mercredi 30 septembre 2009

Ovide est-il un pornographe?

Jacques Trémolet de Villers sera mardi 6 octobre au Centre Saint Paul pour une conférence à 20H00 sur le thème "Ovide est-il un pornographe? Réflexion sur l'usage des classiques". Laquelle conférence sera suivie d'un verre de l'amitié. Pour vous mettre en appétit, voici l'article de Présent du 16 septembre 2009.
L'art d'aimer
ou épître réparatrice à Ovide
Jacques Trémolet de Villers - Présent daté du 16 septembre 2009 - cité par le Forum Catholique
AINSI mon cher Ovide, le poète choisi de mon adolescence, l'initiateur aux drames de Pyrame et Thisbée, jeunes inventeurs - par amour - du téléphone, avant d'être, par amour, la préfiguration de Roméo et Juliette, ainsi, vous êtes attaqué par mes amis, mes lecteurs, mes proches, parce que l'Education nationale, en mal d'auteur latin, vous a désigné, cette année, pour l'épreuve du baccalauréat.
Les professeurs ont choisi, pour l'épreuve de version latine, L'art d'aimer.
On s'est ému, on pétitionne, dans les meilleurs milieux, et on vous accuse, cher poète exilé, du péché de luxure ; je vous fais grâce des autres. Je pense que, là où vous devez être, dans les champs élyséens où, en bon païen que vous fûtes, vous attendez la venue de celui que vous n'avez pas connu, mais pour qui, sans le savoir, vous avez travaillé, l'affront vous est indifférent. Si je le relève, pour vous défendre, ce n'est pas davantage pour vous que pour moi, ou plutôt c'est par piété envers vous, envers votre art, envers votre œuvre, envers ce que nous vous devons.
Laissons Les Métamorphoses que mon ami et confrère Olivier Sers vient de traduire - vers pour vers, onze mille vers latins, onze mille alexandrins français qui se répondent mot pour mot - nous en parlerons un autre jour, de cette gigantesque Histoire universelle du paganisme, monument dressé pour la mémoire de ce qui fut avant. Avant quoi ? Avant la Révélation que vous ne pouviez pas connaître, mais dont le souffle qui passe dans votre épopée est comme une attente en haleine, où l'on voir, à l'état de germe ou d'accomplissement, les espérances, les absurdités, les monstruosités et aussi les beautés d'un univers qui, pour ne pas connaître le vrai Dieu, vit au rythme d'un désir qui ne peut être que la face cachée de son amour.
Ovide, c'est certain, poète de l'amour, connaît mieux le petit dieu Eros que la douce, pure et chaste Agapé. Mais il en parle avec une telle expérience, une telle sagesse, un tel amour de l'amour humain que, face à la bestialité, à la brutalité, à l'inhumanité toujours renaissante et menaçante, son Art d'aimer sonne comme une proclamation de l'honneur de l'homme. Son préambule le dit : « S'il est quelqu'un de notre peuple à qui l'art d'aimer soit inconnu, qu’il lise ce poème, et, instruit par sa lecture, qu'il aime. » L’œuvre est trop importante, trop complète pour qu'ici j'en dise tout. Mais comment ne pas voir, en comparaison de l'immense majorité de films, de romans, d'émissions de radio ou de télévision où ce qui n'est plus que la caricature de l'amour humain est ramené à une brève pulsion, à quelques borborygmes et à la violence machinale - cinématographique, décalquée de soi disant modèles - de quelques gestes, toujours les mêmes - le trésor, je dis bien le trésor, qu'est l'art d'aimer ?
Dans notre époque où les liaisons sont si brèves, si intermittentes, que ce terme même de « liaison » n'est plus employé, où, au gré des humeurs, des envies, des dégoûts ou des illusions, au gré des modes, les couples, mariés ou non, se défont- pour se refaire ailleurs, et encore se défaire, dans une inconstance vraiment mortifère, quelle leçon donne mon poète quand il écrit : « Ce n'est pas assez que mes vers aient amené à toi celle que tu aimes : mon art te l'a fait prendre, mon art doit te la conserver. Et il ne te faut pas moins de talent pour garder les conquêtes que pour les faire ; dans l'un, il y a du hasard, l'autre sera l’œuvre de l'art. »
L'art d'aimer, pour lui, est plus exigeant encore que l'art de la guerre. Il demande plus de constance et plus de sacrifices. J'ai envie de recommander à tous les couples ébranlés par la lassitude, de suivre le conseil d'Ovide : les hommes pour la patience, la bienveillance, l'admiration infatigable, la disponibilité absolue, l'oubli de soi, de ses goûts, de ses préférences, de ses habitudes, de son confort, des satisfactions, jusqu'au détachement suprême qui est de tenter de contenter un être qui ne se contente pas. Les femmes, pour le travail incessant que demande l'entretien de leur esprit et le soin de leur corps : les cheveux, le regard, le visage, le teint, les habits, la démarche, la voix, les intonations, les rires et le sourire, le soin des dents, le parfum du souffle, bref une attention à elle-même dont le seul but est de retenir l'amour - toujours volage de celui qu'elles aiment.
La masse énorme et ennuyeuse de toute une littérature, soi-disant pieuse et en même temps pédante, sur le couple et le mariage vole en éclats à la lecture de ces vers enlevés. Evidemment, Ovide ne fait pas la morale. Ce n'est pas un Père de l'Eglise. Comment l'aurait-il été puisqu'il ne connaissait que certaines réunions, le septième jour de la semaine, « des juifs de Syrie », à Rome, où il observa que les jeunes filles étaient nombreuses et belles ?
Mais parce qu'il est poète, poète romain, poète de haute civilisation, et comme pour parler de l'amour il faut être poète, il a écrit cette œuvre unique : L'art d'aimer.
L'art d'aimer ! On dit qu'Héloïse, celle qu'aima Abelard, lequel « châtré fut et puis moine / pour son amour eut cette essoine », quand elle était supérieure de son couvent, donnait à étudier ces vers - au moins certains - à ses moniales qui, par fraîcheur de cœur et d'esprit, les appliquaient spontanément à l'amour de Jésus-Christ. Je pense qu'elle voulait leur apprendre que le véritable amour ne se paie pas de sensations, de sentiments, d'illusions et de rêveries mais veut des actes, des sacrifices, des souffrances, des efforts, la mise en œuvre de tout un art dont il est le seul but et la raison d'être.
L'expérience chrétienne, le Moyen-Age avec ses cours d'amour, les grands moralistes que l'Eglise a donnés au monde ont accru, anobli et porté à la perfection cet art d'aimer, qui est la seule justification et le vrai sens de la morale. Mais ces transfigurations postérieures ne doivent pas faire oublier ceux qui, marchant dans l'ombre et les ténèbres ont cependant jeté la lumière de leur talent et de leur raison sur cette seule occupation, seule passion, seule raison de vivre des hommes : aimer.
Comment aimer ? Comment bien aimer ? Comment mieux aimer ? Ovide, un peu rusé, un peu malin, un peu cynique, mais aussi vrai connaisseur de psychologie, et vrai poète, le premier a donné à l'univers, cette oeuvre vraiment humaine : l'art d'aimer.
Que nos éducateurs sourcilleux ou inquiets s'apaisent ! Qu'ils relisent attentivement ces vers et qu'ils les comparent à ce qui pullule dans notre culture en décomposition ! Ils ne tarderont pas à convenir que si, par miracle, quelques adolescents venaient à s'y intéresser, leur conduite amoureuse trancherait, d'une telle façon, sur celle de leurs contemporains que certains, ou plutôt certaines, admiratives, voudraient en faire un nouveau style, un genre, une mode. Alors, on verrait, au cinéma, au théâtre, dans la rue, sur les places et dans les parcs, dans les trams et les métros, dans les salles de classe, sur les bancs des facultés, les jeunes hommes rivaliser de prévenances, de soins et d'attentions délicates à l'égard des jeunes filles qui, elles, s'efforceraient d'être toujours souriantes, affables, parlant bien et sentant bon. Si, par miracle encore, les parents de ces adolescents, stupéfaits de la conduite de leur progéniture, venaient à étudier, eux aussi, ce poète qui inspire à leurs enfants une telle conduite, nous les verrions, ces vieux mariés, s'attacher à redoubler, elles, d'attention à plaire à leurs époux, eux, de redécouverte de ce qui peut les faire sourire, rire, ou les séduire. Les familles ne seraient plus « les cellules de base de la société » - « le régime cellulaire, disait André Gide, très peu pour moi », mais les foyers où se cultive, de génération en génération, « l'art d'aimer ».
J.T.V.
Vous lirez aussi l'appel de l'abbé de Caqueray, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, qui écrivait sur La Porte Latine:

Programme de latin à l’épreuve du baccalauréat de 2010: communiqué du district de France


Abbé Régis de Cacqueray, Supérieur du District de France - 25 août 2009


[...] Le Bulletin officiel n°15 du 9 avril 2009 de l’Education Nationale a fait connaître la liste des œuvres obligatoires inscrites au programme de langues et cultures de l’Antiquité de la classe terminale des séries générales et technologiques. Pour le latin, l’œuvre unique est « L’art d’aimer » d’Ovide. Cette oeuvre se trouvera encore au programme de l’année 2011.

« L’art d’aimer » est une œuvre érotique du poète Ovide uniquement consacrée à exposer aux hommes d’abord, aux femmes ensuite, touts les conseils pour séduire. L’amour est ravalé à un exposé complaisant des moyens les plus dégradés et les plus cyniques pour parvenir à sa fin. L’auteur promeut la multiplication des partenaires et réduit la femme à l’état de proie.

Voilà la littérature sur laquelle les élèves de terminale des deux années à venir devraient se plonger pendant des mois !

Nous protestons et nous invitons tous les Catholiques et tous les hommes à qui il reste un sens moral à protester contre ce programme totalitaire qui constitue une véritable incitation publique à l’immoralité et à la débauche. [...]

Vous êtes tous cordialement invités.



mardi 29 septembre 2009

Un mot de Rome...

... où nous nous trouvons aujourd'hui avec l'abbé Laguérie et l'abbé Héry. Ce matin accueil très chaleureux et très franc du cardinal Levada à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Quand on cherche un mot pour définir ce genre d'Américain, il vient en anglais : fair. Mais cet adjectif ne rend pas compte de la douceur de son caractère, douceur qui le fait ressembler irrésistiblement... au pape, dont il est l'homme, il faut s'en souvenir. A côté de lui, Mgr Pozzo. Je serais tenté de dire : même profil, même efficacité, avec la chaleur italienne en prime...

Après cette visite magnifique, l'après midi est libre. Avec l'abbé Héry nous allons visiter l'exposition sur la peinture romaine antique aux Écuries du Quirinal. Un chef d'oeuvre. Chef d'oeuvre de muséologie d'abord. Derrière les lourds rideaux de l'entrée, tout est fait pour mettre le visiteur dans une atmosphère intemporelle. Et les peintures romaines nous sautent aux yeux. Incroyables de spontanéité dans le mouvement. Incroyables d'audace dans le choix des couleurs. Incroyables par la perspective ou les essais de perspective qui s'y manifestent. Les sujets mythologiques présentent la vie rêvée des hommes. Les dieux ont un art de vivre, une manière d'apprivoiser l'existence par le rêve qui permet aux hommes d'en supporter le cours. Bucoliques ces peintures? Ce bonheur affiché est plus grave qu'il n'y paraît. Sur la fin de l'expo le célèbre couple de Pompéi et les portraits du Fayoum en Egypte (incroyables de présence et de personnalisation) donnent la véritable tonalité, méditative et comme expectative, de cet art si lointain et si proche.

Retour à pied. Après avoir dévalé la Colline du Quirinal, c'est l'Université grégorienne, solennel symbole du savoir théologique. Puis le Gesu, où nous entrons pour admirer le triomphe du Christ, mais aussi la souffrance du crucifié. Le contraste est tellement vivant, tellement chrétien... Il n'y a que le Christ pour se montrer si expressif dans la douleur et dans la gloire...

L'art antique nous laisse comme en suspens, accrochés à ces regards fixes des peintures du Fayoum, qui se perdent dans la nostalgie d'un inachèvement. L'art chrétien nous arrache à la rêverie sur l'inaccompli. Il crée l'émotion ce grand moteur du dépassement de soi, cette clé de nos métamorphoses.

En deux heures, à Rome, tout le périple de l'âme humaine, entre fuite et accomplissement... Un bonheur.

dimanche 27 septembre 2009

L'abbé de Tanoüarn sur Radio Courtoisie et sur Cajetan

L'abbé de Tanoüarn était dimanche 27 septembre l'invité du "libre journal" de Philippe Pichot-Bravard, dirigé ce jour-là par Charles-Henri d'Andigné, sur Radio Courtoisie. Pour ceux qui souhaitent la (ré)écouter, un enregistrement se trouve ici.

jeudi 24 septembre 2009

Aimer...

Merci à Jean-Vincent de son magnifique commentaire. Il me semble supérieur à l'original. Lisez-le à la suite du message précédent.

La dualité du réel (cf. message précédent) déconcerte ou décourage l'intelligence dont l'objet (comme l'idée de Platon) est essentiellement un. L'intelligence (est-ce parce qu'elle a été faite pour Dieu ?) déforme la réalité créée en se la représentant sur un mode unaire, toujours unaire, alors que la réalité ne peut se saisir telle qu'en elle-même que selon un certain rapport, dans une perspective que l'on appelle en termes techniques une perspective analogique.

En revanche, le coeur est spontanément duel. Oui le coeur est toujours deux. Quel coeur n'est pas partagé ? Partagé, on l'est forcément, ne serait-ce qu'entre soi et ce qu'on aime... Cher Jean Vincent, votre dernier mot (comme dirait Jean Pierre... Foucault) est le mot aimer. L'amour s'accommode très spontanément de la dualité contrairement à la connaissance. Je dirais même qu'un amour qui cesse de se concevoir dans une perspective duelle est un amour condamné, un amour qui n'est fusionnel que parce qu'il se raconte des histoires.

Le dernier mot de la sagesse analogique, le dernier mot de la dualité philosophique, c'est le mot aimer, que vous avez si spontanément posé dans cette position décisive. Deux est le chiffre de l'amour. ce n'est pas le chiffre de la connaissance, mais c'est le chiffre de la vérité... La charité dans la vérité, cela ne vous rappelle rien ?

Aimer, ce n'est pas manifester un sentiment. Ah ! que les filles m'agacent lorsqu'elles me disent : j'ai un sentiment pour lui. Je ne leur dis rien. Mais... je n'en pense pas moins que le sentiment n'est ni le diabolus in musica ni le deus ex machina...

Aimer, ce n'est pas non plus seulement désirer. A penser cela, Lacan est devenu fou au sens le plus littéral du terme.

Aimer ? C'est manifester ce que l'on est. C'est vivre dans cette dualité qui est fondatrice de l'étant créé, fondatrice de cet étant qui ne se suffit pas à lui-même. Je pense à cette parole très métaphysique finalement de sainte Catherine de Sienne : Dieu qui nous a fait par amour, nous a fait pour aimer.

Et je suis heureux, Jean-Vincent, d'écrire cela, cette nuit, grâce à vous, alors que va luire le jour de mon... vingtième anniversaire !

mercredi 23 septembre 2009

Qu'est-ce que l'absurde ?

Conférence intéressante hier du docteur Bornet sur la notion d'absurdité. Une notion que l'on aimerait appeler absurde pour la disqualifier. Mais comme dit Bornet, "je sens monter l'absurdité comme une mer". Et de nous donner des exemples de règlements administratifs absurdes, de réactions politiques absurdes. On trouve tout cela dans son livre L'absurdité en rire pour en guérir.

Le rire du docteur Bornet n'est pas un rire de dérision mais un acte de compréhension. C'est lorsqu'on a compris le mécanisme de l'absurdité que l'on peut en rire. Le livre de Bornet lui permet de construire un modèle pour définir ou délimité l'absurdité. L'absurde pour lui, c'est le refus de la relation ou du rapport, c'est une attitude, l'attitude de celui qui refuse la dualité du réel.

Soit par exemple la dualité bien connue de l'espace-temps. Je pense immédiatement à la loi de l'indétermination de la matière de Heisenberg. Dans l'infiniment petit, on ne peut calculer en même temps la vitesse et la position d'un électron. mais on peut transposer cette loi dans la vie quotidienne et cela nous donne cette trouvaille du code de la route qu'est le feu orange. On ne peut pas faire en sorte que la réaction de l'automobiliste suive immédiatement le signal donné. C'est pourquoi entre le rouge et le vert, on a inventé le feu orange. Mais aujourd'hui, le code de la route permet de verbaliser aussi qui passe au feu orange, ce qui fait qu'il n'y a pas de limite. Le conducteur est sensé être maître de son véhicule, mais cette sentence qui fait abstraction du temps et ne s'applique que dans l'espace est tout simplement absurde.

Autre forme d'absurdité, métaphysique cette fois, le fait de ne considérer les choses que dans leur existence et non dans leur essence et leur existence. Sartre a beaucoup joué de cette réduction de la dualité métaphysique du réel, de cette réduction à l'existence pour proclamer l'absurde. C'est tout l'argument de la nausée. L'homme est de trop pour l'éternité parce qu'il est considéré comme un pur existant, sans essence, sans loi normative, sans nature. C'est un monstre. Il est absurde comme pur existant. Mais de même que tout à l'heure il suffisait d'introduire la variable du temps pour comprendre l'attitude du conducteur de la voiture, de même si l'on accepte la dualité essence existence en chaque réalité créée, si l'on reconnait que la nature n'est pas purement jetée là, mais qu'elle est œuvre de l'intelligence, comme le répète sans cesse Averroès, alors on doit bien admettre que l'absurde est une construction du cerveau humain qui procède du refus de la dualité foncière de tout étant.

L'absurdité ? On peut en rire quand on a compris qu'elle procédait d'un tropisme unaire inhérent à l'intellect humain, qui a sans cesse tendance a sacrifier sur l'autel de la sacro-sainte simplicité du concept l'essentiel dualité du réel... Merci au docteur Bornet d'avoir mis le doigt là où le réel nous fait mal.

mardi 22 septembre 2009

(no comment) "...prêts à prendre des risques pour effectuer leur pèlerinage..."

«Quand je suis arrivé dans les locaux de la PAF [police aux frontières, ndlr], j’ai vu cet homme, un Camerounais qui serrait précieusement ses bidons d’eau bénite autour de lui, dans sa geôle.» [...]
[Ainsi commence cet article de Libération du 21 septembre 2009,"Le pèlerin, pain bénit policier", qui ne sera pas repris par la revue de presse de La Croix. Et voici la suite:]

La semaine dernière encore, deux Nigérianes et un Djiboutien ont été interpellés par les policiers alors qu’ils se rendaient en pèlerinage à Lourdes. «Nous sommes convaincus que la PAF pratique des contrôles systématiques et quotidiens sur cette ligne ferroviaire. C’est un bon moyen pour le préfet de faire du chiffre», assène Isabelle Casau, la responsable de l’équipe des treize avocats palois spécialisés dans le droit des étrangers. «C’est révoltant et complètement cynique. On ne mesure pas l’attrait que peut exercer Lourdes sur des catholiques majoritairement africains qui ont une foi très profonde. Ils sont prêts à prendre des risques pour effectuer leur pèlerinage», poursuit l’avocate. […]
[Alors ils décident d'agir et se tournent vers l'évêque du lieu, pensant qu'il aidera les pèlerins:]
Le bâtonnier de l’ordre des avocats de Pau, Jean-François Blanco […] a adressé un courrier à l’évêque de Lourdes pour lui demander «d’intervenir auprès de monsieur le préfet des Pyrénées-Atlantiques afin que la croyance de ces malheureux étrangers soit respectée et qu’il renonce à ces arrestations». […]

Jacques Perrier, l’évêque de Tarbes et de Lourdes, n’a pas encore répondu au bâtonnier. Mais une chose est d’ores et déjà acquise : l’ecclésiastique n’a pas l’intention d’accéder à la demande de Jean-François Blanco. «Que ce monsieur se saisisse de cette affaire, c’est très bien, et il est dans son rôle, reconnaît Jacques Perrier, mais si j’écris au préfet, il va me dire : "Mêlez-vous de vos oignons, monsieur l’évêque."» Et le responsable des sanctuaires de préciser : «Dans le christianisme, le pèlerinage à Lourdes n’a pas la même signification que le pèlerinage à La Mecque pour les musulmans.» Il ne constitue, en aucun cas, une obligation pour les croyants, rappelle l’évêque. […]

samedi 19 septembre 2009

20 ans de sacerdoce ? Une paille

J'ai été ordonné prêtre - par Mgr Tissier de Mallerais - en des temps fort anciens, 20 ans, une génération. C'était le 24 septembre 1989, en la fête de Notre Dame de la Merci pour le rachat des captifs. Un signe ? Je le crois toujours. Je suis parti au Gabon quelques semaines plus tard, toujours dans le manteau de Notre Dame (j'en avais besoin) le 11 octobre en la fête de la Maternité divine de Marie, jolie date aussi, encore un programme. Et tant qu'on en est aux intersignes, je suis rentré du Gabon deux ans plus tard, le 2 juillet 1991 : c'était la visitation de Notre dame à sa cousine Elisabeth. Comme si ces deux ans n'avaient été qu'une... simple visite...

20 ans, ça se fête paraît-il... Eh bien, fêtons ! Les anniversaires, ce n'est pas mon fort. mais je crois que c'est aussi une manière d'exprimer un MERCI à Dieu qui a voulu de moi comme son prêtre, qui ne m'a jamais manqué et qui me donne chaque jour, au milieu des difficultés réelles, la joie nécessaire pour mettre un pied devant l'autre.

Et parce que le prêtre n'est pas prêtre pour lui-même, je serais heureux que vous vous associiez à mon action de grâce par la prière intérieure ou, si vous le pouvez en assistant à l'une des messes que je célèbrerai à cette intention.

Je célèbrerai trois messes à cette occasion.

La première jeudi prochain à 19 H au Centre Saint Paul pour la fête de Notre Dame de la Merci.

La deuxième samedi prochain 26 septembre à 11 H à l'église Saint-Uniac, près de chez mes parents, à 30 Km au Nord de Rennes. Je serais ravi de recevoir les lecteurs bretons de ce Blog, qu'ils n'hésitent pas à envoyer un mail sur ce site pour s'inviter au buffet qui suivra.

La troisième à Sainte Odile à Paris, le mois prochain : ce sera le jeudi 22 octobre à 19 H 30. Je remercie l'archevêque de Paris d'avoir autorisé cette cérémonie dont j'aurai le temps de vous reparler.

20 ans ? Que de joies... Dieu dans mes mains... et tant de rencontres pour essayer de dire Dieu aux gens dans un monde matérialisé... Tant de petits signes. Tant de grandeur à coeur...

[Conf'] Philippe Bornet: "L'absurdité, en rire pour en guérir"

"L'absurdité, en rire pour en guérir" c'est le titre du petit livre que Philippe Bornet a publié récemment aux éditions Via Romana. C'est aussi le titre de la conférence qu'il donnera au Centre Saint Paul, mardi 22 septembre à 20H00 (participation aux frais de 5€), suivie du traditionnel verre de l'amitié.

jeudi 17 septembre 2009

Le personnalisme intégral de Cajétan... à Serralda

Donner une conférence publique sur un sujet de thèse de philosophie, c'était un peu un défi. En replaçant Cajétan dans son époque, il me semble que j'ai pu évoquer sa physionomie de façon accessible. Ce fut... oui, une vraie joie !

Encore n'avons nous pratiquement pas touché à l'essentiel : la modélisation métaphysique et théologique du monde qui est celle de Cajétan. Son personnalisme intégral, selon l'expression que je me suis risqué à utiliser comme sous titre de ce gros livre. Dans mon esprit, évidemment, cette expression devait faire pendant à celle de Jacques maritain, humanisme intégral, pour la justifier, pour la préciser, pour la critiquer. Pour essayer de se situer dans le sillage de Benoît XVI, on pourrait dire, avec lui : le "véritable humanisme intégral" (expression utilisée à l'avant dernier § de l'encyclique Caritas in veritate) est un personnalisme intégral. Lorsque B. XVI parle du "véritable humanisme intégral" il sous entend qu'il y en a de faux...

Et lorsqu'on lit attentivement son encyclique (en particulier son commentaire de Populorum progressio et sa présentation générale), on s'aperçoit, comme je l'ai déjà expliqué ici il y a deux mois, que pour le pape "devenir plus homme", c'est non seulement rejoindre sa nature d'homme et "bien faire l'homme" comme dirait Aristote, mais c'est découvrir sa vocation, cet appel de Dieu qui donne une forme singulière à chacune de nos existences. Bref, c'est entrer dans cette extension du domaine du réel qu'on appelle le surnaturel. Ce n'est tout de même pas un hasard si le pape emploie au moins trois fois ce terme de surnaturel qu'on avait décrété obsolète ou hors d'usage.

Le faux humanisme intégral, ce n'est pas simplement l'humanisme sans Dieu dont le pape a dit ce qu'il fallait penser dans son mémorable discours du 9 août dernier, c'est aussi l'humanisme sans le surnaturel, sans cette destinée personnelle de chacun qui ne saurait se réduire au devenir de l'espèce. C'est cet "oecuménisme au rabais" entre l'Eglise et le monde, dont 40 ans après le Concile, nous savons bien à quoi il mène et ce qu'il faut en penser.

J'en étais là de mes réflexions lorsque l'on m'a apporté une communication de l'abbé Vincent Serralda sur Le personnalisme d'Alcuin. Alcuin, maître de l'Ecole du Palais sous Charlemagne a été le maître d'oeuvre de la renaissance intellectuelle carolingienne. L'abbé serralda s'est spécialisé sur son oeuvre. Il a publié naguère aux NEL un gros bouquin sur ce sujet, que je n'avais jamais lu, je dois le confesser. Dieu sait pourtant que les quelques sermons de fierté chrétienne que j'ai entendus prononcer à l'abbé Serralda Salle Wagram ont pu influencer mon sacerdoce ! Et là, ce petit article en tirage à part... Je feuillette et je tombe en arrêt sur un intertitre : "La philosophie chrétienne d'Alcuin est un personnalisme intégral".

Joli signe du Destin ! Le sous titre de mon gros bouquin est une reprise involontaire d'une expression de Serralda... Rien de nouveau sous le soleil aurait dit l'Ecclésiaste.

Pourquoi cette confluence ? Nos démarches apparemment n'ont pas grand chose à voir. L'abbé Serralda se plaçait au niveau d'un droit substantiel de la personne, dans une réflexion de moraliste. Moi j'en reste à la représentation du monde que la métaphysique peut nous aider à dresser. Je hasarderais pourtant une explication à cette confluence : pour un esprit libre, le seul intégralisme supportable ne peut être que personnaliste. Le personnalisme de Cajétan sauve l'intégralisme médiéval et le rend praticable par un sujet qui a bu le philtre de la modernité. Le personnalisme moral de l'abbé Serralda sauve la liberté d'un individu en proie aux terribles destructions que lui fait vivre l'histoire. Il lui permet de garder la tête haute malgré tout, puisque même si le monde s'effondre, il reste vrai que chaque personne est un monde, et qu'en tant que telle dit Serralda, elle jouit d'un "droit substantiel", d'un droit qui n'est pas seulement une relation, sans cesse menacée par la défaillance des relatifs, mais qui s'affirme. Sans conditions.

Il était comme ça, Serralda, infiniment ouvert, ayant écrit sur tout, le Tao, Pavlov et les Béatitudes, mais avant tout : inconditionnel. Prêtre catholique, sans condition, à son époque, ce n'était pas simple.

mardi 15 septembre 2009

Mercredi 16 septembre, 19H00: Messe pour l'abbé Didier Bonneterre, fsspx

L'abbé Philippe Laguérie communique:
Notre cher abbé Bonneterre est décédé ce matin, accidentellement. C'est une peine immense pour tous ses confrères et pour les innombrables fidèles qui, comme nous, ont profité de ses nombreuses qualités. L'abbé Didier Bonneterre était un pacifique, un doux, sans préjudice aucun pour son efficacité dans le ministère. En témoignent ses excellents cours de liturgie au séminaire. Au contraire, c'est à cette espèce d' homme que Dieu a promis de posséder la terre d' ici-bas et celle qui est promise. Qu' il en jouisse le plus vite possible.
Nous nous associons de tout cœur à la peine de ses supérieurs, de sa famille, auxquels nous présentons nos plus sincères condoléances et surtout l'assurance de nos prières, spécialement celle du Saint Sacrifice que nous offrirons pour lui. Je célèbrerai demain mercredi 16 septembre à 19H00 au Centre Saint-Paul (12 rue Saint-Joseph 75002) la messe de requiem pour ce valeureux confrère.

lundi 14 septembre 2009

Paris - Samedi 3 octobre 2009 - Marche pour la Vie

L'association Renaissance Catholique vous invite à participer à sa traditionnelle Marche pour la Vie, samedi 3 octobre 2009, de Notre-Dame-des-Victoires au Sacré-Cœur-de-Montmartre. La situation n'est pas bonne, ni en France ni ailleurs, mais quelques signes de mobilisation se font sentir. Jean-Pierre Maugendre écrit: Nous n’avons pas l’esprit de chapelle. Pour prier Notre Dame, pour la Vie, publiquement et pas uniquement dans des lieux de culte plus ou moins fréquentés, toutes les bonnes volontés sont les bienvenues. Dont acte: Le Centre Saint Paul s'associe à la 19e Marche pour la Vie. Voyez le site de Renaissance Catholique pour les détails.

Cajetan est-il un théologien révolutionnaire?

"Cajetan est-il un théologien révolutionnaire?" - tel est le titre de la conférence que son biographe, l'abbé Guillaume de Tanoüarn, donne mardi 15 septembre 2009 au Centre Saint Paul, à Paris et à 20H00. Participation aux frais: 5€ - La conférence est suivie d'un verre de l'amitié.

samedi 12 septembre 2009

Centre St Paul: Le Cours de catéchisme hebdomadaire pour adultes...

Le Cours de catéchisme hebdomadaire pour adultes de l'abbé Philippe Laguérie reprendra ce lundi 14 septembre à 20h00 (et non point 20h30 comme annoncé sur son blog) au Centre Saint-Paul. Entrée libre, pas d'inscription... L'abbé célèbre la messe dominicale de 11h00. A bientôt, parce que vous le valez bien !

mercredi 9 septembre 2009

Faut-il polémiquer ?

J'ai reçu deux mails, l'un privé, l'autre sur ce site, qui se rapportent à la polémique que j'ai poursuivie hier sur le Forum catholique. Je voudrais utiliser le metablog pour prendre un peu de recul et réfléchir moi aussi à cet échange vif, qui est allé, me semble-t-il au bout, c'est-à-dire qui a tenu ses promesses.

Dans l'atmosphère de soft-ideologie qui est la nôtre, on n'aime pas la polémique. On la juge "forcément déplacée", bruyante, inutile voire dangereuse. Je crois moi aussi qu'elle est dangereuse. Elle est dangereuse parce qu'elle fait tomber les masques. C'est ainsi que j'explique ce mail privé dont l'auteur se reconnaîtra et qui commence par : "Merci de votre post bien polémique, mais bien nécessaire sur le FC". La polémique est parfois nécessaire pour faire la vérité, au-delà des masques que le long fleuve tranquile de la vie quotidienne nous a fait prendre à tel ou tel moment.

Pour ceux qui ne fréquentent pas le Forum catholique, de quoi s'agissait-il ? Mgr Williamson (lui-même) a retranscrit sur son Blog Dinoscopus un proverbe connu en anglais : «Qui se couche avec des chiens se lève avec des puces» en un énigmatique : «Qui se couche avec les chiens romains se lève avec des puces en pourpre». Tel un Jean Pierre Foucault de base, j'ai proposé quatre interprétations de ce proverbe, laissant les liseurs trouver la bonne. Deux d'entre eux m'ont démontré que la véritable interprétation, je ne l'avais pas proposée. J'avais l'impression en effet que la scène évoquée par le proverbe visait "le pourvoyeur de pourpre" c'est à dire le pape qui nomme les cardinaux. Je me suis rendu compte que ceux qui étaient visés étaient davantage ceux qui ressentait un prurit de pourpre, les aspirant cardinaux. Dans le contexte ultra polémique du moment, Mgr W devait donc viser principalement des aspirants cardinaux (ou qu'il veut faire passer pour tels) déjà en violet, à savoir Mgr Fellay principalement.

Alors qu'il semble bien que cette interprétation est la bonne et que, tel Oedipe face à la sphinge, le duo des liseurs a fait dire à Mgr W ce qu'il voulait vraiment dire, l'ensemble de ceux qui se définissent comme des proches de la FSSPX n'ont pas souhaité donner une autre interprétation, qui aurait dédouané leur champion W., en l'absolvant de toute agressivité manifestée envers l'autorité dialogante de la FSSPX. Selon le mot d'un modérateur, il y a eu (et pas de mon fait, mais par le libre jeu des opinions sur ce proverbe) une situation d'échec et mat pour les défendeurs de W. qui n'ont même pas osé soutenir le supérieur de la FSSPX (Mgr Fellay) contre ce que l'un d'eux appelle "une insinuation pestilentielle".

Tout se passe comme si, alors que cette situation insoutenable de division au sommet n'était pas prévue dans le code des procédure à suivre, les champions d'habitude si diserts de la FSSPX se trouvaient sans paroles...

Ce que cela révèle ? Cette incapacité à réagir lorsqu'on se trouve hors schéma ou dans une situation imprévue révèle me semble-t-il chez des gens sympathiques, parfois brillants (chez un Noël pétillant) une liberté intellectuelle en berne. A ce point, cela fait peur…

Mais à quoi mène ce bruit de mots direz-vous ? Ou comme le dit l'un d'entre vous dans un post que j'ai lu ce matin : "Beaucoup de bruit qui pourrait détourner de sujets plus élevés".C'est vrai que ça fait du bruit. Mais ce bruit n'est pas inutile. C'est le bruit du symptôme comme aurait dit Lacan. Il y a un problème, il y a un malaise autour de ces discussions doctrinales promises par le pape. Si l'on veut qu'elles se déroulent dans de bonnes conditions, il ne faut pas écarter le symptôme, au motif qu'il dérange, mais au contraire essayer de comprendre en quoi il est révélateur. Avant les discussions théologiques, il faudrait sans doute que Mgr Fellay prenne quelques décisions pratiques à l'intérieur de sa propre Fraternité. Pour qu'elle soit forte. Pour qu'elle soit, en elle même, incontestable dans le cours de la discussion.

Je vous avoue - comme à confesse - que c'est dans ce but que j'ai poursuivi la polémique, lancée par Mgr W et son proverbe. Un but, vous le voyez qui est tout sauf polémique.

D'où le bug

Hier nous recevions Gérard Leclerc. Sa présence est une véritable fête pour l'esprit. On peut dire qu'il porte en lui les 40 dernières années de l'histoire de l'Eglise : quelles années !

Le chroniqueur attitré de France catholique et maintenant de Radio Notre Dame n'est pas traditionaliste. Mais il montre deux choses dans le petit livre qu'il vient de faire paraître sur Rome et les lefebvristes aux éditions Salvator :
  1. Il ne faut pas confondre le dogme et les théologies à travers lesquelles il s'exprime. Ces théologies se doivent de respecter la foi, mais elles sont très différentes les unes des autres, sans dommage pour personne, au contraire.
  2. Si les "nouveaux théologiens" (ceux qui ont fait le Concile, c'est moi qui emploie ce terme que GL récuse) doivent être respectés dans leur recherche, combien plus les chrétiens traditionalistes doivent-ils être respectés dans la vie de leur foi ?
C'est donc un bel éloge de la liberté chrétienne que nous a fait Gérard Leclerc, éloge qui rejoint étrangement celui que fit Cajétan à propos des disciples de Luther, leur demandant une seule chose : croyaient-ils en l'autorité de l'Eglise ? Il me semble que c'est la seule chose que l'on doive demander aux traditionalistes aujourd'hui et que certains mettent leur autorité personnelle plus haut que l'autorité de l'Eglise. D'où le bug.

samedi 5 septembre 2009

Le 8 septembre prochain...

Le 8 septembre prochain... mardi donc, nous fêterons la Nativité de la Vierge et le troisième anniversaire de notre Institut du Bon Pasteur. Je souhaite marquer cette circonstance au Centre Saint Paul en relançant les Conférences du mardi. Mardi prochain à 20H00, Gérard Leclerc, journaliste, donnera donc une conférence sur son livre Rome et les lefebvristes, paru chez Salvator il y a quelques jours et qui fait déjà couler beaucoup d'encre (Ce livre est l'occasion par exemple d'un admirable papier du Père Gitton à lire sur le site de France Catholique). Cette conférence qui risque d'être passionnante et... passionnée sera suivi d'un débat avec la salle que j'animerai, et bien entendu, pour ne pas perdre les bonnes habitudes, le verre de l'amitié est prévu à l'issue.

vendredi 4 septembre 2009

Mon bébé à La Procure

Certains lecteurs de ce Blog savent sans doute déjà que je suis l'admirateur ébloui d'un théologien qui est mort la même année que Michel-Ange et dont je considère qu'il a - spéculativement - une puissance comparable à la puissance artistique du décorateur de la Sixtine : ce théologien, c'est Thomas de Vio dit Cajétan, l'homme de Gaète (petite ville charmante, nichée au dessus de la Méditerranée, à 150 km au sud de Rome). Les éditions du Cerf viennent de publier le gros ouvrage que j'ai consacré à ce grand méconnu, sous le titre Cajétan, le personnalisme intégral.

Pour la petite histoire, j'étais hier à la Procure pour acheter le dernier livre de Gérard Leclerc sur les lefebvristes (ed. Salavator) et je tombe sur S., un ami philosophe que j'avais perdu de vue, après lui avoir posé... un très malencontreux lapin téléphonique. Je me suis vu mis en demeure de lui dédicacer mon Cajétan, ce que j'ai fait incontinent : la scène était jolie.

Mais pourquoi Cajétan me direz-vous ? N'est-ce pas le type de l'auteur inconnu, auquel on consacre une thèse que personne ne lira et qui n'intéressera personne que son soi-disant découvreur ? Je me souviens (oh ! Cette lecture remonte à un âge encore tendre) de ce diplomate qui est le héros du roman de Cronin Le Jardinier espagnol, et qui avait consacré, lui, ses efforts à Nicolas Malebranche - auteur inconnu et inutile par excellence pour le grand romancier anglais. Me serais-je posé, moi aussi, sur une... mauvaise branche ? C'est qu'on ne peut pas être... branché à tous les coups !

Je donnerai juste ici deux bonnes raisons de s'intéresser à Cajétan, une pour les spécialistes et une pour les amateurs.

Pour les amateurs : disons que Cajétan se trouve au carrefour entre l'humanisme d'Erasme et l'antihumanisme de Luther. Il choisit Erasme et commente toute la Bible (ou presque toute) sous la double lumière de la Philologie des humanistes et de la théologie de saint Thomas d'Aquin : immensus Aquinas noster. On peut dire que c'est ce choix humaniste qui imprègnera toute la Contre réforme catholique. C'est au nom de ce choix humaniste que l'on condamnera au XVIIème siècle toutes les théologies de la prédestination, en particulier, après le calvinisme, le jansénisme.

Deuxième raison, pour les spécialistes : il me semble que après l'échec historique retentissant du néo-thomisme, échec dû à un formalisme idéologique qui prétendait à une science de l'être et à une science de Dieu, Cajétan nous permet de comprendre à quel type de savoir appartiennent les questions essentielles et de quel type de récit relève la théologie chrétienne. Il offre, avec l'analogie des noms une méthode que ni les théologiens traditionnalisés par le concile de Trente ni les philosophes bientôt fascinés par le principe de raison ne songeront à utiliser et qui se trouve aujourd'hui merveilleusement disponible pour qui souhaite s'en servir. Cette méthode - disons le en deux mots - est fondée sur la propriété des noms et sur la ressemblance des choses. Le néothomisme avait fait le calcul inverse, en se fondant sur une sémantique de la métaphore et sur une science des formes. Dans les années 50, ceux qui se sont nommés eux-mêmes les nouveaux théologiens n'ont eu aucun mal à montrer ce que cette position devant le mystère de l'être recelait de lâcheté métaphorique et de fausse ambition scientifique. Je crois qu'il vaut la peine d'essayer de mettre la vieille scolastique en ordre de bataille autrement pour le service de l'Eglise. Histoire de ne pas se résigner à en faire un magot de brocante.

mercredi 2 septembre 2009

L'abbé Laguérie...

... est arrivé au Centre Saint Paul tout à l'heure. Il s'installe au 2ème étage, pour y créer le secrétariat général qui manquait à l'Institut du Bon Pasteur, ce bébé de trois ans, déjà fort de 23 membres prêtres et de 30 séminaristes.

Voici à tout hasard - ne pereant - le sermon que j'ai prononcé au mois de juin dernier dans l'église Saint Eloi à Bordeaux, à l'occasion de ses 30 ans de sacerdoce, retrouvé ce matin (il n'y a pas de hasard) dans une pile de vieux papiers. C'est un mot de bienvenue comme un autre... qui dit bien ce qui nous unit.
Cher M. l'abbé,
"A tout prendre, écriviez-vous en juin 1985, alors que vous étiez encore dans la première décennie de votre sacerdoce, il n'y a que deux sortes d'homme : ceux qui scrutent les oeuvres de Dieu pour savoir s'ils daigneront lui faire confiance et ceux qui font d'abord confiance à Dieu pour qu'Il daigne leur donner l'intelligence"

Le très jeune curé que vous étiez alors, comme tout prêtre sentinelle avancé, sentinelle isolée aux prises avec le terrible mystère du mal, aux prises avec la puissance du mal dans les coeurs et dans la société avait fait de son confessional une guérite où accomplir chaque jour le merveilleux travail du passeur d'âme - un passeur toujours compatissant à la misère et non un peseur scrupuleux exact et décourageant, un passeur rassurant qui travaille pour la vie, qui est fait pour sauver et non pour détruire à l'image de son maître le Christ. Un passeur qui se pose peu de questions sur lui-même, puisqu'il a décidé une fois pour toutes de faire confiance. Son arme, c'est la confiance !

La confiance, voilà un trait que retrouve dans votre physionomie quiconque accepte de l'y chercher. Un trait qui caractérise votre vie de découvreur. Jeune curé, ne refusant jamais une confession ou une discussion, vous avez été un découvreur d'âmes. Combien de fidèles vous doivent, ici, d'avoir retrouvé la confiance, d'avoir compris quel était leur potentiel pour le salut. Et combien de jeunes prêtres, ayant servi sous vos ordres, vous doivent leur confiance crâne dans la puissance de leur sacerdoce.

A Saint-Nicolas, il y avait la guérite du confessionnal. Combien de temps y passions nous chaque dimanche, avec presque chaque semaine, au moins une conversion et une confession générale. Et puis il y avait l'autel, le Mont Thabor, où nous montions pour tutoyer Dieu en latin, toujours seuls face à Lui, même lorsque derrière les fidèles se comptaient par milliers. La puissance de notre sacerdoce, vous en avez fait l'expérience pendant 14 ans chaque jour dans cette église bénie de Dieu, elle est liée intrinsèquement à la puissance -non- pareille - de ce rite extraordinaire que Benoît XVI dans Spe salvi appelle simplement "le rite classique".

De cet enthousiasme spirituel naissait votre parole en chaire, souvent neuve quoi que profondément traditionnelle et trempée dans les textes, en particulier dans saint Paul. Parole jeune mais qui faisait étrangement autorité. Je me souviens aussi des repas de communauté, de la manière dont vous mettiez un sujet sur le tapis (ah ! le constitutif formel de la personne), en laissant débattre ceux qui voulaient. Cet enthousiasme était communicatif.

Mais la vie ne s'arrête jamais. En 1998, vous voilà à Bordeaux, avec un défi en tête : recommencer Saint Nicolas du Chardonnet. Pour cela, il fallait une église. Il y en aura deux. D'abord pour vous faire la main, Sainte Colombes à Saintes, un hangar de peintres en bâtiments dont vous faites redécouvrir à tous la splendeur, ensevelie sous les alluvions et les outrages du temps. Ensuite Saint Eloi à Bordeaux, défiguré par 20 ans d'abandon et de squatt, Saint Eloi qui, à travers vos mains de tailleurs de pierre (vous savez tout faire n'est-ce pas ?) a retrouvé aujourd'hui sa dignité séculaire au coeur de la ville.

Il faut bien le dire : ces réussites, qui, incontestablement, sont les vôtres, cette faculté de rebondir et de transformer à vos mesures le théâtre des opérations, cela inquiète vos supérieurs. Devrais-je le dire ? Votre supériorité par rapport à l'événement, vos supérieurs auraient tendance à la prendre comme une menace. Sainte Colombes à Saintes ? Inutile vous dit-on et même nuisible. Saint Eloi à Bordeaux ? Incroyable et vaguement inquiétant pour l'avenir.

C'est à ce moment, M. l'abbé, que l'on voit saillir ce trait essentiel de votre personnalité sacerdotale : la confiance. Vous l'avez donnée aux autres, aux fidèles, aux prêtres. Elle est aussi votre carburant personnel. Vous avancez à la confiance et la confiance que vous aviez mise avec tant d'entièreté en Mgr Marcel Lefebvre - celui qui fut pour vous non seulement l'évêque providentile mais l'homme unique, un tuteur et un père dans votre sacerdoce - cette confiance disparut peu à peu. Vous qui êtes musicien et si j'ose dire musicien à l'instinct, vous avez découvert peu à peu que l'on voulait vous faire jouer une partition incompréhensible. L'autorité qui fait confiance devenait l'autorité qui soupçonne. L'autorité qui construit devenait l'autorité qui détruit : corruptio optimi pessima.

Vous vous tournez alors tout naturellement vers Rome. Non pas parce que vous aviez changé. Non pas parce que les conditions dans lesquelles vous exerciez votre sacerdoce vous auraient déçu, mais plutôt pour rttrouver la confiance que vous avez voulu faire à Dieu dès le début et que vous avez toujours placé dans l'autorité religieuse à laquelle vous vous donniez.

Commence alors l'aventure la plus extraordinaire de votre existence. Incrédulité des journalistes ! Stupeur de vos meilleurs ennemis ! A peine quittée la FSSPX, voilà que vous créez, avec quelques amis prêtres, l'Institut du Bon Pasteur, dont vous rédigez les statuts. Vous recevez de Rome le pouvoir de faire des enfants, je veux dire de transmettre votre sacerdoce, en appelant aux ordres ceux que vous aurez choisis. 8 septembre 2006 : fête de la Nativité de Marie, le jour où vous signez avec le cardinal Castrillon Hoyos, le jour qui pèse le plus lourd dans votre existence de prêtre.

Qu'est-ce que l'Institut du Bon Pasteur ? Un clone de la FSSPX ? Un jumeau de la FSSP ? Un rival de l'Institut du Christ Roi souverain prêtre ? Rien de tout cela. Autre chose. Des chevau-légers, uniquement déterminés par leur tâche pastorale. Deds prêtres animés par la confiance dans leur sacerdoce. Dans l'Eglise. Dans le Christ. A votre image. Pas des fonctionnaires de Dieu comme aurait dit Drewermann. Des battants imaginatifs et prêts à tout. Vous avez me glisse-t-on à l'oreille une expression pour dire tout cela : des grenadiers voltigeurs.

Vous voulez prendre votre tâche de Supérieur général à bras le corps. Vous venez à Paris créer le nécessaire secrétariat central et insuffler à tous votre optimisme et votre élan, cet esprit particulier qui est celui du Bon Pasteur... Pour vous c'est une nouvelle page qui s'ouvre.
L'abbé Laguérie dira dimanche prochain la messe de 11H00 au Centre Saint Paul (voyez l'adresse et les moyens de transport sur la page accueil). Pour cette occasion, vous êtes tous conviés à un apéritif au Kir royal, après la messe (ce qui n'empêchera pas la messe de 12 H 30 qui aura lieu au premier étage).