mercredi 19 septembre 2012

"Je ne suis qu'un évêque qui continue..."

Qui était Mgr Marcel Lefebvre ? Moi qui l'ai côtoyé 5 ans à Ecône (en tant que séminariste, assistant à ses prédications, à ses conférences spirituelles et l'ayant rencontré seul à seul deux ou trois fois), j'avoue que j'aurais du mal à répondre à cette question. Pour sa soeur, interviewée parmi 37 témoins directs dans un film-documentaire passionnant : [par contraste avec son autre frère prêtre le Père René], Mgr Lefebvre était avant tout "celui qui mettait la paix dans sa famille, qui savait faire les nuances". Mon ascendance belge (ma grand mère) m'aide à comprendre cet homme du nord dont le conformisme de façade fournit la raison profonde de son anticonformisme actif. Autre paradoxe : il était à la fois extrêmement simple et accessible et en même temps, comme dit Agathe une Gabonaise interviewée, "c'était un prince de l'Eglise". tout à fait conscient de sa dignité (il était évêque depuis l'âge de 41 ans).

Le film, qui va passer au grand Rex à Paris à 16 H le samedi 29 septembre prochain nous donne une image à la fois totalement favorable et vraiment universelle de celui qu'il nomme "un évêque dans la tempête". J'ai eu la chance de voir ce film en avant première. Je crois que chaque catholique, quelle que soit sa sensibilité, peut reconnaître quelque chose de son propre parcours dans ce documentaire passionnant. Des épisodes comme le Concile ou l'immédiat après concile sont rendus particulièrement vivants à travers des images fantastiques appartenant au fond de l'INA. Ce séminariste de Poitiers, par exemple, lunettes à la Woody Allen, qui explique très calmement qu'il est le porte parole des Etats généraux qui se sont déroulés dans son séminaire et que dorénavant les professeurs tiendraient le plus grand compte des aspirations de chacun, c'est... phénoménal. Et Dom Helder Camara, l'archevêque des pauvres à Recife qui nous explique qu'au Concile l'Eglise avait appris à se faire modeste. Ou, dans l'autre sens le cardinal Ottaviani qui s'oppose avec clarté et sans passion à la collégialité. Coup de chapeau à Luc Perrin, qui se montre excellent pédagogue, pour faire comprendre l'enchaînement des événements. Le spiritain Philippe Béguerie est très intéressant aussi, avec sa sortie spontanée sur Vatican II et la Révolution française.

Ce film nous montre, sans parti pris les raisons de Mgr Lefebvre et nous permet de mesurer l'ampleur de la Révolution culturelle qu'a constitué l'événement conciliaire. Les images sont irréfutables, les commentaires purement descriptifs et non militants. Quel que soit notre âge, nous plongeons, avec le réalisateur Jacques-Régis du Cray, 31 ans, au coeur de notre histoire religieuse personnelle. On ne peut pas refaire le match. Mais on comprend mieux.

J'étais heureux, par exemple, d'entendre [un observateur attentif] dire que les sacres de 1988 lui semblaient avec le recul vraiment providentiels. C'est l'impression que j'avais eu sur le moment. En revoyant les images de ce moment unique, je comprends pourquoi... Je revis la paix surnaturelle qui était tombée sur la Prairie, entre le séminaire et l'usine électrique. Je ne regrette rien, non : les sacres, c'est la démonstration du sérieux de la contestation de Mgr Lefebvre, c'est l'ouverture de la mouvance traditionnelle, la naissance de la FSSP et, malgré les canons de la déchirure, les premiers gestes publics du pape envers les fidèles. Le début du dégel.

11 commentaires:

  1. "Les sacres, c'est...les premiers gestes publics du pape envers les fidèles": ??? J'aimerais comprendre - n'est-ce pas la méthode Coué ? Faire dire à une chose son contraire (par exemple, dissidence = fidélité), cela paraît souvent au concilaire que je suis l'unique échappatoire du courant tradi...

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    1. lire le texte d'abord

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    2. Ce n'est pas l'abbé ni Mgr Lefebvre qui disent une chose et signifient son contraire. C'est malheureusement la papauté qui a pu en son temps dire une chose et faire autre chose. Fallait-il les sacres et les excommunications pour que la messe, la catéchèse et la morale traditionnelles retrouvent progressivement leur droit de cité dans l'Eglise, dont toute la raison est pourtant de les transmettre ? Apparemment oui.
      Il est probable que sans la FSSPX ET LES SACRES, ni la FSSP, ni l'IBP, ni le motu proprio du 31 juillet 2007 n'auraient été possibles.
      Le recul aidant, l'expérience de la FSSPX s'avérant positive, comme l'attitude et le gouvernement de Mgr Fellay, la crise de l'Eglise ne semblant pas aujourd'hui en voie de s'atténuer, il me semble qu'il ne devrait pas être interdit de penser que la Providence a pu vouloir faire de l'oeuvre de Mgr Lefebvre un outil à sa main.
      Mais quoi qu'il en soit, de la simple place de fidèle qui est la nôtre, le mieux que nous ayons à faire est certainement d'éviter tout anathème. Qui peut d'autorité s'exprimer cette crise abyssale et juger ceux de ses frères qui n'ont eu d'autre tort de dire non.

      Les jeux de concepts ne mènent pas bien loin... novation=tradition, pastorale=dogme, rupture=continuité, contradiction=vérité, etc.
      Et après ?

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  2. Ca me donne envie d'organiser un week-end à Paris, pour voir le film sur mgr Lefebvre le samedi et aller manifester contre la signature du présent traité européen le dimanche aux côtés... du front de gauche. Le grand écart? Il n'y a que les montagnes qui ne se rencontrent pas.

    J'ai eu l'occasion de discuter récemment avec Marie-Noëlle Linnemann qui était à mUlhouse à l'occasion d'une fête du Parti socialiste où je me suis rendu par hasard. après qu'elle eut prononcé un discours très fort et très argumenté contre ce traité, Je me suis permis de demander à cette cathoolique et socialiste sincère et de grande valeur pourquoi elle ne s'associait pas à la démarche de J.L. Mélanchon visant à demander un référendum à François Hollande.
    "Nous ne voulons pas le gêner, c'est aux associations de prendre l'initiative..."
    J'avale mon désaccord dans une gorgée de bière et me rabats sur cette autre question:
    "Mais au moins, en le soutenant, lui avez-vous fait savoir que vous trouviez insuffisant (je pensais à part moi incroyable) de renégocier un pacte de croissance" (qui ne revenait qu'à débloquer des fonds pour lancer une politique de grands travaux, en totale contradiction avec les impératifs écologiques que les gouvernements européens prétendent se donner par ailleurs.
    "Bien sûr, je lui ai adressé une lettre ouverte."
    "Mais vous a-t-il répondu?"
    "Non, mais j'ai estimé qu'il l'avait fait, puisqu'il avait écrit dans son programme qu'il ne signerait qu'un "traité complété et modifié". Je dois malheureusement constater que le Traité n'est que complété, il n'est pas modifié."

    Même pas répondu. voilà comment le Président de la république traite, pas vous, pas moi, mais la n° 2 d'un courant minoritaire de son parti, le courant de benoît Hamont, situé juste à la droite de l'extrême gauche, parce qu'il est sûr de sa déférence, a donné un porte-feuiles ministériel à son n° 1, et parce qu'il sait que la discipline de parti et la loyauté imposeront aux autres dirigeants de ce courant à le laisser tranquille.

    Excusez-moi pour ce HS, mais l'anecdote valait d'être racontée.

    Un HS en appelant un autre, benoîte et moi (pas le site, mais les métablogueurs) sommes très inquiets par le silence de Thierry. Thierry, revenez-nous ou, au moins, faites-nous un signe!

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  3. Sans avoir encore vu ce film, en tant que fidèle de l'Eglise catholique (communiant indifféremment dans les paroisses diocésaines et dans la FSSPX - à qui je dois d'avoir retrouvé le Christ -, dans la F.St Pierre et autres communautés reconnues, non sans lucidité et donc souffrances) je partage à l'avance votre commentaire. Il semble avoir la grande qualité de rendre simplement compte du réel, et il tombe à pic. Il n'y a que le réel qui peut apaiser la fureur des passions et ramener les idéologues sur terre. On a besoin du vrai, du concret, du réel. Essayons de comprendre ce que veut dire : jusqu'à la fin des temps, l'Eglise restera imparfaite par les hommes qui l'incarnent, mais elle est sainte par sa Tête.

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  4. à part le Grand Rex où donc pourrions-nous voir ce film?

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  5. Merci, Monsieur l'abbé, pour ces paroles de paix et de vérité sur Mgr Lefèvre. Ayant eu la chance de l'approcher 2 ou 3 fois, j'ai pu constater à quel point il était différent du portrait qu'en faisaient les média. Un homme droit, humble et rayonnant de bonté. Certes il avait la tête dure (durum caput), mais il le fallait. Il a été notre roc dans la tempête, et beaucoup lui doivent de ne pas avoir perdu la foi ou désespéré de l'Eglise.

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  6. Daniel Hamiche à Radio Courtoisie est en train de parler de ce film à 18h45 il s'entretient avec le réalisateur invité au studio. ( nous sommes le jeudi 20 septembre )

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  7. http://www.monseigneurlefebvre.org/
    En allant sur ce lien on pourra tout savoir sur le film.

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  8. Ce billet est magnifique. Résultat : j'irai voir le film samedi, et je suis extrêmement soulagée de ne pas avoir loupé la projection.

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  9. @anonyme de 17 :32
    C’est justement à cause de la reconnaissance infinie que nous avons envers la FSSPX pour tout ce que vous évoquez, que nous attendons avec impatience son retour dans Rome. Pourtant parfois, et à cause de son trop bruyant Econes leaks, des doutes envers elle s’installent.
    On en parle trop ! Tout a été dit. Il est vrai que la réforme de la réforme se ferait sans son secours, mais plus difficilement. Le Pape subit une pression inimaginable.
    En France, la conférence des Evêques est majoritairement moderniste, boudant non seulement le motu proprio, mais encore, les directives papales.
    Un exemple : Avant même que soit promulguée l’année de la Foi, on a instauré en France un réseau basé sur la charité appelé : « diacona 2013, servons la fraternité ». Cette mesure apparemment irréprochable vu son but exprimé est en fait un moyen détourné pour désobéir au Pape qui a demandé que l’on réfléchisse tout spécialement sur la Foi ! Les réflexions sur ce sujet seraient-elles si dangereuses, pour que tous les Evêques de France les détournent d’une manière aussi malicieuse ? La charité est un devoir au quotidien, jour après jour, année après année. Mais, lancer une réflexion sur la Foi, 5o ans après le concile V.II, dans le contexte actuel c’est lancer une perche à tous ceux qui ont évoqué une demande de révision des textes de ce dernier Concile. Le clignotant est donc passé au rouge chez les Evêques qui, maîtres en leurs diocèses, voient rouge…Mon confesseur, l’Abbé L. commentant l’événement me disait : « ce n’est pas très sympa envers le Saint Père » ! Pas sympa ?? Un acte de rébellion, rien de plus !
    Comment ne voudrait-on ne pas mettre son espoir dans la Frat (après l’avoir mis dans le Seigneur) ?
    Benoîte





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