jeudi 25 juin 2015

Brève métaphysique d'une encyclique

Notre cher Webmestre vient de poster un texte remarquable sur les églises transformées en mosquées, et voilà que je le recouvre précipitamment. Insomnie oblige ! Je voulais en profiter pour évoquer avec vous la dernière encyclique de François sur l'écologie 'Laudato si'. On aura tout dit sur l'écologie intégrale qui sert de titre à la quatrième partie du document et de substance à l'ensemble du propos. J'aime un pape qui emploie cet adjectif! Et j'aime quand François, malgré le peu de goût qu'il a manifesté pour lui, passant sa canonisation prodigieuse au rythme des affaires courantes, sait emprunter une expression heureuse à saint Jean-Paul II dont le moins que l'on puisse dire est que lui n'en était pas avare. Le rôle de l'Eglise est d'être la clé de voûte ou l'intégrale des préoccupations humaines. L'écologie catholique concerne donc aussi bien les bébés phoques que les bébés humains... ou les vieillards, ces mal aimés, ou les Vincent Lambert. Intégrale vous dis-je! Intégrale ou menteuse, l'écologie.

Il y a de forts beaux passages dans ce texte, en particulier ceux où se trouvent sollicités saint Thomas d'Aquin (cité six fois) ou... Teilhard de Chardin (cité en note). On sera plus dubitatif sur l'évocation du soufi, dont le texte est tiré d'une obscure anthologie parue en 1978 : les fonds de tiroir de la culture papale en quelque sorte, j'avoue que ça m'intéresse moins. Même Bonaventure m'intéresse moins, qui prétend découvrir l'inconnaissable Trinité dans le monde visible. Là dessus, saint Bernard avait eu raison d'Abélard au concile de Sens. On ne va pas recommencer le match. En revanche les citations de Jean de la Croix à la fin de l'encyclique sont de toute beauté et d'un thomisme... inspiré : "Ce qu'il y a de bon dans les choses se rencontre en Dieu éminemment et à l'infini, ou pour mieux dire chacune de ces excellences est Dieu même, comme toutes ces excellences réunies sont Dieu même". Mystère de cette éminence divine qui est toutes choses sans qu'aucune chose soit Dieu !

J'aime Thomas et ce qu'il dit de la présence d'immensité: présence de Dieu à toutes et à chacune de ses créatures, que Cajétan n'hésitera pas à appeler présence hypostatique ou suppositale: présence de Dieu comme sujet de tout être. Présence qui n'est pas étouffante ou terroriste, mais dynamisante, permettant, à l'intime de chaque réalité, une sorte de développement. C'est "cet art divin" qu'il faut respecter dans les choses.

Je vous ai dit que j'aimais Teilhard. Pas tout! Mais ce que le pape en dit par exemple : les citations de Thomas semblent destinées à soutenir la possibilité d'un monde qui de par Dieu, est un monde en évolution. Teilhard est invoqué pour ajouter que cette évolution est christique : "Le Christ ressuscité est l'axe de la maturation universelle" Si comme le dit saint Paul, toute la création est dans les douleurs de l'enfantement (Rom. 8, 21, épître de dimanche dernier), alors le Christ ressuscité est en quelque sorte, pour chacune des créatures de Dieu, l'accoucheur attendu, celui qui délivre la vraie et incorruptible nature de chaque être.

J'aime ce pape, même quand métaphysiquement il s'emmêle un peu les crayons. Exemple, en essayant de ne pas jouer à Gros Jean qui en remontre à son curé, mais en utilisant la grande liberté que ce pape nous concède à nous les enfants du Bon Dieu: "Tout l'univers matériel est un langage de l'amour de Dieu [OK], de sa tendresse démesurée envers nous. Le sol; l'eau, les montagnes, tout est caresse de Dieu". Et les tsunamis? Un peu rude comme caresse. Et le tremblement de terre au Népal? Est-ce l'approche de Dieu  Un peu bruyant et surtout mortel. Il ne faut pas diviniser la nature. Combien je préfère le rude réalisme de Malebranche estimant que "la création est un ouvrage négligé". Le Catéchisme catholique (vraiment inépuisable et passionnant) est cité un peu plus haut, en note, comme pour réparer ou tempérer l'optimisme argentin : "Dieu a voulu créer un monde en route vers sa perfection ultime et ceci implique la présence de l'imperfection et du mal physique". Pas le temps d'y aller voir, c'est au n°315. François lui dit simplement et un peu robustement (je préfère le doute de Malebranche encore une fois): "Beaucoup de choses que nous considérons comme mauvaises font en réalité partie des douleurs de l'enfantement". Les tsunamisés apprécieront, enfin ceux qui sont encore là.

Sur ce problème du mal, je ne crois pas qu'il soit opportun de trop vite changer les signes: un mal apparent devient un bien réel, parce que voulu par Dieu? Non. Je préfère dire comme Malebranche: Dieu n'a pas achevé sa création, c'est le premier monde, comme un brouillon que nous sommes chargés, par grâce d'accomplir comme nous le pouvons, en attendant les cieux nouveaux et la terre nouvelle que prévoit l'Apocalypse. Le problème du mal n'est pas soluble dans l'optimisme métaphysique, Voltaire l'a assez dit à Leibniz (voir Candide) pour que nous versions nous mêmes dans ce travers. Si nous suivons Malebranche avec Voltaire et la Bible, contre Leibniz, la Raison et le pape François, cela nous permet de comprendre pourquoi, malgré la présence d'immensité de Dieu dans le monde qu'il a créé, il est malséant d'idolâtrer la nature. Dieu n'y a pas dit son dernier mot.

Merci à Eric: sans ses instances amicales, je n'aurais sans doute pas écrit ce papier.

6 commentaires:

  1. Le Bon Mathieu27 juin 2015 à 07:55

    Pour une fois nous sommes en accord complet avec notre cher abbé : le texte que nous donne à lire RF est excellent. Elégance, ironie, concision, quel charme ! Et il ouvre sur de multiples débats.

    L’unicité de Dieu est une vraie question. Surtout pour les monothéistes. Elle est généralement esquivée pour des raisons autres que métaphysiques ou philosophiques. RF l’aborde par le biais du coiffeur tunisien.
    En tant qu’entité ce dernier déroule un raisonnement sans faille, d’une grande simplicité qui le conduit à l’évidence : son Dieu est le Dieu de tous. Toute l’argumentation tient dans le passage de l’adjectif possessif à l’article défini. On est surpris par l’habileté de la méthode, par la simplicité de la réponse. Hélas, elle n’a pas de caractère universel, elle suppose une humanité de coiffeurs tunisiens.

    Mais que se passe-t-il si nous faisons intervenir dans le débat un plombier polonais ? S’il adopte la même position que son collègue on retombe dans la même impasse, avec deux humanités. S’il dit « mon Dieu est ton Dieu » il se transforme en l’instant en coiffeur tunisien. Il peut être tenté d’être conciliant : « mon Dieu est le Dieu et ton Dieu est le Dieu » mais il sort de l’épure monothéiste, un Dieu double ou à deux faces - cela s’est déjà vu. Naturellement il reste la réponse « mon Dieu est le Dieu et va voir dans l’Olympe si j’y suis » mais seul un barbare pourrait la formuler.

    Dans l’embarras faisons appel à un troisième larron. Par exemple à un modeste tailleur du ghetto de Brno. Avec la subtilité légendaire de son esprit celui-là aurait tôt fait de convaincre les deux autres que le seul Dieu est le sien, les laissant dans le plus grand désarroi après leur avoir appris que sa religion ne se transmettait que par le sang.

    Pour les « religions du livre » la question est ainsi réglée. Pour les athées et les polythéistes c’est le zéro et l’infini.

    RépondreSupprimer
  2. A partir de maintenant tout ce que dira le Pape sera retenu contre nous,l'humanité souffrante.

    RépondreSupprimer
  3. Merci, Monsieur l'abbé, pour nous donner l'image du "christ ressuscité", accoucheur de notre vraie nature. Après celle du christ Enfant à naître de Noël, dont il faut enfanter. Et celle du christ en croix, que nous suivons en pèlerins plus ou moins prompts à prendre la nôtre.

    Puisque Teilhard et Malebranche sont cités ici contre la théodyssée, je préfère au réalisme du second l'hypothèse du premier, qui n'en était pas avare, et selon qui (cf. "ce que je crois"), Dieu Créateur n'aurait pas "négligé" Sa Création, mais aurait eu tellement de respect pour celle-ci qu'Il aurait laissé la nature évoluer selon ses lois, des lois détraquées par la chute, mais qui auraient mérité le respect du Créateur, ne l'eussent-elles pas été.

    Personnellement, je crois que le Christ énonce une de ces lois de la nature quand Il constate à la fin de la parabole des talents que "celui qui a recevra encore et qu'à celui qui n'a rien, il sera ôté même ce qu'il a." Jésus le constate plus qu'il n'opère une vraie transposition du domaine de la nature à celui de la vie éternelle. OU bien tout se passerait comme si la Justice du livre de Job était le dernier mot de l'accès au ciel.

    Je n'ai pas encore lu l'encyclique du pape. Mais ce qui me rend a priori son écologie acceptable, c'est qu'elle ne renverse pas les valeurs pour mettre la terre à la place du ciel comme font tous les idolâtres de "l'environnement". Le pape se pose comme un "gardien de la création", en cela franciscain que "gardien", non "conservateur", mais "gardien": je crois que ce mot, qui forma le thème de l'homélie de son intronisation, peut être la devise de son pontificat. Non pas conserver, mais garder, veiller sur. Ne faire ni de la nature, ni de ses valeurs, ni de son identité des substituts de la Création, et néanmoins veiller sur cette nature ou sur cette identité tout en demeurant les gardiens de nos frères.

    RépondreSupprimer
  4. DSK come back (one penny for the Pig Director). Dans les milieux autorisés on envisage sérieusement un second tour Juppé-DSK ; un ancien condamné contre un acquitté récent. Si le second l’emportait on aurait Dodo la Saumure à Matignon. De Saint-Germain-des-Prés à la rue de Varenne, en quelques enjambées, on passerait de la pollution des esprits à la prostitution des corps.

    Au-delà de 1.000 € on ne pourra plus régler en espèces. Pensons à tous ces gens qui, durant toute leur existence, n’ont jamais pu acquérir une marchandise de ce prix.

    Mr Alexandre Adler, une sommité de poids, a qualifié de « grand guignol » la tragédie de Saint-Quentin-Fallavier (C dans l’air du 26 Juin). La décapitation, ce n’est pas son truc « ce n’est pas plaisant…c’est rien de couper une tête une fois qu’on a tué ». Il généralise au cannibalisme : « une fois que je suis tué, d’être mangé c’est déplaisant mais bof ! ».
    Dans son cas, il est vrai, débiter son cadavre permettrait d’alimenter plusieurs tribus à la fois.

    Il est scientifiquement démontré que le contrôle au facies est parfaitement inopérant appliqué au public des rencontres sportives. Néanmoins rappelons que cette pratique peut rapporter 1.500 € à tout citoyen à condition de ne pas avoir le teint pâle, les yeux bleus et les cheveux blonds. Encore que !

    François de L… est maintenant compère-compagnon avec Hulot l’aviateur, Bové le gardien de chèvres, Cohn-Bendit le gentil pédophile et Jean-Vincent Placé le bouddha vivant. Attention il y a dans l’écologie – notamment dans le fonctionnement du climat terrestre – un aspect moral mais aussi une composante proprement scientifique qui risque d’échapper au Vatican. Rappelons-nous Galilée.

    Vautrés sur les plages qui sentent bon le sable chaud, tous ces corps adipeux, blanchâtres, qui rôtissent au soleil, obésités quasiment porcines, ne pouvaient que susciter de l’intérêt parmi les bataillons serrés des fous de Dieu. Surtout dans un pays où on a souvent qu’une poignée de dattes journalière pour se nourrir.
    Sousse qui peut !

    Ceux qui lisaient encore « Le Monde » il y a une vingtaine d’années se rappellent de Jean-Marie Colombani qui était quelque chose dans ce Merdia. Aujourd’hui il se contente de faire connaître sa pensée dans un journal gratuit. Dans « Direct Matin » du 22 Juin, il évoque la Hongrie de Viktor Orban, un « ultra conservateur » méchant-méchant. A son sujet il se livre à un raccourci historique qui vaut son pesant de goulasch. Je cite « Stopper le passage des migrants qui, pourtant pour l’essentiel, se dispersent à travers toute l’Europe. Ironie de l’histoire : c’est la Hongrie qui, la première, avait provoqué des brèches décisives dans « le mur » qui séparait l’Est de l’Ouest de l’Europe, en permettant aux Allemands de l’Est de passer à travers la Hongrie pour rejoindre l’Allemagne de l’Ouest. » Fin de citation.
    Finalement la situation actuelle n’est pas si grave : un Allemand de Dresde déménage pour aller s’installer à Cologne. Et alors !

    RépondreSupprimer
  5. Bonjour Monsieur l'Abbé,

    je ne savais pas trop où ni comment vous joindre pour vous remercier de cette passionnante émission faite en compagnie de Pierre Yves Rougeyron dans les studios de Radio Courtoisie dernièrement. Du très haut niveau !

    Si je puis me permettre, je vous recommande une pointure intellectuelle similaire et dans la même tranche d'âge - sans doute la relève de demain - trop peu connue mais qui donne aussi énormément à réfléchir: Adrien Abauzit. Il s'agit d'un catholique patriote, et quelques unes de ses remarquables conférences sont disponibles sur la toile dont les sujets sont la déculturation, le déracinement etc... Des thèmes, qui, je crois sont chers à votre coeur.

    Bien cordialement.

    Louis.

    RépondreSupprimer
  6. Tsunami ? tremblement de terre ? meurtriers ? bien sûr mais les victimes sont infiniment plus nombreuses quand l'homme se croit le maître de l'Univers. Aveuglé par ce qu'il croit être sa puissance .Point besoin d'être chrétien pour cela , les japonais qui savaient être sur le dos d'un dragon habitaient des constructions de bois et de papier, si le tremblement de terre de 1926 chez eux fit tant de victimes c'est aussi parcequ'ils avaient suivi la mode des gratte_ciels américains .La nature est à la fois harmonieuse et puissante, c'est à l'homme intelligent ( conscient de ses limites , de roseau pensant,) de composer avec elle pour le bien du plus grand nombre , en toute humilité . Sans le souci de laisser un nom pour les générations futures .
    Qui connaît les noms des architectes et des bâtisseurs des cathédrales qui font encore l'admiration des foules huit cents ans après ?

    RépondreSupprimer