Le prêtre, récitant le Per ipsum, dessine trois croix avec l'hostie au dessus du calice, rythmant ainsi sa prière : per ipsum, première croix, et cum ipso, deuxième crois, et in ipso, troisième croix. Il ne s'agit pas de bénédictions, au sens précis de ce terme, car ces gestes ne bénissent rien ni personne. Là comme ailleurs, dans la consécration, il s'agit de désigner le Mystère, de rappeler que le Mystère se donne non comme une idée à l'esprit humain qui s'en saisirait pour l'abstraire encore d'avantage, mais comme une réalité participant miraculeusement à l'espace temps. Le rapprochement entre l'hostie et le calice, entre le corps et le sang du Christ, nous fait penser , après sa mort, à la résurrection du Seigneur avec son corps et son âme (le sang, c'est l'âme). Il est toujours vivant pour intercéder en notre faveur : la messe, c'est Jésus ressuscité qui offre son sacrifice pour nous les hommes, à Dieu son Père, dans l'unité du Saint Esprit.
Après ces trois croix qui saluent ou qui désignent l'action du Christ ressuscité, le prêtre en décrit effectivement deux autres, plus larges, sur tout le corporal (ce linge amidonné sur lequel se déroule le sacrifice eucharistique) : après le mystère de la résurrection, le mystère de la Trinité : "A toi Dieu, Père tout puissant, dans l'unité du Saint Esprit". La prière du Fils exerçant sa médiation, résonne, elle appelle toute la Trinité : le Père auquel toujours nos prières s'adresse, et le Saint Esprit parce qu'il n'y a qu'un amour et que l'amour du Fils est l'Esprit saint. Ces cinq signes de crois tentent de désigner le mystère, la longueur, la largeur, la hauteur et la profondeur, comme dit saint Paul aux Ephésiens, mais le mystère dépasse tout ce qui le désigne et la messe nous entraîne de la résurrection à la Trinité, vers l'Infini, où il n'y a plus rien à montrer parce que tout est dans tout.
Omnis honor et gloria : Dieu a voulu s'abaisser vers le fini, nous dire son amour à travers les souffrances du Fils fait chair. Cette geste du Christ, quand nous l'apercevons dans son ampleur divine, nous coupe le souffle jusqu'aujourd'hui. Elle est au-delà de tous les computs, le temps ne saurait la mesurer. Mais elle est achevée, image mobile de l'immobile éternité qui, jusque dans la sainte messe reçoit le dernier mot, en accomplissant divinement tout honneur et toute gloire. Le Mystère se révèle dans la lumière de l'éternité. C'est en lui, sommaire de l'Amour de Dieu pour sa création, que se manifestent "tout honneur et toute gloire, pour les siècles des siècles". Cette ultime clausule de la clausule - les siècles des siècles, expression que l'on trouve déjà dans saint Paul (I Tim. 1, 17) et qui participe sans doute des toutes premières liturgies - signifie que par la fidélité au rituel, nous sommes entrés dans l'éternité. Canon en grec signifie règle. Nous sommes rendus, avec l'Amen final, à la fin du Canon, nous avons célébré selon la règle et nous sommes éternifiés.
C'est ce respect pour la règle que l'on retrouve, introduisant la récitation du Notre Père : "Avertis par les préceptes salutaires et formés par l'institution divine, nous osons dire..." Nous osons dire quoi ? Notre Père. Nous osons, comme le Christ, nous adresser à Dieu comme à Notre Père...", nous osons face à lui, exciper de notre qualité de Fils, qualité inamissible que nous avons reçue au baptême et qui nous permet de célébrer son Mystère en vérité... Pour résumer : c'est la fidélité au règles du Christ, dans la récitation de la prière qu'il nous a apprise, qui nous donne toutes les audaces. En particulier l'audace de tutoyer le Mystère, qui ne nous échappe plus, puisque désormais, comme fils et filles de Dieu, nous en faisons partie. Nous y communions!
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