lundi 1 septembre 2014

Un prêtre doit-il éviter de faire de la politique ?

Je réponds avec un peu de retard à une gentille algarade de l'un d'entre vous sur l'air de "chouette l'abbé est de retour" (c'est vrai que j'avais pris quelques vacances de ce blog cet été, je m'en confesse), enchaînant avec un petit couplet aigre-doux sur le fait que, parce que prêtre, je ne comprenais rien à la politique et ne pouvait pas en parler. Cher ami, vous me donnez l'occasion rêvée pour faire le point sur cette épineuse question : les prêtres doivent-ils s'abstenir en politique ?

Je voudrais dire d'abord de quoi les prêtres doivent s'abstenir en matière politique : un prêtre ne peut être membre d'un Parti, sous peine de perdre l'universalité (la catholicité) de son sacerdoce. En effet, un Parti c'est à la fois une partie des citoyens opposée aux autres, et, dans cette opposition même, qui n'est pas religieuse mais civique, c'est une discipline (la discipline de parti), à travers laquelle on vous enjoint de dire ceci et pas cela, de frayer avec un tel et pas un tel, et même de penser une chose et pas une autre.

Par ailleurs je suis vraiment d'accord avec Vatican II, insistant sur la notion d'autonomie du politique. C'était d'ailleurs autrefois (dans les années 20 et 30) la position de Charles Maurras, qui lui avait été reprochée et par le pape Pie XI (pape autoritaire s'il en fut sorte de Boniface VIII des temps modernes, mais tellement intelligent...) et par Jacques Maritain dans les volumes anonymes publiés à l'époque (Clairvoyance de Rome et un autre qui devait s'appeler - de mémoire - Sous le joug de l'obéissance [à Rome bien sûr]).

Qu'est-ce que l'autonomie du politique ? C'est l'idée qu'il existe un bien spécifiquement politique, non pas contraire à la morale mais cependant qui n'est pas de nature morale... Saint Thomas, dans la IaIIae, définissait le bien commun politique comme pacificus status civitatis. L'Etat tranquille de la Cité. En quoi il se révélait très proche de la gouvernance médiévale en général et capétienne en particulier : le roi rend la justice, il est là pour apaiser les conflits entre les petits et les grands, mais pas pour imposer l'enseignement de l'Eglise par le glaive du temporel. Les règles de la paix sociale dépendent chaque fois d'un contexte différent et d'une connaissance de la chose politique que l'homme d'Eglise n'a pas.

La politique est donc bien un domaine au sein duquel le Pouvoir spirituel qui est l'Eglise ne peut pas s'immiscer. Pourtant il appartient au Pasteur - et ce n'est pas facultatif pour lui - de connaître le terrain dans lequel il mène paître ses ouailles.

En ce deuxième sens il est hélas plus que jamais nécessaire qu'un prêtre - ou a fortiori un évêque - fasse de la politique, non pas pour reprendre en choeur le Politiquement correct du moment, mais pour analyser, éclaircir, guider et avertir. Voyez Mgr Nona, évêque de Mossoul, à la fin du mois d'août dernier, il s'est adressé non seulement à ses chaldéens, mais à tous les chrétiens, d'Orient et d'Occident, en termes fermes: «Nos souffrances d’aujourd’hui sont un prélude aux vôtres, chrétiens européens et occidentaux qui souffrirez aussi dans un proche avenir».

«J’ai perdu mon diocèse», a déclaré l’archevêque. «L’emplacement physique de mon ministère a été occupé par des islamistes radicaux qui veulent que nous nous convertissions ou soyons tués. Mais ma communauté est encore en vie.»

Vous direz sans doute que cet évêque fait de la politique et que le rapprochement qu'il n'hésite pas à effectuer entre la situation en Orient et en Occident est excessif. Pour moi c'est un bon Pasteur : il prend ses responsabilité, à la face de l'Eglise universelle.

11 commentaires:

  1. " La politique est donc bien un domaine au sein duquel le Pouvoir spirituel qui est l'Eglise ne peut pas s'immiscer. " C'est trop vite dit. Boniface VIII, par exemple, puisqu'il est cité, prônait la fameuse " théorie des deux glaives ", dans laquelle le temporel était censé obéir au spirituel. On sait quelle fut l'attitude de Philippe Le Bel et de ses légistes sur la question (attentat d'Anagni). Mais l'Eglise, Dieu merci, s'est toujours préoccupé de politique. D'abord parce que le Vatican est un état et une théocratie, mais aussi parce qu'il existe une morale-politique dans laquelle la morale-morale a son mot à dire. De plus, usant des excommunications de princes, des bulles pontificales, des encycliques, des ordonnances et des condamnations, de mouvements politiques par exemple, l'Eglise a toujours eu un rôle très important à jouer pour réguler le politique et même pour appuyer (hélas) la pseudo-politique religieuse des souverains. Le drame de conscience de beaucoup de prêtres, d'ecclésiastiques et de religieux, mais aussi de simples fidèles, vient de là. Doit-on obéir d'abord au pouvoir politique ou d'abord à l'Eglise ? Ce fut bien souvent un déchirement qui ne s'est pas apaisé facilement et a engendré bien des drames (de conscience) et des tragédies humaines... Néanmoins, il est vrai que l'histoire occidentale, notamment au cours des siècles récents, a vu s'effriter progressivement le pouvoir spirituel de l'Eglise au profit d'une philosophie dite "humaniste" qui n'a cessé de compliquer encore plus cette problématique ancienne.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Cher Philippe Lenain
      Doit-on obéir d'abord au pouvoir politique ou d'abord à l'Eglise ?

      ni à l'un ni à l'autre !
      Mais à sa foi, sa conscience, sa responsabilité !

      Supprimer
  2. Et l'on pourrait ajouter : "le cléricalisme, voilà l'ennemi".

    RépondreSupprimer
  3. "Autonomie du politique" ? Totalement possible dans des Etats chrétiens. Totalement impossible dans des Etats islamistes, athées. A voir ici ou là sinon... rarement.
    Mais sur la fond tout systéme politique se fonde sur un lien commun, une religion au sens strict. Et appelle donc un positionnement vis à vis de l'incontournable Jésus-Christ.
    Aprés que les clercs restent à leur place, évidemment. Mais ils ne sont pas seuls l'Eglise...

    RépondreSupprimer
  4. Peut-être um prêtre ne devrait pas être aussi un politique, mas chacun à sa place. Sur l´évêque, il a raison dans ses mots. Mais nous devrons nous rappeler que les radicaux, dans toutes les religions, sont nuisibles à la societé. Ils contribuent à rendre le monde plus pire... Mas en tant que chrétiens, nous devons prier et demander à Dieu pour la paix.

    RépondreSupprimer
  5. Claude Michelet, qui a écrit "Les grives aux loups", était le fils du "papa Mond", et donc n'était rien moins que maurrassien. Pourtant il a montré à la France des téléspectateurs des feuilletons du vendredi soir des campagnes où les prêtres des années 20 et 30 tempêtaient en chaire contre tous les partis du cartel des gauches, ce que vous nous avez refait, Monsieur l'abbé (et nous fûmes quelques-uns à vous le reprocher) lorsque vous portiez le diagnostique pourtant lucide qu'il fallait voter Sarkozy et ni Hollande, ni la Marine inutile...

    Maintenant, de la politique partisane, vous vous défendez d'en faire. Vous n'êtes pas de ceux qui divisez les Français, assure l'Autel par votre voix. Alors pourquoi, quand l'archevêque de Mossoul émet des protestations très alarmistes, qui impactent directement la paix communautaire et sociale de la France, ça vous intéresse et vous paraît correspondre au réel, tandis que vous regrettiez sur votre page facebook que "la Croix" se soit fait l'écho du fait que l'archevêque chaldéen de Bagdad avait finalement rétrogradé dans la dramaturgie spectaculaire, et et affirmé qu'il n'y avait pas eu un seul chrétien décapité, et qu'on ne déplorait qu'un seul mort chrétien au terme des attaques de l'Etat islamique d'Irak, qui n'a provoqué dans cette communauté qu'un mouvement d'exode (classique) et de panique (légitime), alors que les Yésidis ont payé le prix fort en termes de personnes massacrées ou ayant subi des traitements inhumains?

    Or c'est en se basant sur les alertes et informations de cet archevêque Louis-Raphaël Ier Sako, je vous le rappelle, que, non seulement le Vatican a prôné pour la première fois depuis le début du XXème siècle une guerre juste afin d'éviter le massacre de minorités terrorisées, mais que les USA se sont décidés à faire des frappes pour aider l'armée curde à reconquérir, non pas l'intégrité territoriale d'une Irak qui contrecarrerait ses desseins d'unité du curdistan, mais un espace de paix civile aussi harmonieux que possible?

    La question de fond, à partir du moment où vous ne vouliez pas revenir de l'émotion qu'avait exagérément suscitée mgr Louis-raphaël IER Sako sur le sort des chrétiens d'Irak, est de savoir si vous et le Vatican, si vous et disons le "parti clérical" ou "le cléricalisme en politique", auriez prôné la même politique d'intervention internationale si vous aviez su que des populations pré-islamiques comme les Yésidis étaient persécutées ou si des chrétiens avaient été menacés de persécutions ou persécutés. Autrement dit, pour vous, une vie vaut-elle une vie, et la logique du martyre ne confère-t-elle pas quelque valeur représentative (ou "figurative", dirait Saint-Augustin dans "La cité de Dieu") supérieure, selon que ladite vie serait chrétienne ou "primitive", sauvée ou misérable?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. je partage la pense de journal torrentiel !

      GDT dit l'abbé s'émeut comme tous ces cathos sur la martyr de chrétiens ,
      mais on ne l'entend pas sur la martyr de boudhistes ou musulmans ou athées !
      étonnant non ?

      Un disciple de Jésus, donc de l'humanité en marche, se fout de l'esprit identitaire,
      il défend tout homme persécuté ou exploité quelle que soit sa religion ou sa couleur !

      Supprimer
  6. (Suite)


    J'en termine avec la politique intérieure. Vous n'aimez guère la "gauche irréaliste" incarnée par l'augustinien Montebourg et la "belle gosse" jeune-première bobo-culturelle adulescente Aurélie filippetti, mais vous ne trouvez rien à redire au néoconservatisme franco-américano-russo-sioniste, au néoconservatisme français de l'eurodéputé frontiste et géopolitologue autoproclamé Aymeric Chauprade, qui préconise ni plus ni moins que le massacre illégal par nos services spéciaux des djihadistes français étant allés prêter main forte à leurs correligionnaires (Aymeric Chauprade réclame leur exfiltration fusillaire et non la simple déchéance de leur nationalité qui leur ôterait toute protection consulaire), ou encore une politique de "remigration", qui ferait que quiconque refuserait de s'"assimiler" à l'humus civilisationnel judéo-chrétien se verrait couper les vivres et encourager à retourner d'où il vient.

    Vous préférez le néocon Chauprade à l'augustinien Montebourg. Mais pire: vous moquez Montebourg contre le charme tout vallsien du "gazier des familles" et meilleur ennemi de "la manif pour tous" que vous avez contribuée à animer. Le visage grave de ce premier-ministre pragmatique vous inspire tout à coup un respect régalien. Les catholiques ont la mémoire courte à moins que, comme disait Sartre... Surtout que vous ne le préférez que pour des raisons financières, parce qu'il vous sert (et que vous le gobez) le discours des marchés: la France est un pays ruinéet en déflation à cause des immigrés et des faux chômeurs qu'il convient de faire cracher au bassinet et de faire travailler le dimanche en refusant le plafonnement des loyers, des fois que le pouvoir d'achat des "prolos" tiers-mondisés, que même Mélanchon a fini par appeler "le peuple", ne friserait plus la nécessité pour les membres féminins des familles mono-parentales de se prostituer ou d'aller voler dans les supermarchés (j'exagère...?), auquel cas vous convoqueriez de concert Valls qui aime tout le monde et saint thomas d'Aquin qui est un gentil homme d'ordre, pour dire que les prostituées sont des fraudeuses qui ne paient pas patente, tandis que leurs clients seraient de bons "pères de famille" qu'on doit soutenir et dont il ne faudrait pas grever fiscalement l'argent du ménage...

    Je ne sais plus, je crois qu'Elisabeth Lévy dans "Causeur" a fait signer un certain manifeste pour défendre cette position vallso-thomiste, où les clients des prostitués s'appelaient eux-mêmes "les 343 hypocrites.."? La nausée me prend tout à coup, mais Sartre pourrait me rappeler l'adjectif qui défaut à ma mémoire et dont se glorifiaient ces 343 messieurs très virils...

    RépondreSupprimer
  7. (Fin)

    Mieux vaut décidément, je crois, M. l'abbé, que vous ne fassiez pas de politique, vos fidèles en ont des hauts-le-coeur. Expliquez-nous plutôt comment votre cher Saint-Augustin pouvait ne pas voir malice à théoriser que le dieu plus intime que lui-même à lui-même puisse admettre dans Son Economie du salut une éternité de combustion sans consomption, en un génocide tel que même Hitler ne l'aurait pas imaginé avec ce caractère irrémissible. Pourriez-vous pas, Monsieur l'abbé, nous parler d'une économie miséricordieuse de la politique du divin, ou bien cette économie n'exiszte pas? Et croyez-vous que le pacificus status civitatis soit un idéal, non pas révolutionnaire, mais capable de satisfaire le besoin d'aventure, que l'homme veut voir réaliser dans la société politique? Car "le bien commun" n'est pas "la fin de l'histoire", non plus que la décroissance ou la société de consommation. Le "bien commun" anticipe dans la sagesse et avec Dieu un "langage des événements". N'en peut-il exister qui ne soit pas mysanthrope? Je sais que vous ne croyez pas en l'homme, mais ne nous gratifiez pas d'une politique mysanthropique

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. GDT ne croit pas en l'homme ?
      dites vous cher journal torrentiel ?

      mais ce n'est pas possible !
      Jésus croit en l'homme, capable de miracles !
      et Dieu passe par l'homme !
      voilà le génie du christianisme (entre autre)

      Supprimer
  8. @Adrien, lisez sur ce métablog l'article de l'abbé intitulé: "Pourquoi je ne crois pas en l'home" et que vous pourrez retrouver en recopiant ce lien dans votre navigateur: http://ab2t.blogspot.fr/2011/12/pourquoi-je-ne-crois-pas-en-lhomme.html

    RépondreSupprimer