mercredi 14 janvier 2015

Le réflexe l’emporte sur la réflexion [par RF] [MàJ 17/01/2015]

[par RF] Une vidéo tourne actuellement sur le web, qui montre une conférence du lobby américain ‘Heritage’ (on appelle aussi cela une ‘fondation’). Une conférencière répond à une étudiante musulmane, avec vivacité et même véhémence. Bien sûr, dit-elle, que tous les musulmans ne sont pas des radicaux. Mais si les radicaux ne sont que 15 à 25% d’entre eux, cela représente tout de même 180 à 300 millions de personnes, etc etc.

Ce qui m’impressionne, c’est la réception de cette vidéo par ‘nos milieux’. Il s’agirait d’une ‘musulmane remise à sa place’ (Youtube). Il s’agirait d’une réponse au mantra ‘pas d’amalgame’ (Le Forum Catholique). Il s’agirait de répondre ‘Oui, mais…’ (Le Salon Beige) à ceux qui invoquent la masse des musulmans paisibles.

Pourtant, la question de l’étudiante musulmane est en substance: «Le djihadisme est une idéologie. Comment pouvons-nous gagner une guerre contre le djihadisme avec des armes? Comment le combattre, si on le lui répond pas sur le plan idéologique?» Voilà sa question, et… rien de plus.

Dans cette affaire, ni la conférencière ni la grande majorité des internautes qui réagissent ne prennent en compte la question pourtant fondamentale de l’étudiante. Tout se passe comme si habitués à des arguments-types, ‘nous’ sortions une contre-tirade, et peu importe si elle tombe à côté de la plaque. Il s’agit de moucher le type d’en face, et peu importe si on se trompe de nez. Bref –et cette vidéo n’est qu’une illustration plus criante du phénomène– tout se passe comme si le réflexe tenait lieu de réflexion.

Je complète [le 17 janvier] ce post par un très beau cas de cette confusion qui fait que chacun voit (ou entend)… ce qu’il veut voir (ou entendre): 
Sur le Forum Catholique, Jean Kinzler cite un article de La Dépêche, qui rend compte des obsèques de Bernard Maris, qui écrivait dans Charlie Hebdo sous le nom d’«Oncle Bernard» :
"La chapelle de Roqueville est décorée de fresques modernes, naïves, colorées, représentant des épisodes de la Bible à la façon d'une bande dessinée. La cène y est revisitée, avec Jésus et ses apôtres qui se marrent, autour d'une table. Nul doute qu'«Oncle Bernard» connaissait ce décor atypique, qui devait l'amuser, lui qui avait la réputation d'être un pince-sans-rire."
Donc le journaliste a ‘vu’ une fresque de la Cène, revisitée, et des apôtres 'qui se marrent'. Jean Kinzler a vu l’article, et dans son titre souligne par des guillemets sa réprobation de cette fresque. 
Heureusement arrive Daoudal qui seul a pris la peine de vérifier l’image. Il ne s’agit pas de la Cène mais de la Pentecôte (c’est d’ailleurs écrit dessous en assez grosses lettres)… le personnage centrale n’est pas Jésus, mais la Sainte Vierge. Et objectivement, dans cette image, personne ne rit ni ne se marre. 
Dans cette affaire, je résume, nous avons un journaliste qui voit un clin d’œil qui n’existe pas, à la faveur de son manque de culture chrétienne… et qui brode un peu à partir de là. Nous avons un forumeur prompt à croire le journaliste sur parole. Et heureusement, sur ce coup-ci, nous avons un Daoudal – ce n’est pas toujours le cas.

11 commentaires:

  1. La question qu'elle pose est bien sûr essentielle, question à laquelle l'Eglise (au moins en France) se garde bien de donner la seule réponse possible et évidente, en paroles comme en actes. Elle est en ce sens responsable par exemple des 20 morts récents (et non 17) et, en plus, de leur sort dans l'au delà (sort dont bien sûr nous ne savons rien).

    Après sur le comportement des gens c'est hélas ce qu'on observe tous les jours au boulot ou à la télé, celui qui l'emporte est celui qui a le plus de charisme même s'il est à coté de la plaque. Comme disent Zemmour et Caliméro, la vie est injuste !

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  2. RF, une fois de plus, merci.
    Pour ne pas en rester à ce merci: comment combattre une idéologie ? Par la formulation et la mise en circulation et en commun d'une autre logique : moins d'un autre "contenu" que d'un autre "genre" de logique (" à une foi délirante il faut opposer une foi saine", disait ici il y a peu l'ab2T). Plus facile à dire qu'à faire. Mais il me semble que l'histoire du christianisme, et en particulier de l'Eglise catholique, suggère deux choses. D'abord que la foi sombre dans l'idéologie, et donc d'une façon ou de l'autre dans la violence, à chaque époque où elle en vient à ignorer, à simplifier, à schématiser, à ne plus écouter de façon interrogative, sa propre tradition dans sa profondeur, sa diversité, ses énigmes, sa puissance de questionnement. Chaque fois, en d'autres termes, qu'elle remplace le risque assumé de la foi, dans les actes et la pensée, par un système de savoir et de pratiques, un code du "je sais/tu dois". Un exemple - qui va choquer sur ce blog, mais ... : je crois que Vatican II a renoué, sur beaucoup d'aspects essentiels, avec la véritable logique (et la véritable folie) chrétienne grâce, en particulier, à la redécouverte des Pères de l'Eglise par les théologiens des années 30/60, et auparavant par la réouverture de l'intelligence de l'Ecriture grâce aux études bibliques ( interprétation en fonction du genre littéraire, etc). Vatican II a ainsi renoué le fil d'une tradition qui, à l'époque moderne - càd depuis le Concile de Trente - avait progressivement remplacé la polyphonie des Ecritures et de la pensée théologique par une construction schématisée - le catéchisme, renvoyant à un système théorique ( "la philosophie thomiste", elle-même largement construction de manuels sommaires). Réduite à un système en "isme", la foi passait alors son temps à dénoncer les autres "ismes" (idéalisme, matérialisme, modernisme, subjectivisme, etc.). De la même façon, une grande partie de la culture musulmane a depuis des siècles réduit la dynamique de ses sources et de sa pensée ( Coran, Hadiths, théologiens et spirituels) à un système codifié et avant tout juridique, lui-même réduit à quelques slogans par les radicaux.

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  3. (Suite)
    La deuxième chose que suggère à mon avons l'histoire du christianisme, c'est que chaque fois que la communauté chrétienne est tentée de se comprendre comme incarnant ou détenant la forme correcte/parfaite de la société humaine comme telle, elle ne peut plus qu'osciller entre la prétention à la domination de la société et la condamnation de toute forme ou niveau de société qui ne se laisserait pas englober par elle. C'est ainsi qu'après avoir prétendu identifier société et foi chrétienne dans l'Europe d'ancien régime, et encore aujourd'hui dans certaines régions (le protestantisme américain, par exemple, ou la Russie de Poutine), la communauté chrétienne s'est souvent comprise comme une citadelle assiégée, en guerre avec "la société moderne". La encore, Vatican II (Lumen gentium, etc) a déconstruit cette double tentation, pour rendre à l'Eglise sa fonction de témoignage, à la suite du "Témoin du Père". D'une façon semblable, mais à mon avis de façon beaucoup constante et structurelle que le christianisme, l'islam a identifié communauté religieuse et société civile et politique; et lorsque cette identification est ébranlée (comme c'est le cas avec la mondialisation), la tentation est celle du repli communautariste et/ou de la guerre contre les sociétés impies. Mais en même temps un nouvel islam est en train de s'inventer par endroits, dans la douleur , en différenciant communauté de foi et société civile (aussi étonnant que cela paraisse, ce qui se passe en Iran aujourd'hui, avec le discrédit général de la théocratie officielle, est intéressant). Comment lutter contre les idéologies ? La question est angoissante. En tous cas pas en leur opposant une autre idéologie de même niveau ("l'Occident contre l'Islam"), mais en vivant et en faisant vivre un autre "style", une autre "façon" - de s'identifier, de croire, de penser, de faire société, de se confronter à l'altérité. Ce n'est pas joué, ni personnellement, ni collectivement !

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  4. Tout le monde sait que cette vidéo est un trucage. La vraie fausse étudiante pose des fausses vraies questions qu’on lui a demandé de poser. Show à l’américaine…
    @ G2S
    Zemmour disait récemment à une assemblée de cathos qu’il fallait que la France redevienne catholique et qu’on réinvente le catholicisme (j’espère que, de mémoire, je ne déforme pas sa pensée) car jusqu’à présent, cela n’a pas vraiment marché…Il faut qu’un juif nous fasse la leçon ! Les catholiques n’ont pas conscience de ces choses, tant ils sont enfermés dans leurs habitudes mentales et Vat.II contribue à faire bouger les consciences, j’en suis convaincue (même si je suis personnellement incapable d’aller à une messe moderne, dite de P.VI). Le Pape actuel continue dans cette lancée, ce qui est très déroutant. Cela "devrait" nous conduire à une radicalité de la Foi mais, en attendant, ça fait dans la casse !
    Quant à la problématique sur le terrorisme musulman, ce que j’essaye de d’expliquer (sans succès), l’Abbé l’autre jour m’a donné, sans le vouloir, le mot juste, celui qui résume tout terrorisme, brigades rouges ou islam radical (deux côtés d’une même médaille) : Symptôme. Car je le répète, n’est pas musulman qui veut ! On le voit bien dans le film « Timbuktu ». Pour les vrais arabes de sang, l’Islam fait sens, même s’il a sa part de violence. Le sacré est présent. Pour les autres convertis, ce n’est qu’un symptôme. La seule différence avec les brigades rouges c’est que ce symptôme est justifié par la Loi (et non par une Transcendance contrairement aux vrais musulmans). Ce n’est plus Dieu qui donne la Loi. Celle-ci devient une divinité en soi. En cela, ces gens sont des athées, comme ceux que nous, chrétiens, avons engendrés ( ce qui explique pourquoi les dessins de Charlie Hebdo n’ont pas été détruits). Peut-être est-ce ce que voulait dire l’Abbé lorsqu’il comparait ces comportements avec l’absolutisme républicain. Chez nous la violence et les crimes sont institutionnalisés et à grande échelle. On appelle ça la culture de mort.
    Nous sommes tous des symptômes (quintessence du péché) en puissance et
    on peut seulement se convertir à la religion universelle qu'est la catholique et certainement pas aux autres qui sont malgré tout trop humaines, donc génétiques.

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  5. "Tout le monde sait que..." // Concrètement, vous n'en savez rien. Bien sûr il peut arriver que des questions soient lancées par des comparses, pour permettre des réponses préparées d'avance. Dans cette optique, on voit mal pourquoi l'étudiante ne pose pas la question... à laquelle la conférencière souhaite visiblement 'répondre'. Votre truc ne colle pas, et je crois que votre formule ("Tout le monde sait que...") est juste cela: une formule, qui vise à vous placer dans la position d'experte, qui est paradoxalement seule à 'rappeler' ce que tout le monde 'saurait'. Le procédé n'est guère enviable.

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    1. L'objectivité , tant soit peu critique , amène cependant quelques doutes sur cette intervention vidéo qui n’apparaît pas aussi spontanée que les auteurs voudraient nous faire croire .
      La réponse fort élaborée et exhaustive de la conférencière à la question de l'étudiante musulmane ( voilée bien entendue , pour une meilleure identification ) semble avoir été préparée et bûchée sérieusement . Une élocution et un débit de mitrailleuse qui cloue l'adversaire comme dans les meilleurs films de guerre.
      Même si ce qui est dit est vrai , cela ne convainc que ceux qui sont déjà convaincus .Face à un simple musulman , et en public, ces arguments si vrais soient-ils sont lettres mortes.
      Pour avoir fréquenté des pays du proche et moyen orient , auprés des MODESTES habitants , il n'y a pas d'autre voie qu'une attitude irréprochable et un respect des gens sans cacher cependant sa propre religion, en toute humilité. Alors peut-être se poseront-ils LA question sur Dieu, tout comme l'officier des compagnies sahariennes, Psychari, a trouvé la Foi chrétienne en voyant ses soldats musulmans faire leur dévotions .
      Sincérité , courage et humilité , Dieu fait le reste .

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  6. Benoîte: "Tout le monde sait" : ce qui signifie: "si vous n'êtes pas d'accord avec ce que je vais dire, vous êtes un parfait idiot" ("idiot" au sens étymologique: seul dans son coin). Victime de mon éducation à l'esprit critique, je m'arrête toujours de lire après ce genre d' introduction. Désolé (de nouveau au sens étymologique), par conséquent, d'en rester là.

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  7. G2S, vous faîtes bien de ne pas me lire, Basile fait la même remarque que moi mais en la développant !... Cette vidéo je l’avais visionnée il y a longtemps (terme vague il est vrai mais je ne saurais préciser) et déjà sur le net, personne n’était dupe de ce montage. Mais pour en finir avec ce thème, je viens de lire un article de Paul Craig Roberts, ancien Ministre Adjoint aux Finances US et Rédacteur Adjoint du Wall Street Journal sur le cas Charlie. J’y ai trouvé la confirmation de mon intuition première : Attentat sous fausse bannière ! Seule une certaine presse étrangère analyse les incohérences de la mise en scène, mais je ne doute pas que, l’émotion passée, les français en fassent autant et se posent les vrais questions.

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    1. Ce qui me contrarie, c'est que je vais encore avoir des messages persos pour m'accuser d'être à l'origine du pseudo Benoîte, en ma qualité de webmestre. Sacré farceur, me dira-t-on! comme vous savez qu'il y a une grande diversité chez les tradis, vous avez créé la pseudo "Benoîte" pour concentrer sous son nom les contributions les plus délirantes, les interventions les moins enviables. Vous les regroupez dans un même paquet, pour mieux les traiter. Mieux encore: comme vous connaissez les travers de notre milieu, vous les mettez en scène en forçant le trait, sous le pseudo "Benoîte", évidemment transparent. Et l'on me reprochera la facilité du procédé. Ou alors on trouvera que l'idée cocasse, mais que j'en fait trop.

      Eh bien sachez que... je ne suis pas "Benoîte". Il est possible que "Benoîte" soit un pastiche de divers folies de notre milieu, mais je n'en suis pas l'auteur.

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  8. Cher Maestro, le coup est bas ! Faudrait-il vraiment se ranger dans le courant de la pensée dominante ? (Disons, pour être plus précis, catholique-tradi-dominante avec ses idées toutes faites ?)
    1-En ce qui concerne le cas Charlie, peut-être est-ce le fait que je sois engagée politiquement qui m’a fait tout de suite aller regarder plus loin que la version officielle des faits. Désolée d’avoir trouvé la réponse à ma question. Pour moi, le problème est clos ! Il est uniquement question de géopolitique et je suis vraiment désolée pour le peuple de France qui, tombé dans le piège facile, s’en est pris à l’Islam, regardant le doigt et non pas ce qu’il montre vraiment : « I’m just a patsy »
    2- Ma position sur l’Islamisme, on peut la trouver bizarre, j’en conviens car je ne peux pas la développer sur ce blog. Pourtant, je reste convaincue que tous ces peuples d’Afrique ou d’Asie devront tôt ou tard renouer avec leur identité propre. (J’inclus aussi certains pays du moyen orient et en particulier l’Iran et l’Egypte qui possédaient deux grandes religions qui étaient en attente d’un Messie).
    Les idées avancent à pas de colombe…et ça ne m’intéresse aucunement d’être à la traîne !

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    1. Dans "pensée dominante", il y a "pensée". Effectivement, on peut "penser" faux. Mais enfin, ce n'est pas en prenant systématiquement le contre-pied de la "pensée dominante" que l'on pense obligatoirement juste.

      Vous parlez d'idées toutes faites, et en même temps vous illustrer que des idées toutes faites (les vôtres pourquoi pas) ne sont pas forcément dominantes. Elles peuvent juste être: le fidèle négatif des clichés que vous pensez fuir.

      Le grand nombre n'a pas forcément raison, et il arrive souvent qu'il ait tort. Pour autant, si l'opinion dominante est qu'il pleuvra la semaine prochaine, dois-je boycotter mon parapluie?

      J'ignore quelle est votre "position sur l'islamisme" ni de quel nature est votre "engagement politique", mais il en faut plus pour me

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