lundi 20 juillet 2015

«Au village, sans prétention, il n’y avait plus rien» (René Fallet, La Soupe Aux Choux, 1979) [par RF]

[par RF] La Soupe aux Choux est un roman de René Fallet,  publié en 1979. L’auteur y décrit deux vieux (le Glaude et le Bombé) dont le monde s’est effondré («ceux qui allaient encore aux champs ne chantaient plus les chansons de chez eux ; s’ils se sentaient de belle humeur, ils emportaient le transistor») au profit d’une nouvelle société. Dans ce nouveau monde les fils de paysan disparaissent à la ville; ceux qui restent travaillent à l’usine locale, laquelle produit ironiquement «des tracteurs». On achète ses chaussures à la grande surface (le Glaude était sabotier) et on prend son eau au robinet (le Bombé était puisatier). Les métiers (mercière, coiffeur, maréchal-ferrant) disparaissent à mesure des départs à la retraite, d’où la phrase qui ouvre le livre: «Au village, sans prétention, il n’y avait plus rien». Tout a fichu le camp, tout a muté, jusqu’au curé. Extrait:
«Il n’y avait plus, non plus, de curé. Le vieux n’avait pas été remplacé par un neuf. On ne voyait plus de soutane au hasard des chemins, et le mécréant dépité n’avait plus le loisir de gueuler ‘à bas la calotte’, puisque, aussi bien, il n’y avait plus de calotte. Certes, il demeurait  un ecclésiastique affecté au chef-lieu de canton mais, appartenant à tous, il n’était en fait à personne. Pour le coup, le saint homme avait été aigrement surnommé par ses ouailles éparpillées ‘le prêtre-à-porter’. Mon Dieu oui –et que Dieu lui pardonne–, déguisé en notaire, il s’en allait porter à toute allure la bonne parole de commune en commune, main bénisseuse et pied sur l’accélérateur, expédiant messes, extrêmes-onctions, mariages, enterrements au grand galop de tous ses cinq chevaux. Résultat, au village, on était absous avant même d’avoir eu le temps de pêcher, ce qui retirait bien de l’agrément à l’affaire. En somme, il n’y avait plus de Bon Dieu. Ou guère. Ou si peu.»
Hélas, à mesure que les années passent, on voit que René Fallet a mis à côté de la plaque. Ce nouveau monde qu’il décrivait comme succédant à l’ancien… n’a pas tenu. L’usine de tracteurs, typiquement, a fermé. Le prêtre «déguisé en notaire» est mort, ou sinon très âgé. Il ne distribue plus à la chaîne les sacrements… qu’on ne lui demande plus. Rétrospectivement, on comprend que ce nouveau monde qui s’annonçait dans les années 70 n’aura été qu’une prolongation, une tentative de survie par modernisation, l'ultime avatar de l’ancien – et qu’il meurt tout aussi sûrement.

14 commentaires:

  1. À quels endroits pense RF dans ce billet ultra-général ? Profils rurbanisés, touristifiés, en déréliction?

    Daquin

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  2. Fallet me donne la nostalgie! Et quand on se souvient de cette époque si calamiteuse "y fo'lfèr"
    C'était la fin du gaullisme et comme toujours "on fait de l'acharnement thérapeutique"!
    Merci pour cet extrait en tout cas.

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  3. Dans son introduction à la soupe aux choux, Fallet ne fait pas de l'anticipation mais décrit la société telle qu'elle a commencé à devenir folle. On ne peut pas dire qu'il ait mis à côté de la plaque ; au contraire, sa description pleine d'ironie (et de regrets) est particulièrement bien vue. Et pour ce qui est de l'anticipation, il faut lire le livre au delà de la première page (et le reste de son oeuvre) pour se rendre compte qu'il avait bien compris comment la modernité détruisait la société à petit feu.

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    1. Tout à fait d'accord avec vous! Notre cher abbé fait preuve de méchanceté gratuite et mesquine...

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    2. Si je peux me permettre.... ce message n'est pas méchant, il n'est pas gratuit, et il n'est pas mesquin. De plus, il n'est pas de l'abbé, mais de moi (=RF). Puisque j'ai (peut-être?) été mal compris, je précise que bien évidemment j'apprécie René Fallet, et ce livre que je connais sans doute un peu mieux que beaucoup de gens - et que ce n'est pas critiquer Fallet que de voir qu'il a mis à côté de la plaque sur ce coup-la.

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    3. Je m'en suis rendu compte entre temps et vous prie de m'en excuser ainsi qu'à l'abbé injustement mis en cause.
      Mais je continue de penser que cette espèce de "codicille"ne veut rien dire. Un peu comme un cheveu sur la soupe! Vous attribuez à R.F ( tiens, mêmes initiales? ) des intentions qu'il n'avait pas.

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    4. Cher Roger, on ne va pas se mettre la tête au court-bouillon, chacun pourra se faire son idée après lecture -au demeurant fort plaisante- de ce livre qu'on doit trouver dans pas mal de bibliothèques de prêt. Pour ce qui est de votre second message, avec le couplet sur "les gens d'extrême-droite" dont je ferais partie, je ne le passe pas bien sûr, n'ayant pas de temps à vous faire perdre en inanités.

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  4. Comme vous, je ne m'en suis pas tenu à une seule page, ni à un seul livre, ni à une seule lecture. Et il me semble bien que Fallet oppose la modernité à la tradition (pour faire simple). Plus précisément, qu'il observe le monde nouveau qui succède au monde ancien comme lui succédant, et proposant de nouvelles structures mentales. Tandis que moi (qui ne suis ni écrivain ni sociologue ni philosophe - mais qui ai l'avantage de 35 ou 40 années de recul) je vois ce "nouveau monde" comme déjà périmé, comme une tentative de mise à jour du monde traditionnel, mais appelé à mourir tout aussi bien que lui. Typiquement (on quitte là l'oeuvre du seul Fallet, qui n'est là qu'à titre d'illustration) la 'nouvelle' Eglise vantée dans les années 70 et même 80... sent aujourd'hui pire que le sapin: elle sent la naphtaline. Aussi sûrement que les meubles en formica sentent la brocante.

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  5. René Fallet écrit cela quand le modernisme campagnard est en pleine évolution. Peu de contradicteurs car à tous les niveaux les gens veulent ou souhaitent le changement qui les "dépaysera", sans penser un seul instant que tout ce qui disparaît , c'est pour de bon !
    "petit bonheur , je t'ai connu lorsque tu m'as quitté " chantait Félix Leclerc.
    Pour améliorer un système , les gens sages changent un paramètre à la fois.A cette époque là , pas de détail tout en même temps. Les têtes ont tourné comme au manège sauf que cette vie nouvelle a continué sur la lancée; plus de repères.
    Même le clocher qu'a plus de cloches.
    Enfants perdus dans un monde inconnu si ce n'est hostile qui ont la nostalgie de la douce lumière du foyer.

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  6. D'accord avec vous. On a assisté à changement sociétal. Fallet le décrit à la campagne. Un changement équivalent a eu lieu à la ville d'ailleurs! J'ai toujours pensé que De Gaulle, de ce point de vue, maintenait la France sous une chape de plomb.La fameuse société de consommation bouillait en dessous...C'est pourquoi le changement c'est produit "tout en même temps" comme vous dites si bien.

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    1. Mon bon Roger, nous sommes d'accord sur le fait qu'à la ville aussi, etc. Du reste l'oeuvre de René Fallet nous emmène aussi bien dans les banlieues en pleine mutation, voyez "Le beaujolais nouveau est arrivé" par exemple, qui oppose des personnages populos à souhait et qui habitent 'la réserve', à leurs concitoyens aseptisés qui logent dans des 'résidences' aux alentours.

      C'est du reste un thème très fréquent dans la culture populaire de l'époque, que l'on trouve aussi bien dans "Le tatoué" (Gabin la tradition - contre de Funès la modernité) que dans "Le Chat" (Gabin/Signoret, en couple de vieux, dont le pavillon est isolé entre de hautes tours, agressé par le bruit du chantier qui en fait pousser d'autres. Je citerais aussi bien "L'aile ou la cuisse" (encore que l'aspect populaire en soit absent) ou "La zizanie" (Girardot/de Funès) ou encire "Le Grand Bazar" (Galabru/Serrault/Rinaldi) ou 50 autres nanards. Sans oublier, ce serait dommage, le savoureux "Calmos" (avec Bernard Blier mis en scène par son fils Bertrand dans un petit rôle de curé truculent)

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  7. Il faut remercier celui qui nous donne à lire ce délicieux passage d’un auteur que nous découvrons hélas un peu tard après tout le monde et qu’il accompagne d’un commentaire aussi bref que profond.
    Cependant, mon bon RF, je vous trouve, et ce n’est pas la première fois, quelque peu sombre voire dépressif. Certes il n’y a plus dans chaque hameau un oint du Seigneur, on ne rencontre plus de soutane à chaque détour d’un chemin creux, il n’en est pas moins vrai que nous continuons à baigner dans le christianisme.
    D’ailleurs, étant donné la qualité de nos clercs, autant que nous en ayons le moins possible.

    Maintes preuves nous convainquent que nous ne nous égarons pas dans la barbarie. Comment expliquer que nous nous gardons de distribuer à une multitude des billets de retour avec embarquement immédiat, que nous laissons déambuler en toute liberté des tas de gens qui devraient être sous les verrous, et même, que nous nous retenons d’aller suspendre quelques quidams à des crocs de boucher.

    Non, cher RF, le peuple français n’est pas en voie de déchristianisation. Le peuple français est un peuple martyr.

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  8. Charlie Bedo Spécial Eté24 juillet 2015 à 09:56

    Un US Koweitien a attaqué l’US armée dans ses US casernements. Le « jeune » a été abattu. Les Américains n’ont plus besoin de se déplacer pour casser de l’Arabe.
    La US façon de vie en est affectée.
    Hollywood va se reconvertir dans les Easterns.

    L’Etat islamique s’en prend à la marine égyptienne. Une frégate a été endommagée par un missile.
    La traversée de la Méditerranée n’est plus sans risque. Les primes d’assurance augmentent. Les passeurs se sont émus, leur activité ne serait plus rentable. Ils ont réclamé de l’aide à la communauté européenne, principale bénéficiaire.

    Les actes et menaces islamophobes ont quadruplé au 1er semestre 2015. On craint un exode massif de nos compatriotes musulmans vers leurs pays d’origine. Ce phénomène pourrait avoir des conséquences catastrophiques sur le plan politique. L’élection de 2017 pourrait être chamboulée.

    Davantage de bouches à nourrir pour moins d’agriculteurs qui ne s’en sortent plus et se suicident.
    Moins de terres arables pour plus d’aéroports.
    Une humanité d’affamés nomades, au ventre creux, aux yeux larges comme des soucoupes, enfin tous semblables. Le point oméga des idéologues égalitaristes, le triomphe des peuples errants.
    Un projet qui ne pourrait pas forcément déplaire à Francesco Da Roma.

    Cette année en Avignon les bobobarbus ébaubis eurent droit à Richard III, pièce glaçante et implacable sur les mœurs des politiciens. Rentrés chez eux ils continueront imperturbablement à voter Sandanton, Sarcobis, Syrak, etc…
    La culture c’est ce qui permet de relier une pièce de théâtre de toujours avec la réalité politique du temps.

    Richard III, une pièce anglaise jouée pour des français, par des allemands et en allemand. Le théâtre étant chez nous dans l’état intermiteux que l’on sait, pourquoi ne pas faire appel à la main-d’œuvre étrangère ?
    L’allemand parlé est rude à nos oreilles surtout quand les organes des acteurs sont sombres et gutturaux à souhait. Mais cette mise en scène avignonnaise donnait à voir d’autres organes plus rabougris. De visu nous avons eu la confirmation que les races de guerriers conquérants ne sont pas nécessairement pourvues de grandes vertus domestiques.

    L’Ex première dame de France serait revenue sur la question de l’« édentitude » de certaines classes sociales défavorisées. Son propos n’était pas très clair. Nous n’avons pas tout compris. Alain Delon, qui a été vu en sa compagnie, pourra-t-il apporter quelques précisions ?
    Après avoir fait dans la politique va-t-elle faire dans le cinéma ?

    Jean Lacouture vient de mourir. Un tâcheron alimentaire besogneux qui publia de copieuses biographies qui ne furent lues que par ses obligés.
    Au début de sa carrière il fut journaliste au « Monde ». Il s’y rendit célèbre pour l’éternité en saluant le 17 Avril 1975 la triomphale entrée de Saint Paul Pot à Phnom Penh au milieu d’une population en liesse.
    Un homme qu’on aurait volontiers entarté.

    Les régionales verront peut-être s’affronter deux membres d’une même famille : un grand-père et une petite fille. A l’élection suivante on pourrait avoir de nouvelles figures. Un père contre une fille, une tante contre une nièce, etc…

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  9. Charlie Bedo Spécial Eté24 juillet 2015 à 09:58

    Nos confrères de Charlie – le vrai – viennent de prendre une courageuse décision : ils vont lâcher les babouches de Mohamed. Car – affirment-ils - ce personnage « ne les intéresse plus ». Après Luz, Riss, le nouveau directeur, ne dessinera plus la figure du prophète.
    Curieusement ils abandonnent dans la foulée (!) les talonnettes de Sarko - pour la même raison ! Espérons tout de même, pour notre plaisir, qu’ils ne délaisseront pas François le Poupin. Naturellement ils conservent les grands classiques : Jésus sur la croix demandant qu’on lui passe une canette ; un curé en train de sodomiser un enfant de chœur, etc...
    Nous autres, à Charlie Bedo, publication d’inspiration catholique, nous ne verseront jamais dans la dérision des autres religions. Pour la raison que nous avons tous le même Dieu comme nous l’a rappelé récemment le Coiffeur Tunisien.
    Rappelons que Cavanna, le plus grand d’entre eux, mort dans son lit, se définissait comme une « grande gueule ». Ses successeurs se débandent après la première riflette. Des grandes gueules en peau de lapin.

    La communauté européenne exige que EDF rembourse 1,4 M € à l’Etat. Selon une information provenant de la place du Colonel-Fabien le budget du comité d’entreprise ne serait pas touché.

    L’Educnat est en crise. Elle n’arrive plus à recruter. La raison en est l’extrême qualité requise des impétrants. Au massif énorme du savoir exigé, connaissances pures et pédagogie, s’ajoutent le maintien, la moralité, la bonne présentation, les bonnes manières, une voix qui porte, un physique qui ne prête pas à rire. Autant chercher à faire passer un chat dans une aiguille.
    Le seul remède est la suppression de la scolarisation obligatoire, mesure bénéfique à plus d’un titre. On sait les ravages provoqués par l’école chez les enfants – dépression, névroses – sans cesse confrontés à des camarades plus habiles qu’eux dans les problèmes de robinets ou les thèmes grecs ; les habitudes, les vices appris de mauvais camarades ; ce sentiment d’inégalité intrinsèque face aux notes et aux classements.
    Mais il y a aussi l’aspect économique. Bien des familles n’ont pas les moyens de faire face aux frais de scolarité. La prime de rentrée sert souvent à l’achat indispensable d’un téléviseur de 10 m². Pire, certaines ont besoin du travail de leurs enfants pour s’en sortir et dès le plus jeune âge ; ce que l’on constate chaque jour sur la voie publique.
    Ne nous le cachons pas : nombre de nos concitoyens ont été détournés du savoir par une fréquentation trop précoce de l’école. Combien de retraités se détournent ensuite des universités du troisième âge par un ressentiment qui s’est formé sur les bancs fond de classes.
    Pour être efficace la scolarisation doit être volontaire. Réservons nos rares enseignants aux seuls élèves qui les réclament explicitement.

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