Donner une conférence publique sur un sujet de thèse de philosophie, c'était un peu un défi. En replaçant Cajétan dans son époque, il me semble que j'ai pu évoquer sa physionomie de façon accessible. Ce fut... oui, une vraie joie !
Encore n'avons nous pratiquement pas touché à l'essentiel : la modélisation métaphysique et théologique du monde qui est celle de Cajétan. Son personnalisme intégral, selon l'expression que je me suis risqué à utiliser comme sous titre de ce gros livre. Dans mon esprit, évidemment, cette expression devait faire pendant à celle de Jacques maritain, humanisme intégral, pour la justifier, pour la préciser, pour la critiquer. Pour essayer de se situer dans le sillage de Benoît XVI, on pourrait dire, avec lui : le "véritable humanisme intégral" (expression utilisée à l'avant dernier § de l'encyclique Caritas in veritate) est un personnalisme intégral. Lorsque B. XVI parle du "véritable humanisme intégral" il sous entend qu'il y en a de faux...
Et lorsqu'on lit attentivement son encyclique (en particulier son commentaire de Populorum progressio et sa présentation générale), on s'aperçoit, comme je l'ai déjà expliqué ici il y a deux mois, que pour le pape "devenir plus homme", c'est non seulement rejoindre sa nature d'homme et "bien faire l'homme" comme dirait Aristote, mais c'est découvrir sa vocation, cet appel de Dieu qui donne une forme singulière à chacune de nos existences. Bref, c'est entrer dans cette extension du domaine du réel qu'on appelle le surnaturel. Ce n'est tout de même pas un hasard si le pape emploie au moins trois fois ce terme de surnaturel qu'on avait décrété obsolète ou hors d'usage.
Le faux humanisme intégral, ce n'est pas simplement l'humanisme sans Dieu dont le pape a dit ce qu'il fallait penser dans son mémorable discours du 9 août dernier, c'est aussi l'humanisme sans le surnaturel, sans cette destinée personnelle de chacun qui ne saurait se réduire au devenir de l'espèce. C'est cet "oecuménisme au rabais" entre l'Eglise et le monde, dont 40 ans après le Concile, nous savons bien à quoi il mène et ce qu'il faut en penser.
J'en étais là de mes réflexions lorsque l'on m'a apporté une communication de l'abbé Vincent Serralda sur Le personnalisme d'Alcuin. Alcuin, maître de l'Ecole du Palais sous Charlemagne a été le maître d'oeuvre de la renaissance intellectuelle carolingienne. L'abbé serralda s'est spécialisé sur son oeuvre. Il a publié naguère aux NEL un gros bouquin sur ce sujet, que je n'avais jamais lu, je dois le confesser. Dieu sait pourtant que les quelques sermons de fierté chrétienne que j'ai entendus prononcer à l'abbé Serralda Salle Wagram ont pu influencer mon sacerdoce ! Et là, ce petit article en tirage à part... Je feuillette et je tombe en arrêt sur un intertitre : "La philosophie chrétienne d'Alcuin est un personnalisme intégral".
Joli signe du Destin ! Le sous titre de mon gros bouquin est une reprise involontaire d'une expression de Serralda... Rien de nouveau sous le soleil aurait dit l'Ecclésiaste.
Pourquoi cette confluence ? Nos démarches apparemment n'ont pas grand chose à voir. L'abbé Serralda se plaçait au niveau d'un droit substantiel de la personne, dans une réflexion de moraliste. Moi j'en reste à la représentation du monde que la métaphysique peut nous aider à dresser. Je hasarderais pourtant une explication à cette confluence : pour un esprit libre, le seul intégralisme supportable ne peut être que personnaliste. Le personnalisme de Cajétan sauve l'intégralisme médiéval et le rend praticable par un sujet qui a bu le philtre de la modernité. Le personnalisme moral de l'abbé Serralda sauve la liberté d'un individu en proie aux terribles destructions que lui fait vivre l'histoire. Il lui permet de garder la tête haute malgré tout, puisque même si le monde s'effondre, il reste vrai que chaque personne est un monde, et qu'en tant que telle dit Serralda, elle jouit d'un "droit substantiel", d'un droit qui n'est pas seulement une relation, sans cesse menacée par la défaillance des relatifs, mais qui s'affirme. Sans conditions.
Encore n'avons nous pratiquement pas touché à l'essentiel : la modélisation métaphysique et théologique du monde qui est celle de Cajétan. Son personnalisme intégral, selon l'expression que je me suis risqué à utiliser comme sous titre de ce gros livre. Dans mon esprit, évidemment, cette expression devait faire pendant à celle de Jacques maritain, humanisme intégral, pour la justifier, pour la préciser, pour la critiquer. Pour essayer de se situer dans le sillage de Benoît XVI, on pourrait dire, avec lui : le "véritable humanisme intégral" (expression utilisée à l'avant dernier § de l'encyclique Caritas in veritate) est un personnalisme intégral. Lorsque B. XVI parle du "véritable humanisme intégral" il sous entend qu'il y en a de faux...
Et lorsqu'on lit attentivement son encyclique (en particulier son commentaire de Populorum progressio et sa présentation générale), on s'aperçoit, comme je l'ai déjà expliqué ici il y a deux mois, que pour le pape "devenir plus homme", c'est non seulement rejoindre sa nature d'homme et "bien faire l'homme" comme dirait Aristote, mais c'est découvrir sa vocation, cet appel de Dieu qui donne une forme singulière à chacune de nos existences. Bref, c'est entrer dans cette extension du domaine du réel qu'on appelle le surnaturel. Ce n'est tout de même pas un hasard si le pape emploie au moins trois fois ce terme de surnaturel qu'on avait décrété obsolète ou hors d'usage.
Le faux humanisme intégral, ce n'est pas simplement l'humanisme sans Dieu dont le pape a dit ce qu'il fallait penser dans son mémorable discours du 9 août dernier, c'est aussi l'humanisme sans le surnaturel, sans cette destinée personnelle de chacun qui ne saurait se réduire au devenir de l'espèce. C'est cet "oecuménisme au rabais" entre l'Eglise et le monde, dont 40 ans après le Concile, nous savons bien à quoi il mène et ce qu'il faut en penser.
J'en étais là de mes réflexions lorsque l'on m'a apporté une communication de l'abbé Vincent Serralda sur Le personnalisme d'Alcuin. Alcuin, maître de l'Ecole du Palais sous Charlemagne a été le maître d'oeuvre de la renaissance intellectuelle carolingienne. L'abbé serralda s'est spécialisé sur son oeuvre. Il a publié naguère aux NEL un gros bouquin sur ce sujet, que je n'avais jamais lu, je dois le confesser. Dieu sait pourtant que les quelques sermons de fierté chrétienne que j'ai entendus prononcer à l'abbé Serralda Salle Wagram ont pu influencer mon sacerdoce ! Et là, ce petit article en tirage à part... Je feuillette et je tombe en arrêt sur un intertitre : "La philosophie chrétienne d'Alcuin est un personnalisme intégral".
Joli signe du Destin ! Le sous titre de mon gros bouquin est une reprise involontaire d'une expression de Serralda... Rien de nouveau sous le soleil aurait dit l'Ecclésiaste.
Pourquoi cette confluence ? Nos démarches apparemment n'ont pas grand chose à voir. L'abbé Serralda se plaçait au niveau d'un droit substantiel de la personne, dans une réflexion de moraliste. Moi j'en reste à la représentation du monde que la métaphysique peut nous aider à dresser. Je hasarderais pourtant une explication à cette confluence : pour un esprit libre, le seul intégralisme supportable ne peut être que personnaliste. Le personnalisme de Cajétan sauve l'intégralisme médiéval et le rend praticable par un sujet qui a bu le philtre de la modernité. Le personnalisme moral de l'abbé Serralda sauve la liberté d'un individu en proie aux terribles destructions que lui fait vivre l'histoire. Il lui permet de garder la tête haute malgré tout, puisque même si le monde s'effondre, il reste vrai que chaque personne est un monde, et qu'en tant que telle dit Serralda, elle jouit d'un "droit substantiel", d'un droit qui n'est pas seulement une relation, sans cesse menacée par la défaillance des relatifs, mais qui s'affirme. Sans conditions.
Il était comme ça, Serralda, infiniment ouvert, ayant écrit sur tout, le Tao, Pavlov et les Béatitudes, mais avant tout : inconditionnel. Prêtre catholique, sans condition, à son époque, ce n'était pas simple.
On peut se demander si ce n'est pas le problème majeur du siècle passé et du siècle qui vient.
RépondreSupprimerCombien de fois avons-nous croisé des individus, des groupes dont l'existence s'amensuise parce que cette lumière disparaît. Le surnaturel , ce n'est pas quelque chose de superflu, qui s'ajouterait comme une sorte de complément facultatif mais bien quelque chose qui doit s'ajouter à notre nature.
Merci Monsieur l'abbé, pour cette réflexion salutaire !
Il faudra bien que l'Eglise tranche et apporte des précisions en la matière.
Athanase