mercredi 23 septembre 2009

Qu'est-ce que l'absurde ?

Conférence intéressante hier du docteur Bornet sur la notion d'absurdité. Une notion que l'on aimerait appeler absurde pour la disqualifier. Mais comme dit Bornet, "je sens monter l'absurdité comme une mer". Et de nous donner des exemples de règlements administratifs absurdes, de réactions politiques absurdes. On trouve tout cela dans son livre L'absurdité en rire pour en guérir.

Le rire du docteur Bornet n'est pas un rire de dérision mais un acte de compréhension. C'est lorsqu'on a compris le mécanisme de l'absurdité que l'on peut en rire. Le livre de Bornet lui permet de construire un modèle pour définir ou délimité l'absurdité. L'absurde pour lui, c'est le refus de la relation ou du rapport, c'est une attitude, l'attitude de celui qui refuse la dualité du réel.

Soit par exemple la dualité bien connue de l'espace-temps. Je pense immédiatement à la loi de l'indétermination de la matière de Heisenberg. Dans l'infiniment petit, on ne peut calculer en même temps la vitesse et la position d'un électron. mais on peut transposer cette loi dans la vie quotidienne et cela nous donne cette trouvaille du code de la route qu'est le feu orange. On ne peut pas faire en sorte que la réaction de l'automobiliste suive immédiatement le signal donné. C'est pourquoi entre le rouge et le vert, on a inventé le feu orange. Mais aujourd'hui, le code de la route permet de verbaliser aussi qui passe au feu orange, ce qui fait qu'il n'y a pas de limite. Le conducteur est sensé être maître de son véhicule, mais cette sentence qui fait abstraction du temps et ne s'applique que dans l'espace est tout simplement absurde.

Autre forme d'absurdité, métaphysique cette fois, le fait de ne considérer les choses que dans leur existence et non dans leur essence et leur existence. Sartre a beaucoup joué de cette réduction de la dualité métaphysique du réel, de cette réduction à l'existence pour proclamer l'absurde. C'est tout l'argument de la nausée. L'homme est de trop pour l'éternité parce qu'il est considéré comme un pur existant, sans essence, sans loi normative, sans nature. C'est un monstre. Il est absurde comme pur existant. Mais de même que tout à l'heure il suffisait d'introduire la variable du temps pour comprendre l'attitude du conducteur de la voiture, de même si l'on accepte la dualité essence existence en chaque réalité créée, si l'on reconnait que la nature n'est pas purement jetée là, mais qu'elle est œuvre de l'intelligence, comme le répète sans cesse Averroès, alors on doit bien admettre que l'absurde est une construction du cerveau humain qui procède du refus de la dualité foncière de tout étant.

L'absurdité ? On peut en rire quand on a compris qu'elle procédait d'un tropisme unaire inhérent à l'intellect humain, qui a sans cesse tendance a sacrifier sur l'autel de la sacro-sainte simplicité du concept l'essentiel dualité du réel... Merci au docteur Bornet d'avoir mis le doigt là où le réel nous fait mal.

1 commentaire:

  1. L’environnement est à la mode. Pourtant, l’homme du quotidien se soucie comme d’une guigne de ce qui l’environne. Le piéton fébrile se déplace dans sa bulle. Le caissier hagard ne voit défiler que des ombres. Le passager du métro se protège du monde extérieur avec son ipod. Inutile, d’ailleurs, de protester quand, par un mouvement sans contrôle, ce dernier vous flanque son sac dans l’estomac : il est seul dans la foule. On le voit, cette perception hémiplégique du réel, source de l’acte absurde chez un sujet méthodiquement coupé de son entourage, peut rapidement mener à quelque situation conflictuelle. Face à l’absurdité qui gagne ainsi du terrain dans les actes les plus ordinaires, il reste le rire (ou la baffe). Un peu de hauteur de vue peut aussi compléter ce sain défoulement.
    Beaucoup n’omettent pas d’accomplir les gestes qu’on leur a prescrits, comme cet automobiliste qui met son clignotant seulement au milieu du tournant, mais ils ne savent pas pourquoi ils le font. Ils ont perdu le sens des causes finales. Oui, littéralement, « ils ne savent pas ce qu’ils font. », selon la parole évangélique. L’horizon a disparu pour ces individus réduits à une seule dimension. Tout devient pure inconséquence.
    Cette absurdité qui se répand aujourd’hui dans la population, c’est le mal insidieux du cloisonnement dans la conscience même de l’acte. Elle se décline aussi chez le fier gogo qui, mondialisation oblige, se targue de vivre « en temps réel », oubliant simplement à quelle errance le conduit un réel réduit au temps. Au passage, notons cette curieuse manie qu’est la volonté récurrente d’abolir tantôt l’espace pour mieux appréhender le temps, tantôt l’inverse. Aussi, cette infirmité, qui guette notre contemporain techniquement assisté, le conduit fréquemment à inverser les raisonnements de base. Les causes sont prises pour les effets. Et vice versa.
    Pour combattre l’absurdité tapie au coin de la rue, d’abord vive le rire, qui rétablit spontanément une solide et franche relation entre l’homme et l’univers ! Par sa vertu, en un clin d’œil, le cosmos retombe sur ses pieds. (Quant à la baffe dont je parlais, on me reprochera sans doute son caractère pas très catholique, alors je me dois de la déconseiller.) Le mieux, c’est encore de penser en même temps l’immédiat et le représenté (le paysan, qui sème en vue de la récolte, pense ainsi naturellement depuis quelques millénaires, si l’on en croit Hésiode), l’espace et le temps, soi et autrui. Relier l’un et le multiple. Au fond, rien de moins que vivre, donc vivre la dualité. En somme, pour ne pas être en décalage avec la Création, aimer.

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