Nous parvenons finalement à l'apogée théologique du Sacrifice de la Messe avec la prière Supplices te rogamus, prière que l'on trouve déjà substantiellement dans le De sacramentis au IVème siècle. Le sacrifice terrestre est accompli, c'est un sacrifice saint et une victime immaculée, selon les quatre mots ajoutés par le pape saint Léon, dont on pensera sans doute qu'il tenait à renforcer l'atmosphère sacrificielle de cette liturgie comme si cela était nécessaire. En réalité, l'ajout de ces quatre mots prépare le paragraphe Supplices. Il signifie que, terrestre, ce sacrifice n'en est pas moins parfait et digne d'être considéré comme céleste. C'est le sommet de l'action liturgique ; non seulement ce sacrifice est universel, comme nous venons de le voir, reprenant tous les sacrifices du passé et réalisant comme à l'avance ceux de l'avenir. Mais encore l'espace créé ne suffit pas à le définir ou à le contenir.. Son vrai lieu c'est l'éternité.
Il ne s'agit pas là d'une amplification qui viendrait de la dévotion humaine, mais de l'enseignement explicite de l'épître aux Hébreux sur le Christ grand prêtre. C'est le fameux texte que nous lisons tous les ans aux Rameaux ; "Le Christ ayant paru comme grand prêtre des biens à venir, c'est en passant par un tabernacle plus excellent et plus parfait [que ne l'est la Saint des saints dans le Temple], qui n'est pas construit de mains d'hommes, c'est-à-dire qui n'appartient pas à cette création-ci et ce n'est pas avec le sang des boucs et des taureaux mais avec son propre sang qu'il est rentré une fois pour toutes dans ce sanctuaire [non fait de mains d'hommes], ayant acquis une rédemption éternelle"(Hébr. 9, 10-12). Par un aspect de son essence, le sacrifice du Christ est aussi le sacrifice de la Deuxième personne de la Sainte Trinité, le sacrifice du Verbe de Dieu se réalisant dans sa chair créée, En ce sens, il "n'appartient pas à cette création" dit l’Épître. C'est un acte divino-humain, créé en tant qu'il est humain, incréé en tant qu'il est le fait du Fils de Dieu.
Pourquoi le sacrifice céleste revêt-t-il une telle importance ? Du moment qu'il a lieu, nous sommes sauvés et nous n'en demandons pas plus...
Je donnerai deux raisons : la première, c'est que le sacrifice a mystérieusement sa place en Dieu même, et cela parce que le don sacrificiel est la forme que prend tout amour et que Dieu est amour. Il n'y a pas d'amour sans don de soi et Dieu même, mystérieusement, vérifie cette loi. L'amour entre le Père et le Fils est don réciproque, et ce don est le Saint-Esprit, amour du Père et du Fils. La création, puis l'Incarnation du Verbe de Dieu permettent de trouver de nouvelles modalités à cet amour substantiel (la mort sur la croix par exemple), sans en changer la nature.
La deuxième raison, plus difficile, relève de cette idée que le sacrifice de la messe est la réactualisation non sanglante du sacrifice de la croix. C'est le même sacrifice sous une autre modalité (sacramentelle et non sanglante). Comment comprendre, au-delà des mots, que ce sacrifice puisse se vivre selon des modalités différentes ? Il faut le comprendre comme un acte éternel, "une fois pour toutes" dit saint Paul aux Hébreux, qui est manifesté dans l'espace temps à travers le sacrifice de la croix et qui se manifeste de nouveau à chaque messe, prenant la forme d'un acte transitoire alors qu'il est "l'éternelle offrande à la gloire de Dieu", toujours une comme Dieu est un et toujours multiple selon le temps et l'espace, comme cela avait été prophétisé par le prophète Malachie 1, 11 : "Du levant au couchant, mon Nom est grand chez les nations, et en tout lieu un sacrifice d'encens est présenté à mon nom, ainsi qu'une offrande pure". Le Temple de Jérusalem ne suffit pas au sacrifice divin qui coïncide avec l'éternité elle-même sur une esplanade non faite de mains d'hommes. Chaque messe, la plus humble, la cérémonie la plus simple réalisée avec exactitude "en mémoire du Seigneur" est une manifestation de la liturgie trinitaire. Tel est le sacrifice céleste sur la terre.
Mais les paroles de la consécration que nous étudions, signifient aussi en sens contraire que le sacrifice terrestre, pur, saint et parfait, il faut réaliser que "porté par ton saint ange sur ton autel sublime" il ne fait qu'un avec l'offrande trinitaire, qui le divinise avant de nous diviniser en nous offrant le salut.
Qui est cet ange saint ? Est-ce Jésus-Christ, ce Messie que le prophète Isaïe a nommé "l'ange du grand conseil" (Is. 9) ? On le pensait au XIIIème siècle. Est-ce un ange qui dans la liturgie céleste fait fonction non pas de sacrificateur, de prêtre ou de célébrant mais de servant de messe, simple apporteur, trait d'union entrée le Ciel et la terre ? On peut le penser, on l'a pensé dans l'Antiquité chrétienne. En réalité la question n'a pas beaucoup d'importance, une fois acquise l'idée de la liturgie céleste comme but et comme matrice de la liturgie terrestre. Une fois admise l'idée de l'autel céleste comme modèle de l'autel terrestre.
C'est ce qu'indique la fin de la prière Supplices qui ne mérite pas force commentaires tant elle est claire ; "Pour que chaque fois que par notre participation à cet autel d'ici-bas, nous aurons pris le corps et le sang de ton Fils, nous soyons comblés de toutes bénédictions céleste et grâce". La messe et notre communion à la messe est ainsi comme un tremplin pour le Ciel.
Votre bénédiction, abbé. Je m'excuse pour les fautes d'orthographe, car je ne parle pas couramment le français. Je voudrais savoir si votre position sur la nouvelle messe est la même que lorsque vous avez écrit cet article, dont je mettrai la référence ci-dessous. Est-il possible de le regarder s'il est correctement célébré? La position de l'institut (IBP) est-elle différente? Merci, révérend Abbe. Je dis au revoir en demandant votre bénédiction.
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