mardi 24 février 2015

Carl-Gustav Jung et la sainte Messe

Je connais peu Carl Gustav Jung. On sait que, dauphin de Freud, il eut l'outrecuidance de remettre en cause la priorité donnée aux explications sexuelles des névroses, et en particulier l'obsession que Freud avait été chercher chez Charcot pour l'hystérie. Il y eut un long face à face entre les deux hommes qui ont vingt ans de différence d'âge. A la fin Freud dit à Jung :  "Mon cher Jung, promettez-moi de ne jamais abandonner la théorie sexuelle. C'est le plus essentiel ! Voyez-vous, nous devons en faire un dogme, un bastion inébranlable." Jung ne se tint pas à "la théorie sexuelle" et il fut excommunié par le Maître. En réalité, il avait recouvré sa liberté.

Je voudrais simplement soumettre aux lecteurs de ce Blog un texte étrange (qui n'est d'ailleurs pas un hapax dans l'oeuvre très considérable de Jung) dans lequel ce fils de pasteur luthérien fait l'apologie du sacrifice de la messe au sens catholique du terme:
"La messe est un exemple vivant du drame des mystères qui représente la permanence et la transformation de la vie. Si nous y observons le public pendant l'acte sacré, nous pouvons y voir tous les degrés, de la simple présence indifférente jusqu'au saisissement le plus profond. Les groupes d'hommes qui, pendant la messe se rassemblent près de la sortie,qui mènent des conversations mondaine et exécutent tout mécaniquement les signes de croix et plient les genoux, participent cependant malgré leur inattention au rite sacré par leur simple présence dans l'espace plein de grâce. Durant la messe, un acte soustrait au monde et au temps tue le Christ, le sacrifie et il ressuscite dans la transsubstantiation. Le sacrifice rituel n'est pas une répétition de l'événement historique. C'est le premier et l'unique processus éternel. L'événement de la messe est donc une participation à une transcendance de vie qui surpasse toutes les limites spatiales et temporelles. C'est un moment d'éternité dans le temps" (L'âme et la vie p. 474)
Ce texte me semble particulièrement important par rapport à d'autres textes chrétiens de Jung, parce qu'il marque une conception catholique du sacrifice de la messe, qui n'est pas un pur symbole, mais un événement réel, actualisant dans le temps le sacrifice éternel, qui se manifeste dans le mystère de la Croix.

12 commentaires:

  1. Quelle drôle d'époque ! Obligé de passer par l'import pour convaincre qu'un produit local est correct .
    Car ce que Carl Gustav dit , un religieux catholique aurait pu le dire , je pense , n'étant pas théologien .
    Evidemment "si lui-aussi le dit "c'est l'argument massue pour les scepto-cathos .
    Finalement la doctrine catho c'est comme les frites Mc Cain , ce sont les autres qui en parlent le mieux .

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  2. Mais Jung avait-il la moindre idée de ce qu'est la transcendance? Qu'est ce exactement que cette "vie" qui semble tant le fasciner, lui comme tant d'autres d'ailleurs depuis Bergson? Pensez-vous qu'il soit plus métaphysicien qu'un Teilhard de Chardin? La messe est bien plus qu'une représentation de "la permanence et la transformation de la vie". Tout cela sent "l'immanentisme" à plein nez. L'éternité n'est pas la "perpétuité".

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  3. A lire, un article prenant pour point de départ les théories de Yung :
    http://www.index-rene-guenon.org/Access_book.php?sigle=SSS&page=43

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  4. Pour un fils de luthérien,les observations de Jung ne sont pas sans curiosité.
    Mais je voit comme plus intéressant ce qu´il écrit comme un psychiatre et le phsychologue qu´il était. Quand il écrivait sur ses patients, il semblait un psychiatre attentif et observateur, d´une grande sensibilité.
    Il a écrit cette phrase : « Il n´y a pas l ´éveil des consciences sans douleur. Les gens vont faire n´importe quoi , arrivant aux limites de l ´absurde pour essayer d´éviter sa propre âme. Personne ne devient éclairée en imaginant figures de lumière, mais en faisant consciente l ´obscurité. »
    Bien pertinente cette observation à nos jours, et une belle observation des difficultés de l ´être humain à lui-même.
    N.N.

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  5. Bien au contraire, il est bon d’apercevoir en dehors de l’Eglise, des signes de sa Catholicité ! D’autre part, ne juge t’on pas un arbre à ses fruits ? Notre Eglise est divisée, déchirée même, notre civilisation chrétienne attaquée de toutes parts. Le ver est dans le fruit. On rejette la faute sur le diable : Révolution française, Franc-maçonnerie etc . Aujourd’hui on ajoutera l’ultra libéralisme et sa cohorte de démons, les Lobbys. Sauf que, le mal n’augmente pas avec la globalisation ! C’est le bien qui recule et les Fils de Lumière ont fait de la Bonne Nouvelle un carcan idéologique : une lettre morte. L’Esprit, qui souffle « tout de même » où Il veut, se révèle parfois ailleurs :
    En 1943, à Budapest la mode freudienne et jungienne battent leur plein. A la veille de la guerre et des pogroms, un ange s’entretient avec quatre jeunes hongrois. Cela donne un recueil intitulé : « dialogues avec l’Ange » : Théologiens s’abstenir. Seul l’esprit d’enfance sera perméable à ces dialogues remplis de Foi et de vénération pour Dieu. Tout y est abordé : Dieu, la Trinité, l’âme, l’Esprit la matière, l’amour, la souffrance et j’en passe. La parole de l’Ange est vivante. Elle plonge directement dans l’Evangile mais ne l’enferme jamais. Ci-dessous une citation sur la psychanalyse, vue par l’Ange :
    L’Ange :« …Elle démonte, mais ne peut pas remonter. C’est cela qui te trouble. Démonter est facile. »
    Question de L : « Ceux qui le comprennent mieux que moi m’assurent que la psychanalyse reconstruit. »
    L’Ange : « -Oui, ils reconstruisent, mais comme les enfants le font sans raison avec leur jeu de cubes. Ils jouent avec la tâche la plus sacrée. Ils sont plus coupables que tous les autres, car ils trompent ceux qui leur font confiance. Ils déchirent le vivant, Celui qui est en train de prendre forme et ils le pétrissent, ils l’écrasent. C’est partout ainsi. Ils collent ensemble les débris tombés, déchiquetés, morts. L’ordure sera balayée. Nous n’allons pas coller, ni l’heure à l’heure, Ni le sourire au sourire, Ni la main au pied, Ni l’homme à l’homme. Cette colle se nomme : devoir, considération... Et combien d’autres noms encore ! Inutile de repeindre l’endroit recollé ! Le Vin Nouveau n’y sera pas versé. Déjà, à l’approche du Vin Nouveau, Tout ce qui est collé éclate en morceaux. Et ce n’est pas maintenant que tout cela s’est brisé, Mais c’est maintenant Que vient le vin Nouveau. .. Ne craignez rien, vivez au nom de l’UN.
    Ils ont assez collé ! Le nouveau Vin n’est pas versé dans les cruches recollées, car il les fait éclater. »
    « ….SOYEZ IVRES DE DIEU ! C’est cela le symbole du vin, c’est SON sang. Vertu, bonté, bonnes intentions ne sont que pots ébréchés, pots vides, sans la Boisson. Ayez une soif inextinguible ! Soyez assoiffés de l’IVRESSE, qui seule peut vous délivrer. Que voulez-vous donner, s’il n’y a rien en vous ! Vous êtes des pots misérables sans la Boisson. A CELUI QUI VRAIMENT DEMANDE A BOIRE, LA BOISSON EST DONNEE. »
    Question de L : « Comment parvenir à une connaissance plus juste de l’homme ? »
    L’Ange : « La connaissance de l’homme – elle n’existe pas encore. Car l’HOMME n’est pas encore. L’HOMME EST TELLEMENT GRAND QUE MOI NON PLUS, JE NE LE VOIS PAS ENCORE. »

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  6. Je ne suis pas théologien, mais Jung parle bien de transcendance, de sacrifice et d'éternité à propos de la Messe. J'aimerais que cet approche soit plus précisée par bien des catholiques et parfois des clercs qui en évacuent parfois et le mystère et la gravité sacrificielle. La foi que nous transmettons dépend aussi de notre attitude à la Messe, de nos visages. .

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  7. Je reconnais plutôt une parenté de pensée avec Mircea Eliade derrière ce commentaire.

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  8. @Benoîte,

    Je verse à ce que dit l'ange cette parole lapidaire d'un de nos amis communs, grand faiseurr de charades et autres énigmes musicales:
    "La déconstruction, c'est l'analyse." Donc l'analyse, c'est la déconstruction. Rares son les analyses capables de proposer une reconstruction. Du reste le mot recomposition serait pus juste (c'est pourquoi je n'aime pas qu'on s'en prenne au vocable de "famille recomposée"). Encore faut-il que notre recomposition soi juste elle aussi, pour ne pas rompre la sainte attach, pour parler comme l'ange, et pour être reliée à la vie ou à l'Un selon le lien véritable. La recomposition que nous devons opérer est une sorte de purification. Même la recomposition de notre civilisation est douloureuse mais salutaire.

    Autre question posée à tous, y compris M. l'abbé:

    Si la messe est un acte éternel, c'est qu'il y a depuis toujours une nécessité du sacrifice. A quoi tien cette nécessité?

    J'ajoute cette autre considération que j'emprunte à une discussion en face-à-face avec un autre prêtre de l'IBP. Il m'expliquait qu'une encyclique de Benoît XIV (dont le titre n'est pas resté à ma mémoire) fait notamment apparaître que la Résurrection du christ n'est pas une manière de tout arranger dans une sorte de magisral "hip hip hip houra" (la joie ne laisse guère de marge au discours ni à l'inspiration, la joie détruit l'art...), mais la Résurrection fait partie du sacrifice. La passion fait du christ une victime, la Résurrection est la destruction de la victime en tant que victime pour consommer le sacrifice. La Résurrection serait donc une sorte de consomption de la victime sacrificielle qui la ferait accéder à son état véritable.

    Or, m'objectait un ami prêtre à qui j'exposais ce que j'avais compris de cette évaluation peu connue du statut du Ressuscité dans le sacrifice, la liturgie éternelle que nous célébrerons d'après ce que nous en montre le livre de l'apocalypse vénérera toujours l'Agneau immolé. A mon sens, cette objection par l'apocalypse est également opposable à rené Girard.

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  9. Je découvre, par "hasard", votre blog et je tenais tout d'abord à vous féliciter de sa qualité éditoriale.
    Passionné par l'oeuvre de Jung depuis des années, je suis aussi formidablement surpris de la réception de cet extrait. A titre d'information, une longue étude sur la transsubstantiation peut se trouver dans son ouvrage "Les racines de la conscience".
    Cordialement

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  10. Mon cher Julien, « toujours » n’étant pas l’éternité (c’est à dire la suppression de l’espace-temps), logiquement, « l’Agneau Immolé » n’est plus. Nous le vénérons car Il est notre Rédempteur et que Lui seul nous donne la Vie, mais en même temps, Il a supprimé tout sacrifice et toute notion de bouc émissaire, même si d’aucuns (que je ne nommerai pas) essayent de nous tirer vers ce passé et nous faire régresser à l’ancienne Loi. C’est peut-être aussi le sens de ce que vous relatez de votre conversation avec cet abbé de l’I.B.P.
    R. Girard n’a pas tort. Il met en lumière notre pensée religieuse toute terrestre d’avant le Christ qui, sans Lui, ne pouvait pas retourner au Père. C’était l’eternel retour que Dieu a rompu. D’autre part Dieu ne peut ni mourir ni ressusciter mais bien le Fils de l’Homme !! Dieu a porté le Fils de l’Homme jusqu’à la Résurrection par le même chemin qu’il avait pris pour descendre au moment du péché originel. Il doit donc y avoir au début de ce monde de malheur, une crucifixion maléfique, une sorte de sacrifice perpétuel…Je pense que ce sacrifice se trouve indiqué dans le livre de l’Apocalypse même si la clef de l’énigme n’a pas encore été trouvée. Il doit être question de fermeture puis d’ouverture. Ce Livre parle à notre Cœur (lieu de la Foi) et non à notre mental (lieu vide de tout Esprit).

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  11. Nous offrons le sacrifice de Gloire et demandons qu'il soit porté sur "l'autel Céleste"....
    Sans doute là où git et Vit et Se Dresse et Eclaire et Réchauffe et Conduit et permet d'entrer et sortit du Bercail, en cette Liberté gagnée par la Vérité du
    Père Ressuscitant témoignée dans la Croix de Résurrection l'"agneau égorgé depuis "avant" la constitution des mondes". ETC ( aucune de nos langues mortelles, de nos cultures et civilisations, de nos pensées et concepts n'épuisera la Résurrection, la Bonne Nouvelle effectuation de la Vie-sans mort ..)
    Qui mène encore ce " combat de la Vie Victorieuse de toute mort????"


    Combien de confessions des péchés guérissent encore (je veux dire comme celles avec Jésus, où guérison et pardon s'entre appartenaient, contrairement à ce que les fanatiques de la distinction du sens figuré et du sens littéral veulent nous faire accroire: les guérisons données pour des sortes d'amorces, d'images, de fables du pardon..comme si Dieu n'aimait pas notre Grande Santé !!! plus que Frédéric Néant???) ? Comment se fait-il qu'il faille des "psychologues"..pour notre "psyché"?


    en matière d'entre appartenance, il semblerait aussi qu'il y en ait une entre "être et temps" (???) ce qui permet de penser le rapport temps/éternité un peu autrement..


    Où trouver un "espace et temps" , un lieu concret où l'on puisse consulter les ouvrages multiples, toutes les ressources "interdites" par les bienpensances diverses, les petites sectes étriquées qui vont vaticinant et radotant leur prêt -à-penser, prêt-à- théologiser???

    un Amateur Sidéré par les splendeurs..

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