lundi 3 août 2015

Le Fils, le Saint Esprit et notre vie intérieure

Dans le rite traditionnel, nous avons pu relire la parabole du pharisien et du publicain : tellement éloquente que d'une certaine façon, elle n'a pas besoin de commentaire. On le voit d'ici ce pharisien, toujours aussi actuel : "Tu es béni Seigneur de ce que je ne sois pas comme le reste des hommes, qui sont menteurs voleurs, adultères..." Et encore : "Moi je donne la dîme de tout ce que je gagne". Eloquent le bonhomme : pas la peine d"épiloguer. On voit très bien.

Aujourd'hui, j"avoue que c'est l'épître de saint Paul qui m'a donné à réfléchir. J'ai prêché quatre fois ce dimanche (vacances obligent) mais je crois que je n'ai pas dit, pas osé dire tout ce à quoi j'avais pu penser et il y a surtout ce sur quoi je continue à réfléchir ce soir. Saint Paul nous parle des dons de Dieu, des dons que Dieu fait "à qui il veut". Terrible mystère ! Quels dons ?

Il ajoute : "à l'un, par l'Esprit, une parole de sagesse, à un autre une parole de gnose selon le même Esprit, à un autre la foi dans le même Esprit". Un peu plus haut il y a ce critère : "A chacun selon ce qui lui convient (to sumpheron, c'est-à-dire mot à mot ce qui apporte : rien à voir directement avec le "bien commun" de certaines traductions). Dieu dans l'Esprit saint traite chacun comme il lui convient, selon l'utilité qu'il en a, non seulement quant aux charismes (charismata dans la langue de Paul les dons de guérison et de parler en langue), mais quant à la foi et quant aux paroles (grec logos, traduction latine timide : sermo) que l'Esprit saint nous procure, paroles de sagesse, pour dominer la confusion de notre existence ; paroles de science, paroles de gnose, pour pénétrer plus avant dans le Mystère et s'en nourrir, quand la foi seule ne nous suffirait pas.

Dieu nous traite comme cela nous convient...  Il ,ne nous laisse pas seul. il nous parle, il nous donne, outre la foi qui nous situe en Lui, qui nous permet d'expérimenter sa Bonté, des paroles de sagesse et de science qui nous font avancer vers lui avec plus de facilité alors que nous nous trouvons dans telle ou telle situation difficile. J'aime beaucoup ces deux emplois de logos par saint Paul. Dieu nous parle aujourd'hui par son Esprit. Il n'a pas dit son dernier mot en Jésus-Christ. Il continue de nous parler par l'Esprit saint.

Ces deux emplois de "logos" par saint Paul en un tel lieu me font penser à une phrase catégorique de saint Jean de la Croix, que, salva reverentia, j'ai toujours eu un peu de mal à encaisser, parce que je la trouvais théâtrale. Dans les Avis et Maximes, on trouve d'autres de ces phrases catégoriques... qui sont faites pour le rentre dedans. Saint Jean de la Croix, il ne faut pas l'oublier, est, outre un théologien thomiste hors pair, un écrivain, l'un des très grands écrivains espagnol du siècle d'or, un poète certes, mais qui maîtrise parfaitement sa prose aussi. Jean de la Croix écrit : "Dieu n'a dit qu'une seule Parole son Verbe et il l'a dite dans un silence éternel". Il me semble au contraire que Dieu n'a pas dit son dernier mot en Jésus Christ.

En Jésus-Christ, Dieu nous dit les paroles universelles (catholiques), qui font la beauté, qui donnent son évidence à l'Evangile. Mais à chacun de nous, selon que cela nous est utile, des paroles sont adressées, des grâces de lumière comme dit Malebranche, des paroles de sagesse ou des paroles de science (Jeanne d'Arc en eut beaucoup durant son procès au grand dam de l'évêque de Lisieux qui l'interrogeait). Sachons accueillir sans peur ces paroles nouvelles, qui nous sont adressées personnellement et qui peuvent, de façon lumineuse, dénouer un conflit ou apporter un éclairage auquel personne n'avait pensé. "Marchez dans la lumière, tant que vous avez la lumière" dit Jésus. N'ayez pas peur de la lumière que vous recevez dans le secret de votre coeur. J'aime beaucoup cet ordre que donne Malebranche à son lecteur : "Suivez votre lumière !". C'est sans doute ce que saint Paul veut dire, suivez votre lumière. Si Dieu n'a pas dit son dernier mot en Jésus Christ, cela signifie qu'à chacun d'entre nous il donne des paroles qui marquent particulièrement et qu'il faut prendre sur soi, prendre avec et pour soi. Pour mieux nous tourner vers les autres.

C'est l'audace qui nous manque. Le Saint Esprit nous la donne.

4 commentaires:

  1. "...Il me semble au contraire que Dieu n'a pas dit son dernier mot en Jésus Christ..."
    Comment ne pas douter de cette espérance alors que la planète entière subit des guerres atroces où les morts s'accumulent sous l’indifférence quasi générale ?
    " Suivez votre lumière ", certes, encore faudrait-il en connaître le chemin et sa finalité, d'autant que le relativisme ambiant autorise chacun à suivre sa propre destinée, au détriment souvent de celle de son voisin..

    Dieu a sacrifié son Fils une fois, je ne crois pas qu'il le fasse une deuxième, et attend patiemment la fin de l'Homme pour, peut être, une nouvelle Renaissance.

    RépondreSupprimer
  2. Cher MAG2T,
    Que notre compréhension de Dieu est limitée et toujours humaine, Trop h….. ! Pourquoi s’étonne t’on de ce qu’Il donne à chacun autant que celui-ci en a besoin, en un mot qu’il lui donne « tout » ( à condition qu’on le veuille) ? N’est-ce pas parce que nous sommes incapables de concevoir que : « la partie serait aussi grande que le tout » ? Cette comparaison mathématique n’est pas complètement stupide car elle touche notre conception de l’infini. A part 2 mathématiciens dont les noms m’échappent, (et que je peux éventuellement rechercher) et qui se sont cassé la tête en voulant prouver que l’infini puissance infini était encore du « fini » et que la vrai révolution copernicienne serait de pouvoir concevoir la partie du tout aussi grande que le tout lui-même, l’humanité stagne toujours dans les méandres d’une logique bien terre à terre. Ce raisonnement, en effet, nous fait sortir de notre monde. Il va dans un au-delà et nous parle aussi de Dieu. Outre le fait que Dieu « se donne sans fin et sans limite » et que le mot « amour » ne lui convient pas, Il se donne entièrement à chacun selon ses besoins et probablement selon sa Foi et son amour de Dieu. Ce Dieu tellement « Autre » que nous que nous ne pouvons pas le concevoir et tellement proche qu’il perce chacun de nous au plus profond de son âme ( sauf …et la parabole des vierges folles nous l’apprend : Celles-là, Il ne les « connait » pas !). La phrase de St Jean de la Croix nous parle justement de cet antagonisme apparent (car notre petit esprit nous limite) entre le silence de Dieu tellement « Autre » et ce Verbe qui n’est rien d’autre que Vie et Lumière « qui éclaire tout homme venant en ce monde ». A titre d’exemple on peut citer le mystère des Evangiles qui est une chose vivante, Lumière de Dieu qui parle à chacun selon….etc. Ce n’est pas un livre et en ce point le catholicisme n’est pas une « religion du livre ». C’est la Lumière de Dieu qui se manifeste en nous pour un peu qu’on s’y plonge ! Les Evangiles nous transforment, les sacrements (l’Eucharistie) nous transfigurent.
    « Si Dieu n’a pas dit son dernier mot en J.C… » Je suis persuadée du contraire et c’est peut-être aussi ce que cherche à dire St J. de la Croix : Tout a été dit en son Fils par sa mort et sa résurrection et l’Eglise sait tout et connaît tout. Elle possède la clef de tous les mystères. C’est le mental humain qui est en retard, à la traîne et qu’elle attend. Comme une mère, elle nous nourrit selon nos forces, comme Dieu le fait.
    Quant à l’Evangile du pharisien et du publicain, il nous parle de la plus grande des vertus : l’humilité sans laquelle pas de Foi, pas d’Espérance ni de Charité car nous dit le Christ : « sans moi, vous ne pouvez rien » et, comme dirait mon curé, Il n’a pas dit « vous pouvez un peu », non, on ne peut rien du tout. Sans cette humilité de se reconnaître incapable sans l’intervention de notre Sauveur, on va directement au casse-pipe !


    RépondreSupprimer
  3. Oui, Dieu continue à envoyer des paroles qui nous marquent et que dévons réfléchir sur elles...Très intéressant votre texte. Cependant, une doute sur votre avant-dernière phrase, ou plûtot, une tristesse.
    Vous écrivez : « Pour mieux nous tourner vers les autres. » Peut- être la meilleure phrase du texte, car la plus difficile... C´est vrai cette phrase, et que nous devrions nous tourner vers les autres pour les aider, les consoler de leurs douleurs et leurs souffrances , souvent d´une angoisse infinie... Je ne parle ici de les douleurs physiques ou de la santé-bien que importantes- mais des soffrances de nature spirituelle.
    Comme il est difficile de nous aider et aussi aider notre prochain !
    J´essaye de faire mon mieux pour aider les gens, malgré ma faiblesse et la petitesse de la foi. Parfois, je peux aider les gens, quand ils sont ouverts et réceptifs.
    Cependant, j´ai un problème sérieux avec une personne, qui m´a blessé violemment du point de vue spirituel, et j´ai essayé parler beaucoup de fois avec cette personne, mais je n´ai pas obtenu aucun succès. Car la personne est obstiné dans ses idées et vit dans un monde de fanatisme et obscurantisme. (Et ne veut pas parler avec moi). C´est un type de personne à qui nul est vrai dans ce monde, et seulement le groupe des fanatiques auquel il appartient a « la vérité ».J´appris que plusieurs autres gens ont tenté dissuader cet homme de ses idées, mais aussi sans succès. Je prie et je me demande plusieurs fois : « Que fait Dieu pour guérir quelqu´un du fanatisme ? » C´est un mystère ! Je sais bien qu` à Dieu rien est impossible, et j´aime voir Dieu comme « Le Dieu de l ´impossible. »
    Cet homme, cependant, a eu déjà beaucoup de problèmes, une maladie récente(mais pas grave) et il semble que rien ne le fait réfléchir ! Au contraire, tout ce que lui arrive, semble le faire devenir plus fanatique et aveugle.
    Curieusement, j´ai parlé avec un prêtre ami un peu à ce sujet,il y a deux mois, et il m´a dit une chose : « Dieu a une horloge différente de la nôtre. Il a Son temps. Continuez à prier et à faire confiance. Il entend vos prières, et va résoudre cette question un jour, car il a des milliers de façons de briser un coeur endurci. »
    Hou la la, peut-être il a raison, et j´ai commencé a mettre dans mes prières : « Seigneur, donnez-moi de la patience pour attendre l´heure de Votre horloge... »
    Ne riez pas, cette histoire de l´horloge est au sens figuré, bien sûr...
    Mais ce cas m´a fait voir qu´il y a des choses dans ce monde, que seulement Dieu peut résoudre, quand il s´agit d´aider les autres gens !...Et nous ne pouvons que demander à Dieu de nous aider dans nos souffrances(parfois très douloureux et intenses) et persévérer dans la prière, en attendant qu´Il avance Son horloge un petit peu...
    N.N.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. "La résignation est un remède aux maux auxquels on ne peut échapper" c'est de Horace et on trouve cette citation en latin , dans les pages roses du dictionnaire.
      Depuis , le message du Christ est arrivé et si la résignation persiste , elle n'est plus désespérée car il y a une récompense aprés cette vie.
      Bien sûr il y a eu des abus , des cyniques en ont profité en oubliant que le pendant de cette patience résignée était l'amour du prochain.
      Lénine en avait déduit que la religion est l'opium du peuple.
      Lui est ses adeptes nous ont montré que leurs "lendemains qui chantent" pour l"homme nouveau" débouchaient sur un enfer jusqu'ici inédit.
      L'humilité est indispensable , dans leurs prières les meilleurs n'hésitent pas à dire au Seigneur de prendre le relais lorsque leur force et leur persévérance fait défaut.La vie du Curé d'Ars est remplie de situations semblables.

      Supprimer