. L'appel au secours mal camouflé d'un évêque sans séminaristes, qui n'arrive pas à trouver les bonnes recettes, et essaie vaguement de justifier sa situation à ceux dont il a besoin des prières.

    Certes, c'est un évêque en cravate, mais, ami lecteur, ne nous laissons pas avoir par les apparences. C'est de prières qu'il a besoin, pas des prières condescendantes du tradi qui sait qu'il détient la vérité (ce pauvre évêque progressiste …), mais des prières du frère chrétien, qui cherche le bien dans tout ce qu'il lit, et voit ici l'appel à l'aide d'un prélat orphelin de prêtres.

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    1. Très bien ce que vous avez écrit!

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    2. "Pas juste le Dieu tête du système Eglise", écrivez-vous. Pourtant, Jésus-Christ vrai Dieu et vrai homme est bien Tête du grand Corps qu'est l'Eglise, dont tous les hommes sont des membres au moins en puissance ; un grand Corps pour lequel il a mérité toutes les grâces de salut en tant que Chef de l'Eglise et de l'humanité recréée dans sa justice. Je ne connais donc pas d'autre Dieu que la "tête du système Eglise", car ce Dieu est celui de l'Evangile ; c'est pourquoi je ne vois pas l'utilité à créer de telles oppositions stériles.
      Il me semble que votre lecture ne tient pas. Ce n'est pas un appel à l'aide. C'est une manière pour Mgr l'évêque de déclarer qu'alors même que son diocèse est en pleine déconfiture pastorale, en réalité tout va bien, et que la preuve que tout va bien est que tout va mal. C'est une sorte de glorification misérabiliste de l'échec qui n'a rien à voir avec l'éloge d'une faiblesse où triomphe en réalité la toute-puissance de la grâce de Dieu. La lecture de l'abbé de Tanoüarn me semble donc tout à fait juste et opportune.
      Je ne vois pas quelle honte il devrait y avoir à savoir que l'on détient la vérité lorsque c'est effectivement le cas : cela n'empêche pas, bien au contraire, de considérer un autre chrétien comme son frère, et de prier authentiquement pour lui, et, puisqu'il s'agit d'un successeur des apôtres, pour le succès de son labeur pastoral, sans jamais se réjouir du mal, mais au contraire en se réjouissant du bien, où qu'il s'accomplisse.

      Peregrinus

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    3. Si Mgr Dagens va mal , ainsi que vous le dites, Il démissionne et fait retraite dans un discret monastère.
      Un chrétien n'a pas le droit de se décourager. Les saints eux-mêmes avouent avoir douté sérieusement et ceux et celles qui étaient visités par le Seigneur souffraient de son silence à certains moments de leur vie.
      Le chrétien qui sait que la mort est une échéance inévitable; lorsque sa conscience lui montre ses imperfections passées il fait alors pénitence en toute humilité, sans tapage, car le Malin , sentant cette âme lui échapper, multiplie les pièges où l’orgueil et le désespoir ne sont pas les moins efficaces.
      Ce Mgr peut aussi se vêtir spectaculairement de bure et, la tête couverte de cendres , proclamer son indignité à la face du monde.
      Pas mal non plus.
      Les voies de Dieu .....

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  3. Une question de l' humaniste : êtes vous tous en bonne santé?
    Ça ne va pas bien du tout du tout, et elle sait de quoi elle parle, ayant eu expérience en la matière. Simple interpelation pr vous éclairer, ça ne va pas bien....

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  4. L'Eglise neest pas un "système de pouvoir" (ni de valeurs), mais elle doit assurer la continuité sacramentelle.

    J'ai même tendance à croire que cette continuité sacramentelle, qui a à voir avec la succession apostolique, commande le vrai sens de la tradition de l'Eglise.

    Or le Sacrement n'est pas le prolongement d'un système qui se perpétuerait en lui, ni le produit dérivé d'un pouvoir, quand bien même le Sacrement procède d'un pouvoir.

    Si le sacrement dérivait d'un système, notre Seigneur Jésus-Christ, en demandant le baptême, n'aurait fait qu'entrer dans Son propre système, ce qui serait absurde.

    Il y a néanmoins une systématique temporelle de la transmission sacramentelle, qui contraste avec la manière dont le Sacrement, bien que tirant sa réalité du pouvoir de l'administrer qui a été dévolu à son ministre, se détache d'une conception temporelle du pouvoir.

    Penser la Tradition comme une continuité sacramentelle plutôt que doctrinale (ou systématique) permettrait de la faire goûter comme une continuité de relation plus que de valeurs. On ne peut pas donner tort à cet égard à mgr Dagens de refuser un christianisme qui se percevrait comme une courroi de transmission de valeurs plus que comme un personnalisme qui cesserait d'être intégral quand commence la rencontre avec la Persone divine.

    Mais le personnalisme chrétien de mgr Dagens est à son tour trop personnel. Il confine à la posture de celui qui saurait investir la "Charité du Christ" (rien de moins) pour être "l'âme de l'Eglise".

    Cet évêque de l'Eglise du Verbe Incarné ne croit pas assez en la Médiation, qui est pourtant la fin de la Kénose.

    Il passe par profits et pertes la dimension sacerdotale du Peuple de Dieu. Il s'illusionne dans l'idée que l'Eglise pourrait aller à la recherche insatiable des brebis perdues en se passant de bergers.

    L'Eglise a besoin de prêtres, mais beaucoup de prêtres ont oublié que leur sacerdoce est ordonné à la recherche des brebis perdues du Seigneur, et qu'ils ne doivent pas se lancer dans cette activité éminemment pastoral en étant nécessairement "pastoralement corrects", c'est-à-dire qu'ils ne doivent pas cultiver la bonhomie un peu artificielle qui se dégage comme un malaise de la lecture de l'exhortation apostolique pourtant roborative qu'a donnée le pape François sur "La joie de l'Evangile".

    Pour assurer la continuité sacramentelle, l'Eglise doit avoir une Foi sacerdotale.

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  5. Vous avez abordé des points très importants. , en particulier dans le dernier paragraphe. Merci, M.Julien.

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  6. Mrr Dagens semble oublier l'incarnation de la par les chrétiens pasteurs compris , nous ne serons pas jugés sur les fruits visibles , - à court terme quand même ou selon le monde-mais sur notre volonté d'incarner notre foi dans le monde , dans notre relation au Christ, sans avoir l'oeil fixé sur les chiffres .
    Son cri doloriste est un peu navrant. Voit -on le curé d'Ars se plaindre de sa solitude humaine au début de son apostolat? Qui a l'oeil fixé sur les compteurs sinon Mgr Dagens pour mieux stigamiser en douce les autres. Qu'il s'engage, qu'il agisse, qu'il rayonne , oui qu'il rayonne d'une foi agissante , qui transmet qui nous fait vivre comme Jean -PAul II, Benoit XVI ou l'humbl e paroisienne attachée au rite tradi ou autre mais qu'il nous fasse grâce de ses explications, de ses justifications, la charité ne juge pas , mais elle ne se justifie pas non plus!

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  7. GDT reconnait l'arbre à ses fruits comme nous le dit en effet un certain Jésus,
    le seul problème c'est que pour GDT les prêtres ensoutanés ou pas sont des fruits !
    Pas du tout !
    Jésus n'a jamais institué des prêtres !
    Il nous a juste, excusez du peu, ouvert à la liberté intérieure,
    à la relation intime avec le Père, et à la fraternité ...

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